correspondance 1930 à 1935
1930
Ivan a
quitté Claire le mercredi 26 février pour affaires littéraires à régler à
Francfort
Lettre Ivan Goll (Francfort/Main) à Claire à Paris du 27 - II - 1930
Francfort/Main
Hôtel
Cour d'Angleterre
jeudi
27. II. 30
Chère Susu,
Cette
nuit a été la plus chaude que j'aie jamais passée : seul dans mon compartiment,
enveloppé de couvertures, de sweaters, couché sous mon manteau et par
là-dessus, le chauffage marchait à plein ; j'ai transpiré mieux que dans mon
lit, pour guérir ma grippe. Je suis arrivé tout frais à l'hôtel, en face de la
gare. Meyer était déjà là, et le Dr Goyert. Meyer, un type qui n'a rien de
juif, rien de rusé, mais des cheveux blancs et un visage rouge, m'a reçu avec beaucoup
de cordialité. Nous avons parlé de plusieurs choses, rien de définitif. Demain
viendra le Dr Brody, et alors seulement ce qui vaut la peine d'être dit sera
jeté sur le tapis. Mais avec Meyer il fait bon vivre. Un " bon vivant
" allemand.
Le temps, magnifique. La ville,
terriblement provinciale et ennuyeuse. Le Römerberg
(place
de l'Hôtel de Ville), un joyau fait de vieilles maisons bariolées.
Aujourd'hui, je n'irai sans doute
pas au théâtre. Mais demain. Je verrai jouer une pièce, mais ne parlerai pas
aux gens de théâtre.
J'espère que tout va bien pour toi.
J'ai dévoré toutes tes provisions, et toi ? pense à moi et nourris-toi bien.
Et
sens mon baiser électrique, proche et lointain.
Ivan
Lettre Ivan Goll (Francfort/Main) à Claire à Paris du 28 - II - 1930
Francfort/Main
vendredi
28. II. 30
Très chère Suzu,
Suite à
la séance du Rheinverlag avec le Dr Brody. Le "livre blanc" s'est
rempli. Nos poèmes d'Amour seront imprimés au printemps, après le Livre Blanc.
Meyer et Brody sont réellement aussi gentils que l'est, de son côté Lohmeyer.
Il y aura encore de beaux jours. Meyer s'est intéressé beaucoup aussi à
"La Perle" et il connaît une bonne et nouvelle maison d'édition
(dirigée par Kläber), à laquelle il va recommander le livre. Il est donc
certain qu'il paraîtra bientôt en allemand. Les
nombreuse autres affaires sont en suspens.
J'ai
téléphoné à Hanau. La lampe Sollux coûte ici 70 M = 468 frs, au lieu de 850.
Mais demain samedi, j'irai là-bas : le directeur connaît tes articles E. T.,
s'y intéresse beaucoup, et je crois que nous pourrons obtenir un prix de
faveur.
Au théâtre, hier soir (une
représentation berlinoise de Jules César, vraiment tout à fait remarquable,
avec des batailles mouvementées sur la scène tournante !).
Parlé au
Sassheim, ou plutôt au Sassheimchen : un petit Juif tout contraint, tout
intimidé. N'a naturellement jamais le temps. Kronacher est à Leipzig, revient
demain, et m'a fixé un rendez-vous pour dimanche. Il faudra que j'agisse avec
diplomatie.
J'ai également
porté l'Erika à la succursale d'ici : vis neuves, cylindre neuf et nombreuse
réparations sont indispensables, qui coûtent 15 M. (prix ridicule) et seront
terminées lundi.
Un soleil
merveilleux, Pré-printemps. Comment vas-tu ?
Vais-je recevoir une lettre ? Je pense beaucoup à toi :
toutes les heures, je me dis : à présent elle fait ceci, à présent elle fait
cela. Demain chez les Clermont-Tonnerre cela promet.
Je
te prends toute dans mes bras.
Ivan
Claire
(Paris) à Ivan (Francfort) 1er mars 1930
19, rue Raffet, Paris XVIème
samedi (1er mars 1930)
Chéri, à
l'instant ton télégramme ! En remerciement, ce baiser ultra-rouge de mes lèvres
à la fin de cette épître. Quel type tu es ! A présent, j'espère seulement que
tu auras de la chance au théâtre et qu'une lampe Sollux s'allumera sur ton
talent. Et remets-toi bien à la campagne, car Francfort est sûrement la
campagne à côté de Paris.
Dis à
Meyer que je le supplie d'arracher mon "Allemande" aux serres de
Wasservogel. A quel éditeur pense-t-il pour "La Perle" ? Rütten et
Loenig à Francfort ? Les histoires d'animaux sont chez l'imprimeur. Une dame,
Kate Hirschmann, a envoyé un pneu au sujet de Pascin pour Vanity Fair. Elle
voulait publier quelques reproductions et ta photo. Je lui ai répondu par
pneumatique, qu'elle trouvera cela chez Martinie.
Amy
Linker m'a fait une robe délicieuse. Avec Patou, rien pour l'instant, bien
qu'hier il soit entré et se soit assis sur le bureau de Bernard, pour se faire
admirer, ce dictateur des tissus, si avare. Dans une heure, Georges Devereux
viendra me chercher pour aller au cocktail de la Duchesse de Grammont. Ainsi
donc, prends ce baiser comme acompte.
Ta
Susu
James
Joyce m'a chanté un beau Lied au piano.
C'était
ravissant :
" The dark-haired girl " était le
titre. Sentimental et triste.
Ivan Goll
rentre le 3 ou 4 mars et repart le 5 août pour Largentière travailler sur un
scénario de Film avec Walter et Nina Ruttman. Il y restera jusqu'au lundi 18 août.
Claire
(Paris) à Ivan (Largentière) 6 août 1930
mercredi matin 1930
Ceci
est une goutte de pluie,
Je
suis couchée à la fenêtre
et
il pleut à verse
Chéri, petit cœur,
J'ai
encore voyagé toute la nuit avec toi (comme toujours). J'étais couchée dans tes
doux yeux bruns. Quelquefois, je les grignotais Les gâteaux de miel sont rares en France. J'espère que tu as là-bas du
soleil et beaucoup de joie.
Je viens
de faire faire le ménage à fond de ta chambre. Toutes ces pensées méchantes et aimantes à mon sujet, qui voltigent
partout, les voici dévorées par l'aspirateur !
Perpetuum vacuum mobile.
Et les
150 frs suisses du Rheinverlag ont été
payés, et l'argent pour moi vient justement d'arriver.
Ce soir,
Maria est avec moi, et la femme me fait la cuisine, en revanche l'après-midi.
Les
pigeons sont venus dès le petit matin et n'ont pas voulu manger, par ce que tu
es parti. Les vignes laissent pendre leurs feuilles et l'acacia secoue sa belle
chevelure verte. Avant-hier, j'étais enceinte de tristesse, mais à présent,
cela va mieux ; je fais des progrès en gaieté et j'attends angéliquement, comme
un ange de Fra Angelico, l'annonce de ton retour à la maison.
Rodier
m'a fait cadeau d'une couverture extraordinaire, une prairie de cachemire.
Récemment, il n'a donné à Colette qu'un châle. J'ai presque honte - mais
seulement presque. C'est une couverture céleste, on voit tout de suite qu'elle
est faite avec la laine des chèvres qui vivent au Tibet à une altitude de 5000
mètres. Sous cette couverture, j'apprendrai à voler et à rimer, et à faire des
poésies sur " petit cœur ".
Au
revoir, vis bien, - mieux que jamais ; bonjour de ma part à Rut (°) et à
"Niemann". Et écris bientôt. Envoie à la cousine Lucie le Mont Elimar
et à moi la fleur blonde du midi, et salue aussi de ma part Zouzou, si tu la
rencontres.
En
amour,
Ton Vani
(°) Walter Ruttmann
extrait
d'une lettre Ivan Goll (Largentière) à Claire à Paris du 7 août 1930
7
août 1930
Et c'est pourquoi, Aimée, tu ne dois pas être triste si
j'aime à présent ton œuvre, c'est-à-dire moi, plus que son sculpteur. Si je
suis heureux dans la solitude. Si je m'épanouis dans les sentiments dont tu
m'as fait don.
Oh, tu
meurs parce que tu ne me touches pas ? Mais moi, je crains ce qu'il y a de
périssable dans le contact. C'est pourquoi j'ai fui. Mais vers moi-même, vers
moi seul. Parce que j'aime plus l'amour que l'accomplissement.
Lettre Ivan Goll (Largentière) à Claire
à Paris du 8 août 1930
Largentière
vendredi 8 août 30
Chère Zouzou,
Comme elle était douce, ta lettre de
pluie, écrite mercredi. Par contre, ma lettre de soleil, écrite hier, était
beaucoup plus âpre. Pardonne. Mais je ne serai pas délivré de mes soucis, tant
que tout ne sera pas fait pour protéger contre les éléments terrestres ta gracilité de fée. Ce stupide mois d'août,
si pluvieux qu'il soit, sera bientôt fini, et il est vraiment très important
que tu fasses encore ta cure à Challes. Comme je te l'ai dit, je reviendrai
peut-être seulement à la fin de la semaine prochaine, et tu gaspilles à Paris
tes meilleurs jours. C'est pourquoi je te conseille ce petit effort : quand tu
seras assise dans le train, tu seras contente.
Nous
travaillons à trois au découpage : le matin, l'après-midi, le soir, - étendus
dans une prairie ou assis à une table sur la terrasse.
Largentière,
une très vieille ville, avec des ruelles mal famées, des balcons en ruines.
Beaucoup d'animaux pour le film sonore : ânes, chats, et tout autour une nature
de "midi moins cinq", comme dit Nina. Vraiment très aimables, Rutt et
sa femme, et quand le film sera réalisé, j'aurai certainement collaboré à une
belle œuvre d'art. C'est seulement au travail que l'on constate combien
Ruttmann a un talent symphonique et pictural !
Très
dommage que tu ne sois pas la quatrième dans cette coalition, mais, à
l'exception de nos rires retentissants, - tu ne supporterais pas les menus.
Je
te caresse la plante des pieds
Ivan
Lettre Ivan Goll (Largentière) à Claire
à Paris du 10 août 1930, terminée le
11
Largentière
10
août 30
Très chère Zouzou,
Il faut
que je te parle un peu de notre vie à trois, ici. Ruttmann * et Nina sont très
cordiaux à mon égard, mais ils forment un tout, et je reste en dehors. Ils sont
terriblement amoureux, surtout Nina, et il est souvent difficile de supporter
le spectacle de cet amourachement, bien qu'il soit absolument sincère et senti.
Nous travaillons toute la journée, à partir de 9 heures du matin, et
l'après-midi dans une prairie, sur les collines qui surmontent la ville.
Crissement de grillons, ombre des châtaigniers, et tout près de là, des
pruniers dont les fruits mûrs nous rafraîchissent. Chacun déballe ses idées.
Ruttmann dirige, il a la parole, et j'écris en français ce qui est accepté.
Mais la discussion est quelquefois difficile, précisément à cause de cet
amourachement. Ruttmann parle sans cesse en fixant Nina dans les yeux, c'est
pour elle qu'il invente. Tout dépend de son approbation. Quand il a trouvé
quelque joli effet, elle fait des yeux de bienheureuse, se colle à lui, pleine
d'admiration, baise sa main, son épaule ou sa joue mal rasée. Ils travaillent
d'un seul élan, pour ainsi dire l'un dans l'autre, le jour et... la nuit, et
j'ai souvent de la peine à les convaincre de certains changements dans les
vers. Souvent, le travail continue encore, le soir, dans leur chambre. Nina dit
que c'est une tâche historique, car ce sera le premier film sonore construit
selon des lois internes, comme une symphonie de formes picturales et tonales.
Je crois que nous avons déjà découvert beaucoup de choses neuves, fondamentales
pour l'art du film sonore. Quelque chose comme les premiers jeux mystères.
Et
cependant, le séjour ici est pour moi très rafraîchissant. Je t'ai déjà écrit
quelles débauches nous faisons en ce qui concerne la nourriture. Aujourd'hui
dimanche, par exemple, il y avait le matin des brioches faites à la maison,
avec le café ; Ruttmann nage dans la joie à cause du vin rouge qui coule sans
arrêt. Je sors dès 6 heures du matin et je fais une marche de deux heures à
travers les vignobles. Les repas sont très animés. Nous rions beaucoup. Mais
tout cela reste naturellement sain et sans apprêts. Pour toi, ces assiettes
seraient trop mal lavées et chaque rôti contreviendrait à ton régime. Dommage
tout de même que tu ne sois pas ici. Le temps est aussi beau qu'on peut
souhaiter : pas encore une goutte de pluie depuis notre arrivée, seulement des
nuages deci-delà, pour qu'il ne fasse pas trop chaud. Une chaleur prolongée,
ici, serait sans doute pénible. Je me remets bien, et suis déjà tout bruni.
Toi seule
me cause des soucis. Depuis ta première lettre, je n'ai pas reçu de nouvelles,
et ne sais ce que tu as décidé au sujet de Challes. Peut-être une lettre
arrivera-t-elle à midi ?
Dimanche
midi - Pas de lettre. (Seulement l'imprimé, merci).
Lundi
midi, toujours rien ? !
Je viens de te télégraphier pour te dire :
1) que
nous restons ici jusqu'à lundi prochain le 18 août : nos billets peuvent être
prolongés avec un petit supplément.
2) que
j'espère apprendre qu'entre temps, tu es enfin partie pour Challes. Un petit
effort, et tu y seras. Quelqu'un t'aidera bien.
3) que je
t'appellerai demain matin au téléphone, pour entendre à nouveau ta voix
d'oiseau. Si tout se passe comme je l'ai prévu, je pourrai aller te voir à
Challes le mardi 19 et rester 2 ou 3 jours près de toi, mais pas davantage, car
je ne dois, sous aucun prétexte, laisser les Ruttmann livrés à eux-mêmes, tant
que le manuscrit n'est pas terminé et envoyé. Mais avant la version définitive,
il faudra sûrement encore deux semaines.
Continue
à me faire confiance et à aimer ton
éternellement
dévoué
Ivan
* Ivan et Walter Ruttmann font ensemble un scénario.
Claire
(Paris) à Ivan (Largentière) 11
août 1930
lundi après-midi
(Paris 11 août 1930)
Chéri,
Merci
pour ta chère lettre. Je pars jeudi pour Challes et te confirmerai encore mon
départ télégraphiquement. Mais vraiment, tant qu'il pleut et vente de la sorte,
je n'ai rien perdu à ne pas être là-bas.
Je suis
heureuse de savoir que vous travaillez si bien et que vous avez beaucoup de
soleil. Sûrement, tu reviendras bruni et fort, les poches pleines de poésies et
l'âme pleine de fleurs. Fifi est perché là et bat de ses ailes blanches, comme
s'il voulait applaudir au fait que je vole vers toi, là, dans ma lettre. Je
vole vers toi, en effet, souvent, - plus souvent que tu ne penses, et je te
caresse. Aujourd'hui, j'ai regardé longtemps ta photo et j'ai causé avec elle.
Ce soir,
je vais avec Maria à la sauterie, au Bal des coeurs de la rue des Vertus. Quels
doux noms, n'est-ce pas ? Ensuite, je dormirai près de toi, cela me fera grand
plaisir.
Ma
"Salade" a paru, ainsi que 2 articles géants d'Iris Scarawaros sur
moi, - à Athènes. Je ne peux pas bien t'écrire, car j'ai égaré mon stylo et
j'écris avec de l'encre et une plume appartenant à René. D'ailleurs, les
Claudel sont charmants, ils m'apportent à manger et prennent soin de moi d'une
manière touchante. Ne sois pas inquiet, je suis bien remise et je me sens, pour
le moment, en excellente santé. - J'ai écrit à tes gens, mais sans parler de
ton voyage. - Je viens de réfléchir : si tu reviens lundi, je pourrais, au
fond, t'attendre ici ; il doit faire à Challes un temps épouvantable. Ici, au
moins, je peux chauffer. Télégraphie-moi tout de suite, pour me dire si je ne
dois pas t'attendre.
Je
t'embrasse avec une grande tendresse.
Ta
Susu
Claire part
le 14 août pour Challes. Ivan revient à Paris le 18 août
Lettre Ivan Goll (Paris) à Claire à
Challes-les-Eaux du 22 août 1930
Paris
22 août 30
Très chère Zouzou,
Fausse
alerte ! Mon télégramme d'hier " Réconcilié avec les Ruttmann" avait
été possible dans l'émotion de notre revoir. J'ai rencontré le couple hier
matin, à son retour de ce long voyage. Nous devions nous mettre d'accord,
recommencer à collaborer, et c'est aujourd'hui seulement que je devais apporter
le contrat...
Et
aujourd'hui, après une nuit, les visages étaient redevenus sombres. On a
discuté par-ci par-là, marchandé : nous avons fini par reconnaître que, dans
ces nouvelles conditions, un travail en commun n'est plus souhaitable. Donc,
tout est bien, voilà une solution claire, au moins et mon inquiétude de ces
derniers jours est tombée comme une fièvre. Terminé. Un contrat a été fait,
dont je te parlerai...
Ah ! que
tes trois cartes étaient délicieuses ! elles signifient pour moi un langage
plus intime, plus de soins et un souvenir profond. J'ai grand besoin de ton
amour, j'ai tant souffert ! Et j'ai tant besoin de sécurité pour achever mon
drame futur !
Lundi, je
pars pour te revenir. Tout, tout ce que tu as noté te sera apporté. Il faut
encore que je lise à la Bibliothèque les documents "Mélusine". Une
dame très mystérieuse, sur laquelle on a peu écrit, à ma grande surprise. Eh
bien, Mélusine sera donc de moi.
Voici
quelques photos que j'ai été chercher au magasin où on les a développées, et
que j'ai reproduites immédiatement pour toi. Très bonnes, avec cet appareil bon
marché !
Oui, je
t'apporterai aussi Contrepoint : entre nous, Colombat a puisé sans savoir dans
le dernier feuilleton de Jaloux, dans Les Nouvelles Littéraires. J'aurais aussi
bien pu te le dire.
Travailles-tu
?
Avec
tout mon amour
Ton
Ivan
Il ira
retrouver Claire à Challes le lundi 25 août. Ils restent tous deux à Challes
jusqu'au 13 septembre car Claire rentre à Paris. Ivan reste dans la chambre
d'hôtel de Claire pour travailler sur sa pièce Mélusine sans doute jusqu'au 20
septembre.
Lettre Ivan Goll (Challes-les-Eaux ) à Claire
à Paris du 14 septembre 1930
Dimanche
14 sept. 30
Chère Zouzou,
Ta petite
lettre, avec le lambeau de nuage, vu de ce train, m'est arrivée en voltigeant,
aujourd'hui déjà à midi, - tout à fait inespérée en ce premier jour de
solitude, - jour sans distribution de courrier. Sache le tout de suite,
l'argent suisse est tout de même arrivé hier soir, et malheureusement trop
tard. Il suffit tout juste à payer la dernière note d(hôtel, et peut-être aussi
la prochaine, ainsi que le voyage. C'est pourquoi je ne t'ai rien envoyé
aujourd'hui.
Il est
beau d'habiter ta chambre, et rien de ta nervosité n'était resté sur
l'oreiller, j'ai dormi magnifiquement bien, sans moustiques.
Mais
quelque chose de ton esprit plane cependant entre les murs et m'environne,
tandis que je travaille à la Mélusine. Aujourd'hui, j'ai achevé à peu près le
premier acte. Mais si je compte, de plus, 2 jours pour dactylographier chaque
acte, je n'arriverai pas à partir d'ici avant la fin de la semaine.
Le temps
continue à être frais et pluvieux. Pietro est très gentil pour moi
Mais seulement une portion de glace. A part
ça, rien de changé.
Prie
pour Mélusine et pour ton
Iwan
Claire
(Paris) à Ivan (Challes-les-Eaux) 17
septembre 1930
mercredi
Chéri,
Merci
pour ta petite lettre. Il arrive à Mélusine la même chose qu'aux lézards :
quand on leur arrache la queue, elle repousse par petits bouts. Tu lui en as
greffé une neuve : espérons qu'elle sera dix fois plus belle que l'ancienne.
Ici, il
n'y a rien de nouveau. Le courrier manque tout à fait de tempérament.
Seulement, une charmante lettre de remerciement de Cassou, dans laquelle il dit
qu'en octobre (à la rentrée de tout le monde), il écrira quelque chose de beau
sur nous. Les truffes ont eu, cette fois-ci, une puissante action sur l'âme.
Les
Clauzel me réconcilient avec la nourriture et sont délicieux. Achète pour
Madame Clauzel des truffes que tu lui rapporteras (si tu as, à Chambéry, le
temps de faire cet achat) ; aux petites filles, j'ai apporté, tu le sais, les
bracelets. Il faut que nous leur donnions quelque chose en échange de tout ce
qu'il font pour nous.
As-tu été
avec Simone chez la "Madone noire" ? Salue-la cordialement de ma
part, ainsi que Muttery. Et aussi Pietro, Etienne et Dufour.
Je
travaille à des articles et je chauffe ma chambre, car il fait froid et il
pleut.
Les
pigeons m'ont fait un accueil suave. Fifi s'est perché sur mon bras (Renée en
est témoin) et m'a picorée avec zèle. Puis il a posé une petite patte sur la
vigne, étendu une aile au-dessus de ma main et a pris doucement les miettes de
pain dans mes doigts. Il t'envoie un baiser de pigeon et je t'en envoie trois,
cela fait quatre.
Avec
amour
Ta
Zouzou
Tout le
courrier conservé du
Marquis de Casa-Fuerte Alvarez de
Toledo à Claire 1931 et 1932 ?
Samedi matin
Mon Eliane, mon Amour ! J'aurais du partir
ce matin pour le Basilicate (?) et je ne pars pas.
A la suite de mon voyage à Naples, aux cours
à la recherche des fiefs abandonnés est retardée. Le cousin qui est intéressé
comme moi bien qu'en des proportions moindres, à cette retadication (?) m'avait promis son aide
et m'avait dit de m'entendre avec son homme d'affaires qui est à Naples, et
c'était pour voir cet homme d'affaires que j'avais pris le chemin de ma ville
natale. Mais cet homme m'a dit que pour le moment mon cousin ne pouvait pas
disposer d'argent. Je ne veux pas faire face seul aux frais que cette affaire exige. J'ai déjà dépensé pas mal
d'argent pour cela. J'attendrai donc ou son concours ou le concours de
quelqu'un d'autre ou de pouvoir le faire seul. D'autre part, une affaire, qui
avait l'air de marcher bien, me semble compromise. C'est, tu le vois, mon Ange,
toujours les obstacles qui surgissent devant moi, qu'il faut que je vainque. Tu
me trouves un peu découragé, mais cela passera. Tu sais que je tiens bon. La
solution, je l'aurai ici. Il faut que cela soit. J'ai reçu de Marseille
mon premier acte copié à la machine, mais en un seul exemplaire alors que
j'avais demandé deux exemplaires. Comme cet exemplaire contient des fautes, il
faut que je l'envoie corrigé à Marseille. Je vais leur demander de m'envoyer un
double exemplaire du texte, car je veux t'en envoyer un.S'ils ne le font pas,
je le ferai copier quelque part. Mais, tu ne me dis rien de ta date. Je vois
qu'ils ne se pressent pas beaucoup à Marseille et je ne sais pas quand ils
pensent faire partir ma pièce. On me la demande pour Rome : on m'a déjà offert
de la traduire en italien mais j'ai prévenu que la censure ne la laisserait pas
passer; et puis, je ne vois pas quelle troupe italienne pourrait bien la jouer.
On m'a offert, en outre, de la donner ici, en français, dans une salle privée -
peut-être à l'Ambassade de France - et que je prie un des …
…"Grosse " affaire et à 3 h avec
Aymard
Eliane, je t'adore
Illan
1931
…3h½ - Je t'écris d'un petit café de la rue
Réaumur. Aymard m'attendait chez lui, mais pour sortir car il devait aller à la
Liberté, de sorte que nous avons parlé en cours de route, dans son auto. Je
m'occuperai pour lui trouver quelque chose de très sérieux et important dans
quelque grosse société. Je t'en ai déjà parlé, mais, c'est si difficile
actuellement et les plus florissantes sociétés réduisent leurs frais et leur
personnel. C'est une question de patience encore. Aymard peut beaucoup de par
sa situation. Nous verrons. Il faut s'en remettre dans la main de Dieu, s'aider
- Aide-toi, le Ciel t'aidera, dit le vieux proverbe. Continuons donc à
lutter - Chaque jour suffit à sa peine - Ayons courage -
Le vacarme de cette rue est assourdissant.
Mon Dieu, avoir du silence et un peu de calme -, une vie faite de douceur — Je
vais reprendre ma vie, mes gens, mes rendez-vous. Je viens avec toi. Cette
lettre est la dernière à Bühl (°). Ne maigris plus. - Plana a mangé devant son
petit lit et Jean devant son vileau(?).
C'était exquis pour moi de les voir devant ces jouets que tu as choisis et que
tes mains ont touchés.-
Reviens à Paris en bon état. Dis "au
revoir" à Bühl, aux astres, au
paysage, à la gare. Dis à toutes ces choses que nous reviendrons si Dieu
veut.
Je
suis à toi, mon Eliane, pour
toujours
ton Illan
(°) Claire fait une cure à Bühlerhöhe-Baden du 31 mars
au 14 mai 1931
(SDdV 510.306) ¹
Dimanche soir
10h½
Mon Eliane adorée, Je suis
encore tout bouleversé par le son de ta voix.Elle était si claire, elle
reflétait si bien ton âme, elle était tellement toi. - Cette semaine
doit être une semaine décisive pour moi, pour nous. Les Grosses affaires que j'ai en train doivent
se décider cette semaine. Je ne parle pas de l'hôtel de l'Av. Hoche montré à
l'Anglais qui a eu une très bonne impression, mais cela ne se fera que dans
quinze à vingt jours, ni dans la vente de quinze immeubles rue Marbeuf pour 70
millions, au sujet desquels j'ai rendez-vous mardi, mais j'ai une ouverture de
crédit qui devrait être faite avant la fin du mois et sur cela, je compte bien
- je serai fixé mardi -, et un prêt
hypothécaire de 70 millions qui devrait être décidé également dans le courant
de la semaine - J'ai l'affaire Ummeyer, mais elle ne se fera pas de suite, et
j'ai demain peut-être la vente d'un Watteau que je montre dans l'après-midi —
Pour la Grande Armée, qui aurait été signée sans nous, je ne sais pas encore si
l'affaire est faite. - Mercredi, j'ai un Conseil d'Administration pour la
Société de Produits chimiques dont les gens de Toulouse se disputent avec ceux
de Paris, mais j'ai été diplomate et je suis bien avec les deux groupes.
Pourrai-je partir Samedi matin si ma présence ?
(mardi)
Je ferai tout ce qu'il faut pour
partir samedi. Je n'ai pas d'argent. Je tâcherai de m'en procurer pour cela.
Demain, je dois avoir une réunion pour la Société de Produis chimiques qui me
doit de l'argent et je demanderai un acompte aux gens de Toulouse qui tiennent
à être bien avec moi - Je te montre tous mes trucs !
Ce qui pourrait me retenir, ce
serait la signature pour samedi ou lundi d'une affaire importante et qui
serait, mon Ange, le sauvetage complet * Mais je ne puis y songer.
je
t'aime
mardi 3 J.
Mon Eliane, mon Amour. Tu as eu raison de me
parler de tes ennuis matériels : je te l'avais demandé et je ne t'ai jamais
caché les miens. IL faut savoir le plus possible de celui que l'on aime. Je
veux te parler tout de suite de la reconnaissance. Ecoute-moi bien - Tu te rappelles quand, en juillet, j'étais
désespéré de ne pouvoir envoyer 50 francs pour ta chaîne ? En quittant Paris,
ne décembre dernier, j'avais donné la reconnaissance à Mr Mangin, 5, Bd des Italiens qui m'avait avancé 50 frs.
dessus. J'avais payé les intérêts (5 frs. Par mois) sauf une fois, que je
t'avais priée de lui envoyer cette forte somme - C'est lui qui s'est
chargé de payer les intérêts au Mont-de-Piété après les 6 mois, il a payé et
m'a fait savoir combien je lui devais. Cela formait une cinquantaine de francs,
et c'étaient ces cinquante francs que je voulais lui envoyer. Voici une carte de
lui, pour que tu saches bien son nom et son adresse et voici une carte de moi
pour que tu règles avec lui. Car il y a les deux hypothèses : ou bien il a
laissé vendre le bijou, et je ne le crois pas car il a renouvelé à l'échéance,
ainsi qu'il me l'avait écrit, ou bien il a continué l'opération. Enfin, va le
voir. C'est un brave homme, malgré le métier qu'il exerce. En lui payant les cinquante francs et les
quelques mois d'intérêts jusqu'à présent, il devrait te rendre la
reconnaissance. Et alors, tu pourrais alors dégager la chaîne et la vendre si
tu veux ou bien la garder. Tu peux te défendre avec lui, car en lui donnant la
reconnaissance sur laquelle il m'avait avancé 50 frs., je lui avais dit qu'il
s'agissait d'un ami qui m'avait demandé de lui rendre ce petit service, dans ce
cas, c'est toi l'ami — Comme il m'est pénible de savoir que tu te débats
dans de misérables ennuis d'argent, mon Eliane, et de ne rien pouvoir pour le
moment ! J'ai accompli, comme je te l'ai dit, plusieurs petits miracles qui m'ont
permis de vivre et d'envoyer quelques francs à St-Brion (?) pour mon petit
Jean. Ne meurs pas de faim, mais depuis que je suis rentré à Rome, je n'ai pas
pu donner un centime à l'hôtel Hassler (?). Je dois deux mille francs.
On ne me fait pas d'ennuis, car ils me connaissent. Mais cela ne peut
évidemment pas durer longtemps.
(SDdV 510.306)
carte de visite Marquis de Casa-Fuerte
Alvarez de Toledo
avec ce texte : et
au dos
____________________________________ __________________________________
Cher
Monsieur Mangin, de
l'hiver dernier. Je lui don -
je vous présente Madame
ne,
à cet effet, les plus am -
Marquis de Casa-Fuerte ples pouvoirs.
Alvarez de Toledo
Croyez
- moi, votre
Claire Lang qui vient régler
la petite opération Casafuerte
____________________________________ _________________________________ SDdV 510.306 ¹
1 b.
Vraiment Saint-Pierre m'a toujours donné de
cruelles désillusions. Cette majestueuse froideur, ce colossal du pompeux, ces
statues représentant des géants de l'histoire de l'Eglise, ces mosaïques trop
reluisantes, ces colonnes torses païennes. Il est vrai que les anges du Bernin
sont merveilleux encore qu'énormes, que la grande place bien connue est
magnifique, et d'une proportion et d'un dessin uniques –
J'ai voulu aller au bureau de Poste du
Vatican. Un garde suisse, trouvant que j'avais probablement que j'avais l'air
peu étranger, puisque je n'avais pas de guide à mon bras, m'a demandé avec un
accent germanique ce que je désirais –
ce sont tous des suisses allemands – Je lui ai répondu que je voulais acheter
des cartes postales – Le bureau de Poste est allemand –
On y
parlait toutes les langues et des Français jacassaient comme aux Galeries
Lafayette –
Je suis allé déjeuner dans un restaurant
hongrois, juste en face de Saint-Pierre, d'où je t'écris. J'ai mangé du jambon,
bien entendu de Prague,, du Goulasch, du raisin, que je pense venu de la
campagne romaine, et j'ai bu de la Pilsner Urquell. Je suis dans un charmant
Schattiger Garten. Les tables sont occupées par des citoyens de l'Europe
centrale, sauf quatre séminaristes anglais. Le toit est en verdure, est au
centre, il y a un petit bâtiment qui a les prétentions de grandir. Voici la
photographie du Garde qui m'a interpellé tout à l'heure. Son costume a été
dessiné par Michel-Ange. Mais pourquoi suis-je seul à cette table ? Pourquoi
n'es-tu pas avec moi, mon Ange ? Pourquoi es-tu seule à la table de Challes ?
Je rentre en Italie !
Je
t'aime
Illan
De l'Hôtel 6 h.
Mon Eliane, En Italie, j'ai retrouvé
Peppino, que je quitte à l'instant. Demain matin, nous irons avec son auto à
Baliano (?). Je viens de télégraphier là-bas, pour qu'on nous attende. J'espère
bien tout régler, revenir ici demain soir même. Lundi matin, je te
télégraphierai car je pourrai fixer mon départ. Peut-être pourrai-je partir
mardi matin et être dans tes bras mercredi-matin.
Mon
Amour, mon Amour, à toi tout moi
ton
Illan
Dimanche
1. II. 31
Chère Zouzou
Je vais te faire mon rapport sur
le Bal de la Presse ; ce n'était pas un bal, mais une promenade triste à
travers les salles du Zoo. Dans une des salles principales, il y avait une loge
officielle et le flot des fracs et des redingotes tournait autour de cette
salle, en rond, comme dans une cour de prison. A d'autres tables, étaient
assises des délégations de grands-mères avec leurs diamants, celles du monde
théâtral et du cinéma, avec de jolis dos, celles de l'armée avec des croix de
fer, etc... Effrayant ! Chacun n'était là que pour lui-même. Chacun voulait
être contemplé bouche bée. Il en résultait que personne ne voyait rien, ni
n'était vu. Ensuite, il y avait les tables. Ceux qui se connaissaient s'étaient
rassemblés en constellations. Là, on était entre soi, comme à la maison. Je
connaissais seulement les Stern, qui avaient à leur table les invités habituels
de leur salon. Mais, Betty par ailleurs a été très gentille : elle me prit par
le bras pour faire un tour dans les alles, et à chacune de ses relations, elle
criait : c'est Ivan Goll ! A vrai dire, cela leur était terriblement égal.
Mais, tout compte fait, ça a fini par deux conversations plus tranquilles avec
deux dames intéressantes : Sibylle Binder, qui était magnifique : longue robe
de soie blanche, petit boléro de dentelle noire, gants et souliers rouges.
Le raffinement même. Et Agnès Straub, avec qui je me suis aussi beaucoup
promené.
Plus tard, nous allâmes au bal
masqué de la Volksbühne, où c'était plus gai, naturellement. Là, Mme Straub m'a
présenté au metteur en scène Aufricht, qui s'écria : « Je sais, je sais déjà !
vous avez 2 pièces, Mme Stern me l'a dit tout à l'heure. Apportez-les moi !»
Aufricht a le théâtre du Kurfurstendamm. Etaient également présents Francesco
et Mendelsohn.
Aujourd'hui dimanche, la journée
s'est présentée tout autrement. Georges Manfred, qui habite maintenant à
Berlin, 10, rue Bach, près de la gare Tiergarten, avait invité les gens les
plus en renom à une discussion sur le "drame contemporain ", le drame didactique: il y avait Brecht, Döblin, Diebold, Faktor, Herzfelde, Wolfenstein, Willy Haas, Kersten, Guilbeaux, Cranach, Carola Neher, Marina, Werner Hegemann, etc. etc…Rien que des chefs de file. Donc, en face de ce bloc, Brecht dont on a
représenté récemment un drame didactique communiste "Die Massnahme
", et qui affrontait ces artistes
et ces critiques, pour la plupart
libéraux, avec une superbe et une ironie
que j’admirais, prit la parole. La
discussion déviait sans cesse et s’éloignait du sujet, c’était un chaos incroyable d’idées, de thèses différentes. On n’arrivait pas à y
voir clair. Et comme s’était bienfaisant pour moi, qui ne pris pas la parole, d’observer cet abîme de sottises émanant de
porte-plume les plus lus ! Seul, Brecht était supérieurement brillant.
Georges Manfred et sa femme, très
gentils. Nombreux sont ceux qui ont demandé de tes nouvelles. Il y avait des
petits fours et des boissons de premier ordre. Mais une réunion de ce genre n'a
lieu qu'une fois ou deux dans la saison.
Demain, une nouvelle semaine
commence. Jusqu'à présent, rien n'est encore atteint. A qui donnerai-je d'abord
la Mélusine; après Lisl ? Chez Bloch Erben, je rencontre Kronscher, qui est
justement ici. Mercredi soir, je parle à la Radio.
Malheureusement, Piscator est en
prison depuis 3 jours, ce qu'on a beaucoup déploré à la réunion chez Georges
Manfred
Je te remercie pour ta lettre et
pour les Nouvelles Littéraires, je t'envoie l'almanach du Bal de la Presse et
la "Radio"
et reste ton vieil
Ivan
Je t'enverrai
demain 100 marks.
(Claire Goll & Ivan Goll, Meiner
Seele Töne, Scherz, 1978 (p..58-59-60).
nouvelle édition annotée
avec de remarquables commentaires de Barbara Glauert.
La traduction française de
ces lettres, due à Claire Goll, reste inédite à ce jour)
Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig du 22/2/1931 à 18h20 IsmL p.5
Suis désolé - impossible de venir aujourd'hui souffrant de doigts malades - Ivan
lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du 22 février 1931
(manque la première page
égarée)
... J'ai aussi fait la
connaissance de Paula Ludwig. Etrange fille de paysans, son père fabriquait des
cercueils; une tête un peu "bois gravé", mais une belle âme? Elle
évolue lentement et devient peu à peu une Lasker-Schuler chrétienne . Elle a
aussi un fils de 13 ans, qui vit dans une colonie scolaire au bord de la mer.
Enfant illégitime. Elle a été femme de chambre, modèle à Münich, souffleuse ; à
présent, elle écrit des poésies dédiées à son petit garçon. Et quelle modestie
dans la pauvreté !
Remarques-tu quelque chose dans
mon écriture ? J'écris avec le pouce et le majeur, car mon index droit est
malade de nouveau ; grosse bosse de pus, cataplasmes et toute la suite. C'est
ainsi que je devrai écrire les scènes de "Germaine" (Berton).
Beaucoup de tendresse de ton Ivan. MST p.60
lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du 25
février 1931 MST p.61
Berlin,
25 Févr. 31
Chère Zouzou,
Betty vient de me téléphoner et elle m'a lu ta
lettre d'une voix enthousiasmée, disant que cette lettre est géniale, bien plus
belle que tous les Youssouf de la
Lasker-Schuler, et qu'elle la porterait dorénavant sous son corset, sur la peau
(pauvre lettre !). Par ailleurs, elle a de plus en plus la folie des grandeurs
; encore aujourd'hui, elle rêve de cette réception dont le compte-rendu a paru
dans le "Petit Journal" que je t'ai envoyé. Tous briguent ses
faveurs, et tous se moquent de ses prétentions.
Je travaille comme un enragé à cette
conférence radiophonique sur James Joyce. Pioché encore une fois tout le texte
d'Ulysse ! En outre, je souffre à devenir fou, depuis 3 jours. Mon doigt est
presque guéri - dimanche soir, je n'en pouvais plus et j'ai couru à 11 heures
chez le Dr Gumpert, qui l'a incisé - mais à présent, un nouvel abcès commence à
me pincer l'omoplate. C'est horrible. Quand serai-je enfin délivré de cette
calamité ?
En ce qui concerne les fonds : voici
d'abord 2 chèques. un de 323 frs 75, pour nous débarrasser définitivement du
boucher (un autre abcès) - porte-lui le chèque. Ensuite, un chèque de 1500 frs
pour toi. Je ne puis absolument pas envoyer plus que ces 1800, pour l'instant.
Fais patienter Ozenfant et le pharmacien jusqu'à mon retour. Peut-être
aurons-nous une rentrée avant. Je t'ai écrit, la dernière fois, que j'ai de
nombreuses choses en perspective, mais seulement si j'ai de la patience.
Espérons que nous saurons bientôt
quelque chose de certain sur la Bovary. Demande en tout cas, une option de 3
mois, immédiatement !
Oui, d'après tout ce que j'entends
dire sur les sanatoria, les prix de Bühlerhöhe me paraissent tout à fait
acceptables. St-Hubertus, tellement près de Berlin, ne vaut rien,
naturellement. Loschwitz aussi est une sorte d'îlot des nerfs. A Bühlerhöhe, je
pourrai venir passer quelque temps, étant donné que je devrai travailler à
Francfort, avec Sassheim, à la "Kapellmeisterin".
As-tu vu, entre temps, Mme
Hesterberg ? Tu n'as jamais écrit comment les choses ont fini avec Desnos. La
Symphonie de psaumes, de Stravinsky, a été donnée ici, à Berlin, avant de
l'être à Paris.
Avec tendresse
Ton
Ivan
Ivan Goll à Paula Ludwig : pneumatique du 27/2
à 18h IsmL p.5
Viens vers minuit I.
Ivan Goll : 2 mars 1931, poème pour Paula
Ludwig IsmL p.5/6
lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du
samedi 7 mars 1931 MST p.62/63
Chère Suzu,
Que ta dernière lettre était
merveilleuse ! Si sûre et si compréhensive. La voix de ton cœur est un alto apaisant.
Oui, je suis maintenant très bien installé chez Paula Ludwig. Elle m'a très
bien soigné pendant ma maladie. Ce furent des jours terribles. J'avais un vrai
bubon de pus, ce qui ne m'est encore jamais arrivé. Finalement, j'ai dû faire
venir un médecin, le Dr Pinkus, qui m'a soulagé aussitôt. Mais j'ai porté,
longtemps encore un pansement, et n'ai pu me montrer nulle part. A présent, je
redeviens lentement un Européen.
Dans mes travaux
aussi, j'ai été très gêné. J'ai pu tout juste encore mettre au point, en
partie, le montage sur Joyce : car la Radio va l'étirer : une heure et demie à
notre disposition. D'abord une courte discussion entre Hirschfeld et moi, au
sujet de Joyce, puis des lectures extraites des divers chapitres d'Ulysse, par
des acteurs de premier ordre, et enfin, le disque enregistré par Joyce.…et cela
nous rapportera aussi un beau petit pécule. Mais
toujours encore, je n'ai de l'argent - qu'en perspective ! Néanmoins, j'ai une
grande surprise pour toi : je t'ai
acheté un châle chinois en soie, avec de grandes fleurs rouges sur fond
blanc, brodé sue les deux faces, avec des franges nouées à la main. Il m'a
coûté cher, mais c'était tout de même une occasion. A Paris, il coûterait trois
fois plus. Très grand. Et beaucoup plus beau que les châles espagnols.
En
es-tu heureuse ? Cela me fait si mal d'apprendre que tes bronches ne sont
toujours pas en bon état. Pourquoi traînes-tu dans ce climat pseudo-printanier
de Paris ? Naturellement, il a toujours été malsain. Je te conseille vivement
de partir le plus tôt possible pour Bühlerhöhe. Les prix dont on t'a parlé sont réellement doux auprès de ceux que l'on
entend ici. Venir à Berlin, je ne te le conseille pas. D'abord, à cause de ta
santé. Et puis aussi, parce qu'au point de vue affaires, il n'y a rien de neuf
à espérer. Les Moser Ullstein licencient, tant qu'ils le peuvent. Ils ne
veulent souscrire de nouveaux engagements sous aucun prétexte. Pinthus m'a dit
qu'il n'y a aucun espoir que la "8-Uhr-Abendlblatt" m'engage ferme en
ce moment, même pas à 100 marks par mois, pour lui fournir plusieurs articles.
Tous les journalistes se plaignent. Même le traitement de Bloch va être
diminué.Dans ces conditions, je n'ose même plus avouer à qui que ce soit que tu
reçois 100M. par article, comme par le passé. Tu es une exception tout à fait
inouïe. Et, de plus, on imprime un si grand nombre d'écrits de toi ! Oui, mais
aussi, ils plaisent tellement partout où j'en entends parler ! Tu as maintenant
entre les mains un joli monopole.
Je
dois aller finalement, de toutes manières, à Francfort, au cours du mois de
mars : donc, nous nous retrouverons là-bas. Ensuite, on sera à la veille de
Pâques. Tout le monde ici pense déjà à partir en vacances.
Mais
que ferons-nous de Rosa ? Je suis absolument d'avis qu'il faut la congédier
avant ton départ. Elle nous a rendu les meilleurs services, cet hiver ; en été,
nous serons, l'un et l'autre, très peu de temps à Auteuil. A la longue, elle
serait une charge trop lourde et inutile. Dans un tel cas, il n'est pas
nécessaire de faire du sentiment.
Je
me réjouis beaucoup du pyjama : demande un numéro pour un homme grand, très
mince, de longues manches, une taille très fine, col 40.
N'oublie
pas la Bovary ! Nous pensons maintenant à la faire jouer par Lisl (°)
En
grande tendresse
Ton
Ivan
(°) Elisabeth Bergner
lettre Ivan Goll de Berlin à Claire Goll à Paris du
jeudi 12 mars 1931 MST p.63/64/65
Berlin,
12. 3..31
Chère Zouzou
Depuis
trois jours, violente tempête de neige sur Berlin. Elle mugit autour de
l'atelier, d'une façon inquiétante. Par les vitres cassées, la neige entre en
tourbillonnant. Les pièces sont difficiles à chauffer. Il faut être encore
romantique comme je le suis pour aimer tout cela ; mais jamais je n'oserais te
conduire sous un abri aussi inconfortable, bien qu'il soit situé sur le
Kurfurstendam, mais le pavillon, qui plane au-dessus des toits, contient une
bohème des plus modestes.
Pour
d'autres raisons encore, il n'est vraiment pas à conseiller que tu viennes
maintenant à Berlin. Comme je te l'ai dit, il ne faut pas penser à de nouveaux
contrats en ce moment. Tu sais que les Allemands tombent toujours dans les
extrêmes : autant ils étaient larges naguère, autant ils sont maintenant
rétrécis : la conjoncture des restrictions est un fait, et personne ne se
risque à faire exception. L'exemple de la "8 Uhr Abendblatt" est
typique. Chez Mosse par exemple les coursiers et les dactylos sont congédiés,
et Pinthus, entre autres, doit s'offrir une dactylo personnelle.
Et
pourquoi faire ce détour, puisque je dois, de toutes manières, redescendre
bientôt ? Le mieux est donc que tu attendes la fin de ton indisposition et que
tu voyages alors, sans hâte vers Bühlerhöhe. Mais tu devrais t'y annoncer dès
maintenant. Vers Pâques, il y a plus d'affluence.
Au
début de la semaine prochaine, je te ferai envoyer encore une fois 1500 francs
de Zurich. Cela suffira bien pour le voyage ?
Le
cas Rosa n'est pas aussi simple. Tout ce que tu décideras sera juste et bon.
Mais elle me fait pourtant l'effet d'un fardeau. Une entrave à ma liberté. Je
me propose de ne plus coller aussi étroitement à Paris, de me déplacer beaucoup
plus qu'auparavant, de voyager beaucoup au printemps et en été. Puisqu'aucune
profession fixe ne m'enchaîne, Dieu merci.
L'avenir
idéal, voici comment il m'apparaît : milieu d'avril, toi et moi, encore en
Allemagne. Ensuite, deux ou trois semaines à Paris. Pas plus. Et un grand
voyage d'été, aux eaux ou à la mer. Durant des mois.
Tu
éprouves probablement un grand besoin de repos : et Rosa représente à tes yeux
une certaine sécurité. Peut-être as-tu raison. Mais d'ici, j'envisage la
situation sous un autre angle. Donc, je te laisse le choix. Pendant notre
absence, elle serait obligée de travailler au dehors, pour gagner sa vie, ne
recevant plus de nous que la moitié de ses gages mensuels et le logement. Je
crois que, même ainsi, ce serait pour elle une excellente solution.
Et
maintenant, Bovary. C'est La Lisl qu'on a maintenant en vue pour ce rôle. Elle
a eu vraiment un très grand succès avec son premier film parlant
"Ariane" (Claude Anet).Elle a atteint le rang de première star
allemande du film sonore. Sans le moindre doute, dans toute la Presse.
Elle
m'a dit qu'elle pensait déjà depuis longtemps à Bovary. Plusieurs auteurs de
scénarios, dont Harry Kahn, flirtent depuis longtemps déjà autour de ce sujet
et autour d'elle. Par conséquent. Il est essentiel que tu nous assures immédiatement la priorité, ne te
relâche pas, rends-toi, samedi matin, encore une fois, personnellement, chez
Bloch ; insiste, promets tout, fais-toi donner une option. Il faut qu'on
nous la donne de suite. Il ne faut tout de même pas que la mort d'une vieille
femme mette tout à l'eau. Une petite fortune est cachée là. Tant que nous
n'avons pas Bovary, il ne faut pas que tu quittes Paris.
En
grande tendresse
Ton
Ivan
S'il te plaît, envoie-moi tout
de suite le livre de Laforgue "Berlin", qui doit être sur la pile du
coin, sur ma commode.
Les 20 M. sont déjà donnés à ta
mère depuis lundi. Je me réjouis pour le pyjama.
Ivan Goll de
Franckfort à Paula Ludwig télégramme du
29/3/1931 à 9h40
Je t'aime - Ivan
Ivan Goll à Paula Ludwig télégramme du
31/3/1931 à 11h45
Accompagne Claire malade au Sanatorium de Bühlerhöhe - irai demain à Franckfort - retour dans tes bras le lendemain Vendredi-Saint - PARCIGOLL
Ivan Goll à Paula
Ludwig : longue lettre du 1er avril depuis Bühlerhöhe **** IsmL p.7/8
Ivan Goll à Paula
Ludwig : autre lettre du 2 avril depuis Bühlerhöhe IsmL
p.8
Bühlerhöhe où Ivan va rester jusqu'au 8 avril avant de revenir à
Berlin
lettre d'Ivan Goll Berlin
à Claire à Bühlerhöhe-Baden du 8 avril 1931 *** MST p.65/66
Chère Liane
nouvellement fleurie,
Comme tes deux lettres du
vendredi-saint et du dimanche de Pâques étaient pieuses : la piété de l'amour,
la piété de la vie. Amour né de la douleur, toi ma ressuscitée ! Comme tes
yeux, qui ne sont pas terrestres, ton sentiment devient plus grand que nature,
il s'accroît, devient la mer, m'inonde, me submerge : tu triomphes.
Ceci est le premier cri que je t'adresse
de Berlin. Je sais maintenant que tu as vaincu, tu n'auras plus jamais à être
triste, à l'heure cosmique du réveil, à l'heure du merle. Je t'aime.
Je t'aime pour toutes les raisons et
toutes les déraisons.
Mais je t'aime aussi pour la sagesse
avec laquelle tu laisses mûrir et tomber ce qui vit, * l'été brûler et se
faner, sachant que des printemps sont là, derrière, avec nos violettes à peine
fleuries de la Forêt noire.
Certes, dois-je le dissimuler ? Un
feu de la Saint-Jean flamboie sur le toit de Halensee et un tel incendie est
rare sur les collines de l'Aujourd'hui. Et ce flamboiement va bien à mes joues
longtemps solitaires. Avoue-le, comprends-le. Et sache : les feux de la
Saint-Jean ne durent qu'une nuit.
Moi, je brille plus que je ne brûle.
Et je me réjouis d'avance d'une
lumière plus sereine et plus intérieure, comme la lumière florentine, que le
mois de mai nous promet. Je me réjouis de deux grandes étoiles, dans lesquelles
rien ne vacille plus, où veille une clarté déjà divine, et qui sont toujours au
ciel, même le jour, quand on ne les voit pas, même mortes, quand elles ne
s'éteignent qu'en apparence.
Toi, tes yeux. Et tu peux faire ce
que tu veux, tu ne peux plus les cacher ! Les autres aussi commencent à
découvrir leurs rayons célestes. Même si tu baissais tes cils. J'ai trouvé le
mot : je parlais de feu, de brûlure et d'éclat : mais toi, tu rayonnes,
comme un diamant secret, comme un bijou de radium ; tu es tous les lointains,
toutes les terres, tous les cieux.
En même temps que la troisième
lettre, est arrivée une note de la Schweitzer Bankgesellschaft, disant qu'elle
t'a envoyé les 200 M. Mais à quelle date ? Le 7 avril. Ah ! terrible m'est la
pensée que tu n'as pas reçu cet envoi à temps et que tu t'es désolée. Ces
Suisses, ils ne pouvaient donc pas te faire l'envoi, en vitesse, le samedi !
Etant donné que tu devras, cette
fois-ci, être d'autant plus ponctuelle, je te donne ci-inclus, tout de suite,
100 M. qui suffiront bien pour cette semaine, si tu paies le dimanche.S'il te
plaît, dis-moi régulièrement combien il te faut.
Comme je suis heureux que les gens
de là-haut soient tous si gentils pour toi ! J'en suis heureux, mais je trouve
cela naturel. tu es l'être fabuleux qui manquait à la Foret Noire. La chambre à
loggia, la sympathie des infirmières, la louange des Grossmann, c'en est à
peine assez pour toi. Toute la louange du monde t'est due.
Tu es là, maintenant, dans les mains
de Strohmann, fais-lui confiance. Ne te laisse pas sans cesse influencer par du
nouveau. La foi est efficace. Même si un diagnostic berlinois était différent :
la guérison de ton intestin ne peut être obtenu que grâce à la patience et en
fortifiant le reste de l'organisme.
Notre arrangement-radio sera émis
lundi prochain, 13 avril à 11 heures 1/2 du soir, je crois. Insensé ! Je
t'enverrai vendredi le programme. En tout cas, il était grand temps que je
retourne à Berlin, pour la répétition.
Ensuite, j'aurai du temps pour
"Germaine".
En attendant d'entendre ma voix
(réellement, cette fois) écoute le battement de mon pouls.
Ton
Ivan
Claire à Bühlerhöhe-Baden à
Ivan Goll à Berlin du 9 avril 1931 MST p.67
Sanatorium
Bühlerhöhe
Chéri Joints quelques bouts de papier qui te concernent. Avant tout,
Daniel a versé de l'argent. Dis, quand recevrai-je les premières scènes de
"Germaine" ? Ecris-tu quelque chose pour l'Intran ou sur la France,
pour des journaux allemands ? Fais-tu des poèmes ? Manges-tu bien, aimes-tu
beaucoup ?
Moi, je vais beaucoup mieux.
Aujourd'hui, grand examen intestinal et j'en suis effrayée. Je suis souvent
invitée chez les Strohmann, lui et elle sont des gens très distingués et très
aimables.
Aujourd'hui, il y a du soleil, les
oiseaux chantent et je suis presque heureuse. Mais, comment ne le
deviendrais-je pas avec tous les fortifiants que je prends en ce moment ! En
pensée, je peux déjà arracher des sapins, mais seulement des petits-fils de
sapins.
As-tu écris à Rosa, lui as-tu
envoyés les 200 frs ?
Je trouve le livre de Klaus Mann si
jeune, plein de curiosité et souvent sympathique. Il pense beaucoup, lit encore
plus, aime et souffre ; je l'aime bien, quoique son article sur nous soit
superficiel.
Peux-tu m'expliquer pourquoi on lit
dans la version française de l'Evangile de Saint-Jean :
"Au commencement était le Verbe
… "
alors que
c'est, en allemand :
"Im Anfang war das Wort … "
Dans Faust,
Goethe se demande s'il doit traduire "Wort" par "Tat". Mais, "Verbe" inclut une toute
autre signification ?
Ecris-moi encore. Quel dommage que
tu n'aies pas trouvé, ou peut-être pas cherché, un petit fer électrique de
voyage, qui marche sur tous les voltages, cela m'aurait évité ici bien des
frais de blanchissage.
Avec mon ancienne grande
tendresse
Ta
Liane
Claire à Bühlerhöhe-Baden
lettre jamais
envoyée
«… Elle est bien portante, elle a
son petit garçon, je n'ai que toi.
Elle trouvera un autre homme, avant
qu'il soit passé beaucoup de temps. Moi je ne peux trouver qu'un représentant
pour ne pas périr de douleur, jamais je ne retrouverai un autre.
Il y a trois mois tu n'étais pas
encore dans sa vie. Mais tu es ma vie, depuis plus de quinze ans. Comment
pourrais-je le supporter ? »
Peut-être aurait-il mieux valu
toujours tout te dire, au lieu de me taire, par une fierté puérile, et d'en
mourir, car je crois que ma santé n'aurait pas ainsi périclité, si YvanClaire n'était devenu Yvan et Claire.
31/01/32 une lettre que je t'ai écrite l'an dernier, de
Bühlerhöhe, et que je ne t'ai pas envoyée :
Télégramme d'Ivan
Goll Berlin à Claire à Bühlerhöhe-Baden du
11/4/1931 à 18H30
de
Berlin Halensee 9. 18.30
Crains Ivan le Terrible
Le Journal des Poètes 1ère année, n° 2 - 11 avril 1931-
Ivan Goll : Rue de la mort et reproduction du dessin de Chagall
(couverture de " Poèmes d'Amour", Fourcade 1930) Bruxelles.
Sous
ta poitrine de ciment,
Sous
tes paupières de fer,
Ville
narcotisée,
J'entends
ton sang qui bat.
J'entends
tes femmes qui chantent,
Sources
chaudes souterraines ;
Tes
escaliers qui pleurent
Et
tes morts aux lèvres plombées.
Il
y a les hommes qui se réveillent
Au
milieu de la nuit,
Soudain
ils comprennent
Qu'ils
ont oublié de vivre.
Des
rues désespérées
Courent
en vain après le ciel
Et
tremblent
De
tous leurs réverbères.
Est-ce
toi, solitude ?
Qui
grelottes sur la Place
Dans
ton manteau de vent,
Prostituée
qu'aime un poète ?
Un
autobus malade
Transporte
les soucis des gens
De
l'aube au soir et retour
Sans
jamais calmer son angoisse.
Quelquefois
une porte
Restée
ouverte
Comme
la bouche d'une morte...
Je
suis son dernier confident.
lettre
d'Ivan Goll Berlin à Claire à Bühlerhole-Baden du
3 mai 1931*** MST p.68/69
Berlin 3 mai 31 [dimanche]
Plus que Liane,
Je
t'envoie ci-joint la fin de la pièce : les 6 dernières scènes. Entre temps,
j'ai également trouvé un titre : "Die Jungfrau de Paris", qui semble
plaire généralement ici. Ton enthousiasme pour les 6 premières scènes me donne
de la confiance, des ailes … Lipmann et moi, nous travaillons sans
discontinuer, ces jours-ci pour arriver à la fin. Nous nous étions fixé le 3 mai
comme dernier délai et nous nous y sommes conformés.
A
présent, vite l'organisation technique : demain lundi, nous portons la pièce à
Oesterheld et à K. H. Martin. Après Martin, à Rheinardt. Il y aura certainement
quelques jours de discussion - car au théâtre, comme tu le sais, rien ne marche
sans encombre, et aussi, on ne trouve pas les gens comme on le voudrait.
Quand vais-je partir ? Tu seras pourtant
toi-même d'avis qu'il n'est pas sans importance pour moi de prendre part aux
discussions. Je devrai partir en fin de semaine, 2 ou 3 jours à Munich…
Perds-tu
patience ? Comment avais-tu imaginé la chose ?
Voudrais-tu
rentrer à la maison ? Dis-le moi franchement. Et dis-moi si tu trouves qu'il
est très nécessaire que j'aille te chercher à Bülhlerhöhe. Est-ce que le mari
ne jouera pas maintenant un rôle moins brillant qu'au début, alors que nous
tenions notre chambre verrouillée contre tous les intrus jusqu'à 11 heures du
matin ? Et alors que, présomptueuse, tu expliquais au Dr Strohmann : "Mon
mari et moi, vous comprenez, nous nous aimons tellement …"
La
cour que te fait Monsieur le Marquis a probablement chassé de Bülhlerhöhe tout souvenir du tendre début
d'avril... chez les laquais, veux-je dire, naturellement.
Certes,
j'aurais bien voulu apprendre ce qui ne va pas dans ton état de santé. Tu ne
m'as jamais communiqué le résultat des examens.
D'autre
part, à mon retour de Munich, je passerai de toutes manières dans le duché de
Bade. Cela, de toutes manières. Mais réfléchis bien. Je trouverais très naturel
que tu me précèdes seule à Paris, de quelques jours : on te fera très bien tes
malles à Bülhlerhöhe, la correspondance
des trains est très facile, le voyage agréable - seulement il ne faudra pas,
cette fois, que Casa Fuerte aille te chercher à la gare, ni qu'il t'aide à
défaire tes bagages... car ce serait alors très grave (et à quoi nous sert Rosa
?.... il ne doit pas savoir du tout que tu rentres seule.
Si
nous décidons cela, il en résulterait aussi qu'en passant par Nancy, je m'y
arrêterais 24 heures - ce que je ne ferais jamais, ö grand jamais, avec toi !
En aucun cas. Nos retrouvailles ne devront pas se faire dans une pareille
atmosphère. (Ce point est d'ailleurs sans importance : je pourrai aussi
retourner à Nancy, de Paris, en 4 heures).
Quoi
qu'il en soit, je suis ici en pleins préparatifs de départ.
Hier,
j'ai été pour la dernière fois chez Else Herzog, pour y prendre enfin ta
fourrure. Invité à déjeuner. Menu splendide. Mais quel bordel ! Rien que des
couples de tapettes ! Elle s'en est plainte à moi : "Chaque homme amène
ici son petit ami ; ah ! il ne nous reste rien, à nous les femmes !" Mais
voilà de quoi elle s'entoure exclusivement. Dans sa maison immense, elle a
plusieurs chambres pour ses "invités" de passage. Pouah ! rien que de
les regarder...
Je
m'occuperai de toutes les autres affaires.
Depuis
hier, temps merveilleux ici.
Depuis
tes lettres de grande dame, j'ai préféré ne plus parler de Paula Ludwig. Tu as
compris pourquoi.
Car il faut que
nous recommencions entièrement notre amour, depuis le commencement.
Il
n'en deviendra que plus fort.
Iwan
Ivan Goll à Paula
Ludwig : télégramme du mardi 12 mai de
Münich à 10.05 IsmL p.9
Ivan Goll à Paula
Ludwig : lettre du 12 mai 1931 de
Münich Hôtel Schottenhamel IsmL p.9
Ivan Goll à Paula
Ludwig : lettre du 15 mai 1931 de Bühlerhöhe IsmL p.10/11
lettre poétique, parle de 3 poèmes de Paula
qu'il va traduire pour Le Journal des Poètes
Ivan Goll à Paula
Ludwig : longue lettre du 18 mai 1931 de Bühlerhöhe IsmL p.11/12
…avec beaucoup d'amour de ton Ivan
recopier mes notes
Du 19 mai au 28 août Ivan et Claire sont à Paris 18 rue Raffet.
Ivan Goll à Paula
Ludwig : lettre d'amour de Paris du 25 mai
1931 *** IsmL p.13/14
lettre
au papillon "Quel droit avais-tu d'être méchante ?... Seulement on peut
souffrir. Mais c'est ça l'amour..."
Ivan Goll à Paula
Ludwig : lettre amoureuse de Paris du 29 mai
1931 *** IsmL p.15/16
Paula va en juin voir son fils à
Juist avant de se rendre début août à Ehrwald, Ambach où elle reste jusqu'au 20
août
Ivan Goll à Paula
Ludwig : lettre amoureuse de Paris du 4 juin
1931 *** IsmL p.17/18
James Joyce
(Londres) à Ivan Goll (Paris) 30 juillet 1931
«… Maintenant aussi à Francfort la Frankfurter Zeitung du 19 juillet publie
une page entière de texte pour J.J., auteur d'Ulysses, traduite du manuscrit
anglais par Irène Kafka. Qui est-elle ? Où a-t-elle trouvé ce manuscrit que le
journal m'attribue ? Je l'ignore. Je ne la connais point. Je n'ai jamais écrite
cette sotte nouvelle qui s'appelle Vielleicht
ein Traum aber bestimmt eine Schweinerei.»
Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig à Juist du 11 juillet
1931 à 11h10
été malade - lettre suit - de tout coeur - Ivan
Ivan Goll à Paula
Ludwig à Juist : lettre de
Paris du 10 juillet 1931 IsmL p.19/20
…et je t'embrasse Ivan
Ivan Goll à Paula
Ludwig à Ehrwald : lettre de
Paris du 3 août 1931 IsmL p.20/21
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Ehrwald : lettre de Paris du 7
août 1931 IsmL p.22
Paula Ludwig à Ambach
à Ivan à Paris : lettre du 7 août 1931 *** IsmL p.22/23/24
Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald du 10 août
1931 à 23h30 Gare du Nord
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Ehrwald : lettre de Paris du 11 août 1931 *** IsmL p.24/25
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Ehrwald : lettre de Paris du 13 août 1931 IsmL p.25/26
Télégramme d'Ivan Goll à Paula Ludwig à Ehrwald du 13 août
1931 à 16h50
N'ENVOIE-PAS LA LETTRE A BONSELS UNE AUTRE SUIT
Paula Ludwig à Ehrwald
à Ivan à Paris : lettre du 14 août
1931 IsmL p.27
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Ehrwald : lettre de Paris du 24 août 1931 IsmL p.28/29
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Ehrwald : lettre de Paris du 25 août 1931 IsmL p.29/30
Claire part le 28 août en cure à
-les-Eaux, Hôtel du Château.
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig à Ehrwald
du 29 août 1931 IsmL p.30
lettre
de Claire à Challes-les-Eaux à Ivan
Goll à Paris du 29 août 1931 MST p.69/70
[Challes-les-Eaux]
[Hôtel
du Château]
[
samedi 29.8.31]
Mon petit Ivan,
Un si beau temps et tu n'es pas
là ! Le court de tennis t'a déjà réclamé. Tout d'ailleurs t'a réclamé, depuis
Rochette jusqu'à Pietro.
La maison était encore complète.
Je remercie mon dieu spécial, car grâce à lui, j'ai pu être logée dans la plus
belle chambre de l'hôtel, tout à fait derrière au 3 ème étage. Tout à fait
tranquille, avec un balcon donnant sur les montagnes et la campagne; là je
rêve, les yeux perdus dans le ciel, matin et soir, longtemps, jusqu'à ce que
les anges en sortent. C'est une chambre à grand lit pour 2 personnes, elle
devrait coûter 60, et mademoiselle Buet, me l'a laissée pour 55. On mange
remarquablement bien, comme naguère, et je me dis à chaque plat que ces bonnes
choses se transformeraient dans ton estomac en force et en globules rouges.
Enfin, ce qui n'est pas sera sans doute bientôt.
Où
en es-tu avec Beye et le bouchon ? Si vous partez pour Marseille, dis à Beye de
prendre une auto à l'arrêt le plus rapproché de Challes et vous viendrez me
voir. Est-ce que Rose te soigne bien ? Manges-tu bien, dors-tu et
…travailles-tu ? Je pense que, depuis longtemps déjà, les cigarettes ont teint
en brun tes doigts et tes poumons.
Je me couche à 9 heures et je dors 9 heures
sans moustiques. Ce soir, il y a des myriades d'étoiles, tout est encore très
estival, mais il fait très froid le matin et le soir. J'espère qu'il viendra bientôt du courrier.
Sinon, on a l'impression d'être toute seule au monde.
Etant
donné qu'on paie toutes les semaines, tu devrais m'envoyer de l'argent
mercredi. A part cela, je n'ai pas de frais ; Dufour m'a donné beaucoup
d'entrées gratuites.
Et
maintenant, viens bientôt, ou envoie bientôt une feuille de papier à lettre
couverte de petits oiseaux. je t'embrasse tendrement.
Ta
Zouzou
J'ai oublié le sablier pour les
pulvérisations, et la vapeur abîme complètement ma montre. Il est violet foncé
et se trouve peut-être dans un des tiroirs de la cuisine, ou bien au mur de la
cuisine, là où les clefs sont pendues, ou encore éventuellement dans le tiroir
à pharmacie, chez toi. (Ne pas confondre avec le sablier pour cuire les œufs
dans la cuisine !)
lettre
de Claire à Challes à Ivan Goll à
Sori du 31 août
31 ou 35 , n’est pas dans MST
à traduire
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Ehrwald : lettre de Paris du 4 septembre 1931 IsmL p.31/32
Du 16 au 20 septembre 1931, Ivan est
chez sa mère, Rebecca Kahn à Nancy
Ivan Goll à Paula Ludwig à
Berlin : lettre de Paris du 21 septembre 1931 IsmL p.32
Du 21 septembre 1931 au 31 décembre
1931, Ivan et Claire vivent à Paris,19 rue Raffet
et Paula Ludwig à Berlin.
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 26
septembre 1931 IsmL p.33
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 30
septembre 1931 IsmL p.34/35
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 4
octobre 1931 IsmL p.35/36
Carte postale d'Ivan Goll, Bruxelles à Paula Ludwig Berlin lundi 12.10.1931 IsmL p.36
Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 13.10.1931 à 10h35 IsmL p.37
à l'instant-même retour de Bruxelles à la maison après avoir reçu une merveilleuse lettre d'amour. Lettre suit Ivan
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 13
octobre 1931 IsmL p.37/38 ***
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 16
octobre 1931 IsmL p.38/39 *****
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 17
octobre 1931 IsmL p.39/40 ***
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin
du 17 octobre 1931 IsmL p.40/41 ***
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin
du 17 octobre 1931 IsmL p.41/42 *****
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 25
octobre 1931 IsmL p.42/43/44 *****
Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2 novembre 1931 à 11H IsmL p.44
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 2
novembre 1931 IsmL p.45/46/47 *****
Carte postale d'Ivan Goll, Bar-le-Duc à Paula Ludwig Berlin 10 nov. 1931 IsmL p.47
(sur le trajet de Nancy)
Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 14.11.1931 à 10h35 IsmL p.48
ANGINE
HOLLANDE IMPOSSIBLE
ECRIS SAINTS PERES GOLLIVAN
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 16
novembre 1931 IsmL p.48
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire du 17 novembre
1931 MST p.70/71
Paris 17 novembre 31 [mardi]
Chère Zouzou,
Tu
paraissais bien triste, aujourd'hui au téléphone. Mais aussi, nous n'avons
presque parlé que d'argent, et je m'attriste moins de la tristesse en pensant
qu'elle vient plus de la bourse que des cavités du cœur.
Mais
pour te distraire un peu, je vais te raconter l'histoire suivante. J'ai fait un
pas de clerc. Et cela, auprès de Lisl (°). Dimanche m'est venue l'idée subite
de l'appeler au téléphone. J'ai entendu nettement la gouvernante discuter avec
elle de ce qu'elle aurait à me répondre, à savoir que sa patronne "n'était
pas là".
Là-dessus,
j'envoie à Lisl la lettre ci-incluse.
Et,
c'est un fait : j'écume littéralement d'avoir porté pendant quatre ans la bague
d'une personne, qui pendant ces quatre années, n'a même pas trouvé nécessaire
de m'appeler au téléphone, ni de vouloir me voir.
Cela
ne va plus. Plus avec moi. Je ne suis (pour une dame dont je porte la bague
d'amitié, ni un Feist, ni un Harry Kann, qui a la permission de lui
rendre visite dans sa loge.
Ou bien la bague n'a aucune
signification. Quand on me demande : Qui vous a donné cette belle bague ? Je ne
peux plus répondre : Mme Bergner. Car ce serait un mensonge.
Le
jour suivant, elle me demande au téléphone et dit qu'elle n'est pas fâchée. Que
je vienne la voir un jour à l'Atelier. Je lui réponds : " A
l'Atelier" ? Comme Harry Kahn ? Non ! Si tu m'aimes, comme tu l'affirmes
(et c'est ce qu'elle affirmait au téléphone), alors j'exige seulement ceci :
Que, dans le courant des 4 prochaines années, tu me téléphones au moins une
fois de toi-même".
Avais-je
raison ?
J'avais
raison.
Et
maintenant, moque-toi de ton petit garçon.
Ivan
Je veux porter maintenant, une bague
venant de toi !
Je n'ai pas encore donné
l'autre.
(°) Elisabeth Bergner,
comédienne, belle et célèbre
Lettre d'Ivan Goll Paris à Elisabeth
Bergner 15 novembre 1931 MST p.71
Lisl, (*)
J'ai donné aujourd'hui ta
bague à quelqu'un d'autre. J'ai compris qu'elle ne signifie aucunement
l'amitié, et j'ai honte de l'avoir portée pendant quatre ans comme symbole
d'une erreur.
Je ne te la renvoie pas, car
je ne veux pas que cette bague, qui contient en elle beaucoup de mon être,
risque d'être donnée à quelqu'un qui le mérite encore moins que moi.
(*)
Elisabeth
Bergner
Carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin mercredi 18 novembre 1931 IsmL p.49
Iwan Goll : Stervend Europa, traduction hollandaise de Evert Straat (116 P.)
Amsterdam, " De Gulden Ster", sans date (1931)
Ce texte a été donné en
représentation publique par Charlotte Köhler pour la première fois le 22 avril
1931 au Stadsschouwburg d’Amsterdam. Devant le succès, il fut repris et redonné en présence d’Ivan Goll le 21 novembre 1931
lettre d'Ivan Goll Amsterdam à Paula Ludwig Berlin du 22 novembre 1931 IsmL p.49/50
Le Journal des Poètes 2ème année, n°2 - 22 nov. 1931- Bruxelles.
Douze poètes de l'Allemagne contemporaine (dont 5 traductions d’Ivan Goll : Le coeur d’Alfred Wolfenstein, J.S. Bach jouant de l’orgue la nuit d’Oscar Loerke, Pour Hilda de Jacob Haringer, Mort argentée de David Luschnat et Poème de Paula Ludwig.).
Poème
Je ne sais jouer que de la flûte,
Je n'ai que cinq sons …
Mais quand je la porte aux lèvres,
Les caravanes rentrent du désert
Et les oiseaux de leurs sombres ciels.
Les pêcheurs se hâtent sur le rivage,
Et le soir parfumé délaisse les Orients du matin.
Adossée à l'érable
Dans l'ombre de lierre
J'envoie ma chanson à ta recherche.
(Traduit par Ivan Goll
C’est la troisième fois que les noms d’Ivan et de
Paula sont juxtaposés ; leur aventure amoureuse commencée en février 1931
restera constante et passionnée, brisée par le départ d’Ivan avec Claire Goll
pour les U.S.A. en août 1939)
Carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin mercredi 24/11/ 1931 IsmL p.50
Suis
de retour à Paris et rien de P. chez les saints-pères ?
O
I
wan
Lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 4
décembre 1931 ImsL p.51
lettre
d'encouragement à poursuivre son œuvre à traduire
Carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin vendredi 11 déc. 1931 ImsL p.51/52
lettre
d'encouragement à poursuivre son œuvre à traduire
Le Journal des Poètes 2ème année, n°5 - 12 déc. 1931- Bruxelles.
p.1 -2 Géo Charles : Interview de Claire et Ivan Goll sur la Poésie :
Geo Charles. La représentation de votre "Mathusalem" à Bruxelles, mon cher Ivan Goll, nous a fourni l'occasion d'apprécier, une fois de plus, une oeuvre du "Théâtre poétique moderne ".
Cette formule exprime bien la tendance et le mouvement de ce théâtre dit - toujours - "d'avant-garde" bien qu'il ait pris naissance longtemps avant la guerre. Je range sous ce signe : « Ubu Roi » de Jarry, « Les Mamelles de Tirésias » d'Apollinaire, certaines pièces de Ribemont-Dessaignes, et justement ce « Mathusalem ».... Pourriez-vous préciser votre conception personnelle quant à "l'esprit poétique" de cette œuvre ?
Ivan Goll : J'estime que toutes les pièces que vous venez d'énumérer sont avant tout, en effet, des oeuvres de poètes que j'opposerai aux auteurs dramatiques. Comment les distinguer par une formule ? Ceux-ci excellent à copier la vie au théâtre, tandis que les poètes ont avant tout le désir de recréer la vie. Ils ne veulent pas du tout en donner, par exemple, une image exacte, mais plutôt révéler la signification profonde des faits et des paroles qui unissent les personnages dans une action.
Geo Charles: Et créer des prototypes ?
Ivan Goll : Oui. Et « Mathusalem » par exemple, c'est l'éternel Bourgeois. Il ne parle pas la langue courante du théâtre habituel et conventionnel. Il dit des phrases, les phrases-type que chaque bourgeois, dans n'importe quel pays, répète suivant sa prononciation. L'action de la pièce n'est pas individuelle et unique : le cas est applicable et nettement imputable à tous les bourgeois du monde entier.
Geo Charles: Et rien de plus banal que les propos d'un tel héros !
Ivan Goll : « L'expression » en est apparemment banale, mais avant tout elle est vraie. Et cette transposition du « vrai » me rappelle une autre formule, celle de « surréaliste » dans le sens où Apollinaire l'entendait. Vous savez, n'est-ce pas qu'il inventa le vocable « surréaliste » pour désigner précisément « Les Mamelles de Tirésias » que vous citiez à l'instant parmi les pièces du théâtre poétique.
Geo Charles: En effet, c'est d'ailleurs dans la revue "Surréalisme" que vous avez dirigée que Pierre Albert-Birot a fixé ce point d'histoire de la façon suivante : «....Quant au mot « surréalisme », nous l'avons, Apollinaire et moi, choisi et fixé ensemble. C'était au printemps 1917, nous rédigions le programme des « Mamelles » et, sous le titre, nous avions d'abord écrit « drame » et ensuite je lui ai dit : ne pourrions-nous pas ajouter quelque chose à ce mot, le qualifier, et il me dit en effet, mettons « surnaturaliste » et aussitôt, je me suis élevé contre surnaturaliste, qui ne convenait pas au moins pour trois raisons, et naturellement, avant que j'eusse fini l'exposé de la première, Apollinaire était de mon avis et me disait : « Alors mettons surréaliste ». C'était trouvé.... La lettre d'Apollinaire à Paul Dermée écrite également en 1917, et reproduite dans la même revue, confirme les souvenirs de Birot.... » Et vous Goll, rangez-vous « Mathusalem » sous la même formule ?
Ivan Goll : Mon Dieu, si une formule est nécessaire !
Geo Charles: Nous appelons les pièces de ce théâtre - et « Mathusalem » - poétiques. Certaines de ces oeuvres, et particulièrement la vôtre, présentent un curieux mélange de poésie et de prosaïsme....
Geo Charles: Qu’en pensez-vous Claire?
Ivan Goll : J'attendais cette objection. J'ai donné à chaque personnage la langue de son âme. Ainsi, la jeune fille, Ida, sent et parle en vers, et je ne crains pas de lui ^prêter les images les plus lyriques, comme dans les pièces en alexandrins. Par contre le frère, voué aux affaires modernes, n'emploie que le style haché des appareils Morse. Et ainsi de suite ... Mais le langage truculent et terre-à-terre du père n'est pas moins poétique que celui de sa fille, s'il crée l'atmosphère élémentaire du personnage.
Geo Charles: Vous confirmez l'impression
que me laissa la représentation de Bruxelles. Du lyrisme pur cette réplique
d'Ida :
«
Je ne connais plus d'autre jour que
celui-ci
Où des narcisses remplacent
l'herbe des gazons.
Le soleil est un
chrysanthème que tu m'offres,
Ton front pâle est une tour
d'ivoire
Sur laquelle je monte pour
voir le monde.
C'est toi qui bâtis les
tours apocalyptiques,
Les temples d'Asie et les
docks d'Amérique
Les places portent toutes
ton nom,
Les horloges sonnent à
chaque heure ton nom
Et les navires en mer ne
sont partis que pour te voir.»
Ce
poème pourrait très bien être tiré des « Poèmes
d'Amour » que vous avez publiés avec Claire Goll.
Claire Goll: Oh, je n'accepte que les
poésies qui me sont adressées personnellement !
Ivan Goll : Mais tout ce que j'écris
s'adresse à toi ! Pour qui écrit-on, par qui veut-on être compris, sinon par
l'être qu'on aime et dont on veut être admiré ?
Claire: Tu me trompes !
Ivan : Avec toi-même !
Geo Charles: Je pense que vous allez faire dévier publiquement en "scènes de ménage" vos beaux " Poèmes d'Amour ". Au fait, si vous continuez, je pourrais dire que vos poèmes d'amour ne sont pas autre chose... finalement !
Claire: Eh bien, vous donneriez une
belle idée de notre poésie !
Ivan : Mais Claire, après tout, je ne serais pas éloigné
de croire que dans les poésies d'amour de tous les temps, les poètes ne sont
occupés qu'à exprimer à leur amante des reproches et, sous forme de compliments,
des sottises !
Geo Charles: Qu'en pensez-vous, Claire ?
Claire: Pour moi il n’existe qu’une sorte de
poésie, celle de l’amour. Une femme ne
doit chanter que l’amour. Ce n’est que par l’amour qu'elle participe de la vie
du monde. Les seuls poètes que je relis toujours, que je comprends et que j’éprouve jusqu’au
fond des moelles sont Marceline Desbordes-Valmore et Elisabeth
Barrett-Browning.
Geo Charles: L’essence de leur poésie est la souffrance.
Claire: L’essence de l’amour est la souffrance.
Ivan : - Peut-être y a-t-il là
comme une accusation ?
Claire: Non, c’est
une déclaration d’amour. Géo Charles notez vite. Je prétends que c’est celui-là
(qui me fait tant souffrir) qui m’a faite poète. Je lui dois d’avoir appris à
exprimer en vers cette affection que toutes les autres femmes expriment en
soupirs.
Geo Charles: Vous avez su prolonger à deux - en des oeuvres
toujours lyriques et en des "Poèmes
d’amour" que je relis avec une joie critique sans cesse accrue - votre
amour de la Poésie. Votre double rêve a su se réaliser et se poursuivre en
cette époque si bassement matérielle, si
misérable, selon un rythme de beauté et
d’idéal !
Ivan : Ce rêve nous sauve! Tout ce qui se passe en dehors de lui et de
notre amour devrait nous laisser indifférents. Nous sentons confusément que les
soucis du jour sont des soucis bien lamentables, mais aussi passagers. Les époques où
l’humanité a faim, reviennent toujours.
Cette fois, sa détresse provient de sa
bêtise. Mais passons. Parlons d’amour qui est la seule raison d’être et qui est
éternel. Thème peu actuel Thème qui le redeviendra au prochain printemps, soyez-en sûr ! Sinon, dans cent ans. Et il vaut mieux avoir raison
dans cent ans que l’année prochaine. La vérité se mesure par siècles. »
Je
laisse Claire et Ivan, assis en leur jolie terrasse d'Auteuil, dont j'aime tant
caresser les feuilles. Lui, grapillait les raisins qui pendaient au vieux cep
qui épouse la grâce de la balustrade, elle, appelait une demi-douzaine de
pigeons blancs et leur donnait à manger dans sa main pâle … Les deux
silhouettes, les bêtes et les choses, se composaient dans des attitudes qui me
sont familières depuis longtemps … en cette petite terrasse du jardin automnal
d'Auteuil qui m'apparaît toujours comme un carrefour rustique où la vie et la
poésie viennent s'unir.
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 12
décembre 1931 ImsL p.52/53/54
lettre
d'encouragement à poursuivre son œuvre à traduire
Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 23.12.1931 à 12h10 IsmL p. 54
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 24
décembre 1931 ImsL p.54/55/56
lettre
sur son livre " Dem dunklen
Gott
"
Paris
24 décembre 31
Sainte Paula
Je
tiens pour la première fois ton livre dans mes mains, c'est un grand, un
à traduire
«
Mais hélas, Paula, quand vient la sentence : " Ce n'était qu'un humain !
Ce n'est qu'un homme !"
Est-ce
que tu me le pardonneras jamais ?»
Ivan
Paris
24 décembre 31
2
Paula,
entzückend Mütterliche
Je
dois te remercier aussi pour la ….
Dein
Buch, auf dessen erster Seite du mir sechs Verse zurûck-rufst, die mir längst
entfallen waren : du hast sie aufgehoben aus dem Staub meines Weges, und siehe,
weil du sie so entzückend in deinen Händen präsentierst, sehen sie auch schon
nach etwas aus. Deine Geste freut mich desalb,
weil sie
à tradui
1932
Télégramme d'Ivan Goll Amsterdam
à Paula Ludwig Berlin du 4 janv. 32 ImsL p.59
à traduire
Du 5 janvier à la mi-mars 1932 Ivan Goll habite
chez Paula Ludwig à Berlin,
Claire
est à Paris, 19 rue Raffet, puis une semaine à Cagnes avant de revenir à Paris
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à
Berlin du 9 janvier 32 MST p.72/73
Chéri Aimé.
Tu réussiras avec ta pièce. Mais
patience ! j'ai une grande confiance en ta confiance.
Je
suis très touchée que tu aies pensé à moi et, qui plus est, en laine. J'ai
égaré le numéro de téléphone de Cassou, s'il te plaît, renvoie-le moi, je
l'appellerai alors d'une voix très suave, une voix de 18 ans.
Voudrais-tu chercher dans l'annuaire
de Berlin l'adresse de Oscar Ludwig Brandt ? Il lit toujours des poèmes de moi
à la Radio. Il m'a écrit, il en demande de nouveaux, et naturellement, j'ai
jeté la lettre.
Oui, j'ai été voir le
"Maximilien". Pour des oreilles de spécialistes, c'est dynamique,
contrapunctique, rythmique, certainement grandiose, mais musicalement triste et
gris. Musique cérébrale. Le public est resté tiède. Le parterre applaudissait,
en riant méchamment, aux passages les plus chargés de dissonances. Il y eut
aussi des coups de sifflet. Ceux-ci, du moins, n'étaient pas antimélodiques. De
toute manière, le texte de Werfel était tout à fait impropre à fournir un
livret. J'avais une telle nostalgie de sons, de chants et d'émotion, que j'irai
lundi à la Traviata. Et tout Paris naturellement. Je pensais tellement à toi
que je restais très loin de Illan, et il déclara que je lui avais gâché sa soirée.
Le travail va bien, le roman est
presque fini. Hellé, disposée à dactylographier, m'a écrit qu'elle acceptait
mon offre de pension : 30 francs par jour, pour des raisons de chauffage, de
bonne, de nourriture plus soignée et à cause de mon estomac délicat. A présent,
je peux déguster sans remords de conscience, et je n'attends que l'argent pour
me mettre en voyage. Kurt viendra me chercher à la gare avec sa voiture. Il a
écrit ; " Allah est grand et je suis son chauffeur ".
Rosa a encore brisé, avec le manche
de l'aspirateur, 4 carreaux de la lampe-Chareau. Elle éclaire maintenant très
mal, mais je ne peux pas la remplacer. A part ça, Rosa est très gentille et
économe. Nous vivons de nouilles et de salade, et malgré cela, mon intestin ne
veut pas se mettre à la raison.
Je suis heureuse que tu aies de
nouveaux souliers. Puissent-ils te porter vers le bonheur et le succès ! C'est ce que souhaite de tout son grand cœur
ta
petite Zouzou
A
l'instant, la petite veste de laine ! J'en avais justement besoin d'une
semblable, et elle est ravissante. Je baise la main qui a acheté cette cote de
mailles en laine. Mais à présent, Chéri, j'ai assez de petites vestes. Et ne te
laisse pas éblouir par les prix de là-bas, ne te laisse pas tenter. La qualité
ne peut pas se comparer à celle d'ici, et ce n'est presque pas meilleur marché,
d'autant plus que j'ai dû payer 5 frs de douane.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à
Berlin du 12 janvier 32 MST p.74/75
Très cher,
Reçu
ta lettre. Non, il y a ici une erreur. Je ne considère pas mon voyage à Nice
comme un contre-poids de ton séjour à Berlin; En ce cas, je devrais rester à
Paris, car ici, je suis infortunée-bienheureuse. Je n'ai d'ailleurs l'intention
que de rester quinze jours. Pas plus longtemps. Jusqu'à ce que le roman soit
tapé. Et pendant ce temps, j'en discuterai avec Kurt Wolf. D'autre part, je
pense que la mer et le soleil me feront du bien, car là-bas, c'est déjà le
soleil et le printemps. Ne le penses-tu pas aussi ?
Je ne congédierai donc pas Rosa.
Elle coûte vraiment un minimum, je m'en suis assurée. Pourquoi ne
pourrions-nous pas la garder, aussi bien que d'autres, qui ont encore bien plus
de soucis pour garder leurs domestiques ?
Je
téléphonerai à Cassou, dès que j'aurai son numéro. Mais je te prie de m'éviter
la visite à Joyce. Je ne pourrais d'ailleurs pas écrire un seul mot sur lui.
A
tes parents, j'adresserai quelques lignes gentilles, avant de partir. C'est
pourquoi tu n'auras pas besoin de dire que je suis à Berlin.
La
phrase de ta lettre : " Nous n'aurons jamais rien à nous reprocher l'un à l'autre", je ne l'accepte pas de
toi, ou tout au plus dans ce sens, que nous nous reprochons de ne pas être
assez heureux pendant que nous sommes séparés.
J'ai,
en ce moment, une période très lyrique, et suis contente d'en être presque à la
fin du roman. Il y a tant de choses tendres à dire. Je veux, à présent, me
transformer tout à fait, à nouveau. Ce n'est pas moi qui le veux ; ça veut.
Revenir à moi, dans le rêve.
S'il
te plaît, continue à m'écrire ici, je te télégraphierai au dernier moment,
juste avant mon départ. Tu sais bien combien il m'est difficile de m'arracher.
Je préférerais traîner avec moi, comme un escargot, ma chambre et sa solitude,
son tourment et sa nostalgie de merles.
J'ai
la Pedrazzinis :
Demain,
je serai interviewée pour "La Scène"[1], avec photo.
Quelqu'un m'a téléphoné.
Ce serait un coup, si le Staatstheater
acceptait ta pièce ! Qui est Bildt [2] ? Tu écris si
rapidement. N'expliques jamais rien. Par exemple, tu ne m'as même pas donné la
nouvelle adresse de Joyce et tu voudrais que j'aille le voir.
Hier,
j'ai entendu la Traviata (Dame aux Camélias) de Verdi, pour la première fois de
ma vie. Au Théâtre des Gobelins. Dans un faubourg. Et pourtant, mes larmes ont
jailli. Si on entendait beaucoup de Verdi, on deviendrait plus croyant et
meilleur, car il remue le plus intime et le meilleur de nous. Et maintenant :
tous mes voeux pour ton succès ! ! ! !
En
amour
Ta
Zouzou
A
partir du 14 janvier, Claire sera chez l'éditeur Kurt Wolf qui réside à
Cagnes-sur-Mer, avec son épouse, pour son livre Un Crime en Province qu'elle a traduit en allemand "Arsenik".
Claire
rentrera à Paris le 5 février.
lettre
de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à
Berlin mercredi 20 janvier 1932 MST p.75/76
mercredi
[20.1.32]
Yvannot (Ivlein) Il pleut
aujourd'hui. Naturellement, parce que nous voulions aller à Nice et au Cap
Ferrat ! Les orangers, devant ma fenêtre se réjouissent de cette pluie, qui va
faire grossir leurs fruits. Cette localité toute échafaudée sur des rochers
géants descend au bas de mes deux fenêtres à balcon, et je comprends qu'ici les
peintres ne sachent pas par où commencer, tant il y a de beauté. De l'autre
côté, il y a la mer, et les jardins étagés avec des buissons de camélias et les
mimosas, les cèdres, cousins de ceux du Liban.
La
maison de Kurt (*) est ravissante ; elle se compose d'un rez-de-chaussée avec
salle à manger et cuisine ; au premier étage (mon appartement) comprenant une
chambre avec balcon, une salle de bains avec tout le confort et le raffinement
le plus moderne, puis un salon. Au-dessus, se trouve un immense atelier, où
demeurent Kurt et Hellé.
Je
ne comprends pas du tout pourquoi nous n'avons pas toujours loué une
maisonnette de ce genre ? Peut-on vivre ailleurs qu'au soleil ? Et pourtant, il
est vrai qu'il est nécessaire d'y être doux et tendres l'un pour l'autre, comme
le sont ces deux-là, car Kurt s'est prodigieusement transformé. Jamais il n'a
été si digne d'affection (en tant qu'être humain) - je ne veux pas dire en tant
qu'homme, - et si intériorisé. Imagine-toi qu'il nous prépare à tous le petit
déjeuner, les toasts. Il met le couvert, il l'enlève, bref il est arrivé au
point d'où tu étais parti, et son opinion est que cela seul est juste. Je lui
ai demandé tout à l'heure, alors qu'il m'apportait mon thé au lit et me
beurrait mes tartines, pourquoi tu ne peux plus le faire. Mais il ne
peut pas t'expliquer à moi. Qui peut expliquer ?
Je
travaille beaucoup au roman, et sur moi-même ; si je n'acquiers pas ici
l'esprit de mon âge, où l'acquerrai-je ?
Je
ne veux pas jouir, mais devenir. C'est là qu'est la différence entre nous.
Et
ta pièce, très cher ! J'attends enfin des nouvelles de toi.
Il y a des jours que je n'ai
reçu un mot. Cela me rend inquiète.
Si
le Halensee n'est plus ce qu'il était l'an dernier, c'est de ta faute. Il faut
faire d'un être humain que l'on aime, plus qu'il n'était, et non moins
; sinon, on s'est trompé.
...En toute tendresse et amitié
Ta
Zouzou
....Kurt me prie instamment, pour la énième fois, de
te dire que tu devrais lui envoyer Mathusalem, Mélusine et Pleite. Veux-tu ?
(*) Kurt Wolff, éditeur
Claire Goll: Un crime en province Roman, In - 16 254 p.
Paris Editions des Portiques,1932
lettre
d'Ivan Goll Berlin à Claire à Cagnes/Mer du
22.1.1932 MST p.77/78/79
Berlin
Halensee
22.1.32
[vendredi 22]
Chère Zouzou,
Ta première lettre de Cannes est
bleue, détendue, pensive, franche, elle ne respire qu'amour pour ton
"Yvannot".
Ce doux diminutif, plus doux
qu'aucun autre, est adopté dorénavant.
Yvannot
te répond. Il répond à trois grandes et sérieuses phrases de ta lettre. Il
croit pouvoir le faire.
" Si je n'acquiers pas ici l'esprit de
mon âge, où donc l'acquerrai-je ? Je ne veux pas jouir, mais devenir. C'est là
qu'est la différence entre nous", écris-tu.
Et
: " Qui peut t'expliquer à moi ? "
Et
; " Si le Halensee n'est plus ce qu'il était l'an dernier, c'est de ta
faute. Tu t'es trompé".
Je
vais te répondre à ces trois questions sous la forme d'un livre. Un livre que
je n'ai pas écrit, mais qui a été écrit à travers moi. Un livre que je n'ai pas
senti, mais qui a été senti à travers moi. Donc un livre auquel j'ai pris une
grande part, bien qu'il ait été fait tout à fait en dehors de ma volonté. Tu
devines : Paula Ludwig a réuni des poésies qu'elle a écrites depuis le
printemps dernier, et dont tu connais déjà une bonne moitié; elles les a
publiées, peu avant Noël. A vrai dire, ce ne devrait pas être Yvannot qui
t'envoie ce livre, et pourtant, Yvannot peut-il attendre qu'il te soit donné
par des tiers ? D'ailleurs, je ne te l'aurais jamais adressé à Paris - mais
là-bas, entourée d'amis exceptionnellement sincères, et près d'un homme qui est
certainement le plus loyal que tu aies rencontré au début de ta carrière
sentimentale, - aujourd'hui je peux te le mettre entre les mains, peut-être,
d'un cœur paisible.
Il
y a derrière toi quelqu'un qui saura, lorsque tu détourneras instinctivement la
tête, te la remettre doucement dans le bon sens : la tourner vers moi et vers
ce livre!
De
ce fait, ta première question recevra une réponse : tu trouveras l'esprit de
ton âge, et c'est d'un cœur clarifié que tu tourneras les pages.
Mais
de ces pages monteront pour toi les réponses à ta deuxième question : elles
m'expliqueront à toi. Et si tu ne sais pas lire, dans les vers entre les vers,
tu auras près de toi celui qui pourra te les interpréter. S'il est loyal, ce
Don Kurt Juan, il me comprendra et il m'expliquera à toi. S'il est
"loyal". Je ne sais pas s'il l'est. Je ne sais pas non plus si je le
serais à sa place.
Pour
t'aider à passer de l'enfance à la maturité spirituelle, il te dira ceci :
l'homme qui est chanté dans ce livre, l'homme qui est l'objet de cette
incantation, n'a rien fait d'autre pour cela que d'être lui. Il est seulement
l'objet de cet amour. Il a un rôle passif. Il a fait don à l'élue de beaucoup
de douleur, beaucoup, et rien de plus. Et, sans doute, il était bon, et ne
voulait pas donner tant de souffrance - mais il ne pouvait cependant
rien donner d'autre, rien de ce qu'on lui demandait, il ne pouvait pas
s'extérioriser et se perdre complètement.
Vois-tu,
il en découle tout naturellement aussi la réponse à ta troisième question. La
réponse que tu lui fais toi-même est inexacte, car tu rejettes la faute du côté
où elle n'est pas. C'est de ma faute si le Halensee n'est plus si beau
que la première fois - et pourquoi ?
parce que je ne suis qu'un homme
!
K.
W. me prie de lui envoyer mes livres. Je ne lui enverrais ni Mathusalem, ni
Mélusine ni Congo-Caoutchouc, mais bien "Die Eurokokke", si je ne
trouvais plutôt que le livre de P. L. suffit aujourd'hui pour qu'il apprenne à
me connaître plus complètement et mieux qu'ailleurs.
Il devra t'apprendre à le lire, le lire avec toi,
et ensuite, te renvoyer à moi, afin que mûrie et plus compréhensive, tu puisse
m'aimer et en recevoir du bonheur. (Montre-lui cette lettre).
Et
tandis qu'Yvannot te sourit,
Ivan
t'embrasse
lettre de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin en 1932*** MST p.76/77
écrite en français et non datée mais nécessairement du 22 ou 23 ou 24 janvier
Yvan
Tu
m'as promis ton écriture et jusqu'à l'arrivée de cette lettre je ne serai qu'un
être qui végète et qui souffre.
Mon
Yvan, dès que je me réveille, dès que je pense à toi, mes yeux se remplissent
de larmes. Pardonne-moi de ne pas tenir ma promesse, de n'être qu'une faible
femme, ta femme, et de mourir après toi comme une pauvre petite chose malade.
Ah si seulement tu n'as pas trop de peine, mon chéri, à cause de ces phrases
insensées ! Moi, qui voudrais t'inonder de bonheur et te donner de la joie et
toujours de la joie !
Pourquoi
cette nostalgie qui brûle comme du nitrate d'argent ? Pourtant il y a la mer
immense et le soleil ardent. Il y a des chansons, chantées par un jeune
guitariste, ami de Kurt, mélodies accompagnées d'une lune raffinée. Mais je
n'entends que ta voix, mon Amour.
Je
ne vois que toi : dans les jardins chastes, dans la mer toujours en fuite, dans
les rayons du soleil qui me corrodent le cœur.
Oui,
j'entends ta voix dans le silence et la moindre fleur me rappelle ton extase
devant la nature indomptable, nos extases communes devant tout ce qui exalte.
Je
te dois tant, Chéri, jamais je ne te remercierai assez. Mais comprends-moi :
malgré mes infidélités, je suis à toi comme je n'ai jamais été à personne, mon
Petit, mon Grand, ma Vie.
Je
baise tes mains aujourd'hui et toujours
Zouzou
(voir
au recto !) Je n'ai plus de papier à écrire
(au dos) De
sepulcro en sepulcro
Voy preguntando
Cuantos hombres habian
muerto amando,
Me contestó uno ;
Mujeres a millares,
Hombres, ninguno
lettre
d'Ivan Goll Berlin à Claire à Cagnes/Mer du
24.1.32 MST p.79/80
Chère Zouzou,
Ma
lettre d'hier était réellement
dogmatique et sentimentale.
Quand je me transporte dans ton
cœur, je suis à même de mesurer ce qu'elle y a déchaîné - mais la proximité de tes amis, qui sont de
bons juges en fait de choses aussi profondes que celles dont il s'agit dans ce
livre, me confirmait que la discussion s'élèverait immédiatement au-dessus du
plan personnel, et gagnerait le plan des grandes douleurs humaines. Toute la
douleur qui est accumulée dans ce livre, doit désarmer quiconque a des soucis
plus terrestres. Cette douleur que, moi le premier, je n'ai pas pu combattre.
Après une première révolte, tu ne
sentiras bientôt plus que mon infinie pitié pour cette victime qui a saigné à
mort et poussé un cri qui semble être, au dire d'une de ses amies, son
testament.
En ce qui concerne l'épigraphe,
c'est seulement un extrait d'un poème dont le manuscrit était chez elle et dont
je n'avais plus moi-même le moindre souvenir. Donc, c'est une épigraphe comme
beaucoup d'autres - et qui n'a aucune signification de plus pour les tiers, les
lecteurs du dehors.
Aujourd'hui, j'ai de bonnes
nouvelles à te donner au sujet de Congo-Caoutchouc.
La Production Aufricht, qui
représente en ce moment "Managony" de Brecht-Weill au Kurfurstendam,
s'intéresse à ma pièce et veut la monter après la " Petite Catherine
" de Savoie, - également une nouveauté. On prévoit Forster pour le rôle
principal. A vrai dire, en ce moment, à Berlin, les choses sont telles qu'on
n'est sûr de rien, plus de deux semaines d'avance. C'est pourquoi... attendons
!...
S'il se présente quelque chose
de mieux, je saisirai l'occasion... si ça doit se faire plus tôt...
J'ai
rencontré Hell Herzog ; comme je laissais entendre que tu étais absente de Paris
pour quelques jours, elle joua la surprise : "Maintenant, elle doit être
là-bas. J'y vais le 1er février et lui téléphonerai aussitôt" … Ceci, pour
que tu sois au courant.
A
part cela, je cours énormément à travers Berlin. Suis peu à Halensee. Je dois
faire un nombre inouï de démarches pour l'anniversaire de Joyce. Brody le veut
absolument. Il a raison. Mais, depuis décembre, il n'a pas payé.
Nous
avons eu dix journées merveilleuses, très tièdes ensoleillées, tout à fait
printanières. Nous avions pitié de toi qui es là-bas sous la pluie. Mais à
présent, le ciel se venge … brouillard, froid, gelée accablent Berlin depuis 3
jours.
Au
café, j'ai rencontré les Eisenlohrs. Ils sont allés à Majorque en octobre et
novembre, et ils en sont enthousiastes. On va, d'abord, en train à Barcelone,
puis on passe toute une nuit en mer et on débarque, le matin, dans une île de
légende, où l'on vit dans une nature féerique, plus silencieusement et de façon
plus concentrée qu'à Ascona …Je me réjouis beaucoup de t'entraîner jusque
là-bas en mars, et de me remettre à la cuisine.
Ton
"Yvannot"
lettre
de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à
Berlin 28 janvier 1932 *** MST p.80/81/82
Monsieur le Dr Iwan Goll Cagnes
/ Mer
chez Paula Ludwig, [ jeudi ] 28.1.32
112 Gastenhaus-Atelier
Berlin-Halensee
Yvannot,
Ta lettre et le livre sont ouverts
devant moi. Je ne t'aime pas pour ce que tu dis, mais pour la façon dont
tu le dis.
Personnellement; je ne voudrais pas
critiquer ce livre en soi.
C'est la
confirmation officielle de votre vie en commun, devant le monde littéraire. Tu
loues la force de la douleur de ton amie. Est-ce donc que la douleur imprimée
t'émeut plus que la douleur cachée ? Je ne crois pas qu'on puisse souffrir plus
que je ne l'ai fait, chaque nuit, depuis des mois et des mois. Laquelle de nous
deux est la plus heureuse ? Goethe te répondra à cette question :
"Il m'a donné un dieu pour que
je puisse lui dire ce que je souffre".
Apprendre à te
connaître, petit Iv., c'est une chose que je ne peux pas faire non plus grâce à
ce livre. Tu m'as priée de le montrer à Kurt, ainsi que ta lettre. Il est seulement
mon ami, pourquoi mets-tu en doute sa loyauté ?
Après avoir lu la lettre, il a dit :
"Toi et lui, vous allez bien ensemble. Toi et Illan, vous n'allez pas
ensemble ". (Je lui avais montré des lettres)
Il a dit du livre :
"Ces
poésies ne me regardent pas et ne regardent d'ailleurs personne. C'est une
affaire privée entre Ivan Goll et Paula Ludwig. Une expérience personnelle, et
pas un monde. Quand une de Noailles ou une Lasker écrivent une poésie, cela me
regarde. Car là, on ne sent jamais que l'étreinte s'est convertie en encre
d'imprimerie.
Que deux
personnes couchent ensemble et se fassent souffrir l'une et l'autre, soit :
mais, au nom du ciel, qu'elles n'en fassent pas part au monde entier !
Croire qu'on
peut apprendre à connaître Goll à travers ces poèmes, quelle erreur enfantine !
D'abord, parce qu'il n'y est nullement, on n'y trouve qu'elle. N'importe quel
autre nom d'homme pourrait y figurer. Goll n'a été que le moyen d'atteindre le
but ; sinon, quel autre aurait joué ce rôle.
Jamais on ne peut apprendre à
connaître un être humain à travers la littérature.Je te donne, comme exemple,
un des plus beaux poèmes d'amour adressés par Goethe à Madame von Stein :
Pourquoi nous donnes-tu ces regards
profonds qui prévoient notre avenir ?
Puis-je chercher à trouver, dans ces
vers Mme von Stein ?
Absolument pas,
je ne sens et je ne vois que la grandeur de Goethe."
Voilà pour Kurt.
Hellé a dit : " Je trouve
épouvantable ce manque de distance entre son propre sentiment et le partenaire
sentimental. De telles exagérations d'un être humain, cette façon de le
diviniser, cela produit toujours une impression pénible. Ce n'est pas parce
qu'on aime quelqu'un qu'il devient, de ce fait, un dieu, ni s'en approche. Chant
du Moi, qui ne touche pas les tiers. Art pour l'art, qui aurait dû se réfugier
dans une édition privée. Cette sorte de viol de soi-même, je l'appelle :
flibusterie. Nous, les jeunes d'aujourd'hui (Hellé a 24 ans), nous n'avons
aucun goût pour cette sorte de littérature. "
Voici donc la critique de deux
personnes qui ont, tout au moins, des vues nettes sur l'art. Mais tu t'es livré
en pâture au public : reçois donc ton jugement !
Et maintenant, mon enfant, mon petit
garçon, je t'envoie ci-inclus une fleur. Toutes sont déjà là : les iris et les
narcisses, dans le jardin, près des roses. Les petits amandiers sont en fleurs,
le soleil rit, moi seule ai désappris la joie.
Mais à toi je souhaite le sourire,
le bonheur dans l'amour, une expérience positive. Et aussi que ces poèmes te
rendent heureux : les hommes sont si fiers quand ils ont fécondé, inspiré. Et
qui possède assez de mesure et de lucidité pour ne pas se prendre finalement
pour un roi, pour un dieu, lorsqu'on le hausse jusqu'au ciel en lui donnant ces
noms ?
Moi aussi, je t'ai chanté naguère,
mais plus tard, après que nous eussions traversé ensemble des années. A
présent, je te tais.
Je continue à t'attendre avec une
infinie tendresse.
Ta
Zouzou
Encore un P.S. pratique. Envoie
un chèque, pour que je puisse payer K. ponctuellement. Tu sais que sa mère
était née Marx. Peut-être a-t-il hérité d'elle ce côté mercantile : car,
lorsque nous faisons nos comptes, la cupidité de ce bel homme le rend
réellement laid.
Même
autrefois, quand il brûlait d'un amour ardent pour moi, ce vice qu'il a,
m'obligeait à douter de lui. Un homme avare n'a qu'une passion : l'argent. Avec
ça, il disposait à cette époque, des millions de sa première femme (Merck-Chemie-Darmstadt).
Quand moi, qui étais alors une enfant innocente, ignorant tout de la
littérature, je fis pour lui mes premiers vers, il s'écria : " Tu es
stupéfiante, l'égale d'une poétesse nommée Else Lasker-Schuler ! ". Mais
jamais il ne pensa à faire publier ces poésies : ça aurait coûté de l'argent !
Et moi, tu me connais. Les calculs, l'exploitation de quelqu'un, tout cela
m'est bien étranger.
Curieux,
ces deux types de juifs : les Shylocks, qui s'obstinent sur leurs créances et
attisent l'antisémitisme universel, et les juifs messianiques, avec parmi eux
le plus messianique de tous : mon Ivan.
Claire
à
Cagnes/Mer à Ivan Goll à Berlin
dimanche 31 janvier 1932 MST p.83/84
Cagnes 31..1.32
Dimanche
Yvannot,
Nous
avons tellement parlé de toi que tu es presque là, parmi nous ; tu devrais
pouvoir sentir les mimosas.
Figure-toi
que Madame de Maubeuge possède ici une ravissante maison ancienne (pension).
J'y suis allée. La femme de chambre de Cavalaire est encore là et elle m'a
reconnue. Mais les choses d'autrefois, qui étaient là tout autour, ne m'ont pas
reconnue, parce que j'ai oublié le bonheur et que j'ai trop pleuré.
Récemment,
étant à Cannes, j'ai vu Théoule de loin, et près du port de Cannes, j'ai
retrouvé la boutique de fruits où tu m'as acheté une si belle pêche, j'en avais
l'eau à la bouche et les larmes aux yeux. Tu es si bon.
Je
travaille trop, au grand regret de Kurt (*). Pendant les heures de soleil, on
n'arrive pas à me tirer de ma chambre, ni à m'entraîner à des excursions en
auto. Pendant ces promenades, tu me manques toujours et il paraît seulement
anormal de devoir jouir à quatre ou à cinq de ces merveilles qu'on devrait voir
à deux, - car chez nous, il y a toujours des invités. De toute manière, Kurt
est bien un peu surpris d'avoir pour hôtesse une femme si triste. Mais ici,
tout rappelle sans cesse Ascona, le Jura d'autrefois. Comment ne serait-on pas
infiniment triste ?
J'ai
trouvé une lettre que je t'ai écrite l'an dernier, de Bühlerhöhe, et que je ne
t'ai pas envoyée :
«…
Elle est bien portante, elle a son petit garçon, je n'ai que toi.
Elle
trouvera un autre homme, avant qu'il soit passé beaucoup de temps. Moi je ne
peux trouver qu'un représentant pour ne pas périr de douleur, jamais
je ne retrouverai un autre.
Il
y a trois mois tu n'étais pas encore dans sa vie. Mais tu es ma vie, depuis
plus de quinze ans. Comment pourrais-je le supporter ? »
Peut-être
aurait-il mieux valu toujours tout te dire, au lieu de me taire, par une fierté
puérile, et d'en mourir, car je crois que ma santé n'aurait pas ainsi
périclité, si YvanClaire n'était devenu
Yvan et Claire.
Au
revoir, toi ! Samedi, je rentre à la maison.
Ta
"biche pourchassée et muette" te regarde avec des yeux tristes.
(*) Kurt Wolff (dirigera Pantheon
Books, New York après 1940)
lettre
de Claire à Cagnes/Mer à Ivan Goll à
Berlin 2 février 1932 MST p.84
Mardi
[Cagnes
s. Mer 2..2.32]
Yvannot,
Ta
lettre était très belle. Cela me peine de t'avoir envoyé entre temps une lettre
si triste, qui a peut-être assombri tes jours de fête. Ne prends pas cela trop
au sérieux ; j'ai passé des années à pleurer toutes les nuits et ensuite je
l'ai oublié pendant des années. Cette souffrance-ci, elle aussi, sera submergée
par la joie. N'est-ce pas ?
Oui
le séjour ici m'a fait beaucoup de bien. L'opinion mûrit toujours davantage en
moi, qu'on devrait mettre fin à ses jours quand on est aussi malade que moi, et
que ce monde appartient aux bien portants.
K.W. qui a lu
ta lettre et l'a trouvée très émouvante, a demandé un peu ironiquement si ce
que tu appelles : " devenir conscient par la misère, les tourments et les
luttes " consiste à forniquer et danser aux bals de Presse. Et, comme je
pleurais, parce que tu vois notre "union indivisible" dans le fait
qu'une Cranach ou une anonyme disent que " nous sommes une idée ",
il se moqua de moi et prétendit que cela
n'était pas tellement grave. Car tu es un poète, qui vit des choses imprimées,
ce qui ne t'empêche pas d'être un homme tout à fait charmant.
Pour
ta pièce, il y aura sans doute des difficultés, mais pourquoi n'aurais-tu pas
autant de chance que d'autres, moins doués que toi ? Si ça ne marche pas à
Berlin, ça marchera sûrement à Paris.
Je
t'enverrai le roman, dans 8 jours à peu près de Paris.
Je
pars samedi et serai rentrée dimanche à la maison, si l'on peut s'exprimer
ainsi.
Merci
aussi pour les 50 M. d'hier et pour ceux que tu me promets pour aujourd'hui.
Rappelle-toi aussi que Rosa et moi, nous avons besoin de vivre. Et maintenant,
je vais tout de suite chez un spécialiste de l'intestin, je n'en peux plus.
Vomissements et diarrhée tous les 3 jours.
Au
revoir, mon cœur, je t'aime tant.
Zouzou
lettre
de Claire Cagnes/Mer à Ivan Goll Berlin 4
février 1932 MST p.85/86
4.
2. 32
Cagnes
s. Mer
Yvannot, 6 heures du matin, le
soleil se lève. Je suis devant lui, et en ce moment-même, tu dis peut-être :
"Ma douce Paula" ou "Ma délicieuse Emmy", et cela me fait
penser " qu'il y a tout de même en nous une loi morale", et que celui
qui la foule aux pieds sera puni. La même loi, selon laquelle le ciel rougit.
Un
petit amandier fleurit non loin d'ici. Kurt m'a dit que les tilleuls
fleurissent, tout le long des avenues. Je n'en sais rien, car j'ai passé 6
jours au lit, malade, mais ce seul petit amandier remplace tous les autres. Ah ! les lieder, laisse là les lieder ! Je sais que tu le fais sans plaisir, et que
tu aimes à traîner mes souhaits en longueur, si longtemps qu'à la fin ce ne
sont plus des souhaits. Quand l'autre n'est pas désireux de faire plaisir, que
reste-t-il du souhait?
J'enverrai
le roman dans 8 jours. Kurt a dit que ce n'est rien pour le magazine " Die
Dame ". Le dernier chapitre est presque de lui, je n'en pouvais
plus. Tout devient toujours si clair, quand on cause avec lui. Le nouveau roman
aussi. On sait immédiatement ce qu'on a à faire, ce qu'on voulait faire de
travers.
Mais
hier, lui qui ne prend que trop souvent ton parti, il était terriblement fâché
par ta lettre. « Quoi, pas payé, criait-il, une inconvenance envers Rosa, un
suicide au "Matin", et toi, te laisser dans l'atmosphère que crée un
loyer impayé, inexcusable, tant qu'on possède encore 1 centime en Suisse ! On
ne paie pas ses dettes, prétextes d'habitués de café…»
Tu
sais comment les Clauzel regardent quelqu'un, dès qu'il n'a pas réglé sa note
de gaz. Mais le loyer, le gaz, l'électricité !
« On n'a pas le droit, pourtant, de donner
toujours la préséances à ses fautes et à ses plaisirs, et de sourire des
travailleurs dans les "Romanische Cafés" (cette phrase n'est pas de
moi), mais lorsqu'un homme commence à nager dans ses eaux-là …»
Demain,
je rentre à la maison. Schneider veut immédiatement une chronique des modes
d'été, le "Berliner Tageblatt" doit aussi être renseigné là-dessus ;
il faut que je parle aux Herzog …D'abord, le devoir, qui est de satisfaire à
mes engagements ! Certes ce serait plus beau de rester ici.
Ma
santé n'a supporté que 3 excursions, c'est peu en 3 semaines. Et je ne suis
sortie que 4 fois 1 heure, au soleil de midi, c'est tout. Mais un jour viendra
peut-être ou plus de soleil brillera sur ma vie. C'est toi qui travailleras, et
moi je me reposerai.
Landau,
cet animal, a dit à Illan, il y a 3 semaines, qu'il partait pour Nice et me
paierait directement. Mais il n'a donné aucun signe de vie. Après-demain, je
l'appellerai au téléphone dans son cantonnement : le Claridge.
Je
serai très seule à Paris, car je n'ai plus répondu à Illan malgré des lettres
embrasées et pleines de reproches.
Laisse
donc Beye et Monsorten. Tout cela est de la saleté : basse, impure, allemande.
A
la protection de qui puis-je à présent recourir ? Si seulement on pouvait
croire à quelque chose ! Une ardeur pour un avenir intérieur, non pas un avenir
de théâtre ou de roman
Un succès intérieur, non extérieur.
Mais
je le souhaite à toi aussi, naturellement.
Ta
malheureuse Zouzou
Kurt est d'avis que je devrais
aller trouver ta mère à cause du loyer.
Si tu n'as pas payé dans 6
jours, je le ferai.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 6 février 1932 MST p.86/87
Paris, samedi
Aimé, je suis revenue rue
Raffet. Je suis partie dès avant-hier, à cause de la Mode. Avant, j'ai encore
causé longuement avec Kurt (*), son avis est que tu ne peux absolument pas
rester à Berlin. Tu n'as jamais été reconnu en tant que dramaturge, en
Allemagne, et l'on peut donc attendre bien longtemps un résultat
positif....Nous avons parlé en outre (avec Hellé) du fait que "ton
cas" est celui de beaucoup d'hommes de quarante ans. Epoque de crise. Pour
parer au vieillissement et à l'ambition insatisfaite, au moyen d'un excès de
sensualité. L'un cède à son avidité de jouissance, chez l'autre elle est
freinée par la tendance morale. Le père d'Hellé, qui avait été un homme
délicieux, succomba aussi de cette manière. Ne te crois pas un cas unique...
La plupart voudraient faire
comme toi, mais nous n'avons pas le droit d'obéir à notre luxure.
Comme
me le disait Mme Herzog, tu passes pour être le "mari" de Mme Ludwig
et d'autres femmes. Ce bruit circule. Au Bal de la Presse, tu présentas une
très jolie femme, etc. On peut faire tout cela, mais est-ce permis ?…Je
voudrais à présent aller chez ta mère et lui raconter tout depuis le début.
Peut-être nous fera-t-elle une rente mensuelle et te rendra-t-elle ainsi
possible cette griserie, qui ne rapporte, en vérité, pas un centime, comme tu
l'écris, mais qui te procure une ambiance nécessaire, - paraît-il -, - à un
"poète". La luxure, dit Kurt, devrait cesser à notre âge; il est trop
commode de réclamer les joies de cette sorte au nom de mille faux-fuyants.
Werfel lui aussi est un grand poète, et il vit dans la plus grande et la plus
concentrée des solitudes.
Ta
mère me comprendra.
Entre temps, le loyer a été payé
avant-hier, mais les Clauzel m'ont déclaré, à plusieurs reprises, qu'ils ont
déjà réglé 2 mois de Gaz. Ils n'ont pas payé l'électricité, et la Compagnie m'a
écrit très aimablement qu'elle va me couper le courant.... De plus, la note du
pain est devant moi, ainsi qu'une demande pressante de la Bizot, de lui payer
les 400 Fr que je lui dois ; le pharmacien, lui aussi, a choisi le moment le
plus propice pour me déclarer que mon compte se monte à 700 Fr.
Or,
je ne suis certes pas trop aristocratique pour travailler, mais tu comprends
qu'à la fin, j'en ai assez, et que mon épuisement physique est si grand qu'il a
porté un coup à mon énergie de travail. Et d'ailleurs, pour les 30 M. que je
recevrais au B.T. ! J'en ai assez, assez, assez !
Claire
* Kurt Wolf
Le Journal des Poètes 2ème année, n° 11 - 6 février 1932
Deux poèmes de Paula Ludwig - traduction de l'allemand d'Yvan Goll - Bruxelles.
Extrait de la traduction d'une lettre d'Ivan Goll Berlin à Claire
Paris du 7.2.32 (SDdV 65/145) lettre
que je n'ai pas trouvée dans MST mais
dans :
Iwan Goll Claire Goll Briefe, Florian
Kupferberg Verlag Mainz / Berlin (262 p.) 1966, pages 86 et 87, mais, avec
cette référence :
Sur un papier laissé sur sa table de travail, en 1932, Goll écrit au
sujet de cette crise :
«
Le
Démon, voilà son nom. Voilà le nom de l'être que tu n'as pas nommé et que tu
voulais que j'admette.…Eh bien, je l'admets, comme toi. Ne l'appelons pas
" le destin ", et surtout ne le repoussons pas sur d'autres
personnes. Le démon est en moi, je le montre du doigt. Je ne suis pas lâche
comme tu le pensais. Il est la troisième personne de ton rêve étrange et
lumineux, nous sommes toujours trois : toi, moi et le frère noir …l'amer profil
que je suis forcé de porter pendant le jour, la voix voilée qui pend comme un
rideau devant mon âme farouche.
Mais
il dépend de toi, Souverain du Songe, que ce soit moi ou lui que tu appelles.
Il
est vrai, les deux craignent la vie, le présent. La danseuse : parce que la
confusion est une telle torture.
Le
frère, parce qu'il traîne toujours avec lui le sac rempli de chagrin, le corps
plein d'inquiétude millénaire, plein de départs et d'arrivées millénaires.
Souviens-toi
de ma peine dans la longue nuit, quand je ma suis sauvé dans la chambre
glaciale, te quittant vers trois heures de la nuit bienheureuse. Souviens-toi
comme mes pieds se démenaient, ces pieds du Juif Eternel, qui ne peuvent
oublier l'errance sans fin !
Souviens-toi
de l'agitation dans mes yeux, entre deux patries, éternellement l'homme sans
terre, l'hybride entre femelle et mâle, entre la foi et la pourriture, entre le
désir et l'ennui.
Ivan
»
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 10 février 1932 MST p.87/88
Paris 10.2.32
Non,
toi, tu ne dois avoir honte de rien. Tu
as été bon pendant des années, tu peux continuer à vivre sur ce fonds. Tu as
encore un grand crédit dans mon cœur. Et peut-être gagnerai-je bientôt assez
pour nous deux. Ne te tourmente pas à ce sujet, toi, mais ne dis pas : "
L'époque est pourrie, je veux m'adapter à elle". Nous avons en nous une
loi morale, nous le sentons bien, cela est au-dessus de toutes les époques, et
tu ne dois pas agir contre cette loi, parce que quelques littérateurs et
quelques idiots méconnaissent que tu es un poète.
Chéri, laisse ce cynisme bon
marché à d'autres, plus petits que toi par ex. à Steinthal. Mais toi, lutte,
lutte, monte, et ne sombre pas, ne te contrains pas à être plus mauvais que tu
n'es. Et pourquoi ne te fais-tu pas plus rare ? Ne crois-tu pas que, sous tous
les rapports, tu aurais plus de succès qu'en étant là sans cesse ? Comme ça c'est
passé avec Beye et Cie. Ne vas donc plus dans cette cave des sous, où ils n'ont
pas d'affection pour toi. Ne t'occupe pas de ces sous perdus et sales, mais des
pièces d'or.
J'ai
envoyé aujourd'hui à Madame Landau, qui est encore à Beaulieu, une lettre
diplomatique, recommandée. Ce faisant, le sentiment que j'ai pour toi me
pénétrait malgré tout et j'ai écrit :
"Trude
(*), Beye, M. Schönherr ont dit à Yvan qu'ils ont réglé tout le monde en
janvier, sauf lui, parce qu'ils ne peuvent pas le souffrir. Les larmes me sont
montées aux yeux. On voudrait bien, parfois, se suicider.
"Le
pauvre malheureux garçon ! Parce qu'il a lutté désespérément pour gagner un peu
d'argent à sa femme malade, ils ne l'aiment pas. Si seulement ils le
connaissaient, s'ils savaient combien il est triste et fier, et combien il est
bon, lorsqu'il s'agit de plus pauvre que lui ! En tout cas, je vous prie de ne
pas me faire porter le poids de cette antipathie, etc.…"
S'il devient insolent, je
pourrai toujours encore le menacer de Me Saviac. En fin de compte, il faudra
bien qu'il paie, fût-ce plus tard, puisque nous n'avons jamais d'argent, et
pouvons en avoir besoin à tout instant.
Bonne nuit, toi, je suis fiévreuse
et lasse. Encore une journée de crampes intestinales terribles et du travail le
plus éreintant ; la voici terminée, encore une fois. J'ai travaillé sans arrêt
de 7 heures du matin à 11 heures du soir. Demain je t'enverrai le roman.
Et sois réellement fier de la façon
dont je t'aime et t'aimerai un jour à nouveau
Zouzou
(je
n'irai chez le médecin que lorsque tu seras revenu). »
(*) Trude Esterberger
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 12 février 1932 MST
p.89/90/91
Vendredi
[Paris
12.2.32]
Yvan
Je t'écris encore une fois aujourd'hui et
ensuite je cesserai de le faire pour longtemps. T'émouvoir par des lettres, non
!
Finalement,
certaines « autres personnes », s’y connaissent un peu en poésie, et
elles ont trouvé comme moi que les deux poèmes traduits sont insuffisants. Le
jugement de l'Amérique en de qui concerne Joyce n’est pas valable. C'est le
pays de beaucoup de poètes mais pas des
poètes. Il est déjà,assez significatif que les Etats Unis avec leurs millions
d'hommes aient produit au cours de ces trois siècles si peu de génies en
poésie :Whitman, Poe, Hart Crane et peut-être Ezra Pound, qui nous est
d'ailleurs apparu, quand nous l'avons connu, humainement comme quelqu'un de bien
médiocre. Et s’il est vrai que le don littéraire et la moralité ne se
contrebalancent pas toujours, on devrait pourtant dans un grand artiste pouvoir
deviner une certaine grandeur d'âme.
Et l'Angleterre aujourd'hui ? Où
sont ses poètes importants ? Combien sont-ils ? William Butler Yeats, le jeune
Dylan Thomas, dont t'a parlé Eliot. Eliot est d’ailleurs américain, et comme il
me l'avouait lui-même, influencé par Rilke. (et d’abord par les Français, en
commençant par Laforgue …) A l'époque où j’ai rendu visite à Eliot à Londres, il n'était pas du tout encore
Eliot.
Non, ton enrégimentation de
Joyce parmi les grands écrivains de langue anglaise m'apparaît très contestable. Et le culte de Joyce pour James Stephens me semble puéril. Tout ce qui
vient de Dublin est pour lui sublime. C'est seulement parce que le rôle le plus
brillant de son ami Sullivan est Guillaume Tell qu’il considère que cet opéra
est un chef-d'œuvre et qu'il nous en chante des airs chaque fois que nous
sommes chez lui avec enthousiasme (et pour mon supplice). Mais la note qu'il a dictée pour mettre
au bas du poème de Stephens est carrément naïve. Joyce est un génie en prose
mais pas en poésie.
Bref : "Donnez-nous la
liberté de pensée - (et de jugement),
Sire ! " Permets-moi, s'il te plaît de ne pas partager ton opinion.
Pourquoi
ne pourrais-tu pas toi aussi te tromper ? Rappelle-toi la critique que tu
fis de la prose de Illan. Et il a reçu, il y a quelques semaines, une lettre
enthousiaste longue de quatre pages de Max Jacob, où celui-ci " lui baise la
main, cette main infiniment bienveillante qui a écrit de telles choses " !
Et on ne peut
pas dire que c'est un jugement de complaisance d'un homosexuel à un autre, car
Illan est, Dieu le sait, un coureur de jupons.
Rappelle-toi
aussi ce que tu m'as toujours dit de mon roman Une Perle :"trop réaliste". Comme tu m'as découragée !
Dès la parution, rien
que des articles élogieux de la presse française et de la presse des États-Unis
pour l'édition américaine ! Signés Thomas Mann, Stéphan Zweig etc.. Et cette
phrase qui revenait souvent dans les comptes rendus : "Un Emile Zola
d'aujourd'hui", - ce qui n'est, après tout, pas à un blâme. Il y a un
réalisme qui n'est pas forcément anti artistique.
D'ailleurs, tu sais très bien que j'ai lu un unique livre
de Zola et que je l'estime, mais ne l'aimait pas, car ma passion, de Paris à
saisir année, va à Dostoïevski. C'est aussi pourquoi nous nous sommes tellement
disputés à Chambon/lignions, nous essayons de décrire ensemble un roman. Nos
idées ne sont pas les mêmes.
Tu seras d'autant plus
approuvé et confirmé dans ton culte de Joyce, par une autre artiste.
Mais à présent,
tu me l’as écrit assez clairement : il n’y a , en ce monde, qu’un style,
qu’une bonté, qu’une artiste !
Adieu
!
Claire
*
* Voici les deux
poèmes en question.
Voici l'enfant -Du sombre passé -
Un enfant est né - De joie, de peine -
Un Coeur s'égrène - Au calme berceau -
La vie éclot. - Que l'amour pieux -
Décèle ses yeux. - Haleine qui passe -
Vite sur glace - Monde à peine là -
Qui déjà s'en va. - Un enfant dort -
Un vieillard est mort.
James
Joyce (traduit par Yvan Goll)
Le vent hurle à haute voix
Et silfle furieux sur ses doigts.
Soulève les feuilles trépassées
Se bat avec la forêt déchaînée.
À mort ! Hurle-t-il. Une mort folle
Dieu est de nous. Un homme une parole.
James
Stephens (traduit par James Joyce et Yvan Goll)
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 12 février 1932**** MST p.91 à /94
Paris, 12,2,32
vendredi
soir
Aimé, oui tu l'as senti et, le soir,
ton télégramme devait réparer l'effet de cette lettre sans cœur, mais alors, il
était déjà trop tard. Songe à ce que toute une journée de détresse peut
déchaîner et détruire chez un être humain. Mais je préfère me taire là-dessus,
il ne faut plus déclencher des émotions. Soyons donc positifs.
Tu m'as écrit que mes lettres,
finalement, te déçoivent toujours. Ah ! si je voulais te dire quelles grandes
déceptions les tiennes n'ont été que trop souvent pour moi, et comment, bien
des fois, elles tombaient aux moments où j'étais le plus disposée à l'amour et
aux sacrifices. Tu as écrit plus loin : Paula a crié : Je te louerai un
Théâtre, je ferai représenter ta pièce ! - Tu oublies que, pendant les
premières années de notre inclination mutuelle, j'ai crié des choses
semblables. Et moi aussi, l'an dernier, j'ai dit des choses de ce genre à Illan.
Amoureuse depuis un an, songe donc ! Je souhaite que Paula te le dise encore
après 16 ans.
Ce matin, je t'ai dit que je ne
t'écrirais plus, et ton télégramme ne peut rien changer à cela. Je dois
seulement t'envoyer encore ce post-scriptum, tu verras tout de suite pourquoi.
Je n'écrirai plus, car je ne veux
plus rien savoir de toi et je veux que tu ne saches plus rien de moi. Je ne
demanderai plus rien non plus. Ni ton retour, ni ton aide financière.
Le
"Matin" sera aussi mon dernier souci. Je m'en tirerai bien, aussi
bien que d'autres, et si, un jour, les choses vont bien pour moi, alors je
partagerai certainement avec toi, je n'ai pas besoin de te le dire d'abord,
mais je le ferai.
Aime et vis, libre et indépendant.
Je ne sais pas où je serai, quand tu
reviendras. Quelque part dans le monde. Peut-être irai-je à Berlin, dès que tu
n'y seras plus.....
Je ne te le dis pas pour te rendre
des comptes, mais pour que tu ne crois pas que c'est une revanche. A quoi bon ?
je n'ai rien à te pardonner, ce que tu m'as fait n'existe plus.
Pourquoi t'écrire encore cette
lettre ? parce que j'ai envoyé, ce matin à Daniel (Kahn, Professeur d'allemand et beau-père d'Yvan), les 30 premières
pages de la traduction de Germaine (Berton)
et que je leur ai fait savoir que j'étais revenue de Berlin à cause de la
collection de printemps....
Adieu, sois heureux, laisse-toi
aimer. Je ne peux rien t'écrire de plus tendre en guise d'adieu. Sinon, tu
pourrais croire, encore une fois, que je cherche à t'émouvoir.
Claire
»
Et à
présent, je voudrais te prier, chéri, de ne pas perdre courage, si tout le
monde ne s'arrache pas tout de suite ton manuscrit. Je pense qu'il devient
difficile de vivre de son art, et que ce le sera toujours davantage. Mais une
autre fois, quand tu seras "d'humeur massacrante", ne m'écris pas.
Pas de lettre, cela vaut mieux qu'une lettre pareille. Et d'ailleurs mon
"insouciance"! As-tu pensé à mes petites demandes :
1) « De mes grandes douleurs je fais
de petites chansons »
« Un jeune homme aime une jeune fille …»
« L'Ode saphique » de Brahms
Pour:
Mezzo-soprano,
pour une voix que tu aimeras peut-être entendre à nouveau, dans un an ou dans
trois ans.
2) Christa Winsloe
3) Droits d'émission et date de
A la recherche de la voix perdue.
Donc,
j'ai parlé à Joyce, tout à l'heure au téléphone. Voici textuellement ce qu'il
m'a dit :
"
Madame, j'aurais été très heureux de vous serres la main, puisque nous sommes
voisins, mais je ne puis pour le moment, voir aucune personne, je suis dans un
état épouvantable."
Moi
: " Je sais, Maître, Monsieur votre
père…Etait-il donc si âgé ?"
Lui
: " Non, cela n'est pas la cause de mon tourment. Il est mort de
vieillesse. 80 ans, c'est un âge normal. Mais je l'aimais beaucoup et je n'ai
même pas pu aller le voir pendant ses derniers jours. Ma femme et mes enfants
ne l'ont pas voulu et moi-même, je ne me sens pas en sécurité là-bas. Car ces
gens ont brûlé toute l'édition de Dédalos
en 1912, lors de mon dernier séjour. Vous comprenez pourquoi je n'ai pas pu
aller là-bas."
(à
vrai dire, je n'ai pas compris s'il avait eu à craindre le bûcher pour lui-même
: ou seulement pour ses recueils de poèmes !)
Moi
: " Oh ! naturellement, je vous comprends. Depuis combien de temps
n'aviez-vous pas revu votre père ?"
Lui
: " Depuis 20 ans ! Vous comprenez mon désespoir."
Moi
: " Et vous ne vous écriviez-pas ? "
Lui
: " Naturellement si, et je lui envoyais aussi des cadeaux ".
Moi
: " Mais, cher Monsieur Joyce, ce n'est donc pas de votre faute si vous ne
pouviez plus vous voir, la faute en est aux circonstances …"
Lui
: " S …"
Moi
: " Allo ! "
Lui
: " Oui, j'entends. De toutes manières ne m'en veuillez donc pas, si je ne
puis vous voir en ce moment ".
Moi
: " Mais je suis chargée de vous demander quelle est votre position au
sujet de votre 50 e anniversaire".
Lui
: " Ces choses n'ont pour l'instant, pas le moindre intérêt à mes yeux.
Excusez-moi donc auprès d'Yvan Goll. Je vous recevrai avec joie dans quelques
semaines."
Moi
: " Au revoir, cher Monsieur Joyce, et croyez à toute notre
compassion."
Lui
: " Merci de tout cœur, mes souvenirs à Goll, au revoir."
Au revoir, - je te souhaite beaucoup
de bonheur et d'amour à Berlin.
Zouzou
»
Enveloppe sans lettre, écrite de la main
de Claire :
Herrn Dr. Iwan Goll
bei / Ludwig
112,
Gh. Atelier, Kurfürstendamm
Berlin-Halensee
Cachet de la Poste : Paris XVI, Rue Singer, 13. II.32
lettre
d'Ivan Goll Berlin à Claire à Paris du
17.2.1932 MST p.94/95
Chère
Claire,
(Zouzou est réellement devenu trop
petit pour toi !)
Ce soir, j'ai lu Arsenic (version
allemande de Un crime en Province)
jusqu'au bout. Un grand, un très grand livre !
Tant de matériau humain, extrait des
profondeurs de la chair et amené au soleil, tant de savoir universel, de
connaissance de l'âme, de force expressive, d'acuité visuelle et de finesse
d'ouïe…
Se
transporter ainsi dans un autre être, haïr, assassiner, souffrir avec lui,
l'éclairer du dedans et du dehors, disséquer, éplucher…le retourner en tout
sens à la flamme de l'art, comme un poulet à la broche…
Et
puis, la vie de la petite ville : magistrale. Au début, on a des doutes : c'est
tout de suite si fort. On se demande : comment soutiendra-t-elle ce ton, sans
se répéter, sans ennuyer ?
Tu as résolu entièrement le
problème. Une des tâches les plus difficiles que puisse se proposer un artiste.
Une tâche que peut seul aborder celui qui sait ce que sont les nuits
inquiétantes, les tentations de l'instinct, le besoin de sacrifice, le sens de
la mort …
Inutile, n'est-ce-pas, de dénombrer
les passages qui sont d'une grandeur classique : la nuit du premier
empoisonnement, la mort de Gaby, cruellement exacte…et combien de petites
phrases pleines de savoir !
Mais à la fin, cette sonorité
apaisante (inconnue de moi), cet écho final proche du ciel !
Tout à fait grand !
On ne peut que t'admirer !
T'admirer, créature insondable !
Mais, o toi qui n'es pas heureuse,
qu'arriverait-il si tu descendais, une fois, aussi profondément en toi que dans
les tréfonds de ta Suzannne, si tu projetais ta lumière jusqu'entre tes côtes,
qui sont souvent les barreaux de prison empêchant d'accéder à la sagesse et à
la liberté. Toi qui a sauvé la plus misérable de toutes, pourquoi ne te
sauves-tu pas par la connaissance ? Tuer ne sert à rien, ni mourir : mais
savoir !
A la dernière page, on se met à aimer
Suzanne !
Ivan
P.S. Je porte demain le manuscrit à
KROLL / mais ULLSTEIN le trouvera trop lourd de contenu, bien trop bon.
Ensuite HILDEBRANDT. Mais combien de
copies as-tu ? Tu n'as pas besoin là-bas d'en garder plus de 1 ou 2 en allemand
! Envoie-moi encore un exemplaire, afin que je frappe tout de suite à la porte
d'un éditeur, pour que nous ayons "deux fers dans le feu".
Plus tard, je n'ai trouvé presque
plus rien qui nécessite des améliorations
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 20 février 1932 MST
p.95/96/97
samedi
6
heures du soir
[Paris,
20.2.32]
Aimé,
je reviens à l'instant d'une merveilleuse excursion d'une journée dans la
vallée de Chevreuse et je trouve tes Lieder. Ah, toi !
Dois-je les chanter à l'Amiral
que j'ai ramené ici ? Il est perché sur le Pascin et il est encore tout tremblant de son destin
tragique : être un papillon en février ! J'ai aussi cueilli les premiers
chatons de saule. Et il y avait sur les bois de bouleaux un reflet mauve, à
faire perdre la raison. Et, vers le soir, il y a eu la lune, la pleine lune. Et
toutes les villas et les maisons qui bordaient la route, je rêvais que j'étais
dedans, environnée d'enfants. C'était un home et un refuge, on appartenait à un
lopin de terre, on n'était plus nomade, on n'était plus ballottée par le monde,
empoisonnée par la solitude. Quel lourd fardeau que d'être artiste ! Walter me
disait récemment: "Tu as un destin d'homme", - c'est une triste vérité.
Et
là-bas, dans les forêts, vivent les petits lièvres, et on les chasse, c'est le
destin des lièvres. Dieu est insaisissable dans cet univers ; et cependant, je
le pressentais et le saisissais aujourd'hui dans chaque jeune mauvaise herbe
fleurissant le long de la route.
Hier;
charmante réception chez Lise (*). Tu te rappelles cette belle femme aux
cheveux noirs (une raie au milieu, un front florentin) qui nous a frappés
naguère dans les "générales" des théâtres parisiens ? C'est elle.
Elle a divorcé de son premier mari et épousé un bel homme, très fin, dont elle
a maintenant un petit garçon (avec une petite fille du premier), et une maison!
Ah ! tu le verras bien, il y a chez eux tous les mois, une réunion poétique, 30
poètes étaient là, Flouquet, Ribemont-Dessaignes, des jeunes comme Colombat,
Desnos et Youki, etc..
A
toi, j'adresse en outre, 2 volumes de Lieder en retour : j'ai déjà Schumann et
Schubert est pour soprano, alors que je suis mezzo-soprano. Echange-les contre
Hugo Wolf et les Lieder de Brahms.
Parmi
ceux-ci, je voudrais surtout :
"Aussi
vrai que le soleil brille, aussi vrai que la nuée pleure". Je crois que
c'est de lui. Ou bien, me trompes-je comme "De mes grandes douleurs je
fais de petites chansons", que tu as si gentiment cherché et retrouvé
parmi les Lieder de Franz.
Je
suis de retour depuis 15 jours et je n'ai pas encore vu Illan, ne lui ai pas
fait savoir que je suis ici.
Il y a en ce moment, bien des choses à voir,
et je sors donc beaucoup, pour parfaire ma culture. Surtout pour affiner, en
compagnie de Français, ce mauvais style que tu me reproches tant. "O
chaînes de roses" (°)…! Et : le style c'est l'homme, ce n'est pas la
femme. C'est la qu'est mon excuse. Excuse-moi, oui, je suis heureuse, moi
aussi, pour une fois. J'ai reçu un nombre effrayant de piqûres de strychnine, et, à en croire le prospectus,
elles provoquent la gaieté et un état d'ivresse. Foin de la mélancolie et des
larmes, qui émeuvent !
Ci-joint
la facture du Matin ; malheureusement, j'ai dû tout payer, il n'y avait plus
rien à faire. Egalement pour le Gaz pour décembre : 234 frs., excuse-moi
encore, mais la vie est faite de choses de ce genre.
A
l'instant Mlle Stil a téléphoné, aspirant à toi. Je l'ai consolée aussi bien
que je l'ai pu, je lui dit que d'autres dames t'ont également appelé au
téléphone, et que tu es chez Paula Ludwig.
"
Oui, elle le savait, mais combien de temps encore ? "
J'ai
dit que seuls le savent les dieux de l'amour.
Ta
lettre et ton télégramme, qui exprimaient ton bouleversement à la lecture de
mon roman, m'ont profondément émue. Tant de sympathie artistique, c'est
toujours stimulant.
Néanmoins,
je t'envoie ci-joint la critique, elle servira peut-être pour le placer.
Voudrais-tu corriger un second manuscrit pour Tal, en le comparant avec le premier
ou dois-je l'envoyer à Tal comme il est ?
As-tu
des perspectives chez Deutsch ?
Le
petit Walter (**) a reçu hier comme dessert : "Der Dunkle Gott". Le livre a remplacé une piqûre de
strychnine. " Ce jour-là, ils ne me racontèrent pas davantage", comme
il est dit dans les Mille et Une nuits.
Et
maintenant :
Vis
heureux, vis content,
Comme
le roi Salomon
Qui
chantait assis sur son trône
Tout
en mangeant du foie gras.
Excuse-moi,
mais je ne suis pas une poétesse, mais seulement
la
naguère pauvre
Zouzou
aujourd'hui riche
Avant-hier
et le jour précédent, une dame a téléphoné, qui a demandé sans arrêt à Rosa:
"Alors il est en voyage, mais pas avec sa femme …pourriez-vous me donner
son adresse ?" Rosa ne l'a pas donnée, elle a déjà beaucoup appris, et
elle a dit : " Qui sait, peut-être a-t-elle besoin du soutien de Monsieur
". J'ai beaucoup ri.
(*) Lise Deharme avait un célèbre salon
littéraire d'avant-garde à Paris
(°) Allusion à une lettre inédite d'Yvan à
Claire du 12.2.1917 qui contenait la phrase :
"Chacun
garde sa liberté jusqu'à ce qu'il se soit forgé lui-même ses chaînes : Chaînes de roses", phrase dont je
me moquais tout le temps.
(**)
Walter Mehring, écrivain de gauche, correspondant du Berliner Zeitungen à Paris de 1921à 1928,
à Berlin jusqu'en 1933, puis à Vienne. Interné en France en 1939 avant de
partir en 1940 pour la Martinique et les USA. Rentre en Europe en 1945.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 22 février 1932 MST p.97/98
Paris, 20.2.32
J'ai
eu tout à l'heure avec Tagger (*) une longue et amicale conversation.
Tu
sais qu'il n'a aucune raison d'être mesquin ou réservé, lui qui est le
dramaturge allemand ayant le plus de succès.
Donc,
avant tout, il trouve que cette pièce vient beaucoup trop tard. Les pièces sur
le monde des affaires ne sont plus demandées. Il trouve aussi que ce n'est pas
dans ta ligne. Ta direction, c'est celle de "Mathusalem". Dès que tu
t'en écartes, les pièces deviennent mauvaises. Il te conseille d'écrire une
pièce qui soit pleine d'âme, artistique ou vibrante de satire, mais non pas
torturée et "voulue". Il dit "qu'il est tout à fait inutile de
tenter encore quoi que ce soit à Berlin, pour cette pièce, tu n'arriveras pas à
la placer".
Voilà
donc l'avis d'un homme de métier. Je n'ai rien à y ajouter. Tagger dit qu'il
avait lui aussi, écrit diverses pièces qui n'ont jamais été jouées.
Hasenclaver,
lui aussi, revient à l'art, après tant d'erreurs et de fours. Il compose une
nouvelle pièce, en vers
Il
faut donc être modeste, et non trop orgueilleux. L'œuvre dont on doute est
toujours plus grande que celle dont l'auteur crie : "On va me l'arracher
des mains !". Je doute tellement de mon "Arsenic" que j'ai déjà
voulu attenter à ma vie.
Sois
fort et comprends ! Tu as observé maintenant tant de matériel vivant, en
Allemagne ; pourquoi ne pourrais-tu pas faire une pièce enflammée sur
l'hystérie des Berlinois ?
"Krankheit
der Jugend" est un grand succès à l'Oeuvre
Un jour, tu auras, toi aussi, des succès de ce
genre, mais seulement quand tu te feras petit devant l'art théâtral, comme tu
l'es, depuis longtemps, devant la poésie.
Quand
on est quelqu'un, les gens vous courent après (Pirandello) et on n'a pas besoin
de faire un pas ; tous tes reproches sur ce sujet étaient injustes.
Je
t'envoie par le même courrier le second manuscrit "Arsenic".
J'ai obtenu et signé,
aujourd'hui même, un excellent contrat d'un éditeur polonais pour "Ein
Mensch ertrinkt". C'est chez lui qu'ont paru Morand, Maurois, Benoit, etc.
(*) Théodore Tagger véritable
nom du dramaturge Ferdinand Bruckner, dont la pièce "Krankheit der
Jugend" (1929) se joua avec un grand succès à l'œuvre.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 25 février 1932 MST
p.99/100/101
Paris, 25.2.32
Mon
petit garçon,
"Découragé"
? pourquoi ? toute déception sert à quelque chose. Celle-ci n'échappe pas à la
règle. La prochaine fois, quand tu n'attendras rien d'une œuvre, quand tu seras
tout humble devant elle et ne la tiendras pour rien d'autre qu'un début, alors,
le succès te surprendra. En admettant que l'approbation de nos misérables
contemporains mérite qu'on lui sacrifie le peu de paix intérieure dont on jouit
chez soi, entre ses quatre murs, cette paix qu'on abandonne pour une chose aussi
inexistante que la prétendue gloire.
Mais,
sot enfant, à quoi bon te faire des soucis ? C'est moi qui paie le loyer
avec mon roman. Bien que je ne mette jamais, comme tu le fais dans ta lettre, à
jongler avec des chiffres tels que 5000 ou 10000 marks. Pourquoi toujours
exagérer ? Naturellement, lorsque l'on est sur une telle corde d'or et
qu'on en tombe, le choc est rude.
Et
véritablement, je ne veux pas rompre mon contrat avec Tal.* Je suis pour la
fidélité à la parole donnée et je n'aime pas faire de dettes. Tu me connais. Je
me refuse donc, sous ce rapport à recevoir des leçons des Allemands. Et
d'ailleurs, ne vivent-ils pas, en réalité, dans des conditions impossibles ? Je
les supporte mal. Et il est encore plus facile de vivre avec le plus petit Français
sain et honnête, qu'avec les Allemands les plus raffinés. Je l'ai
constaté avec Kurt Wolff. Ici, nul ne s'immisce par force dans ton ordonnance
intérieure, nul ne te divise, tu restes toujours solitaire et libre. Quel
équilibre on gagne au contact des Français, et comme on perd pied aussitôt, ne
fût-ce que pendant une conversation, avec les Allemands ! Comme ils sont
indiscrets, même dans leur discrétion, et éhontés, sans pudeur d'âme ! Non, je
n'aime que Paris, et cependant, je voudrais aller un jour à Berlin, pour
plusieurs raisons.
Maintenant, en ce qui concerne
les gains d'argent, les possibilités, tous mes amis et toutes mes relations me
disent que c'est à Paris seulement que l'on peut encore se faire une place.
Tant dans l'édition (tu l'as bien constaté, toi-même l'an dernier avec ton
livre sur la photographie) que dans les journaux (où tu as joliment lâché Fels
!). Paris-Soir s'est monté et tue momentanément l'Intran, et a un tirage de
250.000; que n'aurait-on pu y faire ! Des rapports illustrés d'Allemagne, ou
bien ici, la chronique des livres, etc..
Desnos,
lui aussi est un poète, ce qui ne l'empêche pas de faire toutes sortes de
besognes à côté.
En
ce qui concerne Maria Deutsch-Piscator, je pense qu'une visite adroite de ta
part aurait beaucoup plus de succès que des approches féminines.
Non,
tu te trompes, je n'attends pas impatiemment ton retour, cette époque est
révolue depuis longtemps. Je vis actuellement avec Rosa, qui me soigne avec
amour, m'envoie prendre l'air, ferme la fenêtre quand elle trouve qu'il fait
trop frais, etc.. Dans une tranquillité conventuelle. Je ne souhaite rien
d'autre. Tu te trompes aussi lorsque tu crois que je ressens plus
douloureusement ma solitude, parce que j'ai terminé ma tâche qui me remplissait
toute. Comme tu aurais pu le deviner, j'ai déjà commencé un nouveau roman, -
j'en suis tout au moins à sa préparation.
Je
lis de bon livres (anciens), beaucoup de Goethe ; j'ai près de moi une
jacinthe, en faut-il plus pour se sentir infiniment riche ?
Aujourd'hui,
j'ai acheté pour ton vase vert de la salle-à-manger, afin d'y remplacer la
bruyère, un bouquet de roses en cire, de toutes les couleurs, qui aurait
inspiré Rousseau.
A
présent, je vais le regarder à tout instant et je me réjouis de sa suavité : un
bouquet de noces. Car, tu le sais bien, les choses simples, primitives,
déclenchent en moi les joies esthétiques les plus fortes. Je peux m'occuper
toute la journée de ce bouquet, alors que je ne supporte pas les êtres humains
plus d'une heure. Mais aussi, quelle différence entre l'être humain et la
fleur, fut-elle artificielle !
A
l'instant, je viens de préparer ton paquet : "Die Alpenpassion der
Jungfrau von Paris".
Demain
matin à huit heures, je le porterai moi-même à la poste, car, tu ne le sais pas
encore, à huit heures juste je prends l'autobus, boulevard Suchet, jusqu'à la
place Victor Hugo, et de là, je vais à pied jusqu'à l'avenue du Bois de
Boulogne. Là, on me nourrit artificiellement, parce que mes organes ne veulent
plus travailler eux-mêmes : ils sont morts. Il y a quelques jours, j'allais si
mal que j'ai donné à Rosa - inondée de larmes -, - un télégramme à ton adresse
pour le cas où il m'arriverait quelque chose.
Ainsi
donc, je reçois chez Meunier 1 litre de lait, 2 œufs, 1 beafsteack et j'ai
engraissé déjà d'une livre en 3 jours. Il considérait ma "ligne
haute-couture" comme un grand danger.
Cela
coûtera peut-être beaucoup d'argent, mais grossir, cela vaut de l'or. Je lui
suis très reconnaissante et me sens déjà mieux.
Il
est maintenant plein de prévenances, et veux me faire des prix spéciaux. Il m'a
pris 350 frs. pour un premier examen avec analyse de sang et de l'urine, radio
et sondage de l'estomac. J'ai payé de suite, c'était inévitable. Généralement,
il prend mille francs, m'a dit sa secrétaire. Ce que le sanatorium de
Bühlerhöhe n'a pu faire, l'avenue du Bois le fait. Là-bas, on me donnait du
lait et des œufs nature, et, bien entendu, je ne les tolérais pas. Ici, une
fois avalés, ils sont artificiellement digérés par un appareil.
Si
seulement tu me racontais un peu plus en détail comment s'écoulent tes
journées !
Adieu,
je suis si fatiguée, j'ai beaucoup travaillé et j'ai toujours 38 ° de
température, le soir. Adieu
Zouzou
Voudrais-tu
me répondre à une question importante ? (Ne pas oublier !) Hildenbrandt est-il
de nouveau à la rédaction du feuilleton du Berliner Tageblatt, ou le chef
est-il toujours Sinsheimer ? Tu indiques toujours tout d'une façon vague, et me
laisses dans l'incertitude.
Ce
serait délicat de ta part d'écrire quelques mots à Mlle Stil. Elle a été opérée
de l'appendicite, et je crois qu'elle a été très malheureuse quand je lui ai
dit sur un ton moqueur qu'elle devrait prendre patience, qu'elle n'est pas la
seule, etc.. Le même jour, une de tes "amies" avait téléphoné. D'ailleurs,
Marianne Oswald téléphone si souvent et insiste tellement pour me revoir, que
j'ai dû finalement l'inviter. Sinon, tu m'accuserais d'impolitesse.
* Verlag E.P. Tal & Co.
Leipzig/Vienne
Berlin
29.2.32
Chère Zouzou.
29
février : on nous fait cadeau d'un jour de plus cette année ! Avez-vous, à
Paris, vous aussi, des jours de soleil-fixe, des jours clairs ? Pour Berlin,
c'est un hiver tempéré ; il gèle bien, mais il ne tombe pas de neige. Ce climat
m'est favorable. Je n'ai pas encore eu une seule crise de grippe. D'autres
personnes aussi ne se plaignent jamais de cette espèce de faiblesse qu'apporte
à tous l'air trop mou de Paris. Mais tu me parles déjà d'amiraux et de
primevères : tu baises déjà le printemps, qui paraît encore ici quelque chose
d'impossible !
Et
o ta dernière lettre si douce ! comme j'ai eu envie de te serrer dans mes bras
avec ta taille de figurine de mode, d'observer combien tu engraisses depuis que
Meunier t'injecte ton beafsteack quotidien : te sens-tu mieux maintenant ? Je
me lève avec toi, je te vois partir dès 8 heures pour le Boul. Suchet; à ce
moment, ici, il est déjà 9 heures ; et je te vois rentrer à la maison avec le
bouquet de roses de cire !
Est-ce
que le merle picore les baies du lierre ?
Et
tu rêves déjà d'un nouveau roman, et tu y travailles. Oh ! dis vite ce que
c'est ?
Ici,
j'ai fait une trouvaille merveilleuse : " Das deutsche Lesebuch" de
Hugo von Hofmannsthal contient les joyaux de cent années de prose allemande. On
découvre tous les jours, dans ce livre, de nouveaux trésors. Je te le
rapporterai.
Comment
je vis, à part ça ? Toute la journée, je cours après mon avenir. Je ne compte
plus beaucoup sur la pièce. Je ne cherche plus qu'à bondir sur la selle de
cinéma, et ensuite, ayant un peu de sécurité, je m'adonnerai modestement à
l'art, à la poésie. C'est pourquoi je me cramponne encore à l'espoir de Mme
Topoly, et appelle Paris à l'aide. Sinon, je ferai encore "antichambre"
ici pendant des semaines.
Merci
pour la "Jungfrau von Paris", mais - hélas - j'ai besoin plutôt de
l'autre version, qui est également dans le classeur ; c'est un manuscrit tout
semblable, et je te prie de me l'envoyer immédiatement - j'oubliais que celle-là
aussi était restée à Paris.
Soir.
Je
viens de téléphoner à Krell : il n'a pas encore lu "Arsenic".
Ces gens ! Avec Tal, nous allons voir : mais attends maintenant et ne dis rien,
tout au moins à lui.
Téléphoné
aussi à Mme Topoly : le Dr Deutsch est en voyage pour toute la semaine. Oh !
l'impatience me fait grincer des dents ! Rien, absolument rien, ne veut me
réussir ! et pourtant, je cherche honnêtement une occupation, fut-elle peu
honorifique : synchroniser ! Le temps presse. Rien n'arrive. Et je tourne en
rond. C'est pourquoi, encore une fois, une incitation venant de Paris était
devenue nécessaire.
Articles
? cela aussi. "Vu" organise un numéro sur l'Allemagne. Vogel est à l'Adlon,
avec tout un état-major de collaborateurs, parmi lesquels Soupault. Un soir,
nous sommes sortis ensemble. J'écris aussi quelque chose pour ce numéro :
"Paris à Berlin", et j'ai déjà reçu 50 M. Mais, dois-je, comme tu le
proposes, me contenter éternellement des détritus de "Vu" et de
"Paris-Soir" ? Alors, seras-tu fière de moi ?
Sinsheimer
est, et reste, bien entendu, le chef des feuilletons du Berliner Tageblatt.
Hildenbrandt s'est encore une fois mis en congé. Il aurait, de nouveau, quelque
chose à dire chez Mosse. Possible, mais …
J'ai
de la nostalgie : une grande nostalgie intime de toi, Zouzou.
Mais
je ne peux pas, je ne veux pas rentrer à la maison en pauvre Moïse inactif !
Comprends-tu
ton
impatient
Garçon
?
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 3 mars 1932 MST p.103
3.3.32
Chéri,
J'ai
envoyé une lettre à Maria Deutsch (*), car j'ai trouvé cela mieux qu'un coup de
téléphone, parce qu'au bout du fil elle se récuse le plus souvent. J'ai écrit
que je voulais la voir, je l'ai remerciée aussi pour ses dispositions amicales
à nous aider. A présent, il faut attendre qu'elle ait l'idée de me répondre et
de vouloir me voir.
Par
le même courrier, l'autre "Germaine".
Prends
tout ton temps, ne sois pas impatient. Je ne le suis plus, moi non plus, nous
arriverons toujours une fois à Majorque. Renate Green est partie hier là-bas
pour quatre semaines. Tout s'envole là-bas, comme tu le vois par la coupure
ci-jointe.
Le
nouveau roman ? Un roman d'amour naturellement. Mais comme c'est donc
difficile!
Le
papillon est encore toujours chez nous. Les merles chantent à 6 heures ½ (heure de Berlin) et je chante :
[Iwan]
(*) Maria Deutsch-Piscator
Le 15 mars 1932 Ivan Goll quitte
Berlin pour Paris
Paula passe la semaine de Pâques
(dimanche 27 mars) avec son fils à Salem/Bodensee et ensuite vraisemblablement
à Voralberg
lettre d'Ivan Goll Cologne à Paula Ludwig Berlin du 15
mars 1932 ImsL p.59/60
à
traduire depuis
la salle d'attente à ta table
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 17
mars 1932 ImsL p.61
à
traduire
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 24
mars 1932 ImsL p.61
à
traduire
Le 24 mars 1932 Claire part en cure
à Saint-Jean de Luz, près de la frontière espagnole
lettre
de Claire train Paris-Biarritz à Ivan Goll à Berlin 24 mars 1932 MST p.104/105
[Train de nuit
Paris-Biarritz]
[24
mars 1932]
Cher
toi, à l'instant encore, j'ai vu à la fenêtre ton pâle, triste visage. Et
maintenant, tu es poussière, déjà insaisissable, évanoui. Pourtant, je tiens
encore ta tête contre mon cœur.
Mais je ne puis presque pas le
faire, car je vois toujours cette tête couchée sur le sen d'une autre. Pourtant, comme je voudrais maintenant, te
voir planer dehors, dans le sombre ciel de la nuit, près de moi, souriant et
léger, encadré d'étoiles ! Pourquoi ne peut-on toujours être avec l'autre que
dans la solitude, dans la séparation ? Pourquoi le présent est-il toujours un
frein, pourquoi refroidit-il l'âme ? Dès que l'on voudrait aller l'un vers
l'autre le gel est là, des glaçons dans l'âme. Et tu n'aurais qu'à tendre la
main, à ouvrir les bras. Cela suffirait-il ? Oui, c'est justement cela. La
nuit, il est plus difficile d'avoir un sot orgueil. Quand un train roule, et
qu'un adieu brûle, ah ! comme on presse alors son amour contre soi ! Comme on sent
le temps perdu qui ne peut plus être rattrapé. La fugacité de tout crée alors
la même angoisse que si deux êtres, qui devraient n'en faire qu'un, étaient
dispersés dans des univers différents. Toi, mon petit garçon, moi une petite fille, pourquoi nous rendons-nous
mutuellement si pauvres ? Pourquoi, n'étais-tu pas là cet après-midi quand le
merle chantait, pourquoi ne voyages-tu pas à présent avec moi et l'étoilé ?
Le
train dit : "Jean-de-la-lune", "Jean-de-la-lune". La
légende de l'homme qui est dans la lune. La lune viendra bientôt et alors, je
te reverrai. Bonne nuit !
J'ai
vu se lever une grande lune d'or rouge, mais tu n'étais pas dedans. Elle était
encore tout contre la terre, et aplatie du bas comme une pièce d'or limée par
la rotation.
Le sommeil n'est pas venu, mais
le matin. Des pins avec leurs petits pots à résine contre leur tronc, des
camélias, des amandiers en fleurs et les "landes" infinies. Quel pays
digne d'amour, cette France !
Et
maintenant, je suis déjà au lit (9 heures du matin), j'ai pris un bain et je
regarde, par la fenêtre, le soleil et l'azur qui environnent le palais que ce
sont fait construire naguère Napoléon III et Eugénie.
Bientôt
viendront le "vin d'honneur" et le réveil dans la banalité.
J'ai
une grande surprise pour toi. Le directeur m'a confié cette nuit qu'en mai, il
y aura une nouvelle caravane vers l'Espagne jusqu'à Majorque, et que Claire et
Yvan en feront partie. Souris donc vite
Ta
Susu
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Salem/Bodensee
Vendredi-Saint 25 mars ImsL p.62/63
à
traduire
: parle de la Passion
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Salem/Bodensee Samedi-Saint 26/3/1932 ImsL p.63/64
à
traduire
Ivan
qui t'aime
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Salem/Bodensee 5 avril 1932 ImsL p.64/65
à
traduire
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin du 14
avril 1932 ImsL p.65
à
traduire
…O je suis très inquiet.
I
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 19 avril 1932 ImsL p.65/66
à
traduire
Ton
Mignon
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 24 avril 1932 ImsL p.66/67/68/69
à
traduire
Mignon
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 1 Mai 1932 ImsL p. 70/71
à
traduire
Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris : très longue lettre du 3 mai 1932 IsmL p.71 à 75
à traduire ****.
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 10 mai 1932 ImsL p.75 à 78
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 20 mai 1932 ImsL p. 78
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 26 mai 1932 ImsL p. 79/80/81
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 4 juin 1932 ImsL p. 81/82
à
traduire
carte postale d'Ivan Goll Nancy à Paula Ludwig Berlin 10 juin 1932 ImsL p.82
à
traduire
Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 22
juin 1932-11h50 ImsL p. 83
IMPOSSIBLE
AVANT LE 15 JUILLET
FURONCLE.
FINANCES
LETTRE
SUIT
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 22 juin 1932 ImsL p. 83/84/85
à
traduire
Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris : très longue lettre du 23 juin 1932 IsmL p.85/86
De toute mon âme
Paula
à
traduire
Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris 24 juin 1932 ImsL p. 87/88
Fais que ce ne soit pas trop lourd pour moi
Paula
à traduire ***
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 28
juin 1932 ImsL p. 88 à 92
à
traduire
Paula Ludwig Berlin à Ivan
Goll Paris 29 juin 1932 essentielle ImsL p. 92à 97
Et ainsi je demeure Ta
Paula
*** à traduire
Je t'aime
Ma prochaine adresse :
Ehrwald
Tyrol
Maison 321
Autriche
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 juillet 1932 ImsL p.98
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 11 juillet 1932 ImsL p.98/99/100
à
traduire
au
départ d'Ivan, Claire Goll
trouve le petit mot habituel sous son duvet 18.07.1932 MST p.105
ZOUZOU
Crois
en moi
Attends-moi
Je
t'aime
Yvan
Du 18 juillet
au 5 septembre, Yvan est chez Paula Ludwig à Ehrwald/Tyrol
à
vérifier
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Ehrwald 18/7/1932 MST p.105/106
Paris 18 juillet 32
Sois là-bas, et non ici, et livre-toi au
bonheur.
Travaille et achève "l’Eurocoque".
J’attends et sais que lorsque cette
attente-ci sera terminée,
ces deux années seront mortes et nous
ressusciterons tous deux,
- enlacés comme jadis :
C laire
Iwan
Une seule chose, - même aux instants où
je perdais la tête et les
"cuisses" : jamais je n’ai
permis à un autre de te critiquer, jamais
je n’ai encouragé quelqu’un à le faire.
Je sais que Paula L., travaille
tant qu’elle peut, à détruire l’image de
moi que tu portes dans ton cœur.
Tu es mon mari, mon frère, mon ami.
C’est au dernier que je m’adresse, au
noble ami, afin qu’il me
Protège contre le premier, qui, par
instants, a soif de se venger.
Aux soirs de
notre passion, entre 1921 et 1928, quand je te
chantais les Lieder de Brahms, Schubert et Schumann, tu me
demandas,
les larmes aux yeux : " Promets-moi de ne jamais
chanter pour un autre".
Là-dessus, tu
juras solennellement de ne jamais jouer du Chopin
pour une autre.
J’ai tenu ma
parole à travers toutes les années. A vrai dire, je n’ai
pas non plus ton génie de virtuose. Je te libère de ton serment.
Mais
quelquefois, quand tu joues de la mandoline ou de la guitare,
Rappelle-toi que tu fus mon " Mandolinete ", mon " Mandolinschen "
Zouzou
Ehrwald 20 - 07 – 1932
Claire
Goll
19,
rue Raffet, Paris
Les
sons de mon âme t’appartiennent. Mes doigts ne sanglotent
Que pour
toi . Seule la mort délivre du " serment Chopin ".
Personne
ne sait que je joue de la mandoline .
Mandolinete
( Meiner Seele Töne : Les sons de mon âme est le titre choisi pour la
correspondance Claire/Yvan Goll )
Télégramme d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23
juillet 1932-10h00 ImsL p. 100
ARRIVE
MARDI SOIR VIA MUNICH
IVAN
Télégramme d'Ivan Goll Munich à Paula Ludwig Ehrwald 26
juillet 1932-7h30 ImsL p. 101
ARRIVEE DEJA MIDI
IVAN
Yvan arrive le 26 juillet à midi et vit jusqu'au 5 septembre 1932
chez Paula à Ehrwald
à
vérifier
lettre
d'Ivan Goll Ehrwald à Claire à Paris du
4.8.1932 MST p.106/107
Ehrwald, 4 août 32
Chère
petite Zouzou ,(Zuzulein)
Le
moment est aussi peu propice que possible aux brisements de
Cœur. Les médecins spécialistes disent que le mois d’août
ne s’y prête pas du
tout. Avril et mai ont été là pour ça, avec leurs petites
cruches lunaires remplies du
miel de la consolation. En août, on devrait voyager et
oublier. C’est le mois
" bête ". Sois donc sage , et vas bientôt à
Schall et à Challes .
Je t’ai fait
transmettre hier par la Schweizer Bankgesellschaft 500 Fr pour que
tu les portes immédiatement à la Perception, 6, rue
Poussin, en y joignant la feuille
bleue que je t’ai laissée. Tu auras à payer 509 Fr. :
9 Fr est le supplément pour les
frais qu’a causés, l’autre jour, la visite des deux
messieurs en noir . Et je serais en
grand souci, si cela arrivait encore, au cas où tu ne
porterais pas cette somme tout
de suite.
Il y a
eu, à la fin de la semaine dernière, trois jours éblouissants, pendant
lesquels j’ai fait de grandes excursions : à
l’Ehrwalder Alm, au Fernpass. Comme
c’était bon de se détendre encore une fois ! Mais
depuis lundi, il pleut sans arrêt :
peu importe, dans les montagnes, même la pluie est belle .
Entre
temps, les poèmes dont je t’ai parlé par lettre m’ont paru de plus en plus
Pâles . Je t’enverrai néanmoins l’un d’entre eux. Il faut
espérer que, d’ici à Paris, il
ne s’évanouira pas complètement .
Et
je te prends
Dans
mes bras en silence
Iwan
lettre
d'Ivan Goll Ehrwald à Claire à Paris du
24.8.1932 MST p.107/108
Ehrwald, 24 . 8 . 32
mercredi
Chère
Zouzou,
Suite et
fin de ma lettre d’hier.
Nul ne
pourra m’empêcher de proclamer encore une fois , et toujours
à nouveau, que ton livre est d’une forme tout à fait
grandiose .
Deux résultats qui portent ton empreinte :
1) La
province enfin clouée au pilori, vue jusque dans le plus petit
détail, étudiée avec une patience divine . Quel
regard ! Quelle ouïe ! Jusqu’à
un demi-siècle, personne ne pourra le refaire mieux .
2) Un
meurtre de femme, éclairé jusque dans les mouvements les plus
secrets de l’âme, expliqué, excusé ! Vécu !
Souffert ! Payé ! Suzanne, que cette
meurtrière est belle, bonne, digne d’être aimée .
Quelles profondeurs de la destinée terrestre
sont sondées, découvertes par l’accomplissement obligé de cet acte !
Je sais ce livre au-dessus de tout ce qui
a été écrit en France, ces dernières
Années : au-dessus de Mauriac, qui est bien plus
pauvre, de Green, qui est bien plus
nerveux, et des autres, qui sont bien plus éparpillés .
Ton " Crime en province " est
émouvant, supérieur, sûr, plein d’âme, et surtout, plein
de toutes les souffrances du
monde et d’un cœur de femme . Parfois, en une seule
phrase, quelles lueurs projetées
dans les ténèbres de notre être. Dans un paragraphe,
quelle étreinte de la triste créature
avec la magnifique nature .
Je te
renvoie donc aujourd’hui les corrections. Mais cela me semble être les
premières "bonnes feuilles". Tu recevras
certainement encore la mise en page. Dans
cette multitude d’améliorations (qui, toutes, relèvent si
considérablement le style !) tu
devras t’assurer encore une fois que le type a tout
compris correctement. Et sais-tu
que ces corrections vont coûter terriblement cher, presque
plus que le texte lui-même ?
au moins 1.000 ou 1.500 Fr. Ton éditeur Burnand sera
furieux. Et s’il te retient ses frais,
il ne te restera rien du paiement convenu. En conséquence,
je réclamerais tout de suite le
paiement, sous un prétexte sentimental quelconque : voyage
à Plombières, etc.
Car il
faut que le livre paraisse dès maintenant . Burnand est complètement engagé.
Et quand ? Je vois peu de possibilités,
techniquement, pour qu’il paraisse avant le 25 septembre : encore des
bonnes feuilles, l’impression, le brochage … et cette date est
préférable pour toi.
Donc,
entre temps, tu iras à Plombières . Est-ce que ces quelques jours à Challes
suffisent vraiment ? Tu te maltraites. Mais ne perds pas de temps à Paris,
cette fois ! Repars vite.
Rosa a
des vacances magnifiques. Il est impossible que tu lui donnes de nouveau 400
Fr.le premier du mois, plus 250 Fr pour manger . Tâche d’arranger ça autrement
. C’est trop bête de gaver ainsi une esclave.
Et, avant
tout, pense à ta santé
Et
à ton
Iwan
Télégramme d'Ivan Goll PARIS à Paula Ludwig Ehrwald 6
Septembre 1932 - 11h03 ImsL p. 101
AI MEME TROUVE MERE MALADE
SUIS MOI-MEME MORT DE T'AVOIR QUITTEE
IWANA
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 6 Septembre 1932 ImsL p.101/102
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 8 Septembre 1932 ImsL p.102/103
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 10 Septembre 1932 ImsL p.103/104
à
traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris : du 13 SEPT 1932 IsmL p.104 à 106
***
à traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris : longue lettre du 14 SEPT 1932 IsmL p.107/108
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 16 Septembre 1932 ImsL p.108 à110
à
traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris lettre du
17 septembre 1932 IsmL p.110/111
à
traduire
Le 19 septembre Yvan et Claire vont à Majorque pour une
nouvelle cure de Claire et ils reviennent à Paris à la mi-octobre
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 19 Septembre 1932 ImsL p.112/113
à
traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris lettre du
21 septembre 191932 IsmL p.113 à 115
à
traduire
Carte Ivan Goll Palma de Majorque à Paula Ludwig Ehrwald 22 Septembre 1932 ImsL p.115
à
traduire donne
son adresse
Ivan Goll Palma de
Majorque à
Paula Ludwig Berlin 27 Septembre 1932
ImsL p.116/117
Totalement totalement à toi
I
- Wana
***
à traduire
1
Je veux parfumer l'aube comme l'anis
Pour que ton cheval trouve plus vite
Le sentier de ma solitude
Je veux être plus faible que le nuage
Suspendu au-dessus du volcan
Et qui tombe au premier souffle du vent
Plus douce que la pistache verte
Tes dents aimeront me broyer
Me mêler à ta chair
Palma de
Majorque 29 Sept. 1932
2
Cueille : o toi qui les choyas
Les deux oranges de mes seins
Tu les as voulues lisses
Pour plaire à tes paumes
Et fraîches pour la soif nocturne
Ouvre-les
Dévore-les
Que leur sang d'or
T'abreuve et te nourrisse
Palma de Majorque 30 Sept. 1932
Ivan Goll Palma de
Majorque à
Paula Ludwig Berlin 5 octobre 1932
ImsL p.119/120
Je ne suis pas en Espagne, je suis en ton sang
ton
Wana
*** à traduire
Ivan Goll Palma de
Majorque à
Paula Ludwig Berlin 6 octobre 1932
ImsL p.121/122
Je suis Ton Ta
Wana
à traduire
Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2 novembre 1932
ImsL p.134
SUIS 10 NOVEMBRE
DANS TES BRAS
WANA
Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 10/11/1932 - 0h35
ImsL p.137
LUNDI MINUIT
TON
WANA
Le lundi 14 novembre, Yvan part pour Berlin. Il vit
chez Paula Ludwig jusqu'au lundi 26 décembre car il a l’excuse d’un rendez-vous
à Munich avec le Dr. Daniel Brody, Directeur de Rhein Verlag le lendemain de
Noël. Il rentrera à Paris pour le réveillon du Jour de l'an. Claire Goll vit à
Paris.
lettre
d'Ivan Goll Berlin à Claire à Paris du
15.11.1932 MST p.107/108
Berlin,
15.11.1932
Aimée,
Depuis que je
sais quelle chaude flamme s’est remise à brûler à Auteuil, le Halensee me
paraît plus gris et plus froid qu’à mes séjours précédents. Je peux ddès
maintenant te révéler que tu as accompli un geste diplomatique et courageux,
lorsque tu m’as renvoyé.
Et si tu
supportes jusqu’au bout cette vraie solitude avec un calme boudhique, la
victoire nous sera certainement assurée à tous deux.
Je te remercie
aujourd’hui pour tout, et suis, à toutes les heures, près de toi.
Iwan
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin novembre 1932 MST p.109
Paris
Novembre
Mon tout doux,
Sauve
toi, je suis très touchée par le petit cheval, notre nouveau Pégase si fragile. Il est à espérer que ton œuvre s’achève ..
Sois
aussi heureux que tu le pourras.
En
grande tendresse
Sousou
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin 4 décembre 1932 MST p.109
4 déc. 32
Bien-aimé,
Je
suis très effrayée. S’il te plaît, rassure-moi de suite, car tu ne sembles pas
tout me dire. Tu n’es pas sérieusement malade ? Quel est le médecin qui te
soigne ? Consulte tout de suite un spécialiste éminent, car ils ont un
diagnostic plus sûr pour les maladies internes.
L’argent, ça n’entre pas en
ligne de compte ! Accepte de moi ce qu’il faut dans ce cas . S’il te
plaît, envoie-moi un télégramme, je suis toute malheureuse et inquiète. Est-ce
le cœur ? est-ce une maladie du sang ? Les globules blancs
mangent-ils les rouges ? C’est peut-être à cause de cela que tu ne
m’aimes plus. Chéri, je te serre sur mon cœur, dis-moi la vérité ! Va tout
de suite voir un spécialiste, demande le nom d’un très grand médecin au Dr Hans
Kleinmann, à la Charité.
Ta
Zouzou
Nous avons connu Kleinmann à
Malcesine, dans la pension Geyer, te rappelles-tu ?
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin décembre 1932 MST p.111
Paris déc. 32
Chéri,
Il
me sera difficile de te répondre. Ta lettre m’a fait mal. Oui, je m’étais
beaucoup réjouie de te revoir. La dernière phrase de ton écriture agitée
parle-t-elle de la joie que tu en auras aussi ? Je veux essayer de le
croire .
Trois
jours ? et je dois en faire cadeau ? comme si tu n’étais pas libre de
faire ce que tu veux. Seulement, il était indélicat de renier les 15 années
écoulées pour justifier un manquement à ta parole. Dans ces 15 années, il y a
eu autre chose que "le fait d’aller nous coucher à neuf heures".
Et
n’y avait-il pas, auparavant, des possibilités de faire cette connaissance plus
intimen puisque Rowolt est l’amant de l’amie de Paula ? . . .
Méfie-toi
du médecin allemand.
Hormones,
hypophyse . . . je ne connais ça que trop bien, par Strohmann. Pense à lui et à
Meyer-Hermann, il y a un charlatan en tout médecin allemand.
Sois
heureux, car tu peux bien l’être, puisque tu es aimé.
Zouzou
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Berlin lundi 26 décembre 1932 MST p.110/111***
Lundi
Iwan, l’as-tu senti que, ces nuits-ci, je criais. Mais ta
lettre express est tout de même arrivée trop tard. Tu peux l’interpréter comme
tu veux, aimé, - que tu passes ces jours de Noël là-bas, cela me fait plus
mal que le reste des 6 semaines. Que m’importe le Mingpferd.
Cet enfant est broyé par
son mauvais guide .
Que dois-je entreprendre à présent, je souffre tant Je
n’ai pas voulu voir I., bien que je connaisse son adresse depuis longtemps, et
bien qu’il m’ait écrit. J’ai échappé à tout le reste, mais tu étires la durée
de notre séparation, faut-il donc que je continue à ne rien pouvoir faire de
moi ?
Depuis longtemps, nous ne sommes plus quittes. Ceux qui
ont pris ton parti, ceux qui ont entendu nos accusations réciproques, comme
Lucie et Renée (*), te proclament plus que coupable.
Et veux-tu faire semblant de ne pas avoir eu 4 semaines
disponibles, et de ne pas avoir encore largement le temps de faire une
excursion de 3 jours à Munich. Parce que tu n’as pas l’argent du voyage.
Ci-joint un papier de la Deutsche Bank qui prouve le contraire. A cause de la
" mitraillade de Kiepenheuer et de Rohwolt". Mais Kiepenheuer t’a
décommandé, d’après ce que tu m’as écrit la dernière fois, et Rohwolt doit être
conquis par une fête. La même fête où tu te montres publiquement comme mari de
P. L.
Pendant qu’ici, avant-hier, chez Monsieur et Madame
Pabst, je me battais pour t’obtenir une situation artistique : je
l’obtiendrai très probablement. Je n’ai pas soufflé mot de moi-même, comme tu
le crois toujours. J’ai fait là-bas la connaissance de Mittler, et rencontré
Leonhard. On me pose toujours des questions au sujet de mon mari. Comme si j’en
avais encore un !
Parlons maintenant de ta maladie. Tu la partages avec
Hélène Eliat. Elle aussi, elle a été traitée à Berlin par les plus grands
spécialistes des glandes, à cause d’une faiblesse de l’hypophyse.
On
lui a injecté de l’extrait d’hypophyse et des hormones. Elle a supporté
extrêmement mal l’un et l’autre. Là-dessus, elle a reçu un médicament, dont
elle m’a donné aussi, car "tous les gens doués souffrent plus ou moins de
déficiences de ladite glande", a dit le spécialiste. A moi, ce remède n’a
fait aucun bien. Elle, dès qu’elle a cessé de la prendre, elle a eu des
insomnies. A présent, il la traite avec des fortifiants de l’état général.
Elle m’a dit : la question des glandes est bien loin d’être éclaircie, et
l’on se sert des gens comme cobaye. En outre, se faire soigner les glandes est
devenu une mode.
Scherl
a refusé mon roman depuis longtemps : je n’ai plus besoin de Monsieur Distler.
J'ai de l'affection pour toi, beaucoup
d'affection. Je n'ai jamais cessé de t'aimer, même à l'époque du plus violent
égarement. Dieu
seul sait combien je me suis torturée dans ces années-là. Rappelle-toi donc un
concert de l’an dernier. I était assis derrière nous (Salle Pleyel). Je me suis
penchée vers toi et j’ai murmuré : "Mais je n’aime que toi"
Quand pourrai-je jamais supporter, à
nouveau, la musique ?Tous les violons sautent et les archets sont
surtendus. Mais je crois au dieu juste des juifs, et il doit comprendre que,
s'il y a "œil pour œil", il n'y a pas "deux yeux pour un
œil", deux yeux qui s'usent à pleurer, nuit après nuit, tandis que l'autre
rit et célèbre des fêtes.
Zouzou
(*) Madame
Philippe Soupault
1933
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 6
janvier 1933 ImsL p.147/148
Chère Palu
ton
petit W
à
traduire
La Voss [3] m'apporte
beaucoup, beaucoup de joie. Beaucoup de joie parce qu'elle t'en apporte autant
à toi, tout autant que les heures saintes que nous appréhendons pour notre
destin. La tête de Méduse devait consacrer ta puissance. Mais la fleur d'or de
ce jour qui arrive, j'espère, ne se flétrit pas et doit t'apporter un bonheur
tendre dans une année nouvelle de travail et de recueillement
Wana
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 11
janvier 1933 ImsL p.149/150
à
traduire mercredi
soir 11.1.33
WANA
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 12
janvier 1933 ImsL p.149/150
à
traduire jeudi
matin 12.1.33
carte
postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 20 janvier 1933 ImsL p. 152
à traduire
Paula Ludwig Berlin à Ivan à Paris : longue lettre du 21 janvier 1933 IsmL p. 152/153/154
21.1.33
[Berlin]
Mon petit Wana, Palu a fait un
long somme. Sa tête plongeait dans la mousse des forêts de la mélancolie.
Elle
raconte son rêve) à traduire
Et à
cet instant, un ami, (un ami naturellement) me montre un magazine. La photo
d'un couple d'écrivains et m'interroge : "Le sais-tu ? Mais je n'arrivais
pas à reconnaître. La détresse ralentit mon cœur
à traduire
Une
toile d'araïgnée était suspendue à ton cher visage et au premier plan, il y
avait une esquisse qui me faisait peur […] Le fait que pendant 15 ans, tu as
vécu à côté d'une femme dont émane une telle froideur assassine […] Mais où est
le grand, le remarquable Yvan, élargissantant ma nuit, comme un démon. L'esprit
auquel mon livre fait allusion, la personnalité qui surpasse toutes les
personnes de ma vie […] Explique toi à moi, explique toi, avant que le gel ne
touche toutes les fleurs de notre foi. Combien de morts as-tu encore en réserve,
qui doivent émaner sans cesse comme des fantômes et qui obligent mon âme à
quelque chose d'incompréhensible, à la solution d'énigmes que je ne peux pas
toucher de mes mains. Est-ce que toute ma capacité de résistance ne m'a servi à
rien, le fait d'ignorer cette existence - de sorte que maintenant, en me
tournant vers le monde objectif, revenant en arrière, je dois reconnaître que
mon propre territoire est en grande difficulté. Ce territoire qui semblait
destiné à être un Paradis, est blanchi par l'hiver. » (IG /PL, p.153/154)
manque
la fin de la lettre
à
traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 27
janvier 1933 ImsL p.154/155/156
Paris
27.1.33
Chère petite Paula
Depuis ma dernière carte bleue,
j'ai attrapé une mauvaise grippe.
à traduire
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 20
janvier 1933 ImsL p. 156
2.2.33
Mais Palu,
à
traduire
Lettre d'Ivan Goll à Georges Hugnet
Paris, 1er
février 1933
Hans Arp est en ce moment chez moi et me dit que vous
êtes prêt à me donner un manuscrit pour la collection de poèmes que je prépare.
Je m'en réjouis beaucoup et vous prie de me l'envoyer aussitôt que possible,
car tous les autres sont déjà sous presse.
Bien amicalement
Votre Ivan Goll
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2
février 1933 ImsL p. 157/158
Paris
2.2.33
Chère Palu
Je
à traduire
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 3
février 1933 ImsL p. 158
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 6
février 1933 ImsL p. 158/159
Paris 6..2.33
Chère petite Paula
à
traduire
Feuillet trouvé sous mon édredon (Claire Goll)
9.
2. 33
Beaucoup d'amour pour toi
est dans cette maison
et dans mon coeur.
Ivan
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 11
février 1933 ImsL p. 160/161
Paris 11 février 33
Ma chère petite Paula
à
traduire
Lettre d'Ivan Goll à Claire
Nice, 12 .
2.33
Chère Suzulein,
Ce vendredi matin,
rien d'autre au courrier que ton télégramme, qui m'attriste, car je t'avais
écrit mardi une longue lettre et cela me peine qu'elle soit restée si longtemps
en route. Tu l'as sûrement reçue à présent.
Hier, ta lettre a coloré toute ma journée : en bleu, bien
qu'elle vienne des contrées pluvieuses, tandis que, comme tous les fats, je
montrais mon beau costume sur la promenade des anglais. Ici, l'atmosphère est
de plus en plus désagréable. Et de plus, il fait très froid et très humide le
soir et le matin, en sorte que beaucoup de personnes sont enrhumées. Je ne
regrette plus autant ton départ.
En outre, le soleil m'ess complètement assombri par le
bavardage qui m'entoure . Jamais encore que je ne me suis noyé spirituellement
et intérieurement dans une telle grisaille, un tel néant. Impossible de penser,
ne fût-ce qu'une seule idée. "Qu'allons-nous manger ?" "mais combien
cela coûtera-t-il ?". De désespoir, j'ai fumé comme une cheminée, toute la
semaine, et finalement je me suis senti tout à fait mal. Je me laissais aller,
ne faisais pas de culture physique, ne lisais pas, - mais hier matin, je me
suis réveillé avec un tel sentiment de dégoût que j'ai pris soudainement une
grande résolution ! Réellement, dois-je déjà devenir un vieillard à cheveux
gris ?
Je mangeai 1 kg d'oranges et décidai de "ne plus
fumer". Aujourd'hui, ça va déjà mieux. Dis à Kurt Wolff que je le remercie
de sa lettre et que je verse aujourd'hui 500 francs à la banque Barclay. À quel
prix compte-t-il la pension ?
À part ça, aucun autre courrier que l'invitation
d'Eliott. Écris-leur une petite carte. Et salue tous les (Wölfe)
"loups"
de
la part de ton agneau
Ivan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 20 février 1933
ImsL p.161
Paris 20 février 33
Palu
Manyana
à
traduire
*
Le poivre rouge crie
Il ne peut plus taire son désir
Le buisson de vanille
Est un nuage de volupté
Une tempête de cannelle envahit le monde
L'arbre de pluie
M'a jeté sa première larme
Paris 22.2.33
[CHANSONS MALAISES 1935 (9) II/184]
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris lettre du
29.2.1933 (????) IsmL p.163 à 165
à
traduire ****
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 mars 1933 ImsL
p.167/168
Paris 3.3.33
O Palu
A la 3 ème heure du 3 ème jour du
3 ème mois de l'année 33, je recevais tes 3 lettres
elles sentaient ton haleine, ta
révolte, ta grâce et se mettaient à trembler de ta colère, mais à cette heure,
comme tu le désire, je lève trois doigts et je jure :
Jamais je n'étais autant toi
qu'aujourd'hui, totalement ton outil, totalement ton œuvre !
J'écrivais ces lettres dans une
extase riche en malheur..
vérifier
ma traduction et traduire la suite
Manyana
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 mars 1933 ImsL
p.170
Ides de mars 33
Von schwarz und weissen Federn
Palu ist deine Krone
Federn trugen des Vogels Gesang
Federn trugen sein
bleierner Sarg
Von Schwarz der fragende
Nächte
Von Weiss der wissenden
Tage
Sei deine Herrschaft
Prinz der Welt
II/188
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 mars 1933 ImsL p.170/171/172
Paris 17.3.33
Ma chère Palu
Ton
I.
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 mars 1933 ImsL
p.172/173
17.3 [1933]
[Paris]
Je serais coupable si je ne te donnais pas encore
maintenant beaucoup de réponses:
Rien de nouveau, encore jusqu'à présent pour mon
"Lucifer vieillissant". A cause des circonstances en Allemagne. Je ne
me risque pas davantage de demander à Kiepenheuer et Rhein-Verlag. Et eux, ne prennent pas le risque de
répondre. Entre temps, de mon côté, je travaille encore. J'ai résolu intégralement la partie du milieu : toutes
les histoires de femmes qui te
vérifier
ma traduction et traduire la suite
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 27 mars 1933 ImsL
p.173/174/175/176
Paris 27 mars 33
O Palu
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 29 mars 1933 ImsL
p.173/174/175/176
Paris 29 mars 33
Chère Palu
traduire
carte postale d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald [mars/avril 1933]
ImsL p. 177
Chère Paula : vient d'arriver de
Garmisch splendide livre avec les oeuvres d'art de. Prends ici en attendant un
triple merci et salut pour tout 321.
I.
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 12 avril 1933 ImsL
p.178/179
Chère Palu
traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris lettre du
18 avril 1933 IsmL p.179/180/181
mardi
de Pâques 33
Ma main est encore chaude de la
dernière chaleur du petit oiseau qui mourait ce matin dans ma main.
à traduire **** la fin de la lettre manque
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24 avril 1933 ImsL
p.181/182
Ma Palu
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 10 mai 1933 ImsL
p.182/183
Chère Palu
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 18 mai 1933 ImsL
p.184/185/186
Chère Palu
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 31 mai 1933 ImsL
p.186 à 189
Chère Palu
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 14 juin 1933 ImsL
p.189 à 192
Chère Palu
traduire
de la
mi-juin au 11 juillet, Paula est à Berlin. Du 12 juillet au 5 août, elle vient
voir Yvan à Paris avant de repartir à Berlin
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 6 juillet 1933
ImsL p.192/193
Chère Palu
traduire
S'il te plaît, écris-moi
immédiatement
Et salue Berlin - non !
Mais Nina
et Gisèle et les amis d'autrefois
Ton
I
Claire part en cure à Plombières du 10
juillet au 8 août, date où elle se rend à Haybes-sur-Meuse au Château de
Moraypré
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 10 juillet 1933 MST
p.112/113
Bien-aimé,
Voici que nous sommes
séparés depuis dix minutes et et j'en ai passé neuf à sangloter comme une
orpheline. Blottie derrière le fourgon à bagages, je te voyais t'envoler et te
métamorphoser de mille manières avec le paysage. Oui, voler comme un ange
gardien, avec de petits flacons de parfum, du jambon et du fromage, chargé de
valises, transpirant et toussant. Si seulement les anges gardiens ne prenaient
pas froid à faire tout cela ! Mais je pense qu'un autre ange gardien te
protégera aussi. En tout cas, je t'embrasse pour tous ces dons d'amour - et ces
gestes d'amour, je te baise les mains avec ferveur, encore une fois, ces chères
bonnes mains qui ont eu tellement chaud pour moi.
Maintenant, il y a tant de roses épanouies en pleine
splendeur, dans les petits jardins des vilains pavillon, qu'ils anoblissent la
banlieue. De même que tu m'as donné - en flacon - tous les muguets de
Chantilly, je voudrais t'envoyer dans ta petite chambre des roses sauvages,
pressés avec mon coeur. Jamais on ne s'aime assez. Par fierté, par timidité, on
reste toujours tellement le débiteur de l'autre, et on en souffre.
Et les
sanglots montent et descendent dans la gorge, comme dans un thermomètre, selon
qu'on pense plus chaleureusement ou plus froidement, et selon les rafales du
"foehn" de l'adieu.
Mais à
présent, le train me secoue si terriblement que je ne peux plus rien écrire,
mais seulement sentir. Sens tout, toi, ce que je ne peux pas dire, mon doux
petit grand garçon, que je prends dans mes bras avec tendresse et prudence. .
Ta Zouzou
Plombières-les-Bains, Grand Hôtel, neuf heures du soir
Chéri, me voici assise
pour dîner, après avoir, depuis six heures, couru partout pour trouver une
chambre. Pense donc, je suis même grimpée jusqu'à l'Hôtel des Rosiers, et j'ai
regardé, le coeur saignant, notre fenêtre d'autrefois. Ah ! tout était complet.
Et en bas, c'est affreux et ça coûte toujours 45 ou 50 francs. Mais à présent,
je suis dans le plus bel Hôtel de Plombières, et je mange une brioche divine et
des fruits paradisiaques sur de la glace, et "avec ça", une pleine
assiettée de cette pâtisserie "maison", qui représente pour moi la félicité,
et l'orpheline se croit dans un rêve ou dans un film. Il y a même un Pope
roumain, avec une lourde chaîne d'or, un haut bonnet, une soutane neuve
flottante doublée de violet. Et j'ai une chambre qui est la plus belle de la
dépendance de l'hôtel, sur la colline boisée de pins. Rien ne manque, que toi.
Étant donné que cet un vrai " Hôtel à 4 étoiles" doublement souligné,
et grâce à lettre de "l'Intran", j'ai obtenu que le prix soit abaissé
à 50 francs par jour. C'est beaucoup pour nous et peu pour ce palace. Mais
quand tu seras ici, ce sera moins cher, puisque tu dormiras avec moi dans mon
grand lit. Ah ! Si tu pouvais bientôt partager avec moi ma nourriture, mon lit,
et mon coeur !
Ta
Zouzou
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 11 juillet 1933 MST
p.113/114
Plombières-les-Bains,
Mardi après-midi
Peut
coeur, je ne trouve toujours pas pourquoi le bon Dieu est triste. Mais c'est
que je suis si fatiguée. Le "Stieffel" qui dirige ma cure
(collaborateur de Geiger chez Bensaude et à Saint Antoine) m'a prescrit un bon
traitement.
Mais les bains coûtent cher, ici. J'ai payé aujourd'hui
30 francs à la caisse et c'est ce que j'aurais dû payer tous les jours, si
l'administrateur, un-ex collègue (journaliste) ne m'avait fait obtenir la réduction
énorme et extrêmement rare de 50 %, ce que n'espéraient pas mon médecin et mon
hôtelier, qui disaient que mes demandes de réduction serait assez vaines, parce
que Plombières appartient à l'État. Il n'empêche que la carte d'entrée pour les
Thermes et les Sources coûtent, chaque fois 25 francs, le cataplasme 15 francs
et un médicament qu'on m'a prescrit 25 francs, si bien que je tremble pour ma
fortune. Mais je me réjouis que les 300 francs économisés compensent la cherté
relative de l'hôtel.
J'espère recevoir demain une lettre de toi, contenant un
bulletin "tout à fait en bonne santé".
Je rêve
que tu viendras et que je t'aimerai au son de la harpe et des chants d'oiseaux.
Car une dame a apporté sa harpe, en-dessous de moi, dans la petite villa, sur
la colline où j'habite, et c'est le plus joli bruit qu'on puisse imaginer, un
bruit enfin qui n'est pas négatif, mais positif.
Je suis
un peu préoccupée à ton sujet, mince visage de petit garçon, manges-tu bien,
dors-tu bien, te ménages-tu un peu, pour ne pas retomber dans cet état de
faiblesse d'il y a deux ans ? Si seulement on pouvait déjà se voir à distance !
Merci de
m'avoir renvoyée ici et sens mes lèvres longtemps, longtemps, sur ta main.
Ta
Zouzou
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Plombières du 12
juillet 1933 MST p.114/115
Paris, 12
juillet 1933
Chère Zouzou,
Comme je
me réjouis que tu sois bien logés et que tu aies eu le courage d'aller au Grand
Hôtel : truites, pâtisseries au beurre, harpistes, popes roumains, bois de
sapins : si tout cela ne console pas l'orpheline ! Si tout cela n'inspire pas,
pour le moins, à la poétesse devenue muette, quelques pages de journal intime -
ou des lettres, où elle raconterait un peu plus d'elle-même.
Ta cure
sera, il est vrai, fatigante, mais tu seras spirituellement libérée et cesseras
d'être lasse, et je me promets d'avoir avec toi des jours de travail actif !
Ton petit visage d'orpheline et ton âme en deuil devraient reprendre des forces
dans la paix consciente et reposée de ce paysage vosgien. Oui ?
En ce
qui me concerne, tout va bien de nouveau. La grippe est déjà oubliée. Mais je
dors beaucoup, car je me sens encore très fatigué.
Hier, Mihalovici est
venu me voir, il a été ravi de la "Genèse", et il a trouvé très juste
que le bon Dieu soit triste. Il a promis de mettre cela en musique avant son
départ.
La pomme mûre est
revenue, rôtie, de Belgique. Elle trouve Coq-sur-Mer très beau et bon marché.
Einstein relativement gentil. Il aimera peut-être aller aussi là-bas, plus
tard. Mais, pour l'instant, il ne peut pas en être question, car il doit faire
des études préliminaires à la bibliothèque de Vincennes, pendant 2 ou 3
semaines. En même temps, il me dicte, le soir, les prémices de ce qu'il a
récolté dans les journaux. Hier soir j'ai été à la N R F et j'ai porté à Malraux la table des matières
et l'anthologie des écrivains "brûlés", 25 grands noms, qui ont fait
bonne impression sur lui (et aussi sur moi). Peut-être cela réussira-t-il tout
de même, et là aussi, il rentrera peut-être un peu d'argent.
D'ailleurs, Malraux a
été spécialement gentil.
J'ai vu aussi Guéguen. Il viendra, un de ces après-midi,
sur notre balcon. Nous politiserons alors ensemble. Edwige a bien lavé, hier.
Demain elle repassera. Elle vient tous les 2 jours.
Je t'envoie 2 livres. Nemikowski et Döblin : Alexanderplatz.
Pour le dernier, tu pourrais envoyer à Clara Malraux une gentille carte
postale.
J'espère que ces
livres t’inspireront pour ton travail.
Ci-joint 3 lettres :. tu peux prier la Société
Générale, par lettre, de t'envoyer l'argent à Plombières par la Poste.
Avec ces mains que tu
as baisées
je te bénis
Ivan
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 14 juillet 1933 MST p.116
Le Grand Hôtel
(ex Napoléon)
Plombières Vosges 14
juillet
Jour national de pluie
Sois
rassuré, chéri, au sujet de ton bulletin de santé.
La "Création" est une
oeuvre ravissante et Mihalovici pourrait composer là-dessus des choses
merveilleuses. Oui, mais le peut-il ?
Encore
quelques-uns de ces nouveaux poèmes et tu auras un volume, qui te rapportera
beaucoup d'amour. Quelque chose de " gollien ", et non les boutons de la 7e " Hose"
(°).
Comme
c'est gentil de m'avoir envoyé ces livres ! Je t'en suis très reconnaissante.
Journal
intime ! Imagine-toi que mon serveur (garçon) écrit, lui aussi, un journal
intime, et un chevalier d'industrie italien m'a raconté qu'il a écrit un roman
sur sa fille. Bientôt, les gens "bien" n'écriront plus rien. Par
ailleurs, je suis tellement fatiguée par la cure que je tombe comme du plomb,
le matin et l'après-midi, sur mon lit. Hier, j'avais même de la fièvre et j'ai
passé une nuit agitée, asthmatique.
Il
pleut beaucoup. Mais je suis tout aussi triste quand le soleil brille. Ma
meilleure compagnie, ce sont quelques hautes onagres jaunes, des cerisiers
sauvages et des buissons de roses. Tout cela pousse non loin de l'hôtel, en
dehors du village, sur une colline vosgienne très authentique.
La
harpiste - une déception. Une dame hautaine qui ne sait jouer que quelques
gammes. Mais celles-ci sonnent sur cet instrument avec une beauté supra
terrestre. Et cette harpe se dresse là comme monument, grande, majestueuse.
Malheureusement,
trois enfants ont emménagé hier et ils s’ébattent bruyamment dans le jardin,
sous ma fenêtre. Peut-être m'enfuirai-je ailleurs. Pour me sentir libre et ne
pas être liée à cet hôtel, je voudrais te demander de m'envoyer par la poste
600 francs.
Cela fera lundi sept jours à 60
francs, plus de 10 % de service.
Si
seulement tu mangeais bien ! Quand je pense à toi, il arrive que je ne puisse
plus avaler mes repas.
Si tu
étais ici et si nous faisions notre cuisine ! Il y a beaucoup de jolies
chambres avec des cuisines, comme ce serait bon marché ! Mais tu n'es pas ici.
En revanche je suis en pensée près de toi
Ta Zouzou
Puis-je te demander encore deux
choses : m'envoyez 2 blocs de Goy-Laffitte et un numéro de l'Intran :
"J'ai mendié", la première partie. Cela se trouve dans le secrétaire
Biedermeier, quand on lève le pupitre à glissière. Merci.
(°) Jeu de mot
intraduisible : Une plaquette de vers d’Ivan Goll s’intitulait « Die
siebente Rose » ( la septième Rose) Hose (pantalon) rime avec Rose
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 15 juillet 1933 MST p.117
Le Grand Hôtel
(ex Napoléon)
Plombières
Vosges
Samedi 15 juillet 33
8 heures du soir
Chéri,
Tout
à l'heure j'ai passé une heure avec toi, dehors, avec les molènes. J'étais
assise là, recueillie devant la vallée et je pleurais, songeant que moi, petite
chose, il m'était permis de ressentir tout cela : le ciel rose du soir et les
hirondelles, les cerisiers sauvages et les buisson de roses, les pavots de
toutes les couleurs, mêlés aux orties passionnées. Mais surtout, par dessus la
colline et les sapins bleus, notre chambre avec l'amour d'autrefois,
impérissable. Oh ! comme je t'aimais dans tout cela, rétrospectivement et
par anticipation. Tellement une avec toi et avec Dieu. Une fois encore. Il m'a
tendu la main, à nouveau, après tant de temps.
Et
c'est pourquoi je te raconte tout de suite, car tu es Son poète.
Laisse
et les soucis et les Clauzel. ! A eux appartiennent le temps et le loyer
mais à nous l’éternité sans limites.
Ta Zouzou
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 16 juillet 1933 MST
p.117/118/119
Le Grand Hôtel
(ex Napoléon)
Plombières Vosges
16 7. 33
dimanche matin
Chéri,
reçu tout à l'heure ta lettre. Je me réjouis beaucoup de te revoir. On dira à
tes parents qu’on me fait ici un prix spécial comme journaliste, parce que j'ai
promis d'écrire sur Plombières dans l’Intran (40 francs par exemple) mais que
eux ne peuvent profiter de ces conditions de faveur ; aussi vais-je leur
chercher une chambre dans un autre hôtel. Tu pourras dormir avec moi
gratuitement, je pense ; éventuellement, je prendrai mes repas avec vous et je
ferai déduire ici mes repas. J'en parlerai plus tard au directeur.
Je ne
pourrais déménager qu’après avoir reçu les fonds et je ne saurais où aller. Je t'avais parlé
d'une chambre dans l'autre hôtel mais entre-temps, elle a été occupée, et
d'ailleurs, je n'aurais pas beaucoup aimé aller là-bas. Un silence complet
s'est refait aux alentours de ma chambre. Les enfants sont logés dans une autre
aile de la villa et ils jouent dans le jardinet de l'autre façade.
Mais
la plus grande objection que j'ai à
faire à un changement, c'est la situation idéale de cette villa. En face des
Thermes. Après la cure terriblement fatigante, je n'ai qu'à monter un escalier
et qu'à me jeter sur mon lit. Dans l'état d'épuisement où je suis
momentanément, c'est un avantage que tu ne peux pas te représenter.
Faire
mes malles et déménager, cela m'enlèverait une partie du bénéfice de la cure,
il est maintenant trop tard pour cela. Simplement, nous tiendrons tes parents
éloignés du Grand Hôtel, c'est la meilleure solution. De plus, le mieux sera
que je ne mange qu'à midi avec vous, et que j'aille prendre le dîner au Grand
Hôtel à neuf heures du soir. Ici on mange très tard, tandis que les autres
hôtels servent à 7 heures. Je pourrai donc être avec vous tous les après-midi,
jusqu'à neuf heures, et cela suffit.
Ils pourront voir ma chambre et
s'y tenir tout le temps ; elle est démodée et sans aucun luxe, et ils croiront
facilement que c'est une chambre bon marché.
Ce
n'est pas le luxe et qui m’importe, c'est la tranquillité. Si j'avais, les
premiers jours trouvé une chambre d’angle comme celle ici, à l'étage supérieur,
ailleurs, je m'y serais
certainement transportée pour économiser de l'argent. Mais c'était toujours de
telles chambres que je savais, d'avance n’y pouvoir rester trois jours.
Écris-moi
combien devra coûter la chambre pour les tiens, avec la pension, et
combien de jours ils resteront
Je
partage, chéri, beaucoup plus que tu ne crois, tes soucis d’eau et de gaz, y
compris l’eau minérale de la cure. Car sous ce rapport j'ai le sang encore plus
lourd que toi, et je me fais vraiment des cheveux gris : ce n'est pas une façon
de parler.
Adieu,
et bien que je te cause tous ces tracas, aime-moi un peu
Ta
Zouzou
Le docteur Stieffel, un
assistant de Bensaude (comme Geiger) est remarquable. Il change ma cure tous
les quatre ou cinq jours pour ne pas me fatiguer exagérément, étant donné que
je fais Luxeuil en même temps que Plombières mais l'eau contient beaucoup de
radium, ce qui cause cette faiblesse.
2h½
de l'après-midi.
Chéri, après un déjeuner
paradisiaque, avec poulet et tarte aux fruits "maison". (le garçon
qui me sert m'en donne toujours une double portion : c’est un sentimental,
qui écrit son journal), - j'en reviens, encore une fois, à cette affaire de
visite. Ce matin encore, j'ai consciencieusement cherché partout une chambre.
Mais vainement. Je reste donc, avec d'autant plus de joie, dans la mienne. J'ai
également parlé, tout à l’heure, avec le propriétaire. Tu pourras dormir
gratuitement dans mon lit et manger où tu voudras. Pour tes parents, il y a de
bonnes chambres avec pension à 40 francs dans les autres hôtels. Cela va-t-il ?
Moins cher, il n'y a rien de convenable. En outre, l'hôtelier me fera très
volontiers un double fictif de ma facture, pour que tes parents voient que je
paie, moi aussi, 40 francs.
carte de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 18 juillet 1933 MST p.119
Plombières-les-Bains,
18,7,1933
Chéri,
Je suis triste. Tu ne m'as pas écrit hier, aussi n'ai-je
rien reçu aujourd'hui. Tu m'as oublié aussi bien que la petite plante pendante
sur notre balcon. Je me suis réveillée, ce matin, avec une grande angoisse pour
elle.
Maintenant, c'est l'heure des onagres. Quel beau soir et
comme je souhaite que tu puisses t'adonner au paysage et à l’air avec ta sauvagerie si particulière.
Je t'aime beaucoup. J'espère que tu ne me seras pas, de
nouveau, complètement volé.
Ta
Zouzou
Surtout par, encore une fois, par la femme de
Saint-Exupéry !
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 20 juillet 1933 MST
p.119/120
jeudi matin
Chéri,
"Belle", ma lettre ? Ne
s'agit-il pas plutôt de sa chaleur ? Je veux t'approcher de près, mais non
faire de la littérature. Mais tu restes lointain ; à peine un écho me
parvient-il ; je ne veux donc plus insister sur mes sentiments.
Il fait
maintenant un temps merveilleux, quelle misère que Paris te retienne. Pour l'an
prochain, j'ai trouvé une solitude paradisiaque pour nous dans ma ferme : on entre dans "l'appartement" par la
grange à foin. Un peu notre "Zabern" d'autrefois, notre idylle
alsacienne. Coût : zéro
L'argent, demander de
l'argent, c'est ma plus grande de torture.
Si l'arrivée de tes
parents n'étaient pas à l'horizon des Vosges, je serais partie et rentrée,
hier, avec l'argent, et nous n'aurions plus ce souci. Quand il est arrivé,
j'avais déjà pris mon billet de bain aux Thermes, à crédit. Il me reste donc
100 francs sur les 600, j'espère m’en tirer avec cela jusqu'à la semaine
prochaine. Si seulement je n'étais pas obligée de laisser 30 francs à la caisse
de tous les deux jours !
Cet idiot de médecin
qui me prescrit des médicaments que je n'achète d'ailleurs pas. Si je gagnais
quelque chose ! Je travaille bien, mais à quoi cela sert-il, pour le moment ?
Ah ! Il y en a tant
qui sont plus malheureux que nous. Soyons reconnaissants et baisons les pieds
de Dieu.
En
amour
Ta
Zouzou, qui se réjouit de te revoir.
(Que devient ton travail ?)
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 21 juillet 1933 MST
p.120/121
Le Grand Hôtel
(ex Napoléon)
Plombières Vosges
Vendredi matin
1933
Chéri,
Attention ! La photo
est dans cette lettre. J'en avais une, par hasard, dans mon porte-cartes.
J'espère que tout ira bien.
Dufour m'a écrit qu'il a un appartement ravissant : 1.400
francs pour la saison. Tu parles ! Et s'il doit me réserver la place de la
"mendiante officiele" à l'entrée de l'établissement. ? (*)
Reçu tout à l'heure
une carte de tes parents. Ils viendront donc ici mercredi matin à onze heures,
de Vittel, en autocar. Comme je me réjouis de te revoir ! et comme ce climat
magnifique te fera du bien ! Tu en a tellement besoin !
On ne porte pas ici
des tenues de golf. Prends ton bon complet gris clair et peut-être un pantalon
de flanelle avec une chemise de sport, pour les excursions. Tes souliers blancs
et jaunes, et tes bottes de marche. Le soir, il fait frais et la pelisse m’est
très utile. Je regrette même de ne pas avoir emporté la grande de couverture.
Pour toi, ton imperméable suffit. Apporte un peu de café moulu. Je n'ai plus de
Sanka et ne suis pas assez riche pour m'en acheter. Apporte un exemplaire du
" Crime en province".
Et maintenant, dois-je
louer une chambre pour tes parents ? Comme je te l'ai dit, c'est 40 francs par
personne.
Reçois un long baiser
comme acompte,
En tout amour
Ta Zouzou
26 et 27
juillet Yvan et ses parents vont ensemble à Plombières-les-Bains
carte d'Ivan Goll Plombières à Paula Ludwig Paris autour du 26 juillet 1933 ImsL p. 177
Chère Palu
Que dis-tu de cette concurrence
qui est célèbre dans toutes les Vosges ? Cela ne pourrait-il pas devenir
intéressant d'entreprendre une course avec une telle maîtresse ?
I
carte d'Ivan Goll Plombières à Paula Ludwig Paris du 26 juillet 1933 ImsL p. 177
Bien que je sois totalement fasciné
par le regard des résidents, je reviens demain jeudi soir vers mon chef de
tribu. Arrive à destination aux environs de 11¾ : autour de minuit, je suis
alors dans tes bras
I
lettre
de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 28 juillet 1933 MST p.121
Plombières,
28,7,1933
vendredi matin
Mon grand
petit garçon,
Hier soir, après le dîner, je suis
encore retournée à la gare, mais rien n'y restait plus de notre adieu. Je n'en
ai pas à retrouvé une miette sur le quai, ils ne m'avait laissé que le billet
de quai, en guise de pièce à conviction pour me persuader d'un éternel abandon
au bord des voies, d'une inguérissable solitude.
Ce matin je t'ai déjà rendu
visite, tu dormais profondément et ta chevelure de petit garçon, hirsute et
sauvage, te pendait méchamment dans les yeux. Le jour se démenait déjà pour
entrer et tu ne pouvais déjà plus rien faire de moi. Ne te surmène surtout pas
trop, tu sais que nous sommes dans une courbe ascendante et qu'en conséquence,
nous n'avons rien que de positif à attendre, en ce qui concerne les événements
extérieurs. C'est ainsi que j'ai reçu aujourd'hui même une réponse très aimable
de Szofranski (de la "Dame"),
qui équivaut peut-être à une proposition. De toute manière, je ne veux pas
concevoir trop d'espérance, car mon nom est Goll et mon mari a brûlé sur le
bûcher, et les Hindoues" ariennes ", elles aussi, avaient l'habitude
de suivre leur mari dans l'autodafé.
S'il te plaît, signe tout de suite
la lettre ci-jointe et envoie-la par le prochain courrier.
Et
abonne les Vionnet pour mardi et si tes occupations te laissent un temps de
répit pour cela, aime un peu.
celle qui
t'embrasse tendrement
Suzu
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Plombières du 28
juillet 1933 MST p.122/123
Paris
Vendredi
soir... [28 juillet 1933]
Chère Zouzou,
Dès huit
heures du matin, Apfel a sonné à ma porte et ne m'a plus lâché. Je dus me
rendra à son hôtel à 10 heures et demie. Il tenait à la main un papier sur
lequel il avait noté tout ce dont il voulait parler avec moi : il commença à
majuscule A et ne s'arrêta qu'à M.
L'affaire
du film avec Pabst semble marcher, car il va demains le porter à Einstein en
passant par Coq-sur-mer. Puis, douze choses sur notre livre. Et ensuite nous
avons été voir Joisson, qui a travaillé très mollement jusqu'à présent.
Bref, je
ne parviendrais pas à t'écrire avant ce soir, tard, pour te redire combien ces
journées avec toi ont été rafraîchissantes : un bain dans les eaux claires de
tes yeux, et dans le vert des Vosges. Et se rendre compte qu'un être humain
peut avoir une âme si délicate, si prête à la souffrance, si vraiment humaine,
et un amour si inextinguible !
Par
ailleurs, la dernière heure entre Plombières et Aillevillers a été très agitée
: d'abord, j'obtins encore de ma mère 300 francs, qui représentent tout ma
réserve pour les prochains jours. Ensuite, nous avons bu de la bière au buffet
d'Aillevillers tout en conversant de telle sorte que je dus bondir de ma
chaise, une minute seulement avant le départ du train, qui se trouvait trois
voies plus loin ! En courant, j'arrivai tout juste pour y sauter, sans avoir pu
prendre réellement congé de mes parents, qui criaillaient derrière.
Mais représente-toi ces heures épouvantables, de 6 à 10
heures du soir, dans ce désert le d'Aillevillers, au pouvoir de mes parents, si
j'avais manqué le train ! Indescriptible.
Dans le
train, j'ai terminé les corrections.
Et
aujourd'hui, il pleut ici ; il pleut d'une façon céleste sur le balcon embaumé,
sur l'acacia qui se secoue et sur la plante pendante, que j'ai posée sur la
terrasse.
Tout
s'équipe pour ton retour.
Mardi
matin, la Vionnet doit venir et à faire cuire un bon bouillon de légumes.
Tu pars
à 2 heures 40 et tu arrives à 8 heures 30.
Jusque-là,
je n'écrirai plus.
À la
gare, je te prendrai au piège dans mes bras.
Ton
Ivan
Carte de Claire à Plombières à Ivan Goll à Paris 30 juillet 1933 MST p.123
Dimanche
[30.7.1933]
[Plombières-les-Bains]
Petit coeur,
Merci pour la lettre. Pourvu que tu ne te laisses pas
mettre de côté par Pabst. Est-ce que Apfel maintenant après Einstein va t’emmener enfin chez lui ?
Je me réjouis tant en pensant au prochain mardi, à toi,
au balcon, au bouillon de légumes et aux légumes cuits à la maison
Amoureusement
Ta
Zouzou
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris du 30 juillet 1933 ImsL p. 177
30
juillet 33
Rue
Alain Chartier
[Studio
Hôtel, 25 rue Alain Chartier, Paris 15]
Mit dem Blatt des Aneth
Hab ich meine Hüften eingerieben
Dass die Herden deiner schwartzen Lämmer
Und die Herden deinerweissen Traüme
Sich nicht irren auf dem Weg zu mir
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 7 août 1933 ImsL
p.194/195
Chère Palu
Je souhaite à Friedel un très bon
anniversaire. Je me souviens qu'il y a un an, nous allions le chercher à
Garmisch ! Ah ! …Je veux bien lui faire goûter un nouveau café glacé !
Merci pour la rose rouge de ton
arrivée !
Mais pourquoi un si long silence
depuis ce temps-là ? J'étais allé de
nombreux jours en vain à la Poste. Et j'aurais bien aimé savoir comment allait
Gisèle, comment va le béret basque, si vous nagez beaucoup ?
Chaque fois que le thermomètre
monte, je me fais beaucoup de remords parce que tu n'es plus avec moi dans la
petite chambre brune ombragée et avec la
Tour-Eiffel dans le ciel dessinait …mon
profil !
à traduire
O, je suis triste
Ton
I
En passant sur la route des seigneurs
Tu ne regardes pas le safran pauvre
Mais ton manteau le caresse en secret
Emportant tout de même
Un peu de poussière dorée
De son amour
7 août 1933
Jardin des Plantes
Je ne voudrais être
Que le cèdre devant ta maison
Qu'une branche du cèdre
Qu'une feuille de la branche
Qu'une ombre de la feuille
Que la fraîcheur de l'ombre
Qui caresse ta tempe
Pendant une seconde
9 août 1933
Jardin des Plantes
lettre
de Claire à Haybes à Ivan Goll à Paris 9 août 1933 MST
p.123/124/125
Château
de Moraypré, Haybes
mercredi
matin
[9
août 33]
Aimé,
Je
crois m'être réveillée dans un rêve. Du lit où je suis couchée, je vois par
deux grandes fenêtres, à travers deux acacias, un large fleuve qui coule
doucement, la Meuse, derrière laquelle s'ouvrent de grandes prairies où je vois
des vaches tachées de noir et de blanc engraisser de minute en minute. Derrière,
un peu plus haut, un train passe toutes les demi-heures, allant et venant entre
la Belgique et la France, si petit qu'il semble sortir d'une boite à bijoux.
Et, derrière tout cela, montent les forêts des Ardennes. Oui, depuis hier
seulement, je sais ce que sont les forêts. Quel pays magnifique, et si frais !
Hier soir, dans le parc du château où j'étais étendue, mon manteau de fourrure
et ma couverture de fourrure m'ont manqué.
La
carte que je t'ai laissée rend très imparfaitement la grandeur et la beauté de
ce château.
Au
premier étage, il y a une sorte de fenêtre en saillie : c'est là, à l'intérieur
que je suis couchée et que je t'écris. A côté, se trouvent ma chambre et ma
salle de bains. Tu vois : presque toute la façade m'appartient. La chambre
voisine est celle de Madame d'E.[baronne Catoir d'Epstein], et sa salle de
bains est à l'angle, aussi grande que tout notre appartement de Paris. Puis, il
y a la salle de bains d'une des invitées, une Belge, et celle-la est aussi
vaste qu'une salle de danse.
Dans
ma salle de bains, outre le lavabo, le water, le bidet à eau froide et chaude,
il y a un système de douche dans une sorte cabine, et je me suis mise dessous
avec une sorte de volupté. Chaude, naturellement. Et maintenant, viens avec moi
devant la maison. Là, t'attendent des bouquets de roses et de pois de senteur,
avec d'autres fleurs dont je ne connais pas les noms, et quand on a passé
devant une grotte ravissante, on arrive à la piscine, toute entourée de vieux
arbres merveilleux et de petits ruisseaux. Ah ! une piscine ! comme je maudis
ma mauvaise santé ; il y a quinze ans, j'y aurais nagé du matin au soir. En
revanche, hier soir, je suis passée devant deux vieux moulins, j'ai franchi un
pont et je suis arrivée à un étang baigné de lune. C'est ici que Mélisande a dû
perdre sa couronne; et derrière l'étang, des forêts à l'infini escaladant des
hauteurs. Et jamais aucun être humain n'a accès à tout ceci, car cela
appartient au château. Sans parler de la mare aux canards, des poules et des
agneaux de la ferme. Vraiment un rêve !
Et l'hôtesse est si bienveillante et
toujours grande dame, et elle doit avoir
été autrefois très belle. On comprend le roi des Belges, dont elle fût, comme
elle me l'a racontée (il y a cent ans), la maîtresse.
Des
bateaux montent et descendent le fleuve et leurs sirènes crient de loin pour
qu'on leur ouvre les écluses, un peu plus bas. Et le long du fleuve court un
chemin de halage réservé aux chevaux qui tirent les bateaux.
C'est
aussi dans ce château qu'habita jadis George Sand ; elle a laissé aux parents
de la baronne d'E. une photo dédicacée, que les hordes allemandes ont volée,
lors de leur invasion en 1914. Et sur le parquet de la chambre d'où je t'écris,
on voit partout des marques de baïonnettes ; car, ici aussi, ils ont assassiné 40 femmes du château qu'ils avaient prises en otage pendant qu'ils
incendiaient et pillaient complètement Haybes. C'est pourquoi la baronne
n'apprécie guère de parler allemand.
Si
seulement, je pouvais t'envoyer un peu de fraîcheur, mon petit garçon chéri, et
faire surgir dans la rue Jasmin un petit bout de paysage ! Hier, pendant que je
traversais ces forêts, quel chagrin j'éprouvais de te savoir dans la chaleur de
Paris !
Toi,
mon aimé, pars bien vite retrouver Einstein et ne te détruis plus en restant à
Paname.
Envoie-moi des nouvelles du
Marché aux fleurs et du film, mange bien, ne fais pas de bicyclette ou pas
trop, et pense de temps en temps à celle qui t'embrasse tendrement
Suzu
N'oublie pas l'article !
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Haybes s/ Meuse du
10 août 1933 MST p.125/126
Paris
XVI
10
août 33
Quelle lettre
merveilleusement belle, embaumée de l'odeur des forêts, et enfin heureuse !
Comme je me réjouis que tu aies enfin trouvé un petit coin où la bonté d'une
femme, le silence des êtres humains et la dévotion à la nature t'aident à te
reposer en toi-même. Il fallait que tu trouves ce château, pourront
redevenir Mélusine, pour éprouver le
renouveau de ton propre ensorcellement. J'espère qu'il ne surviendra rien pour
t'effrayer et te chasser de toi-même à nouveau : un moustique ou une personne
méchante ! Et que devient le corps ?
Reçois
de moi la plus apaisante des nouvelles : cet après-midi, j'ai fait de la
confiture de reine-claude ! Elles étaient tellement bon marché : 90 centimes la
livre. Je l'ai faite tout seul. Ce matin j'avais fait laver les pots de verre
par Marie.
Car il
fallait que j'aille en ville, au Marché aux fleurs, où tout a marché
magnifiquement. Nous avons à présent la tranquillité pour de longues années.
Ci-joint, une photo de ces jours-ci.
À midi,
j'étais invité à déjeuner par Apfel, dans à très bon restaurant. Mais ce
n'était qu'une façon de me rendre la politesse que je lui avais faite en lui
offrant hier soir à dîner : oeufs à la tomate, courgettes, maquereaux, melon.
Il était enthousiasmé. Et il m'a raconté, d'une façon ravissante, notre
prochain chapitre.
Mais ce
méchant veut me retenir ici. J'en suis très malheureux. Il fait honteusement
chaud et lourd en ville, le ciel reste impudemment bleu et je voudrais, je
devrais partir. Sinon, que sera cet hiver !
J'espère
pouvoir m'échapper dimanche, - aller à Coq-sur-mer. Mais naturellement, il ne
débourse pas d'argent.
Le film
n'est pas tout à fait satisfaisant. Et puis d'autres sont déjà sur ce projet :
Les Kortner - Lania ont déjà traité presque le même sujet.
Et
maintenant, il faut que je connaisse tes plans ! Plus longtemps tu pourras
rester, mieux cela vaudra pour ta santé. Si tu as besoin d'argent, je t'en ferai
envoyer de Zurich : je veux dire, pour le voyage à Challes. Mais d'ici là, nous
nous écrirons encore.
Ce qui
me pousse en outre à partir, cette aussi la feuille ci-jointe de Marie. Elle
aussi sera absente jusqu'au mois de septembre. Afin que tu le saches, quand tu
rentreras.
Mais je
ne partirai peut être toi, ou seulement pour cinq ou six jours. Tout cela,
c'est encore des projets en l'air.
Le
principal, c'est que tu marches, que tu te couches sur une terre qui te plaît,
et que tu y rêves, entre autres choses, de ton fidèle
Ivan
Les Daniel sont depuis mardi à
Ostende [ses parents : Daniel et Rebecca Kahn]
Quand tu auras tout pris de moi
La peau de ma chair
La chair de mes côtes
Le ciel de mes yeux
Les yeux de ma tête
Quand je ne serai plus qu'un souffle
Pour prononcer ton nom
Alors je saisirai peut-être
Combien je t'appartiens
Auteuil
12 août 1933
lettre
de Claire à Haybes/ Meuse à Ivan Goll à Paris 14 août 1933 *** MST
p.127/128
Château
de Moraypré, Haybes
[lundi
14 août 33]
St. Ivannet, mon pauvre martyr aux doux yeux
bruns, rôti au soleil d'août à Paris ! Saint Yvan devant le photomaton. Ah !
toi, pourquoi dois-je être seule à respirer le bon air pendant que tu n'avales
rien que des microbes ! Mais la récompense viendra pour toi, cette année t'est
propice, petit cœur. Je crois en ton étoile. Et quand je la vois d'ici, le
soir, je la caresse des yeux. La nuit, quand il fait si glacial que je tremble
sous mes nombreuses couvertures, ton étoile me réchauffe. Encore un peu de patience Moi aussi, j'en ai tant, car je souffre
toujours, mon intestin ne va pas du tout et néanmoins mon âme plane par-dessus
l'étang, légère et libre. Si torturé qu'on puisse être, la vie est pourtant
belle. Et la source près de laquelle je suis étendue, si pleine de fer, toute
brun-rouille, tout un symbole.
Selon
l'effet qu'aura la lune sur mon sang, je prolongerai mon séjour ici, ou je
l'abrégerai. Mais attendre ici ces jours,
c'est bien le mieux, non ? Mon chéri à moi, qui ne mange pas bien ? Toi ? Qui
ne dort pas assez ? Sûrement toi. J'espère que la mer t'a un peu calmé.
Avant-hier, il y avait ici des relations de la Baronne, venue d'autres
propriétés : Province. Entre autres, une veuve sortie de
"Mathusalem". Nous avons
essayé de faire tourner une table. La veuve s'appelle Thibaud. Tout à coup,
elle demande à l'esprit de la table : « C'est toi, Thibaud ?» La table répond
: « Oui ». Elle : « Combien de messes veux-tu que je fasse dire
pour toi ?» La table : « Trente ». La
veuve, extrêmement avare essaya de marchander avec l'esprit. Je mourais de
rire.
Les
photos sont très amusantes et pleines de drôlerie. Daniel est vraiment un
personnage.
Si
tu veux être gentil, envoie-moi 100
Francs, on a tout de même besoin ici de quelques petites choses.
Et
merci pour tout, et beaucoup d'amour et de tendresse de
Ta
Suzu
lettre
de Claire à Haybes/ Meuse à Ivan Goll à Paris 15 août 1933 *** MST
p.127/128
Château
de Moraypré, Haybes
Mardi
15 août 33
Yvetot,
Les
cloches sonnent ce jour de fête. Les gens vont à l'église et je viens à toi.
Car tu es bien saint par quelque côté, quoique
je l'aie contesté par instants. Malgré tout, tu restes ma seule foi. Quoi qu'il
ait pu arriver, tu restes le véritable amant de mon cœur, toi, mon frère et mon
mari ; à cela, nul homme et nulle femme ne pourront jamais rien changer.
Il
fait un temps brumeux, et mon malheureux corps tente à nouveau de me jouer des
tours de toute espèce. Je suis terriblement fâchée contre lui. Qu'un matériau
aussi mauvais puisse renfermer une âme forte et résistante !
Chéri,
pourvu que tu aies eu beau temps au bord de la mer ! Je ne suis pas tout à fait
innocente du changement de temps, car j'ai souhaité la pluie. Car on ne peut
travailler ou se concentrer sur soi-même, que quand il fait gris dehors.
Je
t'aime beaucoup, Yvetot, et je suis ton plus grand admirateur, et cela, tu ne
dois jamais l'oublier. Je t'embrasse tendrement, je te remercie d'exister et
d'exister pour moi.
Ta
Suzu
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Haybes s/ Meuse du
16 août 1933 MST p.128/129
Paris, 16 août
1933
Chère Susu,
Hier
soir, je suis revenu du bord de la mer, consolé secrètement par la pluie.
Sinon, je l'aurais été difficilement. Ce furent trois journées fortifiantes. Je
me suis beaucoup baigné et je suis parvenu tout de même à me faire brûler
cruellement par le soleil à travers les nuages en marche. C'est-à-dire que j'ai
les bras et les pieds non pas bruns, mais rouges, et il me cuisent. Un bon
souvenir.
Je suis
bien portant - et néanmoins, mon âme est si triste, si triste. Plus le temps
s'écoule, plus je me sens seul. Est-ce que les hommes sont toujours seuls ?
Nous deux, quand nous sommes ensemble, nous ne l'éprouvons jamais : les
couleurs du jour et la fatigue... des nuits nous procurent cet état
chloroformées. Ou est-ce l'état de communauté qui rend heureux ?
Là-bas,
il y avait tant de jeunesse blonde, souriante, consciente d'elle. Et je sentais
que je n'en faisais pas partie. Et il y avait des familles satisfaites, repues,
et je sentais que je n'en faisais pas partie. Toutes les portes de la ville
étaient ouvertes, et je n'entrais par aucune.
Mais
pourquoi ne fais-je plus de.poésie ?
Cependant,
toi, la plus malheureuse, tu es encore bien plus à plaindre. Il est incompréhensible que tu aies été accablée
ainsi de maux, juste après Plombières. Comme tu es courageuse de supporter cela
avec tant de patience ! Je voudrais les enlever de toi, ces maux, te revoir
riante et forte.
Soyons
donc reconnaissants au destin qui t'a conduite dans un tel château de Mélusine,
autour duquel les sources chantent leurs mélodies et dans lequel les gens
semblent bien te soigner. Oui, puisqu'il en est ainsi, je te conseille de
passer là-bas tes jours de fatigue.
J'ai
trouvé ici beaucoup de courrier, une carte de Doralies, de Berlin. Et une
lettre de mes parents qui, samedi dernier, après avoir passé à peine quatre
jours à Ostende, se sont enfuis de nouveau et sont retournés â Metz ! Pourquoi
? Parce que leur maison à brûlé ! Cela ne peut arriver qu'à eux ! Toute la
charpente et le premier étage. Le reste inondé, naturellement. Les coupures
ci-jointes avec reportages photographiques, de la "Metzer feuille de
chou" te montreront l'étendue de
cette catastrophe de petite ville. À cette occasion, tu verras aussi, une fois,
"notre maison". Très "seigneuriale", n'est-ce pas ? À
présent, les pauvres, ils ont enfin, de nouveau, quelques soucis !
Et
maintenant encore, une surprise merveilleuse. Le livre qui doit devenir ton
"Journal" est arrivé, envoyé par Brody. Avec une innovation
intelligente et simple : il consiste uniquement en une couverture et un bloc.
La face supérieure est disposée, à l'intérieur, de telle sorte qu'on peut y
remettre les pages écrites, séparés, et refermer. Le tout est en toile à sac vert
pistache. Bon goût munichois. Puisque tu vas revenir bientôt, ce serait trop
compliqué de t'envoyer le tout. Mais je t'envoie au moins le bloc, sur lequel
tu peux commencer tout de suite à écrire, d'autant plus que tu souhaitais la
pluie et sentais probablement les approches d'une inspiration ?
Demain
je t'en reverrai les 100 francs.
Aujourd'hui,
cent baisers
Et
mon chaleureux amour
Ivan
lettre
de Claire à Haybes à Ivan Goll à Paris 17 ou 18 août 1933 MST
p.129/130
Château
de Moraypré
17
ou 18 août 33
Mon Ivannot,
Triste ?
Je suis triste aussi. Et c'est un privilège et nous ne devons pas être ingrats.
Sans tristesse, pas de poésie et existe-t-il quelque chose de plus noble que
les larmes qu'on ne pleure pas ? Qu'importe qu'on souffre si cela nous fait
pressentir plus largement Dieu et la mort !
Famille,
jeunesse ! Nous avons été tout cela, et nous le redeviendrons.
"Aujourd'hui" n'est qu'une transition, puisque nous sommes immortels.
Hier nous étions là et demain nous reviendrons ; entre temps, un peu de
"mal du siècle", un peu de désespoir et de clair de lune avec
Clairivan. Evade-toi de toi-même au contact des étoiles infinies et tu
transformeras ta plainte en jouissance.
Aujourd'hui
je reste couchée, et je pourrai probablement rentrer à la maison lundi. Te
télégraphierai à temps, chéri.
Mange
bien, dors beaucoup et mets en vers ta souffrance !
Je te
remercie d'avance pour l'envoi des feuilles. Tu as toujours des gestes gentils
qui n'appartiennent qu'à toi, et pour lesquels on ne peut jamais cesser de
t'aimer et de trembler un peu pour toi comme pour une chose très précieuse.
Le grand
feu dans la maison Lazard m'apparaît comme un petit châtiment du destin. Car
tout est châtiment ou récompense. Mais cela me fait beaucoup de peine pour ta
mère. J'ai de la pluie à présent, tant que j'en veux et je m'en réjouis en
cause de toi.
Maintenant
sois fort pour quelques jours encore. Jette-toi dans un livre : dans ma bibliothèque, il y a Nietzsche, Rilke,
Hölderlin, et je suis dans ta chambre. Tu n'es pas seul.
Une
prière : envoie-moi par retour du courrier le numéro d'Excelsior Hôtel (ou
Hôtel Excelsior), rue La Boétie, où habitait Madame Aliventi. Cet hôtel est
dans la partie supérieure de la rue, vers les Champs Élysées, et tu le
trouveras dans l'annuaire par rues, non dans l'alphabétique.
Adieu
chéri, je baise tes mains,
Ta
Suzu
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 18 août 1933 ImsL
p.198/199/200
Chère Palu
ton
M
lettre
de Claire à Haybes à Ivan Goll à Paris 21 août 1933 MST p.130/131
Lundi
après-midi
[Château
de Moraypré, Haybes]
[21.8.1933]
Chéri,
Merci pour ta carte
chaleureuse. Oui, je voulais partir
aujourd'hui, mais l'homme propose et … le vin rouge dispose. Mon amie Jane m'a
grisée hier soir par ruse. Je devais "goûter" aux vins de sa cave, et
à force de "goûter", tout à coup, c'en était fait de moi. On m'a
portée au lit et j'ai dormi comme … Verlaine. Et quand je me suis éveillée, le train de Paris filait sur
l'autre rive. Aujourd'hui, j'ai la "gueule de bois", mais Jane m'a
avoué sa faute et pour me dédommager, elle me fera faire demain un tour en
auto. Je ne partirai donc que mercredi : mais c'est définitif. A 1 heure et je
serai dans tes bras à 6 heures, les bras tendres et doux d'un long petit
garçon, qui m'en voudrait sûrement beaucoup, qui m'en voudrait de l'avoir si
longtemps laissé seul avec sa mélancolie, s'il n'avait pas un cœur si rare.
Je
quitte à regret cet endroit de rêve où je suis gâtée d'une façon céleste. Mais
je trouve pourtant que je n'ai pas le droit d'être heureuse par trop longtemps
sans toi : une joie partagée est tout de même autre chose que celle qu'on garde
pour soi.
Je
baise tes chers yeux bruns et suis
ton
éternellement dévouée
Suzu
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Haybes s/ Meuse du
22 août 1933 MST p.131/132
Paris, 22 .8. 33
Chère Zouzou,
Ta
lettre d'hier est heureuse, légère, grisée par ces vins fins ! Comme je me
réjouis que la vie te berce, qu'il y ait une amie Jane qui ne te laisse pas
partir, et que les fleurettes du paysage te soient bienveillante ! C'est ce que
j'ai toujours souhaité pour toi.
Et quand tu planes ainsi, il ne me viendrait, en aucun
cas, à l'idée de te rappeler. S'il te plaît, n'interprète pas mes dernière
lettre en ce sens, et ne crois pas non plus que je souhaite le moins du monde
t'avoir ici, seulement parce que je traverse une cruelle période de solitude.
Elle est cruelle, mais je ne la maudis pas. Tout est très beau dans la vie, tout,
même l'immobilité des murs qui ne respirent pas, même l'impatience, riche en
peur, de la nuit.
Ce qui est seulement
terrible, c'est quand, dans toute la grande ville, il n'y a pas une seule
personne à qui tu puisses téléphoner, c'est quand tu peux suivre les Boulevards
pendant des kilomètres et t'asseoir à 1000 terrasses de cafés, sans qu'une main
se lève pour serrer la tienne.
Mais je jouis aussi de
cette souffrance. C'est que je suis un jouisseur ! et si tu savais seulement
comment je vis, avec 5 francs par jour.
Je travaille
maintenant très bien.
Je voudrais beaucoup être un moine. Et puis, de nouveau,
par période, un libertin.
En ce qui te concerne,
je ne suis heureux que lorsque tu prends du bon temps. N'est-ce pas cela,
l'amour ?
Mais réfléchis un peu
et si ton amour pour moi est pareil ? Ressemble-t-il au mien ?
Sur un seul point, je te gronde : iras-tu encore à
Challes ? Je n'ai attendu ici que pour régler ton arrivée et ton départ. Sinon,
je pourrais aussi bien être aux Indes.
Ton
Ivan
Je suis couverte de sept voiles
Pour que sept fois
Tu puisses me découvrir
Je suis ointe de sept huiles
Pour que sept fois
Tu puisses me sentir
Je t’ai dit sept mensonges
Pour que sept fois
Tu puisses m’anéantir
Auteuil 25
août 1933
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 28 août 1933 ImsL
p.202/203
Ma grande Palu
ton
Yvan
Fin août
Claire est de retour à Plombières
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Challes-les-Eaux du
30 août 1933 MST p.132/133
[ mercredi]
Paris, 30.8.33
Chère Suzu
Combien
m'a ému ta lettre est écrite dans le train, dont le rythme sanglotant m'arriva
d'Aix - d'ailleurs, je l'attendais un
peu, ce matin, après une nuit qui ne m'a procuré, à nouveau, que quatre heures
de sommeil (malgré la Passiflorine que tu m'as envoyé avec tant de sollicitude)
et six heures de rêverie, ce qui est, tout de même, plus intéressant que le
rêve. Il ne me déplaît pas du tout de me livrer ainsi aux eaux noires de la
nuit, et de me laisser emporter, submerger.
Puis la
journée été si belle que je suis parti faire un grand tour à bicyclette, et
sans l'avoir décidé tout d'abord, j'ai été jusqu'à Saint-Germain-en-Laye, ce
qui fait quarante-cinq Km aller et retour. Maintenant seulement, je suis
entraîné et puis songer à de vraies excursions. Je ne savais plus du tout
qu'elle est l'aspect de Saint-Germain-en-Laye, ou plutôt, je me souviens d'y
avoir été une seule fois, avec une tournée d'autocar, et qu'il y a là-bas un
pavillon Henri IV : je n'avais pas remarqué, cette fois-là, le château très
beau et très sévère, le parc profond et rêveur et la terrasse longue de
plusieurs kilomètres dominant l'Ile de France. Mais peut être connais-tu cela
mieux que moi - tu as eu plusieurs fois l'occasion d'y aller en auto.
Ensuite
Apfel est venu chez moi. Il est pris de la folie des grandeurs littéraires, il
se croit déjà un auteur important. Il devient plus difficile de travailler avec
lui. De toute façon, il a été très satisfait du Chapitre Kienle. Mais il n'y a
plus moyen de lui soutirer de l'argent. Avec beaucoup de ruse, il se plaint
encore plus que moi, et se plaint le premier.
Ce
matin, il y a un grand brouillard sur la ville : l'automne. Vers midi, le
soleil a percé les nuages - mais la nuit et la matinée étaient très fraîches. C'est
pour cette raison que j'ai lu ta seconde lettre sans inquiétude, celle où tu
m'apprends que tu t'es installée dans ma chambre, au Château. Les quelques
heures de l'après-midi ne seront pas si terriblement chaudes. D'ailleurs, je
trouve que la solution de ton séjour est très réussie, contrairement à tes
regrets. Car dès que l'hôtel commencera à se vider, tu obtiendras facilement
une meilleure chambre pour le même prix, à condition de jouer avec
intelligence. Et c'est tout de même une bonne perspective. Aussi, quelle chance
que Challes reste ouvert jusqu'au 30 : tu ne pourra d'ailleurs pas partir avant
le 18 ou le 20, si les "jours rouges" arrivent entre temps. Ce que je
ne parviens pas à comprendre, c'est ta peur de la famille Lévy.
Incompréhensible !
Mais
aujourd'hui, tu t'es sûrement très bien habituée. Les inhalations favorisent
peut-être aussi l'inspiration. Et tu as déjà commencé ton roman ? Ce serait
magnifique. Où donc habite les Lévy, d'habitude ? Toujours à Alger ou à Paris ?
Pourquoi n'ont-ils jamais donné signe de vie à Paris ?
Donc,
chère enfant, sois vaillante, vaillante, vaillante et continue à aimer ton
Ivan,
qui t'aime
À présent, Duarte vient d'arriver ; il m'apporte les
séries de photos. La poste n'a apporté rien du tout.
Lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Challes-les-Eaux du 1 septembre 1933 MST p.133/134
Paris,
1er septembre 33 [vendredi]
Chère Zouzou
Mais on
se sent triste pourtant, par ces jours qui commencent à diminuer, qui
commencent par du brouillard et, ensuite, s'arrondissent et se dorent : on se
sent triste, dans cet automne, de ne pas avoir été aussi un pommier d'où
tombent les fruits ronds et murs, mais de s'éterniser dans une nostalgie qui
n'est plus de notre époque.
Au
milieu du jour, on oublie ce que vous a chuchoté le milieu grave de la nuit...
Et on se nourrit des raisins récoltés par les autres.
Je
souhaite beaucoup qu'à Challes, tu inhales une nouvelle confiance en toi-même,
et que le souffre ne te guérisse pas seulement de nez, mais aussi l'âme. Et
peut-être travailles-tu déjà ?
Ci-inclus
une lettre de Klaus Mann, qui accepte le "petit singe"* et qui
t'apportera, en outre, un nouveau courage au travail.
Et moi : si des pommes ne tombent pas de moi, par contre,
le docteur Apfel me porte sur les nerfs. Il a l'habitude de faire danser les
gens au son de sa flûte, mais je préfère danser avec des tailles plus fines.
Duarte°
m'a apporté, encore une fois, des photos splendides. En outre, il ne veut
recevoir aucun honoraire, il demande seulement que je lui envoie des livres de
temps en temps. Le 7 septembre, il repart pour le Brésil. Mais auparavant, nous
organiserons encore un dîner chez moi, et la petite femme veut préparer un menu
brésilien, avec de la viande séchée brésilienne, des haricots noirs et rien que
des plats indigènes, qui seront cuits dans notre cuisine. Ce sera un festin,
dont tu n'aurais certainement pas le droit d'avaler une bouchée. Mais comment
sont les repas, cette année au Château ?
J'ai
rencontré dans la rue Walter Menring avec sa pauvre petite mère tout
chiffonnée. Dès que tu seras de retour, il faudra que nous les invitions à un
repas.
En ce
qui concerne les finances, ma mère a été presque touchante : la lettre cachetée
contenait 1.200 francs au lieu de 1000, et sans autre raison : peut-être
pourras- tu les utiliser ! Mais hélas ! Cinq minutes plus tard, 1000 étaient
chez les Clauzel et 200 à la banque, plus dix-sept dans ma poche, qui n'est
plus aussi percée. (À propos, n'écris pas à Nancy que tu es à Challes).
Joisson
doit revenir lundi... J'enverrai l'argent pour ton hôtel avec deux jours de
retard, mais il y en aura d'un seul coup pour deux semaines.
Je
t'embrasse longuement,
Ivan
* Nouvelle de Claire
° Ministre brésilien qui avait quitté le Président Vargas
Paula Ludwig de
Berlin à Ivan à Paris : lettre du 2
septembre 1933 *** IsmL p.204 à 208
Correspondance à traduire (superbe lettre d'amour)
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire à Challes-les-Eaux du 6 septembre 1933 MST p.134 à 136
****
Paris,
6 septembre 33
Chère Zouzou,
Je porte
partout avec moi une souffrance tellement étrange : il me semble à présent que
je ne pourrai jamais devenir bien portant et une souffrance qui croît en moi
comme une mauvaise plante qu'on ne pourra peut-être plus déraciner. Quand tu es
là, je crois ne plus l'entendre, souvent, et je m'imagine que je vais bien.
Mais ensuite je sais à nouveau que je ne peux plus être sauvé. Une telle
solitude depuis quarante années...
Et
personne ne peut le remarquer. Et bien des gens qui me connaissent, me prennent
au contraint, pour un enfant né coiffé, né le dimanche de Pâques à cinq heures
de l'après-midi.
Et
pourtant, depuis des années je me consume et ne suis jamais joyeux. Sûrement,
il y a beaucoup de raisons qui y contribuent : la foi en notre unité s'est
brisée, puis la foi en moi, en mon don
de poète, et finalement aussi la foi en un avenir tranquille.
J'ai de plus en plus la sensation d'étouffer.
Je lutte pour trouver de l'air, la nuit dans ma tour, et le jour dans les rues.
Comme Paris me rend misérable et solitaire !
Mais si je ne m'en vais pas du tout cet automne, si
bientôt une saison commence sans moi et contre moi, abandonné, oublié, comment
le supporterai-je et pourquoi ?
En
conséquence, j'ai pris une décision : je dois partir, ne fût-ce que pour deux
ou trois semaines. Je n'ai rien à chercher ici. Le travail avec Apfel ne
m'intéresse plus, parce qu'à présent, il écrit tout et que je ne suis plus, en
somme que son traducteur. ça, je pourrais le faire partout.
Tu m'as
dit trois ou quatre fois dans ta bonté compréhensive, que je devrais aller voir
Paul Ludwig, ou encore la faire venir à Paris. Or je sais que dans les deux cas
malgré tout ton courage tu en seras blessée . Il s'offre une troisième solution
: : elle est invitée en Italie, je pourrais la rencontrer là-bas.
Mais je
suis incapable de me décider, donne-moi donc toi impulsion, comme il y a dix
jours ; tu savais alors pertinemment que cela ne te ferait rien perdre. Si
seulement j'étais sûr, que tu es cette année raisonnable et que tu restes bien
consciente que tu ne perds rien quand je m'enrichis !
Encore
ceci : même chez Paula Ludwig je reste indiciblement seul. J'ai seulement
auprès d'elle comme d'ailleurs auprès de toi le sentiment de ne pas être
totalement sans valeur pour ce monde. Ne me rappelle pas le fait qu'on ne doit
rien croire de ce que vous disent ce qui vous aiment. car alors, il me faudrait
admettre que ceux qui ne m'aiment pas ont raison de me rejeter. .
Voilà à
quoi on en arrive, quand on est un solitaire, un esseulé qui a repoussé la
chaleur de la vie courante, famille, enfants, sentiment d'appartenance à une
communauté. Paris...
Je
n'irais pas mieux non plus en Italie : seulement, pendant ces trois semaines,
j'oublierai qui je suis... J'aurais le sentiment apaisant d'avoir tenu une
ancienne promesse... qui, si je la reniais, me tourmenterait tout l'hiver. Oh!
surtout pour cela Et bien moins pour
moi-même.
Mais
voilà qu'en vieil égoïste, je n'ai parlé que de moi tout le long de cette
lettre sans penser combien tu es devenue triste en la lisant.
Et tu te
donnes, depuis longtemps, tant de peine pour me rendre du courage, tu m'écris
de belles lettres, comme il y a quinze ans, - ensuite nous avons été si
inséparables que nous n'avions jamais aucune occasion de nous adresser des
lettres.
Je te suis très
reconnaissant pour la connaissance accrue que tu as de moi, et la bonté qui en
jaillit. Mais d’où vient cette bonté : de l'intelligence ou du coeur ? Il
me semble que c'est ton intelligence qui t’a fait me conseiller de revoir Paula
Ludwig. Oh ! Comme je voudrais aussi que ton coeur me veuille du bien...
Même si, pendant trois
semaines, cela doit te secouer, si cela ne se passe pas aussi bien que
d'habitude... Si tu es obligée de voyager, d’arriver ici, etc.... seule.
Si je pars, je prendrai
l’un des billets de vacances les plus réduits, qui ne coûte que 350 francs
aller retour (3e classe) et n'est valable que trois semaines. Presque pas plus
cher que pour aller à Challes.
Si seulement je suis
assuré que tu veux mon bien, que tu ne pleureras pas, que tu ne te vengeras pas
: je ne vais pas chercher là-bas du bonheur, rien que l'oubli de moi-même !
Alors, je partirai déjà
vendredi ou samedi soir : loin de cette tour, où je n'ai dormi qu'une heure,
cette nuit ! Mon lieu de destination Fiesole. Je t'écrirai dès que je serai
arrivé ; mais auparavant une lettre de toi peut encore m’atteindre à Paris,
avec ta bénédiction !
Ci-inclus 800 francs,
pour deux semaines à l'Hôtel du Château à 42 francs. Cela met la semaine à 300
francs - Pourboire 350. Pour la dernière semaine, je te ferai encore envoyer de
Zurich 600 francs.
Je suis heureux qu’humainement,
tu te sentes de nouveau bien, au Château. Je savais que Lévy est un poète.
En ce qui concerne
Platon et Spinoza : oui, oui, tu as raison. Je t'envie pour cette sagesse, qui
te donne à présent de l'avance sur moi.
Mais lorsque l’âme est
malade ?
Tu sais que je n'ai pas
l'habitude de gémir. Laisse-moi donc gémir, pour une fois.
Je t’aime beaucoup, beaucoup, et j'ai besoin de toi aussi
! Je me réjouis à la pensée d'un paisible début d’hiver.
Ton Yvan
Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 5 septembre 1933 ImsL p.208
[Paris 5.9.1933]
PREPARES-TOI A UN VOYAGE EN
ITALIE RENDEZ-VOUS A BOLOGNE LE 11
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 5 septembre 1933 ImsL p.209/210
Paris 5 septembre 33
Chère Palu
la fin de la lettre manque
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 7 septembre 1933 ImsL p.210/211
jeudi 5 heures
Rue des Saint-Pères
[cachet de la Poste
7.9.33]
Chère Palu
Vient d'arriver ton télégramme
d'aujourd'hui 2 heures à la rue des Saint-Pères !
Bravo: Florence lundi 2h53 !
J'arrive par le train.
à
traduire
Je
t'aime
Manyana
Télégramme Ivan Goll Zurich à Paula Ludwig Berlin 9 septembre 1933 ImsL p.211
[Zürich 9.9.1933 10h08]
ECRIS A MUNICH ET FLORENCE REÇOIS UNE MOISSON DE BENEDICTIONS
DIVINES (?)
lettre
d'Ivan Goll Florence à Claire à Challes du 13 septembre 1933
MST p.137 à 138
Florence, 13
septembre 1933
Chère Suzu,
La joie
d'être à Florence m'a été gâchée, pendant ces premiers jours, par un très
vilain temps de pluie. Depuis longtemps, je n'avais pas vu tomber de pareilles
"hallebardes" ! Et les jours précédents, cela se préparait par un
temps lourd et un ciel plein de nuages menaçants. Après trois mois de beau fixe
et de sécheresse, on ne peut pas dire que c'est de la chance.
Et
pourtant c'était une chance que je sois à Florence, et non, par exemple, à Fiesole ou au bord de la mer : car ici, il y a un
tant à voir, tant d'églises, chapelles et et de musées à admirer chaque jour,
que le soleil n'est presque pas nécessaire. C'est une surabondance de trésors
d'art, qu'on ne peut pas dénombrer, qu'on ne peut même plus assimiler, à la
longue. Un si grand nombre d'artistes doués richement étaient compris,
encouragés, aimés par tant de familles remarquables ! Ce qu'on apprend de ce
14e et de ce XVe siècle florentin, c'est la foi dans le grand art authentique,
la foi dans la lutte pour cet art, dans l'amour inébranlable pour cet art. Car
ici, on peut redevenir pieux.
Ici, je
reprends courage pour affronter notre époque tellement détournée de l'esprit,
où l'on aime à regarder des visage souriants de stars, mais non des visages
d'hommes et de femmes qui souffrent. Je suis confirmé dans ma certitude que le
succès, provenant de cette humanité hébétée, serait pour nous le contraire du
succès...
Tant que
le baromètre sera bas, je ne ferai pas de projets, et j'irai voir Giotto, car
de lui émane une essence divine, dont on peut aussi espérer recevoir pour
soi-même une bénédiction.
Mais je
garde intacte, sur ma tête, ta bénédiction à toi, qui a jailli de tes grands
yeux bleus aiguisés, exactement pareils à ceux d'un ange de Giotto.
Je t'aime
beaucoup et je t'en suis si reconnaissant. Tu as raison : dans l'éloignement,
on ne fait que se rapprocher de l'être aimé, de l'être de sa vie.
Comment
vas-tu ? J'espère que tu peux suivre ton programme à la lettre - après Challes,
qui est certainement très vide en cette saison et dont le silence t'est
peut-être agréable, tu devais rester très peu de jours à Paris et repartir
aussitôt pour Haybes - en conséquence, j'ai donné aujourd'hui ordre à Zurich de
t'envoyer 700 francs qui pourront sûrement suffire pour l'instant, étant donné
que tu as déjà ton billet de retour : 350 - 400 Château, 100 pourboires, 200
voyage à Haybes.
Puisses
tu te remettre et te sentir bien et rester mon Aimée.
Ivan.
Carte d'Ivan Goll Florence à Claire à Challes du 14 septembre 1933
MST p.138
Florence le 14 septembre 33
Chère
Souzou : j'ai reçu ton télégramme cinq heures après avoir posté ma dernière
lettre pour toi, dans laquelle je t'annonçais justement le virement de 700
francs de Zurich. Etait-ce de la transmission de pensée si j'ai justement fait
envoyer 700 francs ? En tout cas j'avais donc retourné dans ma tête toutes tes
réflexions et plans avec toi. Par même courrier est partie la commande à
Zurich. Espérons que d'ici samedi tu seras en possession de l'argent et que tu
auras liberté de mouvement. Par contre, la pluie ici ne nous en donne
aucunement. ?
Baisers
ardents
ton
Ivan
Ivan Goll est parti pour l'Italie retrouver Paula Ludwig
le samedi 9 septembre à Fiesole ou à Florence le 10 septembre et ils y restent
jusqu'au 21 ou 22 pour aller à Sienne.
Lettre
d'Ivan Goll Florence à Claire à Challes du 17 septembre 1933 MST p.138/139
Florence,
17 septembre 1933
Chère Zouzou,
Ce
matin, j'ai reçu ta lettre bleu-double, attendue avec nostalgie depuis
longtemps, et qui contenait ta lettre précédente, de Paris. Oh ! Comme celle-ci
m'a ému !
Quelle
transformation tu as subie ! Ta sage maturité résonne harmonieusement à mes
oreilles, comme un alto, et je ne l'apprécie certes pas parce qu'elle me
facilite l'existence, mais surtout parce qu'elle va si bien à ton nouveau
visage. Sans doute, ton âme est toujours un enfant, et elle restera telle,
éternellement - car l'âme est la seule chose au monde qui ne vieillisse pas et
ne mûrisse pas, l'âme est invariable comme le bleu de l'éther. Et la tienne a
la pureté de la brise du matin. Mais ton visage humain a beaucoup pleuré, connu
beaucoup de douleur, plus que n'importe quelle autre que je connaisse, et si je
l'ai tant aimé autrefois pour ses yeux, qui ont la grandeur et la forme de ceux
de la déesse de Giotto, je l'aime encore plus aujourd'hui pour cette expression
de savoir qui le domine de plus en plus.
C'est
vrai : pour ce qui est des expériences vécues, je suis réellement encore un
petit garçon, et cela me fait tant de bien que tu passes une main caressante à
travers mes cheveux, - par lettre, il est vrai, plus que dans la réalité, - et
alors je reconnais aussi que cela est de beaucoup le plus important.
Ainsi
tu te mets lentement à jouer le rôle qui m'appartient (à moi !). Mais cela ne
veut aucunement signifier que j'ai changé. Je suis un vieux petit garçon, et je
devrais en avoir honte, si je n'étais aussi un poète. Mais si j'en suis un,
c'est à toi que je le dois et aussi d'être resté si jeune.
Si
tu me connais bien, tu sais que dans ce pays lointain et suprêmement beau, je
suis près de toi comme presque jamais je ne l'ai été. Pour le moment, je suis
apaisé, mais ce n'est pas le repos de l'accomplissement, comme tu parais le
penser, cette une hébétude de mes nerfs, qui semblent être très malades. J'ai
éprouvé trop de déceptions, à Paris, depuis le début de l'année, et la crise qui
m'a poussé à la fuite - à me fuir moi-même - n'était ni sentimentale, ni
érotique, mais presque matérielle. Trop de soucis, trop peu de succès. Pour être
en état de supporter l'hiver qui vient, il fallait que j'aie d'abord une
détente, et que renaisse en moi le sentiment que je suis quelqu'un ! C'est
pourtant ce que je t'ai écrit dans ma dernière lettre de Paris. Pourquoi
n'as-tu pas voulu admettre cette interprétation ?
Florence
ne laisse pas le temps de se ressaisir. Peut-être partirons-nous, au milieu de
la semaine prochaine, pour une plus petite ville, peut être irons-nous à
Sienne. La vie est extraordinairement bon marché. Figues, 50 centimes le kilo,
raisins, pêches, le même prix. Mortadelle 50 centimes l'etto, ghirlandais1lire
le mètre.
Cette
lettre arrivera probablement à Paris le même jour que toi. Est-ce que Challes
t'a fait du bien ? Ne reste pas trop longtemps dans notre appartement, qui
n'est pas refait, ne perds pas ton temps et ton argent à le réorganiser : pars
vite pour Haybes. Entre-temps, je reviendrai ; je ferai de beaux préparatifs et
mettrai tout à neuf pour te recevoir.
En
éternel amour
ton
Ivlein
Claire est de
retour à Paris le 20 septembre
Tu as planté devant ma porte
Un jeune citronnier
Il n'a que deux branches
L'une porte un fruit d'or
L'autre une fleur d'argent
Comment me préfères-tu
Vierge ou mère ?
Sienne 21
septembre 1933
Lettre
d'Ivan Goll Sienne à Claire à Paris du 24 septembre 1933 MST p.140/141
Sienne,
24 septembre 33
Chère Souzou,
Nous
voici, depuis quelques jours déjà, à Sienne : une des plus vieilles villes
d’Italie, bâtie sur trois collines. On est sans cesse obligé de monter et de
descendre. La rue principale n'est large que de 6 m et de hauts palais la
bordent, comme une citadelle, - on a l’impression d'être dans une prison. Sans
doute, on dit que la ville est environnée du plus beau paysage et des collines
les plus séduisantes : mais on ne retrouve pas la sortie, tant que l'on n'est
pas initié à ses secrets..
Le jour de mon arrivée,
je t'ai écrit, probablement par gratitude pour ta prière sur la terrasse du
Château. Les étoiles brillaient. Mais le soleil, jusqu'à présent, n'a pas paru.
Pendant des jours et des jours, il a fait gris et brumeux, on sentait se
préparer le mauvais temps qui a éclaté hier, avec éclairs et cyclone suivis
d'une pluie chaude et persistante.
Ajoute à cela le
sentiment d'être muré dans un cachot ! Tu objecteras : mais, à deux, c'est
pourtant beau ! Peut-être mais avec du soleil et du clair de lune, ce serait
encore plus beau. C'est la première fois que Paula Ludwig vient en Italie et
elle n'y trouve que des brouillards nordiques et des tempêtes.
Une autre raison encore
de me sentir comme emprisonné, c'est que j'attends en vain une somme que ma
promise Apfel. Peut-être dois-je t’expliquer plus en détail les quelques
allusions que je faisais sur ma dernière carte.
Ce qui m'a incité à ce
départ subit, entre autres choses, c'est la dispute que j'ai eue avec Apfel.
Savoir que j'ai perdu tout un été pour lui. Je ne sais plus si je t'ai raconté
déjà qu'il m'avait finalement dégradé et réduit aux fonctions de traducteur :
ce que je préférais d'ailleurs, ou presque, car de toute façon, et depuis
longtemps, je ne voulais pas mettre mon nom. Mais jusqu'à ce jour, mes efforts
n'ont servi à rien. Les chapitres Wessel et Kienle n'ont servi à rien Monsieur
Apfel se découvre un talent d'écrivain. Bon. Mais qu'ai-je à faire avec ça ? Il
exige même que je traduise littéralement jusqu'au plus petit point sur les i de
son ennuyeuse prose...
Aussi, tout ce qui
m'intéresse encore, c'est l'argent : vingt fois, il m'a proposé de
"financer le contrat". Vingt fois, il s'est récusé. Il prétend ne pas
avoir d'argent, mais il vit largement et il a des amis qui sont les plus riches
de la colonie d'émigrants. Avant mon départ, il m'a promis 2.000 francs, je
l'ai prié d'en donner 1000 aux Clauzel, sous prétexte que je n'ai toujours pas
payé le loyer, et ceux-ci devaient remettre la somme. Et de m'envoyer le reste
en Italie. Rien n'est arrivé encore...
Et toi, de ton côté ?
Je suis sans nouvelles depuis huit jours. Dans ta dernière lettre de Challes,
tu semblais projeter à nouveau de faire un assez long séjour à Paris.
Certainement, tu as vite remarqué que Paris est cher ; est-ce que tu as pu t'en
tirer saine et sauve, c'est-à-dire partir pour Haybes ? Mais j'espère encore
que tu es vite repartie, que tu n'as pas entrepris tout d'abord de nettoyer
l'appartement... Car cela n'en finit jamais plus... et que tu me laisses ce
soin, puisque je rentrerai rue Raffet bientôt, avant toi, et que je veux tout
préparer pour ta rentrée triomphale.
Oui, oui, chère Suzu,
je reviens d'Italie purifié, apaisé, revigoré, et je veux à nouveau te
reprendre dans mes bras, toi qui pries avec tant de ferveur. D'ici là, de mon
côté, vendredi prochain soir, je prierai pour toi. mon Kol Nitrai * sur une
colline d'oliviers.
Je prie ma mère de
t'envoyer les 1.000 francs.. Mais économise quelque chose. Le mois d'octobre
sera long. La note du téléphone n'était pas encore arrivée ?
Et fais en sorte que j'oublie un peu tous ces soucis et crois
en moi, qui redeviens pieux
Ton
Ivan
Carte d'Ivan Goll Sienne à Claire à Paris du 25 septembre
1933 MST p.141
Sienne 25
Septembre 33 [lundi]
Chère Suzu,
Merci,
merci pour ta lettre du 22 * ; Comme c’est dommage que tu ne puisses pas
aller à Haybes ! Essaie donc de le faire. Promets 40 Fr, de pension.
Aujourd’hui , le soleil est arrivé avec les cloches de l’angélus d’une
douzaine d’églises. L’automne peut devenir beau. Pars donc ! Je te fais
envoyer les 1000 Frs de Nancy pour l’usage domestique et privé. Ecris toi-même
là-bas qu’ils envoient l’argent plus tôt, et souhaite leur de bien jeûner à Yom
Kipour . Ardemment à toi, celui qui est heureux par toi,
Ivan
· Cette lettre est égarée, il n’y en a plus trace.
Carte d'Ivan Goll Paris à Claire à Perouges du 1 octobre 1933 MST p.142
1 Octobre 33
[Pérouse]
Chère Suzu,
Dernière étape : Pérouse, petite ville
authentiquement italienne construite sur une colline, et dans laquelle la
chaleur est enfin revenue. Pour ne pas rentrer scandaleusement dépourvu de
bronzage, j’ai allongé le voyage de quelques jours et j’arriverai vraisemblablement samedi à 22
h. à Paris et dans tes bras aimés. Maintenant, je suis depuis si longtemps sans
nouvelles de toi : depuis ta lettre du vendredi 22, rien ! Rien de
Nancy, rien d’Apfel. C’est sans doute dû à la Poste et je suis très inquiet.
S’il se passait quelque chose de particulier, envoie un cable : Pérouse
Poste restante.
Tout
à toi, à toi
I.
Que ne suis-je une datte
Brune et nue
Nue et brune
Pour n'être qu'un midi qui brûle
Un désir qui fond
Un parfum pour ton âme
Un miel pour ta langue
Une chair douce douce
A ta chair forte forte
début octobre 1933
Ivan revient à Paris le
samedi 7 octobre à 22h. où il retrouve Claire qui ne luia plus écrit depuis
le 22. sept.
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 8 octobre 1933
ImsL p.213
Paris 8 octobre 33
Chère Palu
Ma
à
traduire
Paula Ludwig
Marienberghütte à Ivan à Paris 16 octobre 1933 *** IsmL p.214 à 217
Cher Ma
Palu
correspondance à traduire (superbe lettre d'amour)
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte
par Biberwier, Tyrol 18 octobre 1933 ImsL p.217/218
Paris 18 octobre 33
Chère Palu
Ma
Seul Saint - François doit te
rendre visite
à
traduire
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte
par Biberwier, Tyrol 23 octobre 1933 ImsL p.218
Paris 23 octobre [1933]
Chère Palu
Ma
à
traduire
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte
par Biberwier, Tyrol 26 octobre 1933 ImsL p.218
Paris 26 X. 33
Chère Palu
Ma
à
traduire
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte
par Biberwier, Tyrol 4 novembre 1933 ImsL p.219
Paris 4 XI. 33
Chère Palu
Ma's
à
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 7 novembre 1933
ImsL p.220/221/222/223
Paris 7 novembre 33
Chère Palu
Ma
à
traduire ***
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte
par Biberwier, Tyrol 10 novembre 1933 ImsL p.223
Paris [10.11.33]
Chère Palu
Lucifer vit.
Dans sa nouvelle armure. Dans
l'éclat de Vénus. Avant la fin du mois, il se présente dans un manteau vert
pour toi. L'éditeur était très amical et prend tous les frais à sa charge.
Un salut de l'Hôtel Studio qui me
faisait signe en passant sans m'arrêter
Ma
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte
par Biberwier, Tyrol 16 novembre 1933 ImsL p.224
16.11.33 Paris
Chère Palu
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Marienberghütte par Biberwier, Tyrol 23 novembre 1933
ImsL p.224/225
Paris 23 novembre 33
Chère Palu
Ma chambre est totalement devenue
une vallée de pins. Une fenêtre est entièrement devenue verte.
Manyana
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 décembre 1933
ImsL p. 225/226
Chère Palu
Ton
Ma
traduire
Manyana
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 20 décembre 1933
ImsL p. 227/228
Paris
20 décembre 33
Chère Palu
Ton
Ma
Adresses amitiés pour tout 321
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 31 décembre 1933
ImsL p. 228/229/230
Paris
31 décembre 33
Chère Palu
Yvan
Ton anxiété sur la catastrophe de
chemin de fer comme celle-là m'affecte
aussi.
traduire
1934
Paula Ludwig Ehrwald
à Ivan Goll Paris 2 janvier 1934 ImsL p. 231 à 235
2.
1. 34
J'avais repris hier soir pour la
première fois en mains le livre de Florence et le relisais. Je l'avais si
longtemps protégé comme un jeune vin que l'on garde intact et maintenant,
j'allais chercher ton vin ressorti des plus profondes caves de l'été, et mon
cœur débordait. Je regardais les images et caressais de la main les murs du
Palazzo
traduire
Yvan : immortelle constellation
de mon âme
Je
t'embrasse avec un nouveau cœur
Je
t'aime d'un amour nouveau
[dans la marge gauche]
Les pierres de tes manchettes ne
sont pas des améthystes mais des grenats, des grenats presque noirs, tirés des
montagnes de ce pays.
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald,
Tyrol 5
janvier 1934 ImsL p.235
5.1.33
[mais cachet de la Poste : 1934 Paris]
Chère Paula
Tu reçois aujourd'hui ou tu dois
recevoir 1 manuscrit et un cartable - Fra Angelico : dans la crainte qu'il
m'arrive le même tour qu'avec les coraux je t'envoie mes voeux par le chemin
habituel afin que tu vives une année aussi grande aussi enthousiasmée que cette
déesse.
En tout cas, dés lors, je
m'incline devant toi
Yvan
[dans la marge gauche]
Je me réjouis de ton arrivée
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 18 janvier 1934 ImsL p. 236/237/238
Paris 18 janvier 34
Chère Palu
traduire
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 30 janvier 1934 ImsL p. 238/239/240
Paris 30.1.34
Chère Palu
traduire
Yvan
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald,
Tyrol 10
février 1934 ImsL p. 240
[
Paris 10.II.34 ]
Chère Palu
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 23 février 1934 ImsL p. 241/242
Paris 30.1.34
Chère Palu
traduire
Ma's
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald,
Tyrol 9
mars 1934 ImsL p. 242
[
Paris 9.III.34 ]
J'attendais avec beaucoup
d'inquiétude ta "publication"
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald, Tyrol 22 mars 1934 ImsL p. 242/243/244
Paris 22 mars 34
Chère Paula
J'ai du relire plusieurs fois
d'un bout à l'autre ta lettre : je ne savais pas si je la trouvais triste, ou si elle était le
reflet de l'amertume de ton humeur ou tantôt optimiste ou tantôt dépitée ; j'ai
mis longtemps à me décider et je te réponds aujourd'hui, bien que je ne sache
pas bien encore si je suis arrivé à un résultat. Ceci me gêne, en effet, de
m'approcher plus souvent de toi
vérifier mon
bout de traduction et traduire la suite
Yvan
Paula Ludwig Ehrwald
à Ivan Goll Paris 25 mars 1934 ImsL p. 244 à 248
Ehrwald
- Dimanche des Rameaux
25.
3. 34
traduire ****
le 26 mars 1934, Paula revient à Berlin
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 2 avril 1934 ImsL p. 249/250
Paris
lundi de Pâques
[2.4.34]
Ma Chère Palu
o mon ravisseur -
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 15 avril 1934 ImsL p. 251
15.4.34
Chère petite Paula
Many
Paula Ludwig Berlin,
à Ivan Goll Paris, 18 avril ****1934 ImsL p. 251 à 254
18
avril 1934
Ma chère Manyana -
traduire,
manque la fin de la lettre
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 28 avril 1934 ImsL p. 255
Paris
28 avril 34
Chère Palu
traduire
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 3 mai 1934 ImsL p. 256/257
Paris
3 mai 34
Chère Palu
traduire
Ta
Ma
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Berlin 30 mai 1934 ImsL p. 257
30 mai 1934
[Paris]
Chère Palu
traduire
Salut
à Nina, à Falk et tiens-toi en bonne santé
Ma
Le 1er juin 1934, Paula quittait définitivement Berlin pour Ehrwald
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 juin 1934 ImsL p. 258/259
Paris
3 juin 34
Chère Palu
traduire
Ma
Paula Ludwig Ehrwald,
à Ivan Goll Paris, 8 juin 1934 ImsL p. 260/261
Ehrwald
8 juin [1934]
Chère Ma.
Ton
Palu
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 juin 1934 ImsL p. 260/261
Paris
15 juin 34
Chère Palu
traduire
Ma
Marcel Raymond
(Bâle) à Yvan Goll le 23 juin 1934
Bâle le 23 juin 34
Cher
Monsieur,
Vous êtes très aimable d'avoir songé
à m'envoyer votre "Lucifer". Je le lirai à l'ombre dans quelques
semaines. Quant à votre "Orphée", que je connaissais en partie, il me
rappellera cette atmosphère de Paris d'après-guerre, qui était assez enivrante, et qu'on ne peut oublier.
J'ai lu avec intérêt votre
"Surréalisme" ; en pensant à lui, j'ai des remords …, mais je vous
l'ai déjà dit.
Nous vous attendons à Bâle, vous et
Madame Goll, n'est-ce-pas ?
A bientôt, j'espère, et
croyez-moi votre dévoué
Marcel
Raymond
P.S.: Nous quittons Bâle vers le 10 juillet : du 1
août au 15 octobre, nous serons à Genève (Chemin Bizot), puis à nouveau à Bâle
SDdV
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 26 juin 1934 ImsL p. 261/262
Paris
15 juin 34
Chère Palu
traduire
Pourquoi
?
I
Claire Goll,
part vers le 25 juin en Italie pour un séjour en cure (?).
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 juillet 1934 ImsL p. 262/263
Paris
15 juin 34
Chère Palu
traduire
Ton
I
Et j'ai aussi de l'argent; sois
sans souci. Salue la petite Nina. Mais ne parle à personne d'autre de mon
arrivée. Je veux rester entièrement caché.
Claire a
envoyé un télégramme laconique le samedi 7 juillet, depuis Rome. Yvan lui écrit
Poste Restante. Yvan sait qu'elle est avec l'homme avec lequel elle était en
Italie en 1931, et à la même adresse
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 7 juillet
1934 MST p.142/143
samedi
7 juillet 1934
Chère
petite Suzu,
Cette
nuit a été l'une des plus douloureuses de ma vie : étrangement pleine de voix
et d'appels - de tes appels - et de vertes cimes d'arbres, parce que
là-bas, il y avait une fête nocturne sur les lacs du Bois.
Symbole
: je devais recueillir seul les comètes qui tombaient sur notre balcon, tandis
qu'au loin, tu ramassais de tes mains d'enfant, la lune brisée, dans les champs
de blé mûr, et te brûlais …
L'aube
vint de bonne heure, mais non le repos. Je fis un séjour avec toi à Turin, à
Gênes ; tu te montras enchantée de la langue italienne, puis vint cette
expérience avec la mer étincelante. Je ne sais pas quel fut ton parcours, mais
je l'ai vécu.
Ensuite,
m'arriva avec le courrier, ta lettre apaisante de Laroche, avec la fraîcheur
paisible des peupliers crépusculaires
qui t'ont vue. J'allais mieux. Mais à 5 h 35, la fièvre monte de nouveau ;
as-tu vu tout de suite, en face de la gare, le Museo delle Terme ?
Une
grande souffrance est en moi, d'autant plus grande que je sais l'avoir méritée.
J'aurais parfois grande envie de
ramper sous le piano. Je vais subir de lourdes épreuves, et je crains la plus
lourde, au Tyrol. Ce ne sera pas comme les années précédentes. Le long
pèlerinage que je projette me conduira finalement à toi, - définitivement. J'ai
le sentiment, pour la première fois, que je ne vais là-bas que pour poser un
point final.
Mais
le temps de l'attente, ici, sera encore plus cruel. Encore dix jours au moins.
Chez
Halphen, il n'y avait pas encore de robe.
Mary
a disparu depuis huit jours, sans laisser de trace. Elle m'a fait dire que les
photos sont rue du Bac, mais le photographe n'en savait rien. C'est tout à fait
Mary.
Et
maintenant, puissent les dieux de Rome te bénir !
Ivan
Lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 8 juillet
1934 MST p.143/144
Dimanche
soir 8 juillet 1934 [Paris]
Chère
petite Suzu,
Étranges sont les voix
du destin. Hier, après n'avoir pas quitté de toute la journée, la fraîche
terrasse, je suis allé au café et j'y ai trouvé une ambiance bien italienne :
là se trouvait, en effet, le peintre Cristofanetti et sa femme. Te rappelles-tu
que j'ai fait la connaissance de cette dame, il y a deux ans, dans le train du
Tyrol, alors que je me hâtais de revenir à toi ! Autour de lui, dix autres
italiens étaient assis, et j'entendais parler cette langue céleste avec autant
de pureté que si j'avais été au Café Cok de la Piazza Venezzia.
On m'a
submergé de lettres d'introduction pour toi. D'abord à Son Excellence le
Conseiller d'Etat Luigi Cristofanetti, père de notre ami, qui pourra te
recommander en tous lieux, peut-être même au Duce, si tu en as envie.
Une
autre dame d'un certain âge, qui joue, paraît-il, un rôle dans le parti
fasciste, te recommande à l'Hôtel National, où tu trouverais éventuellement une
chambre pour 6 lires, si tu n'as rien trouvé de bien ailleurs. Ton télégramme
laconique d'hier m'a fait supposer que tout n'est pas si simple.
Cependant,
il se peut que tu n’aies aucun besoin de recommandations, et c'est même
probable, car on peut découvrir sans elles les colonnes, les temples et les
chapelles, et finalement c'est ce qu'il y a de plus intéressant à Rome.
J'espère
que tu as de très belles impressions.
Ivan
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 12
juillet 1934 MST p.144/145
Paris
Jeudi 12
juillet 1934
Chère petite Suzu,
Tes
impressions grandioses sur Rome ne feront que s'intensifier chaque jour. C'est
la seule ville où pareille chose est possible.
Dommage
que je ne puisse toucher, dans cette lettre, qu'au côté administratif de ton
voyage - mais explique-moi ce qu'est un appartement ? Depuis le début, je ne
l'ai pas compris, étant donné que l'Italie est si diverse, et qu'avec un billet
comme le tien, on ne veut pas séjourner dans un seul endroit, surtout avec ton
programme, qui comporte certainement encore Florence, Assise, sinon Naples ?
Pourquoi un appartement ? Je t'adresse une très importante recommandation à
l'Hôtel National, un des plus grands de Rome, où tu n'aurais à payer que 15
lires lieu de 40.
Mais
tout cela est déjà passé, probablement.
Je
voudrais que tu retires de ce voyage de belles impressions.
Je donne
aujourd'hui à la Schweizerische Bankgesellschaft l'ordre de t'envoyer 800 lires, qui viennent être converties en
liquide, grâce à une vente de titres à Madame Lang.
Entre-temps,
j'ai eu beaucoup de peine et j'ai dû m'humilier pour obtenir seulement quelques
centaines de francs (300 francs) chez Shermann ou Drach. Cela est terminé.
Je n'ai
reçu qu'aujourd'hui l'argent pour Halphen. La petite robe part aujourd'hui. La
jaquette demain. Toujours poste restante.
Je pars
au début de la semaine prochaine : mais d'ici là, écris à Paris. Ensuite, je te
donnerai mon adresse. En hâte.
Ivan
a) s'il te plaît, ne m'écris pas tes belles lettres sur
ces étroites feuilles de bloc ; prend un grand bloc, car cela m'irrite toujours
qu'il y ait si peu de place.
b) 300 lires de gaz et d'électricité : c'est la
consommation d'une famille avec trois enfants pour trois mois d'été ! Alors que
tu ne peux pas faire cuire un oeuf. Qui fait la cuisine ?
(Ivan Goll écrit un livre sur le
psychographologue Shermann, qui fut retenu en Allemagne contre son gré jusqu'en
1933. Raphaël Shermann "l'écriture ne ment pas", Gallimard 1935
Drach, éditeur de la revue "Vu" qui publia en 1934 des passages du livre).
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 13 juillet 1934 ImsL p. 263
Paris
13 juillet 34
Chère petite Paula
S'il n'est pas possible
d'intervenir entre cela, je pars le mardi soir d'ici et je suis mercredi, vers
1 heure à Innsbruck. A l'avance, je t'envoie déjà mon bonheur
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 14 juillet
1934 MST p.145
Paris
14 juillet
1934
Chère Suzu,
Je te
félicite : ton acte de vengeance a réussi cent pour cent. Ta théorie du rachat
se réalise pleinement.
Ici
encore, un complément à ma première lettre :.
Pendant
la nuit que j'ai passée en voyage avec toi, j'eus soudain une vision : le
chapeau mou, gris-pigeon, qui était posé dans le coin, en face de toi, près de
la casquette de voyage et de Gringoire, je le vis sur une tête que je connais
très bien, et nullement sur celle du vieux monsieur qui se tenait dans le
couloir. C'était assez bizarre que cet inconnu restât absent si longtemps, et
qu'il n'assistât pas à notre dernier baiser.
J'envoie
donc ton adresse au receveur ; elle n'est pas nouvelle pour moi, car j'y ai
télégraphié plusieurs fois, il y a trois ans.
Sans
doute, tous mes envois ont été faits " fermo posta ": a) le petit
costume en 2 envois. b) 1.000 lires (au
lieu de 800), qu'à la dernière minute, je t'ai fait adresser télégraphiquement
par la SchweizBankgesellschaft ..
Je pars
mardi.
Au
revoir,
Ivan
I
lettre
d'Ivan Goll Paris à Claire Italie du 14
juillet 1934 MST p.145/146
Paris
14 juillet
1934
Chère Suzu,
Reçu à l'instant cette carte de Doralies. Il faut
que tu y répondes, vite, que nous serons probablement à Paris dans la seconde
moitié de septembre, que tu lui paieras, bien entendu, le voyage vers à
Paris (très petite somme) étant reçue
chez nous, elle n'aura guère de dépenses à faire ici.
Faire
une autre réponse est presque impossible. Anvers est à peine à cinq heures de
Paris. Il faut apprendre aux mères à faire leur devoir. Voilà ce qui arrive
quand on a des filles.
Ci-inclus
aussi le Zuri Zittig.
Ton
Ivan
Peut-être
la vision dont je t'ai fait ce matin le récit n'est-elle que l'hallucination
d'un torturé ?
À partir de mercredi : Innsbruck, poste restante.
Yvan arrive le
17 juillet chez Paula. Ils prennent quelques jours de vacances ensemble à
Schönwies dans le Tyrol avant de revenir à Ehrwald.
lettre
d'Ivan Goll Schönwies,Tyrol à Claire
Italie du 19 juillet 1934 MST
p.146/147
Steinseehütte (1934)
par Schönwies ( Oberinntal)
jeudi 19 juillet (1934)
Chère petite Suzu,
La première chose que
j'ai faite, lors de mon arrivée à Innsbrück, (à une heure de l'après-midi), ce
fut de me précipiter à la poste, où j'ai trouvé ta lettre d'amour, non plus
bleue, mais d'autant plus céleste. Je suis si heureux que tu aies compris tout
de suite mon état d'âme et ma peine. Je suis heureux de ton expérience romaine
et de la force dont tu fais preuve, dans cette solitude relative. Et je t'envie
presque pour les petits frottements humains que tu as rencontrés dans cette
ville unique en son genre : c'est par eux que l'on peut le mieux connaître une
atmosphère. Dans les grands hôtels, où tout marche sur des roulettes, on n'a
pas cette occasion.
Au Tyrol, tout se passe comme prévu. Je n'irai pas à
Ehrwald ce qui va te rassurer beaucoup. Paula m'attendait à la gare
d'Innsbruck, nous allâmes aussitôt au bureau de tourisme et nous rendîmes, dès
le soir, ici à Schönwies un tout petit trou villageois. Ce matin, nous allons
monter à Steinseehütte, avec des sacs à dos, et y rester éventuellement
quelques jours ou plus longtemps. Ce sera selon... Nos bagages restent en bas.
Peut-être ne nous plairons-nous pas là-haut, et alors nous irons ailleurs mais
pour l'instant, mon adresse est celle indiquée ci-dessus.
En
outre, je sais déjà que je suis réuni à Paula pour la dernière fois. Cette part de ma vie est déjà morte pour moi. Je
regrette presque d'être venu . Je crains qu'elle soit déçue et qu'elle remarque
trop tôt que je ne suis plus le même que l'an dernier. Je le pressentais déjà,à
Paris, mais ici, maintenant, je le sais et j'aurais peut-être dû procéder d'une
façon plus abrupte.
Il est à
espérer que la nature et le soleil nous aideront à écarter de nos esprits ce
malentendu de notre actuelle rencontre. À parler franc, j'ai presque peur de
m'ennuyer bientôt.
Et je
répète, en l'inversant, la phrase de ta dernière lettre : malgré les belles
impressions (Rome) du Tyrol, je désire vivement être, de nouveau, réuni à toi,
dans un lien indivisible. Comme les attirances corporelles sont faibles.
Mais les
liens d'amour entre nos âmes sont éternels.
Ivan
lettre
d'Ivan Goll Schönwies,Tyrol à Claire
Italie du 21 juillet 1934 MST p.147
Schönwies,
samedi 21 juillet 1934
Chère petite Suzu,
Aujourd'hui samedi,
nous sommes déjà redescendus . La Steinseehütte, que tu vois sur les deux
cartes incluses, était située à 2.000 m, nous avions monté pendant cinq heures,
par des gorges et des lieux sauvages : c'était fatiguant, surtout ainsi, sans
transition, après avoir respiré l'air du métro parisien pendant une année, -
mais une fois arrivé en haut, nous avons été déçus : car le chalet était tout
petit et ne comportait qu'une pièce avec seize couchettes...
Nous
restâmes néanmoins deux jours là-haut, nous baignant dans le lac glacé,
cueillant ces petites fleurs si délicates, aux couleurs profondes, dont je
voudrais poser quelques unes contre tes joues : même quelques edelweiss, dans
des endroits accessibles sans danger, et des buissons de rhododendrons.
Toutefois,
nous dûmes nous décider à redescendre. Nous allons maintenant rester un peu à
Schönwies, puis continueront peut-être à explorer la vallée.
Mais en
ce qui concerne le courrier, ce sera de plus en plus difficile. Je crois qu'il
vaut mieux que tu recommences à écrire à Innsbruck, poste restante.
Je pense
beaucoup à toi ; chaque pas que je faisais à la rencontre des sommets me
donnait le sentiment que je me rapprochais de toi. Chaque fleur que je
cueillais était pour toi, et chaque étoile qui s'allumait pour moi avait
l'éclat de tes yeux aimants.
Ivan
lettre
d'Ivan Goll Ehrwald,Tyrol à Claire
Italie du 24 juillet 1934 MST
p.148/149
Ehrwald
Mardi 24
juillet 34
Chère petite Suzu,
Nous
avons encore erré, trois jours, dans les vallées Tyroliennes et sur des
Alpages, sans trouver nulle part un lieu de séjour durable. Partout manquait,
même dans les montagnes les plus éloignées, l’isolement. Ensuite, le temps est
devenu mauvais - plusieurs violents orages, puis une pluie torrentielle : bref,
nous avons dû nous réfugier à Ehrwald, où Paula possède un ravissant petit
appartement, installé de façon coquette, avec bains, balcon avec vue sur un panorama de montagnes : à gauche le
Zugspitze, à droite, la Sonnenspitze.
Et des
livres, autant qu'on veut. Ici enfin, nous nous sentons bien.
Par
ailleurs, pas la moindre crainte à avoir. Ehrwald est totalement désert. Pas un
seul vacancier. Les habitants eux-mêmes sont complètement absorbés par la
moisson et les soucis de ravitaillement. Pas une être âme ne se soucie de nous.
L’appartement est tel que je n'ai ni besoin ni envie de faire un pas au dehors.
Politiquement, on est ici totalement apathique Je m'étonne moi-même, à présent, de nos inquiétudes. Personne ne sait
rien de moi
Enfin je
me remets de mes douleurs musculaires, de mes coups de soleil, de ma
fatigue. Paula me soigne bien. Mais je
pense beaucoup, beaucoup à toi, petite Suzu, trois lettres (2 bleues, et ce
sont quand même celles que je préfère) et 1 express. Toutes trois expriment le
même souhait : celui de nous rencontrer dans quinze jours à Florence, Capri ou
Portofino.
Je
réfléchis, je calcule, je médite. Mon désir de te voir est si grand..
Mais en premier lieu :
peux-tu vraiment te passer de ta cure à Challes ? Pense aux nuits parisiennes à
venir. Je me souviens que tu affirmais, il y a trois semaines, que Challes
t'était indispensable ; tu aurais mieux fait d'y aller dès le printemps. Ç'aurait
été le plus simple, que tu accomplisses d'abord ton devoir à Challes et
t'offres ensuite l'Italie comme récompense, - et si nous avions agi de d'une
façon mieux concertée, si j'avais pu atténuer ta soudaine soif de Rome, si nous
avions mieux réfléchi. Mais cela est du passé. Nous ne devrons plus commettre
de faute.
D'abord, j'ai peur de l'Italie en
août. Ensuite, je ne voudrais pas aller à Challes, surtout parce que cela
reviendrait très cher. Là-bas, la journée coûte au moins 60 francs - 20 schillings,
par tête, tandis que je ne dépense ici pas plus de 3 schillings.
Alors, qu’en dirais-tu, si après ton
mois triomphal à Rome, tu allais à Challes, je t'y reprendrais vingt jours plus
tard, donc par exemple le 20 août, et nous irions tous les deux encore une fois
en Italie.
Cela ne
reviendrait pas cher. Car sur ton billet actuel pour l'Italie, tu paierais
pendant trente jours 2 % de supplément, donc 60 %, et tu en perdras tout le
bénéfice. Un nouveau billet pour l'Italie, fin août, et pour tout le mois de
septembre coûte moins que rien, comme tu le sais. Et alors nous serons libres
et pourrons rester aussi longtemps que nous le voudrons, tandis que le souci de
Challes et le souci du billet (avec ton ancien billet) ne nous laisseraient pas
de répit. Pour Challes, septembre est trop tard ; pour Florence, c'est le mois
idéal.
Troisième
point : tu laisseras alors tes malles à Chambéry, et bondiras avec moi sur les
collines de Fiesole, en petite tenue de voyage, ne cherchant à plaire qu'à moi.
Ou bien nous irons au bord de la mer à Gênes, à Portofino. C'est égal. Mais
nous serons libres. Tu as eu assez de temps pour séduire les Romains avec ton
chic parisien. En aucun cas je ne supporterais d'être chargé de 50 kg de
bagages (je me vois suant, le 15 août, à la gare de Torentolo, bifurcation pour
Assise - Horrible !) le parcours de Chambéry à Modane ne coûte, lui non plus,
presque rien. Veux-tu donc, cette fois, réfléchir mieux, avec moi, à ce projet,
et être très raisonnable ? Je te promets d'aller te chercher à Challes au bout
de 18 à 20 jours ! Cette cure n'est-elle pas alors supportable, après Rome et
avant Florence ? Songes-y bien attentivement.
Par
contre, si je me précipite tout de suite vers toi le 1er août, - que
ferons-nous, en septembre, le billet étant utilisé ?
Mais
avant tout, avant tout, sache que je t'aime, que je n'aime que toi. Je cherche
seulement à rendre aussi belles que possible les circonstances de notre revoir,
et je ne pense qu'à ton émouvant cadeau de Mélusine.
Ton
Ivan
Ici, l'expérience Tyrol achève de mûrir et se termine
entièrement ; je pourrai peut-être encore achever un travail.
Le 27 juillet
Yvan part d'Innsbruck vers Vérone, pour y retrouver sa mère, puis Claire Goll à
Port d'Ischia
carte d'Ivan Goll Fernpass
à Paula
Ludwig Ehrwald 27 juillet 1934 ImsL p. 264
Fernpass
9H
Hôtel
des Alpes
Chère chère grande Palu
Tout à l'heure, je voyais dans le
Blindsee les rêves qui nous ont déjà jeté depuis deux ans dans des problèmes
très vert-bleu mieux traduire ça et la suite
carte d'Ivan Goll Innsbruck
à Paula
Ludwig Ehrwald 27 juillet 1934 ImsL p. 265
Trop triste était ce superbe
trajet vers le bas sans toi ! Pas sans toi, car j'emportais avec moi te yeux
bruns d'hermine - j'embrassais tes mains - j'aime ton âme.
Ma
Ivan Goll Vérone à Paula Ludwig Ehrwald 27 juillet 1934 ImsL p. 265/266
Vérone vendredi
soir
[27
juillet 1934]
Aujourd'hui, j'écris à la pauvre,
la petite, la petite Paula, toujours abandonnée …
Yvan
J'ai grimpé dans le néflier
Pour suivre ta course
Vers la montagne bleue
J'ai vu ta route à travers les rhododendrons
Des nuées de perruches blanches
S'élevaient comme une poussière
Autour de tes pas
Et lorsque tu passas le dernier col
J'ai vu dans un nuage
Ton ombre retournée vers moi
écrit entre le 1er et le 7 août 1934 (Chansons Malaises 1935 (31) II/197)
La neige parfumée du caféier
A rouillé en trois jours
L'amour roux de l'abricotier
A duré moins longtemps
Le melatta pourrit
En une nuit de pluie
Mais moi présomptueuse
Dardant mes seins
A la lune
Au soleil
Croirais-je donc ma beauté immortelle ?
Hélas bientôt refleuriront
Anis safran et poivrier
Et les branches de mon squelette
Resteront nues
écrit entre le 1er et le 7 août 1934 (Chansons Malaises 1935 (33) II/197)
Je te croyais le soleil qui fait éclater
les rhododendrons
Je te croyais la statue de pierre qui
ordonne la marche des jours
Je te croyais le roi étincelant qu'aucun
mortel n'ose approcher
Mais de mon doigt de nacre
Frôlant ton épaule orgueilleuse
J'ai fait de toi un tout petit garçon
Qui cache son angoisse sous mon
aisselle
brune
écrit entre le 1er et le 7
août 1934 (Chansons Malaises 1935 (28) II/199)
Quelque part fleurit l'épice amère
La sens-tu ?
Quelque part est perché l'oiseau aveugle
Le vois-tu ?
Quelque part souffle le vent noir
L'entends-tu ?
Quelque part se lève l'ombre glacée
Le sais-tu ?
écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935 (37) II/199
L'oiseau chanta comme tous les matins
Et je voulus te réveiller
Car la rizière est loin
Ma main pour te chercher
Erra tout le long de la couche
S'allongea jusqu'aux Iles
Et parcourut toute l'Asie
Oh j'avais dormi seule :
Mais l'oiseau chantait tout de même
écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935 (32) II/199
Seras-tu l'oiseau rapace
Frère de l'Est ?
Seras-tu la colonne du temple
Frère du Sud ?
Seras-tu mon étoile
Frère de l'Ouest ?
Seras-tu ma tombe
Frère du Nord ?
Qui
que tu sois : je t'attends ! je t'attends !
écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935 (29) II/201
Mon amant le pêcheur
Me quitte chaque nuit
Comme s'il me trompait
Il se penche sur la mer pâle
Les vagues ont des corps de femmes
Habillées de dentelle
Il leur tend longuement les bras
Il se penche toujours plus bas :
Va-t-il tomber ?
Mais dès le petit jour
Il se redresse, levant au soleil
Ses paniers tressés d'or
Il vient déposer à mes pieds
Comme un bouquet de fleurs
Ses plus beaux poissons roses
écrit entre le 1er et le 7 août 1934 Chansons Malaises 1935 (30) II/201
Le 7 août Ivan part
avec sa mère pour Port d’Ischia, ils
retrouveront Claire qui partira en cure à Montecatini le 4/5 octobre
Ivan Goll Port
d'Ischia à
Paula Ludwig Ehrwald 8 août 1934 ImsL p.
274/275
Port d'Ischia
8.8.34
Chère petite Paula,
…
Yvan
Ivan Goll Port
d'Ischia à
Paula Ludwig Ehrwald 16 août 1934 ImsL p.
275/276
Port d'Ischia
16.8.34
Chère Palu,
…
Ma
Ivan Goll Port
d'Ischia à
Paula Ludwig Ehrwald 24 août 1934 ImsL p.
277/278
Port d'Ischia
16.8.34
Chère Palu,
…
Ma
Ivan Goll Port
d'Ischia à
Paula Ludwig Ehrwald 29 août 1934 ImsL p.
277/278
Ischia 29
septembre 34
[
la date exacte 29.8.34 ]
Chère Palu,
…
Ma
Dans ton baiser plus profond que la mort
Je sens ta rage de rentrer en terre
De retourner vers ton néant
Tu te dissous
Tu te détruis
Nuage tu tombes
Fleuve tu cours vers ta mer
Et ma chair te reçoit comme un sépulcre
écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935 -
20 - II/203
J'habite le corps d'une morte
Toute ma joie s'en est allée
Mes yeux écarquillés ne captent plus
la lumière
Mes genoux s'effritent comme du
sable
Tout me fuit
Seuls les fauves continuent à rôder
Flairant la charogne de mon cœur
écrit pendant l'automne 1934 Chansons Malaises 1935 (39) II/204
Je ne suis que du sable
Du sable indifférent
Sous le soleil roux
Je ne suis qu'une rive
Eperdument perdue
Au bord de l'infini
Mais je t'attends toi qui me veux
Toi marée léonine
Dieu qui me créas pour me dévorer
Eau qui me boiras
Feu qui m'incendieras
J'attends que tu m'exauces me dissolves
En sable encore plus fin
Encore plus indifférent
Sous le soleil roux
écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935 -
22 - II/204
Je suis l'amphore qu'un potier savant
A voulu svelte et accueillante
Mais je t'attends : o ma substance !
Verse-moi, mon amant
Le vin de ta force
L'huile de ta bonté
L'eau fraîche de ta foi !
Peu m'importe : exauce-moi
Et donne-moi mon nom !
écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935 -
12 - II/206
Ivan voyage avec sa mère en Italie depuis le 7 août 1934
Ivan
Goll dans le train Florence/Bologne à Claire Montecatini 5 sept.
1934 MST p.150
Signora Claire Goll
Albergo "Villa Berta"
Montecatini - Terme 5
septembre 1934
dans
le train Florence-Bologne
Mon tout petit enfant,
J'ai
tout juste eu le temps de courir à l'hôtel : le portier n'était au courant de
rien et il sonna la femme de chambre au moins cinq minutes, mais on ne put la
trouver nulle part. Finalement, je dus repartir en toute hâte sans être
renseigné, car le train partait cinq minutes après, il m'emporta.
Je pense beaucoup à toi et à ta triste destinée. Ah !
j'ai si mal au fond du coeur : un tel enfant, ma petite Suzu !
Le portier de l'hôtel, qui est très
gentil, a ton adresse et t'écrira si l'on trouve quelque chose. Je suis monté à
la chambre. Elle est louée, à nouveau à un petit couple.
Qu'elle fut belle,
cette nuit de colombes, auprès de la fille de légende que j'aime.
Ivan
Je suis la terre
Que tu laboures
Pour semer le riz et la joie
Sous l'allégresse de tes pieds
Mes prairies dansent
De ta tête ruisselle le soleil
Mais quand tu jettes l'ombre
J'ai froid comme une morte
Un jour en me creusant
Tu trouveras ta tombe
écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935 -
14 - II/206
Ivan arrive le 5
septembre à la Torbole( lac de Garde) avec Paula Ludwig
Ivan
Goll Torbole, lac de Garde à Claire Montecatini 6 sept.
1934 MST p.150/151
Torbole
Lago di Garda
Villa Helvétia
Chère petite Suzu 8
septembre 1934
Ta
lettre rafraîchissante et pleine de bonté, de la Fontaine Rinfresca, a conforté
ton voyageur fatigué, à l'heure voulue.
Hier, en
minuit, je suis tombé comme un aveugle dans un lit d'hôtel,sans le regarder :
mais, ce matin, un train omnibus m'aa bientôt amené à la Riva simili -
mondaine, toute rutilante d'or, mais ennuyeuse à bailler.
Je
m'enfuis, peu après, sur une route brûlante, à 4 km de là, à Torbole : dans ce
coquet village de pêcheurs, j'ai trouvé la chambre que je souhaitais, sur le
lac, avec possibilité de faire la cuisine, pour 11 lires. La dame, une
Suissesse, met à ma disposition sa vaisselle et ses services : en présent
seulement, je comprends combien on nous estampait à Ischia.
Sous ma
fenêtre, le bateau à vapeur du Lac de Garde a sa station.
Mais à
chaque heure, je me représente ce que tu es en train de faire :
Es-tu courageuse ?
Bois-tu ce qu'il faut de Regina ?
Comment se porte notre cyprès d'adoption ?
Te pèseras-tu demain ?
Tes oreilles s'habituent-elles aux coraux ?
J'espère, ici, bien travailler.
Le ciel s'ennuage.
Mes
pensées d'amour
nagent
vers toi
Ivan
Je suis ton ruisseau
Ivre de menthe
Penche-toi sur moi Que
je te ressemble
Baigne en moi
Et sens comme je tremble
Mange mes poissons
Pour mieux m’engloutir
Bois-moi
Pour mieux m’anéantir
Aime-moi
Je t’aiderai à te noyer
écrit en automne 1934
Chansons Malaises 1935 - 17 - II/208
Ivan
Goll Torbole à
Claire Montecatini 10 sept. 1934 MST
p.151/152
Torbole, lundi 10 septembre 1934
Chère petite Suzu
Ta lettre calme et tendre de samedi m'a rassuré
bien que je sache qu'entre les visites au château et au cinéma, il te reste
encore assez de temps pour une pénible solitude. Et je subis cette séparation,
commune une épreuve, presque autant que toi-même.
Il est
vrai que je suis très bien ici. Le repos complet de l'esprit et du corps.
Jusqu'à ce jour, nous avons été au lac, pour nous baigner, dès neuf heures du
matin. Il faisait un temps divin. Torbole est vide et semble n'appartenir qu'à
nous. À midi, avant de rentrer, nous achetons un poisson - une truite de taille
moyenne, 3 lires, - la propriétaire de la maison nous a préparé des pommes de
terre.
Mais
hier soir a éclaté un violent orage : toute la nuit, les éclairs illuminaient
la chambre comme en plein jour - à présent, il pleut. Je vais donc me mettre à
travailler. D'abord, au premier acte de la pièce. Dès que j'aurai terminé cette
lettre. Tout est déjà prêt sur la table, dans un petit cabinet attenant que
j'ai réquisitionné pour mon travail.
Car je
sais qu'à Paris, en ce moment; devra commencer une période de grande activité,
si nous ne voulons pas être complètement submergés. Ou une pièce de théâtre, ou
une machine à café expression, quelque chose doit être fait maintenant et
conduire au succès !
Je pense
déjà à notre voyage de retour : je quitterai ce lieu, probablement dimanche en
8, donc le 23 septembre car la traversée jusqu'à Decenzano dure cinq heures.
Mais, le dimanche, elle coûte sensiblement moins cher. Je passerai la nuit à
Decenzano, serai lundi matin à Milan, et
le soir, vers cinq heures, à Paris.
Il faut
encore que tu m'envoies ici là l'adresse des éditeurs de Milan et les indications précises sur les démarches
déjà en cours auprès d'eux.
Je
recevrai après-demain de l'argent de Suisse et je t'en enverrai alors.
Mange
bien, bois bien, engraisse
et
aime
ton
Ivan
Ivan
Goll Torbole à
Claire Montecatini 13 sept. 1934 MST
p.152
Torbole, 13 septembre 1934
Chère petite Suzu,
Le
développement de mon aventure avec Paula - qui fut interrompu prématurément au
Tyrol - a maintenant atteint son point culminant dans le paisible isolement du
Lac de Garde : celui-là même que je t'avais précédemment fait entrevoir : nous
avons décidé de ne plus nous revoir après ces journées d'automne. Notre
actuelle vie en commun n'est qu'une fête d'adieu. Nous y sommes prêts, tous les
deux, consciemment et calmement. Car je ne peux plus répondre au sentiment de
Paula, qui est grand et total, avec la même plénitude ; et cela, parce que je
ne peux pas disposer de la liberté de mes sentiments et de mon coeur, - les ayant déjà engagés (devines-tu à qui
?). Mais ce serait une trop grave responsabilité que de continuer à peser sur
sa liberté et sur ses sentiments ; et elle n'a pas le droit de continuer à
amputer sa vie.
Je
te le fais savoir en mots tranquilles, comme une donnée objective, et non parce
que je souhaite te rassurer, te tromper ou t'influencer d'aucune manière.
Mais,
étant donné que tu sens et souffres avec moi, depuis le début, tu as aussi le
droit d'être instruite du dénouement.
Le
programme des prochaines semaines est le même : mais si ta cure ne te réussit
pas ou s'il y a quelque chose d'autre en vue, pourrait-on éventuellement partir
trois jours plus tôt ?
Je
m'étonne de ne plus avoir un signe de vie depuis si longtemps (depuis samedi !)
et je t'étreins.
Ivan
Ivan Goll Torbole
à Claire Montecatini 14 sept. 1934 MST p.153
Torbole, 14 septembre 1934
Chère petite Suzu,
Tes deux
dernières lettres, qui sont arrivées aujourd'hui en même temps, avaient une
nuance mélancolique. Te voilà donc malade, de nouveau et je ne m'en étonne pas.
Je l'ai crains, dès que j'ai vu le premier menu de l'hôtel : pas trace de
régime. Et, comme tu obéis sagement aux prescriptions de Landau - engraisser -
tu manges des choses défendues ! Ces stations thermales ! Donc, ce Montecatini
aussi est une faillite. Tu allais certainement mieux à Albergoll Ischia.
Maintenant,
je n'ai plus confiance en Montecatini. Et toi ? Et qu'en pense Landau ?
Peut-être pourrais-tu partir un peu plus tôt que prévu ? Par exemple, le samedi
22 septembre ? Deux jours plus tôt ? En ce cas, je partirais moi-même dès le
vendredi 21, et resterai un jour entier à Milan, pour rendre visite à Léonard
de Vinci et aux éditeurs . Je t'attendrais alors le samedi à 18 heures 35 à
Turin ? C'est à voir car enfin, nous avons le champ libre .
Bien
entendu, tu devras prendre un nouveau billet jusqu'à Pise. C'est ainsi que je
l'ai toujours compris et tu feras enregistrer ta grande malle jusqu'à Modane
(et non : Modène).
Mais
nous pouvons aussi en rester à l'ancienne date.
Une
petite surprise désagréable, c'est que le petit déjeuner n'est pas compris dans
le prix. Dans ce cas, je me ferai moi-même mon thé, pour ne pas avoir
inutilement traîné avec moi le grille-pain..
As-tu
déjà reçu une facture ? Tu recevras directement de Suisse 500 lires, et de-moi
le reste, dès que je pourrai me rendre compte approximativement de la somme
totale. Je vends, je vends, à Zurich - les bourses mondiales ont ressenti cette
secousse !
Merci de
me transmettre les diverses lettres. Ci-inclus, une lettre pour Nancy, dans
laquelle j'envoie à Daniel l'articles Angeler (*) que j'ai récemment écrit, en
attendant que je le donne à l'Intran.
Je
travaille tout seul à la pièce.
Tu as du
recevoir ma lettre d'hier, qui contenait le "faire part" dans tu
parlais justement.
Ainsi
donc, la tête haute, la poitrine en dehors, le ventre rentrée, la bouche en
pointe pour le baiser.
Ivan
(*) Pêcheur, peintre du Dimanche à Ischia
Ivan
Goll Torbole à
Claire Montecatini 15 sept. 1934 MST
p.154
Torbole, 15 septembre 1934
Chère petite Suzu,
Voici,
en hâte, une petite lettre entre deux autres. La poste d’ici est lamentablement
mal dirigée. Une lettre de toi met souvent deux jours et demi à me parvenir. Je
me fais des soucis à ton sujet.
En
outre, il y a eu aussi un retard dans les envois de Zurich : c’est
pourquoi, je t’envoie d’ici, en hâte, 100 lire d’argent de poche. J’espère que
le reste suivra aussitôt.
Landau
n’a pourtant pas raison d’exiger de toi qu’à Montecatini tu grossisses
immédiatement. Son régime convient pour après . En ce moment, tu dois
boire de l’eau, etc. Et cela ne fait grossir personne !
Il
a plu ici, à seaux, toute la semaine. Aujourd’hui, le ciel s’éclaircit.
J’attends
bientôt une longue lettre de toi et je t’embrasse
Ivan
Sous les rosiers qui t'émerveillent
J'ai planté le goena-goena
Mon herbe maléfique
Bientôt dans le thé d'or
Tu boiras une goutte rouge
Une goutte du sang lunaire
Ta lèvre oubliera les autres noms
Tes pieds ne pourront plus courir
Ta tête croulera sur ton épaule
Tu m'aimeras
Malgré toi
écrit en automne 1934 Chansons Malaises 1935 -
26 - II/208
Ivan rentre à Paris le 24
septembre à 17h
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 octobre 1934 ImsL p. 286/287
Paris
5 octobre 34
Chère Palu
Ma
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 octobre 1934 ImsL p. 288
5 octobre 34 [Paris]
II
Embrasse Nina !
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 octobre 1934 ImsL p. 288/289/290
Paris
15 octobre 34
Chère Palu
Ma
traduire
Paula Ludwig Ehrwald,
à Ivan Goll Paris, 17 octobre 1934
ImsL p. 290/291/292/293/294/295 ****
17
octobre 1934 [ Ehrwald ]
Johannes Thor (Goll publiera son dernier recueil de Poèmes en allemand en 1948 sous le nom de Tristan Thor)
à traduire impérativement ***
P.
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 octobre 1934 ImsL p. 296/297
Paris
23 X 34
Chère Palu
Ma
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 1er novembre 1934 ImsL p. 297/298/299
Paris
1 nov. 34
Chère Palu
Je
t'aime
Ma
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 8 novembre 1934 ImsL p. 297/298/299
jeudi
8 nov. 34 [Paris]
O Palu
Ma
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 11 novembre 1934 ImsL p. 300
Paris
11 nov. 34
Chère Palu
traduire
mais
la suite de la lettre manque
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 11 novembre 1934 ImsL p. 300/301
II Paris
11 nov. 34
Chère Palu
traduire
Ma
Paula Ludwig Ehrwald,
à Ivan Goll Paris, 13 novembre 1934 ImsL p. 301/302/303/304/305 ****
Ehrwald - mardi
[13
novembre 1934 ]
Oh Ma -
à
traduire impérativement ***
Ta Palu
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 13 novembre 1934
ImsL p. 300/301
Paris 13 nov. [1934]
à
l'imprimerie
Chère Palu traduire
Ma
Télégramme Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 novembre 1934 -
10h45 ImsL p.306
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 novembre 1934 ImsL p. 306/307
Paris
17 nov. 34
Chère Palou
traduire
Ma
traduire
Je t'aime
je m'affaisse encore une fois
et dès lors éternellement pâle et
tien
Yvan
Merveilleux tes "Honneurs
funèbres", merveilleux la fameuse récompense à travers la « Neue Rundschau ». Tu as sans doute besoin
d'une épreuve ? Ici ! Dis-moi
vite encore : comment veux-tu signer ? «Palou» ou «Paula Ludwig» ?
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 novembre 1934 ImsL p. 308
Paris
23 nov. 34
Chère Palu
traduire
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 novembre 1934 ImsL p. 308/309
23
XI 34
[Paris]
traduire, manque la fin de la lettre
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 1er décembre 1934 ImsL p. 309
Samedi
1.
Déc. [ 34 Paris ]
Chère Palou
Voici le nouveau cliché : ton
souhait n'est-il pas accompli avec
célérité et immédiatement ? J'ai dessiné …
traduire
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 8 décembre 1934 ImsL p. 310/311
Paris 8. Déc. 34
O Palu
Ton
Ma
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 8 décembre 1934
ImsL p. 312
Samedi
soir
[Paris
8. Déc. 34]
Chère Palu
A la dernière minute avant la
fermeture des magasins je reçois ta lettre : je voudrais t'acheter le premier,
lundi matin, Chanel 5 et pouvoir l'expédier : le 10 décembre.
traduire
I
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 13 décembre 1934
ImsL p. 313/314
Paris
13. Décembre 34
Palu !
traduire
I
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 19 décembre 1934
ImsL p. 314/315
Paris
19 XII. [1934]
Chère Palu
Tout à l'heure, ta lettre double
pour moi et Friedel.
Je te réponds rapidement de la
Poste : Friedel n'est pas encore arrivé à Paris
traduire
Oh
! comme ta joie me réjouis !
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 21 décembre 1934
ImsL p. 315/316
Paris
vendredi soir [21 décembre 1934]
Chère Palu
Tout à l'heure, ta lettre !
Je te réponds rapidement de la
Poste :
traduire
Demain, une longue lettre
ton
Yvan
Paula Ludwig Ehrwald,
à Ivan Goll Paris, 22 décembre 1934 ImsL p. 316/317/318/319/320/321
****
22.
Déc. 34
[
Ehrwald ]
Mon cadeau de Noël va pour la
Saint-Sylvestre !
Cher Yvan - Justement un
télégramme de Friedel est arrivé
à
traduire impérativement ***
Je t'aime
Palu
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 27 décembre 1934
ImsL p. 321/322
Paris 27.12 [1934]
Chère Palu
traduire
1) tes 52 dessins et 7 Chansons
Malaises
2) Le Dunkle Gott sur parchemin
3) 2 gravures pour Palu et Nina
4) 1 livre et 1 béret basque pour
Friedl que j'avais déjà préparé avec beaucoup de soin à Paris…
vérifier et
traduire la suite
Ma
1935 au Brésil ? en Afrique
orientale ? Aux Galapagos ? Tente de déchiffrer cela à l'aide de ton
stylo-mine.
[1] Die Deutshe Bühne, de Berlin
[2] Paul Bildt, comédien et metteur en scène du
Deutschen Theater et du Staatlichen Schauspielhaus Berlin
[3] Vossischen Zeitung : Plusieurs poèmes de "Malaiische Liebeslieder" d'Iwan Goll ont été publiés dans cette revue entre 1932 et 1934