correspondance 1935 à 1940
1935
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 janvier 1935 ImsL p.
323/324
5.1.35 [Paris]
PALU
traduire
Yvan
lettre d'Audiberti à Claire et Yvan du 18
janvier 1935
Cher Ivan et chère Claire,
s'il n'est pas trop tard - et il
n'est jamais trop tard pour bien faire - recevez ici, la très vive expression
du grand plaisir que j'ai eu, l'autre dimanche, auprès de vous. C'était, nous
le sentions, une de nos dernières haltes, en plein chemin d'angoisse et de
menace, avant, peut-être, un événement rude et noir. Dans ce milieu de poètes
et de peintres, et sous l'œil vague et profond de tableaux et de livres, notre
bavardage et même notre existence avaient le grand charme, déjà d'un repas
d'ombres à la fois ardentes et apaisées. J'ai lu avec plaisir, ça et là, des
critiques favorables à Chansons Malaises, pleines (Les Chansons...) d'une
grande simplicité, mère d'une vigilante pureté.
Je souhaite, que l'un et l'autre,
vous alliez bien et me gardiez votre amitié
SDdV Aa15
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 19 janvier 1935 ImsL p.
324/325
Paris 19.1.35
Chère Palu
- et cette dernière lettre de
"ETRE et MOURIR", cette dramatique cantate sur la naissance et la
mort d'un petit enfant
traduire
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 19 janvier 1935 ImsL p.
325/326/327
2 Paris 19.1.35
de
ton Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 30 janvier 1935 ImsL p.
327/328
Paris 30.1.35
Chère Palu
de
ton Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 7 février 1935 ImsL p.
328/329
7.2..35 [Paris]
Palu
traduire
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 7 février 1935 ImsL p.
328/329
7.2..35 [Paris]
Palu mon souverain
traduire
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 9 février 1935 ImsL p.
330/331
Paris 9.2..35
mon cher petit Palu
traduire
Je
t'embrasse
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 16 février 1935 ImsL p.
330/331
Paris 16.2..35
Cher petit Palu
traduire
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 mars 1935 ImsL p. 333
à 336
Paris 5 mars.35
Très cher petit Palu
traduire ***
Ton
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 21 mars 1935 ImsL p. 336
à 339
Paris commencement du Printemps
21 mars.35
Chère Palu
traduire ***
Ton
I
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 2 avril 1935 ImsL p.
340/341/342
Paris 2 avril 35
Chère Palu
traduire ***
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 12 avril 1935 ImsL p.
342/343
Paris 12 avril 35
Chère Palu
traduire ***
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 avril 1935 ImsL p.
343/344/345
Paris 17 avril 35
Chère Palu
traduire ***
Yvan
Comment Thor peut-il se réjouir de sa vie !
Wie freut sich Thor seines Lebens !
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24 avril 1935 ImsL p.
345/346/347
Paris 24 avril 35
Chère Palu
traduire ***
Yvan
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 mai 1935 ImsL p.
347/348/349
Paris 5 mai 35
Chère Palu
traduire ***
Mais nous
voulons de nouveau être joyeux, n'est-ce pas ?
Ton
Yvan
lettre d'Audiberti à Claire et Yvan du 18
mai 1935
Chers amis,
Je viens de
recevoir deux places pour la première, à Sarah Bernhardt, de Yossché Kalb,
magnifique, mais vu et revu. Je n'ai guère l'intention d'y retourner. Et vous ?
Fixez-moi par un
mot rapide, afin que je puisse, (si vous non plus vous ne comptez pas retourner
au Kalb) rendre la précieuse carte ou en disposer. Santé bonne ? Moi verkältet.
Poétiques amitiés
Audiberti
18, rue d'Enghien
Je me suis amusé à écrire, à ma
manière, un chant des hommes pieux.
SDdV Aa19
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 22 mai 1935 ImsL p.
350/351
Paris 22 mai 35
Chère Palu
traduire ***
Ta
Ma
lettre d'Audiberti à Claire du 25 mai 1935
Chère amie, chère
Smaragd Schlange,
J'ai été ce matin
à l'hôpital Bichat où l'on m'a radiographié Il semble que cela n'ait rien donné, et qu'il faille admettre que je
doive vivre avec cette fièvre et cette fatigue - mon malaise étant de ceux qui
n'ont pas de nom immédiat. Peut-être est-ce une poétite ? Me voyez-vous,
pendant dix jours, comme on me le conseille, alité à Bichat, en état
d'observation, dans un lit ? Ce serait grotesque. Non ? Le professeur Mondor
fut parfait pour moi. Aujourd'hui, on m'a réquisitionné au Petit Parisien,
encore que j'ai force fatigue. Ne suis-je pas un peu comique, avec ces maladies
invisibles, indicibles, mystérieuses ?
J'ai été, et je
suis encore, bien sonné cette fois. Votre regard évoqué est pour moi d'un grand
et tendre profit. Vous savez que Dannie (J'ai été pris de court et n'ai point
changé ce titre) - va paraître dans les Ecrits du Nord, nouvelle revue de luxe.
Pardonnez-moi de ne pas vous envoyer l'autre poème. Je vais le faire ce soir.
Je suis infiniment à vous
Audiberti Jacques
SDdV Aa 22
lettre d'Audiberti à Claire du 27 mai 1935
Bien chère amie,
Je viens d'achever
l'Opéra du Monde, qui sera sans doute édité (Touchons du boa) Votre
lettre me fait grand plaisir. Ne pourriez-vous pas venir lundi ?
L'Opéra du
Monde m'effraie. Ce sont les aventures comiques de Dieu lui-même
sur la terre. J'ai été hier affreusement malade. Aujourd'hui cela va mieux.
Vous vous souvenez de ce vent froid. J'étais tellement désespéré hier. Votre
amitié me fait tant de bien. Paulhan m'a dit les choses positivement les
plus encourageantes. Quel parfait ami. ! Si j'avais du temps faire une série énorme
d'oeuvres. Il faudrait que je puisse un jour me dégager de la nécessité du
travail régulier et salarié. Que je parle de moi ! Il faudrait, au contraire ne
parler que de vous, mais je n'ose, et il ne convient.
A demain, chère
feuerliliesmaragdschlange, qui parlez un allemand si poli et moelleux. J'ai au
bout des doigts tous les personnages de mon Opéra.
Téléphonez-moi, je vous prie, autour
de 19h30 pour être plus sûre de me trouver.
Mille amitiés
Jacques
SDdV Aa 23/24
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 28 mai 1935 ImsL p.
351/352
Paris 5 mai 35
Chère Palu
traduire ***
Je
travaille comme un dément. Et toi ?
Ton
appliquée
Ma
lettre d'Audiberti à Claire du 1er juin
1935
Bien chère amie,
Je vous remercie bien des fois de
votre pneu, qui m'aurait peut-être encore plus ému s'il m'avait parlé de
quelque heure et de quelque jour où nous aurions ensemble avalé la Seine. Vous
rappelez-vous ? Vous ne me connaissiez pas encore exactement et me preniez
tout-à-fait pour quelqu'un. Je vous ai fait, l'autre soir, une bien gentille
lettre, mais pour vous punir de tous les crimes que vous commettrez, je ne l'ai
pas mise à la poste. Un de vos crimes est d'avoir écrit le Nègre et Europe, et
de ne m'en avoir jamais parlé. Dites donc, où allez-vous été chercher tout
cela, les poissons, les hippopotames, la queue des paons et la peau couleur de
crêpe de Chine, et tant d'images et de trouvailles, tout humectées de bonne
grâce perverse, de malice ronronnante ? Si vous avez tant de talent que ça, de
quoi ai-je l'air, moi, qui suis incapable d'inventer quoi que ce soit ? Je
crois que le Nègre m'a touché plus qu'une Allemande à Paris (Pour un
coup, vous avez un échantillon) de ma vraie écriture. Il faut que nous
travaillions ensemble, si, toutefois les hommes, trop bons pour moi, m'en
laissent le temps. Vous riez comme l'amour, mais vous savez pleurer aussi,
comme l'amour. Je marche dans la boue de l'Opéra du Monde. Si vous savez encore
des choses sur les Nègres et sur la queue des paons, dites-le moi. Vous savez
que, l'autre nuit, j'ai vu, de mes yeux vu - trois pendus au plafond de ma
chambre. J'ai crié d'épouvante. Ma femme est exceptionnellement douce et
fraternelle pour moi, et très bonne. Je ne l'ai jamais vue ainsi. Je lui fais
un peu mes confidences. Alors, elle me caresse les cheveux et m'embrasse.
Pourquoi tout à la fois ainsi ?Pendant dix ans, elle est dure et close comme
une lame d'épée, comme un mur de galère. Et pas une amie intelligente ne me
sourit avec une bouche pareille au croissant des belles soirées. Tout d'un
coup, le sourire apparaît, d'une amie si parfaite, et ma moitié s'humanise. Que
va-t-il m'arriver ?
Oui, je manque de courage.
Quelquefois, cela va - aujourd'hui, par exemple, fameux ! - et puis on me force
à travailler, et je dois abandonner mon énorme et dérisoire rêve intérieur, et
je me tourne vers vous comme vers une gentille œuvre de secours pour le pauvre poète mal peigné.
Peut-être, dans dix ans, nous
reverrons-nous. Ce qui m'ennuie, c'est que le temps est précieux. Un jour
perdu, une joie perdue... Bien entendu, ce griffonnage est un poème, une chose
littéraire, comme vous les aimez.
Vous êtes bonne et je
vous remercie
Audiberti
rue
d'Enghien
SDdV 510.299 III (Aa 25/26)
lettre d'Audiberti à Claire du 6 juin 1935
Chère amie,
Je suis très rassuré par votre
lettre, mais je ne saurai jamais exactement si vous n'êtes point fâchée. Enfin,
l'essentiel, c'est que vous alliez bien.
Je travaille comme un bœuf, comme un
palmier. Si je peux tenir le coup et achever l'Opéra, ce sera bien, très bien.
Voulez-vous que je vous envoie une NRF ?
Je recommence à ne plus avoir de
nouvelles d'Haumont (mon éditeur de poèmes).
Je mets mes hommages à vos pieds
d'or
SDdV Aa27
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 7 juin 1935 ImsL p. 352
7 juin [1935]
[Paris]
traduire
lettre d'Audiberti à Claire du 14 juin 1935
Ma bien chère amie,
Je me permets de
vous écrire pour avoir des nouvelles de votre santé. Cela va-t-il mieux depuis
hier ? Je suis assez inquiet. J'espère que vous n'avez pas pris froid.. Je
l'espère réellement. Si avant votre départ, vous vouliez m'envoyer un mot,
aussi bref que possible ou me téléphoner de 7 à 7½, pour me rassurer, cela me
ferait plaisir, mais à la condition expresse et absolue que cela ne vous causera
le moindre trouble, la moindre gêne. Même si je ne reçois rien de vous, je
saurai que notre amitié ne se dément pas, pas plus que la mienne qui est
très grande. Je ne suis pas capable d'avoir beaucoup d'amitié, mais elle est
tout de même, pour vous très grande, celle que j'ai pour vous (tout cela est
très maladroitement dit, mais ça ne fait rien, n'est-ce pas ?)
Je suis seul dans ma maison, entre
la zone et la lune. Ce soir il n'y aura peut-être pas de fantôme *. Faible,
insatisfait, avide, incurablement solitaire, je pense à ma fraternelle
camarade...
Jacques
* Il y aura tout de même des
fantômes
SDdV Aa29
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 15 juin 1935 ImsL p.
352/353
traduire
Paris
15 juin 35
Chère Palu
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17 juin 1935 ImsL p. 353
Paris
17 juin [1935]
Chère Palu
Yvan
Si tu pouvais encore m'écrire de
quel coup tu bouillonnes.
traduire
carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 20 juin 1935 ImsL p. 354
Paris
20 juin [1935]
Quelle superbe sorte de poésie ta
dernière lettre.
traduire
Ecris-moi, je t'en prie, l'heure
exacte à laquelle tu arrives ici mardi 25. Si n'importe quoi n'allait pas dans
le rendez-vous : on se retrouve au Studio Hôtel
Ton
tremblant en suspens Ma
Claire part le 24 juin dans une petite
station de bains près de Bourges et fait sa cure jusqu'au 20 juillet.
lettre
d'Ivan Goll Paris 19, rue Raffet à Claire du
24.06.35*** MST p.154/155
PARIS, 24
juin 1935
Ma chère petite Suzu,
La carte représentant
les champs de pavot des environs de Bourges m'a apporté l'assurance que tu
venais de passer un bon dimanche. Oh ! Comme mes pensées t'accompagnaient à
travers ce rouge été!
Quant à moi, je suis
allé à Fontenay-aux-Roses* et j'y ai mangé, en joyeuse compagnie, des gâteaux
au fromage, sous des rosiers déjà cueillis. Le petit pavillon russe convient
très bien aux deux, Genin et Genia.**. David apporta les photos ci-jointes, que
je trouve très réussies (s'il n'y avait pas mon intervention !).
Plus tard, j'ai encore
été à la Mutualité, au Congrès des écrivains, où l'on voyait réellement, à
portée de son regard, des "grands" de tous les pays. Là, on parle à
longueur de journée de l'homme, de l'humanité, de l'inhumanité, on tourne
autour, on passe à côté, et un vieux juif a déclaré, avec le dernier reste
d'esprit qu'il avait pu sauver, que c'étaient "les six jours du
discours". Toute la colonie d’émigrés était naturellement présente, ainsi
que Heinrich et Klaus Mann, avec Brecht et Becker, et Feuchtwanger ; parmi les
Français, Malraux, Gide, Cassou ; parmi les Russes, Pasternak - mais à la fin,
personne ne savait plus ce qu'il avait bien voulu dire. On ne sentait qu'une
chose : ils parleront de révolution, jusqu'à ce que vienne le dictateur, qui
leur demandera comment ils l’entendent.
Au lieu de parler
j'écris le "Tscheljuskin ". Il devrait être terminé d'ici
dimanche. Mais Paula arrive demain.
Sasia a déjà un
intéressé pour l'Italie. Un rendez-vous général avec Madame Nathalie Ouvry (*).
On a établi le nouveau contrat, valable pour tous les pays. Dès que je l'aurai
signé, je te l'enverrai.
Hier, au congrès,
Hirsch m'adressa la parole et m'annonça que ton livre sur Chaplin paraît à la
N.R.F. au milieu de juillet. Il voulait avoir une de "Prière d’insérer"
de toi. S'il te plaît, rédige-la comme il te viendra à l'esprit, - je le ferai
aussi, de mon côté - et fais le texte définitif en te servant des deux.
J'espère que tu es
maintenant tout à fait rétablie et que tu peux livrer tes beaux membres aux
sources chaudes.
Je suis perpétuellement
près de toi, plein de tendresse et d'amour.
Ivan
* Chez Fernand Léger
** peintres russes
(*) le "masque de Hollywood", (aujourd'hui,
rue Royale, Paris), une des affaires, plus tard si prospères, qu'on nous
proposa tout d'abord, et que des poètes sont trop peu doués pour mener à bien.
Sur le thème de cette expédition du Tscheljuskin, Goll écrivit en 1935 le
texte pour une cantate. La musique fut créée par le compositeur Hans David qui
avait émigré de la République Russe de la Volga et qui s’apprêtait à retourner
en Union Soviétique avec son épouse, l’actrice Li David-Nolden, pour y
travailler dans le domaine artistique.
Paula arrive le 25 juin 1935
et habite chez Goll à Paris du 25 juin au 20 juillet,.
lettre d'Ivan Goll Paris
à Claire à Bourges du
27.06.35 MST p. 155/156
Paris , 27
juin 1935
19 rue Raffet
Chère petite Suzu,
Ainsi,
depuis hier, Paula habite la chambrette d'en haut, et elle est toute étonnée de
ce qui lui arrive. Elle s'habitue difficilement à la pensée de rester dans
l'appartement, et elle s'enfuit vite et là-haut, lorsqu'il m'arrive de sortir.
Seule, ma présence lui fait tout oublier. Mais elle s'est pourtant déjà débrouillée
dans la cuisine et met la main à tout
Quelle
différence entre cette créature aimante, serviable et l'hôtesse précédente de
la chambrette ! (") Il émane d'elle tant de douceur et de calme. Depuis 2
jours, nous nous asseyons sur le balcon, et je travaille. Car David me presse,
et je veux lui donner à emporter le plus possible du texte de Tscheljuskin,
étant donné qu'il file lundi à toute vapeur, en direction de l'Italie.
Tu
trouveras ci-inclus ce qui est rédigé d'une façon à peu près définitive et que
David a approuvé.
C'est
une très grande chance, que la vieille Clauzel soit absente. Renée est
absolument silencieuse et ne se fait pas voir. Jeannine est là, aujourd'hui,
pendant deux heures, et reviendra samedi.
Je suis
heureux que tu aies trouvé un médecin si gentil : encore un qui reprend tout depuis
le commencement ! Reste à attendre le résultat. Oh ! si réellement une guérison
devait survenir ! En tout cas, il te restera peu de temps pour te sentir seule.
Et chez Drisel, qui s'est comporté en malin, je sais au moins que mon petit
oiseau est confortablement niché.
Je t'ai
envoyé à lire, hier, le nouveau livre de Cassou qui pourra te distraire - et
peut-être aussi t'inspirer. Aujourd'hui partent les deux volumes que tu
désires.
Je
donne, aujourd'hui même, en Suisse, l'ordre de t'envoyer provisoirement les 750
francs disponibles.
Et mon coeur t'adresse ses rayons les plus chaleureux.
Ivan
(*) Doralies Studer, fille née du premier mariage de
Claire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Claire à Bourges ? du 30.06.35 MST p.
156/157/158
Paris, 30 juin
1935
Ma chère petite Suzu,
J'ai bien ri de ton
prix de beauté : Miss sans Terre ! Miss Poésie ! Certes, c'est le plus beau
titre et la plus enviable Jeunesse et sans le "Masque d'Hollywood" qu’une
femme peut souhaiter et que même l'épouse légitime de Zeus a tenté en vain de
se procurer je pense !
Et, conformément à la
logique, je dois me croire aujourd'hui aussi heureux que Zeus, - un Zeus qui,
par-dessus le marché, s’est métamorphosé en une biche fragile, qui se repose de
lutter et de bramer. Il faut bien que l'on tire un avantage de sa condition de
poète : pouvoir fuir hors de soi-même.
Non, je ne puis
réellement me calmer au sujet de ce succès que t’a si innocemment décerné la
voix du peuple, vox populi. Tu as le droit d'en être fière. Il serait trop
dommage que le monde n’en soit pas informé (par un écho).
L'idée d’écrire les
Mémoires de Fraulein Spitz me semble être très fructueuse : mais dans ce cas, à
ta place, j'écrirais tout de suite le roman des reines de beauté, au-delà de
tout élément personnel en reflétant l'époque, en dépassant la petit Spitz tout
en l'utilisant.
Ah ! qu’avec tant de
génie et de beauté, tu doives souffrir ainsi de solitude cosmique - comme tous
les vrais grands de cette terre ! Cela m'attriste et m'attire invinciblement de
plus en plus près de toi ! Petit oiseau, déesse secrète de cette terre - Sans
Terre - sache-le donc à la fin combien je te révère, combien je t'aime ! Tu
n'as pas le droit d'être aussi triste, et surtout, tu n'as pas le droit de douter
et de désespérer ! Si seulement tu guéris corporellement, je sais que ton
esprit te prépare encore de très grandes victoires et de très grandes joies. Étant
donné que tu as, depuis des années, soutenu si vaillamment le combat contre ton
corps, le combat contre ton âme devrait à présent t’être facile. Car,
intérieurement, tu es supérieure ! Et alors, - quel épanouissement se serait.
e reçois de Paula une
influence de calme animal, bienfaisant. Sa confiance illimitée en son amour
crée autour d'elle une atmosphère de douceur. Près d’elle, tout devient grand
et simple. De plus, elle n'est plus aucunement la créature primitive et
naturelle d'autrefois, comment on pourrait le croire encore. Elle a derrière
elle des périodes de nervosité et de morbidité. Quand on pense qu'elle arrive à
faire son chemin dans le monde, n'ayant toujours encore rien dans les mains, et
avec un minimum de travail !
Elle est timide comme
au premier jour. L'appartement est parfaitement intouché. Ce n'est pas elle
qui y vit, ce n'est que l'ombre de l’être qui m’aime. Pas un atome, pas une
poussière d'elle-même ne reste derrière elle, dans une pièce quand elle en est
sortie. Quand tu rentreras, elle n'aura pas laissé une trace. Elle n'a même pas
jeté encore un regard dans la salle de bains. Quand je sors, elle vole jusqu'à
sa chambre, trouvant que c'est le seul lieu qui lui convient.
Pas une fois, elle n'a
encore voulu descendre en ville : ni les devantures, ni les expositions ne
l’attirent. Elle reste tranquillement sur le balcon, où elle s'affaire, et dans
la cuisine, dont je suis le plus souvent tenu à l'écart.
Ci-inclus une lettre
de la banque, qui s'excuse de ne t'avoir envoyé que 650 francs au lieu de 1.750
francs parce qu'elle n'avait pas plus de disponibilités. Il faut que je donne de
nouveaux ordres de vente, afin qu'on t'envoie, la semaine prochaine, le
reliquat.
Pas un mot de
Doralies. Mais j'ai été, une seule fois, sur le boulevard Saint-Germain, et là
je l'ai aperçue de loin, alors qu'elle traînait d'un air ennuyé, avec sa
Viennoise. Elle ne m'a pas vu. C'était il y a trois jours. Son adresse : Hôtel
Saint-Pierre, rue de l'Ecole de Médecine.
Toi, baigne-toi sagement
dans tes sources, et bois leur eau. Cela te fera du bien. Tu finiras bien par
guérir un jour, et par redevenir gaie et active, car c'est dans ta nature.
Seulement, encore un peu de patience.
Je pense à
toi, plein d’amour et de reconnaissance.
Ivan
Écris donc une petite carte à Nancy.
lettre d'Audiberti à Claire du 3 juillet
1935
Chère Claire,
Je suis très
heureux de votre lettre bleue. En effet, c'est toujours quand on se sent
vraiment triste et seul que les coeurs sur qui l'on compte ne sont pas là. Et
quand ils sont là, et c'est là la grande peine, ils ont tort...J'espère qu'à
votre retour vous daignerez, chère Claire, me convoquer auprès de vous en
quelque Napolitain de derrière les fagots. Je suis fort favorisé par le côté
littéraire de la vie, aujourd'hui, puisque mes petits trucs paraissent de mieux
en mieux, mais des joies véritables de la vie, je ne sais pas grand chose. Ivan
Goll m'a demandé des vers pour Jeune Europe. Je lui ai envoyé un poème qui
s'appelle : « Chanson pour mourir un jour»
A bientôt, chère Claire, écrivez-moi, je vous en prie, et ne m'oubliez.
Audiberti
T. S. V. P.
Vous êtes vraiment ma sœur, sentimentale,
capricieuse, un petit peu amie de détester ce que vous aimez. A la pensée que
je vous attends, déjà vous vous glacez. Que je ne vous attende plus, vous
penserez à moi. les dames...
SDdV Aa30/31 (155) - 510.259 III
lettre d'Ivan Goll Paris
à Claire à Bourges ? du 04/07.35 MST p. 158
Paris,
4 juillet 1935
Chère petite Suzu,
Ta
dernière lettre m'a infiniment touché. Tu es devenue très sage et très bonne
mais l'un ne conditionne pas l'autre. J'espère que tu emmagasines à présent de
la santé pour l'hiver prochain. Il y a eu trois jours de pluie diluvienne, tu
en as peut-être souffert aussi ? À présent, les journées sont redevenues
fraîches, presque trop fraîches.
Je
voulais, aujourd'hui, aller avec Paula à l'exposition italienne, et j'ai
remarqué que tu ne m'en a pas envoyé le catalogue. Peux-tu le faire encore,
vite, s'il te plaît ?
Dans la
maison, tout continue à être très silencieux et très contemplatif. Personne ne
sonne. Et nous allons peu en ville. Je travaille courageusement au Tscheljuskin..
David est parti pour l'Italie, définitivement.
Récemment,
j'ai rencontré Malraux aux Deux Magots ; il est, comme toujours très excité par
de nouvelles idées. Il prévoit aussi pour bientôt, soit un "putsch"
du Reich soit une révolution de gauche. Octobre, dernier délai .
D'ici-là,
il faut encore que nous sauvions un petit pécule.
Je donne
en Suisse des indications pour le prochain envoi qu'on doit te faire,
et
t'étreins avec amour.
Ivan
lettre d'Ivan Goll Paris
à Claire du
10/07.35 MST p. 159
Paris 10
juillet 1935
Chère petite Suzu,
Ta petite carte, encore pleine de l'odeur de pavot des
collines auvergnates, m'a fait un grand plaisir.
Tranquillise-toi, la " prière d'insérer" est
déjà en à la.N R F.
Je n'ai pas pu me retenir de traiter
un peu ironiquement Reeves, la fiancée de Chaplin.
La N R F
es d'accord pour n'importe quelle date ; ce n'est pas à 2 jours près.
Mais
pourtant, je voudrais bien savoir pour quelle date précise tu te décides. S'il
te plaît, dis-le moi au plus vite, car Paula, elle aussi, doit organiser son
départ en conséquence. Pour le 14 juillet, tu n'as rien à craindre : d'abord il
ne se passera rien, et ensuite ni Paula ni moi n'avons la moindre envie de nous
mêler à une foule idiote. Peut-être même irons-nous à Chartres, car nous avons
terminé notre visite à l'exposition italienne. Elle n'était ni intéressante ni
instructive.
As-tu reçu,
samedi dernier les 550 francs ?
Je viens
de recevoir 15 francs du Neue Wiener Journal !
Certainement,
tu peux inviter Aldo à prendre le thé, si cela te fait plaisir.
Alice
Cocéa me fait traîner ; mais les perspectives deviennent chaque jour plus faibles.
Tscheljuskin
est bloqué dans la glace.
S'il te
plaît, n'oublie pas de m'envoyer tout de suite l'analyse, dans son texte
original, ainsi que le diagnostic
Monsieur
Clauzel est revenu et il a des exigences meurtrières.
Soigne-toi
courageusement et indique-moi exactement ton programme pour les prochains
jours.
En
amour
Ton
Ivan
lettre d'Ivan Goll Paris
à Claire du
18/07.35 MST p. 160
Paris,
18 juillet 1935
Ma chère petite Suzu,
Qu'est-ce
qui s'est fait entendre si mystérieusement, hier soir, au téléphone ? Etait-ce
seulement ta voix ? ou ton balbutiement ? Il me semblait que j'entendais un
enfant perdu gémir dans une forêt lointaine.
J'ai à
peine compris ce que tu me disais : mais je ne l'ai pas regretté, car il m'a
semblé que tu n'avais rien de précis à m'apprendre, comme si tu avais à me
dissimuler un quelconque malheur du corps ou de l'âme. Et 5 ou 6 minutes ne
pouvaient pas suffire pour pénétrer en toi.
Je ne
puis qu'avoir confiance en toi et en Dieu, et rester assuré que tout sera bien
vite arrangé et que, samedi, tu reviendras saine et sauve, définitivement.
Ci-inclus
les correspondances : une gentille proposition du Neue Wiener Journal, naguère
si sec, qui offre un travail durable, et la prière d'insérer de la N R F.
Avec mon
amour plein d'inquiétude et d'espérance.
Ivan
Paula Ludwig repart le 20 juillet pour
aller voir son fils à Wetzlar tandis que Claire rentre le même jour de sa cure.
Carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Wetzlar 26 juillet 1935 ImsL p. 354/355
vendredi
[Paris
26 juillet 1935]
Chère petite Paula
traduire
En amour
Ma
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar 30 juillet 1935 ImsL p.
355/356
vendredi
[Paris
30 juillet 1935]
Cher Palu
traduire et
surtout vérifier la traduction suivante
Je voudrais que tu aies résolu le
lourd problème, simultané de la déclaration lyrique et de la forme tactique -
comme cela est exigé de la Fugue même - de réaliser. Est-ce réussi ? C'est à
apprécier. Tu dois jouer dans un disque "l'Art de la Fugue", ou
connais-tu une quelconque autre Fugue, Connais-tu des fugues ? (jeu de mot qui existe en
français entre le sens musical et l'action de s'enfuir du lieu habituel)
Yvan
lettre d'Audiberti à Claire du 1er août
1935
Ma chère amie,
Je suis heureux de
penser, de supposer que votre santé est bonne, mais faute de nouvelles de vous,
je n'en sais trop rien.
Vous plairait-il
de me faire un petit mot. Dannie est parue. En voulez-vous ?
Je baise vos mains
Audiberti
SDdV Aa31 (160)
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar 3 août 1935 ImsL p.
356/357/358
Paris
3 août 35
Cher Palu
Yvan
traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Wetzlar 8 août 1935 ImsL p.
359/360 **
Paris
8 août 35
O Palu
Yvan
Je n'ai rien contre cela que tu donnes
la Fugue Ellermann.
traduire
Yvan part le 10 août à Sori, chez son ami
le compositeur Hans David pour terminer avec lui, ensemble le texte et la musique de sa cantate
"Tscheljuskin" où Paula viendra le retrouver le 17 août jusqu’au 4
septembre. Claire est en cure à Challes et ira retrouver Ivan le 4 septembre
avant de revenir début octobre à Paris, seule
lettre
de Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 11 août
35 MST p.160/161
11.8. 35
Dimanche
Hôtel du château
Challes-les-Eaux
Mon Ivan,
Il est six heures et
demie et je te cherche derrière le cristal transparent infiniment délicat de la
chaîne de montagnes italiennes qui s'encadrent dans ma fenêtre, en même temps
que la vallée si intime que tu as dessinée un jour. Je suis tout seule dans une
délicieuse petite maison perdue, avec jardin, et l'unique étage, que j'habite,
a deux petites chambres jumelles, dont tu aurais pu occuper l'une, - et je t'y
aurais aimé, si tendrement, purement, et depuis le commencement... Je sais
cela, aujourd'hui, plus fortement et plus certainement que jamais je ne l'avais
su, depuis longtemps, depuis longtemps... Ah ! toi qui es si bon, toi dont le
coeur vibre avec tant de délicatesse,. Faut-il toujours que je sois au loin pour
reconnaître ta valeur unique en son genre, ton âme de poète, ton amour, qui est
inépuisable. Pardonne-moi bien des choses, toi, et laisse-moi baiser 1000 fois
avec dévotion et respect tes mains offensées aujourd'hui par le plus vil des
propriétaires (*), ou plutôt des valets. Ah ! si tu pouvais être là-bas,
heureux, sous le soleil de Sori ! Je veux savoir que son pauvre visage est
rayonnant. Une seule chose peut sécher mes larmes, un mot de toi "je suis
heureux !" Envoie-moi ce mot bien vite et laisse-toi baiser sur la bouche,
longtemps et fermement par
celle
qui t'appartient éternellement
Suzu
(*) notre propriétaire parisien, Monsieur Clauzel, après 7 ans d'amitié, inspiré par Hitler, avait traité Ivan de "Juif" (Ivan lui devait 2 mois de loyers).
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire Challes-les-Eaux du 13
août 35 MST p. 161/162
Sori, 13. 8.
35
Chère petite Suzu,
Ainsi donc, je suis
magnifiquement tombé. La Casina est une villa ravissante, pourvue de tout le
confort, sur une colline de figuiers, de vignes, de mimosas et d'agaves, à 10
mètres du sud de la mer. Installation très commode pleine de goût artistique,
salle de bains, des carillons et du silence. Une pleine lune dorée rebondit sur
le lit
Je suis arrivé dimanche, chancelant de fatigue et amitié.
Je ne savais réellement pas ce qui m'arrivait. Tout semblait irréel. Les David
(*) m’attendaient à la petite gare - mais lui est encore malade,
malheureusement, il se lève pour la première fois depuis des semaines. Sa
lettre avait donné une description exacte de la réalité.
Mais
tous deux sont très gentils pour moi. Et nous avons élaboré aussitôt, le lundi,
un plan d'économie domestique : tout d'abord, une servante est là, qui fait
tout et gagne 100 lires par mois. Il m'en incombe le tiers, c'est-à-dire 35
lires, autant que Jeanine prétend gagner en 3 jours. Je n'ai donc à me préoccuper de rien : pas d'achats à faire,
pas à cuisiner, pas à laver, mais j'ai le droit de ne rien faire, de dormir, de
me coucher dans l'herbe et - de jouer au tennis.
Oui,
imagine-toi, il y a un tennis, absolument privé, continuellement à notre
disposition ! en effet, la villa fait partie d'un groupe de 4 maisons
semblables, qu'un riche Italien a fait construire sur un terrain immense. Et
trois autres villas, sont habitées par des ménages américains, qui sont
d'ailleurs des écrivains et des gens de cinéma. Une des dames est la cousine de
David, et lui a procuré la Casina. Vraiment, c'est seulement par les relations
qu'on trouve quelque chose, en ce monde, sinon on n’est au courant de rien.
En outre, Li David aura,
chaque semaine, 150 lires pour tenir la maison, c'est-à-dire ma participation
sera de 50 lires, pour toute la nourriture, la boisson etc.. Peut-on vivre mieux
et à meilleur marché ? La servante nous fait des minestrone merveilleux, des
spaghettis etc.. Il n’y a plus de poissons dans cette vaste mer : les
Italiens ont trop pêché, et sans prudence. La viande est également rare et
mauvaise. Nous sommes donc presque végétariens, avec aussi des crudités, presque
comme autrefois à. Terrena (*).Mais dix fois moins cher.
A l'instant, une
petite fille de 5 ans apporte ta lettre, qui me remplit d'émotion. Je peux te donner
tout de suite la réponse souhaitée : je suis heureux
Au premier étage de la
Casina, il y a trois chambres contiguës : l'une est habitée par les David,
l'autre par moi, et la troisième t'es réservée pour le 5 septembre. Ici, tu
pourras réellement bien te rétablir.
Hier matin, nous avons
joué au tennis pendant 3 heures, puis nous sommes descendus jusqu'à la mer, qui
est à 10 minutes ; il y a une petite
baie, presque privée, entre les rochers, et qui rappelle beaucoup celle
d'Ischia. D’ailleurs, c'est presque exactement le même paysage, la même vie,
seulement bien plus confortable .
Pour l'instant, je me
rétablis et ne veut pas encore travailler.
Paris est loin,
Clauzel n'existe plus, depuis longtemps.
Rien que du soleil, du
vent, des vignobles, qui vous poussent jusque dans la bouche
Donc, je pense à toi
et je prépare, pour toi aussi, d’aussi belles semaines
Ton
Ivan. (qui respire enfin)
(*) à Majorque
Ivan Goll Sori à Paula Ludwig Wetzlar 14 août 1935 ImsL p.
361/362
Sori
14 août 35
Cher Palu
traduire
Apporte-moi tes livres pour les
David. Ci-joint 50 lires pour le trajet, seulement c'est peut-être trop juste.
J'espère que ce rêve
s'accomplisse bientôt !
Ta
Ma
Villa La Casina
Sori (Gênes)
Italie
Ivan Goll Sori à Paula Ludwig Ehrwald 15 août 1935 ImsL p. 362
Sori
15.8.35
Villa
Casina
Sori
(Gênes) Italie
Chère Palu
En toute
éventualité, te t'envoie ici une fois encore le contenu de ma lettre envoyée
hier à Wetzlar. Je calculais que tu y arrivais le 16 au matin et que tu voulais
quitter Wetzlar le 17 - et que tu souhaitais au lieu de passer par Ehrwald, venir
directement ici :
les David sont des êtres
magnifiques. La maison de campagne est admirable dans les vignes et les
figuiers, au-dessus d'une anse rocheuse où l'on peut nager chaque jour.
Il y a une chambre prête pour
toi. Et voici mon projet : je pense
rester ici jusqu'au 1er septembre, et je serais comblé si tu voulais bien venir
me retrouver dans ce paysage paradisiaque. J'espère que tu n'as pas d'autre
projet. Le voyage ici ne vaut pas la peine pour moins de 14 jours. Le trajet
Brenner - Gênes coûte environ 50 lires que je t'ai envoyé par chèque bancaire
dans ma lettre à Wetzlar. Viens vite. Aussi vite que tu peux. C'est tellement
admirable, ici. Je soupire aussi après toi : 3 années en Italie : si magnifiques. Sori est à 40 minutes de
Gênes : le coût du billet, 4 lires pour ici.
Adresse pour ton télégramme :
Goll Villa Casina Sori
en attente heureuse
Ton
Ma
vérifier ma
traduction
lettre
de Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 16 août 35 MST p. 162/163
Challes-les-Eaux
(Savoie)
16 août 1935
Mon Yvan,
Ta lettre m'a rendue
enfin paisible et heureuse. Tu es bien, tu te réjouis, tu revis. Le cauchemar
s'éloigne, je respire. Oublions ce monde inférieur haïssable qui vit dans notre
appartement, ces animaux méprisables avec qui nous devons partager notre logis,
alors qu'il existe des gens si bons, gentils et chaleureux, comme par exemple,
ces David. Comme j'aspire au 5, à toi, au soleil !
Ici, en
effet, il y a eu tempête. Audiberti (*) pendant trois jours. Seule avec lui
dans cette petite maison ! Il ne m'a rien épargné, depuis les crises de larmes
du désespoir jusqu'au murmure dévotieux des formules d'amitié, de la fureur de
la jalousie jusqu'aux plus douces, au plus enfantine effusions de gratitude.
Même dans cette passion obsédée pour moi, sa nature géniale ne lui laisse pas
un moment de répit. Pas de sommeil, aucune possibilité de s'anesthésier. Il se
vautre dans sa souffrance, il s'y intensifie, et comme je ne peux pas apaiser
la soif qu'il a de moi, explosion sur explosion ! Une épreuve inouïe, qui sera
peut-être féconde pour lui, il en sortira peut-être un livre.
En tout
cas, il a fait pour moi un grand poème, chantant mon propre tourment et ma
nostalgie de la mort
Il était
déjà dimanche à Chambéry et s'est annoncé à l'improviste, lundi matin, par
téléphone. Je te dirai le reste oralement, car c'est indescriptible.
Aujourd'hui, je ne suis plus seule dans la maison, des gens ont emménagé
au-dessous de moi. La première note d'hôtel sera bientôt échue. Cela fait 44 +
10 % par jour. Je chauffe ma chambre avec un magnifique radiateur à vapeur, car
il fait très froid le matin et le soir. Mais le temps s'est remis au calme
après la tempête gigantesque qui a marqué, extérieurement aussi, l'arrivée de
Jacques.
Écris-moi bientôt un mot
Je t'embrasse
très tendrement
Ta
Suzu
lettre d'Audiberti à Claire du 16 août 1935
sur papier à en-tête :
HOTEL - CAFE - RESTAURANT
DU
CHEMIN DE FER & DES NEGOCIANTS
CHAMBERY
Dannie*aux cheveux roux que d'aucuns nomment Claire, o sabre tout
saignant encore et frémissant de tant de coups donnés, de tant de coups reçus,
depuis que tes yeux verts comme l'éternité ouvrirent sur le monde une dure
lumière, j'écoute encore en moi le fil crissant et doux de ta courbe trempée
aux sources de Vénus, le fil coupant et pur de l'arme qui t'habite exaspérer
mon cœur d'une infinie coupure. La montagne écrivait sur le limpide ciel des
combats de géants, des épopées d'archanges. On les voyait bondir, chargés de
butins pâles, d'une falaise à l'autre, et les arbres, plus bas, terrés dans la
décence horrible du silence, enchaînés par le pied comme des mitrailleurs, nous
regardaient passer avec leurs yeux vidés, sous leur âme étalée ainsi qu'une couronne,
et se disaient entre eux, à l'aide des bras noirs, qu'enfin ils avaient vu des
archanges le roi. Et puis, la grande peur et la grande colère des célestes
troupeaux par les plaines du ciel, par toutes ces Hongrie et toutes ces Bavière
qui regardent la terre où je n'existe pas, commencèrent soudain leurs
galopades nues, mille et mille escadrons aux croupes de bitume, aux sabots de
fumée, aux casques sans espoir.
Dans cette foule
grise et pressée et nocturne où pauvrement luttait le soleil piétiné, une traînée
plus sombre et plus en plus voisine décelait les chemins des démons de l'élite,
un cortège plombé qui vole vers Satan. Alors la pluie, ainsi qu'une énorme
souris, qu'une calamité méticuleuse et tendre, qu'une rémission du mal de la
clarté, vint sur nous et sur moi, et puisque c'est la cage et puisque c'est la
dent qui règnent ici-bas, elle fut la prison, elle fut la morsure avec une
franchise auguste et maternelle, un recommencement inépuisable et sage et son bruit coutumier de flamme lente et
fraîche, de dissolution à base de pitié, de javelots d'oubli, de flèches de
sommeil. Mais le soleil, sculptant les angles responsables, arrachant le
manteau pour que la plaie surgisse, le dieu jaloux de voir et jamais las de
vaincre, dans ses puissantes mains de pourpre et de cobalt étouffa les
traînards de l'armée nébuleuse, brisa les mols épis des moissons de l'ondée, dessina dans les airs le devoir
et la honte, redora, repeignit, restaura, rajusta son domaine, et la pierre, et
le sel, et le feu, et l'acier. Sans retour des plus frêles oiselles, o Dannie ! Et pourtant je serai le soleil... Le
soleil est ma forme au loin que j'atteindrai, la parfaite saison de mon cri
solitaire et du pesant orgueil qui m'accable déjà. Comme lui je rayonne au
sommet des ténèbres. Je flambe comme lui de triomphes impairs. Mes rayons
contre moi renversés dans ma pulpe me percent plus encore qu'ils ne font les
nuées. D'autre douceur sur moi que celle de mes larmes je ne connus jamais dans
ma hutte de gloire. Tu les a fait couler, ces larmes, o Dannie. Le monde tout
entier brilla dans cette goutte, tout le drame de l'homme en proie à la beauté,
et cette triste ondée fut quand même un baptême, une onction divine où nous
baignâmes ensemble
Audiberti
- Tel était le nom qu’Audiberti donnait à Claire Goll
SDdV Aa32
(166)
carte de
Rebecca Lazard de Mondorf à Yvan à
Sori chez Mr David 16 août 35
Mondorf le 16 août 1935
Mon cher
Mig,
Ici depuis le 11, nous faisons une excellente cure de
repos et avons l'avantage d'une excellente température. Nous avons bien reçu en
son temps ta lettre de Londres et de Paris et t'aurais répondu plus tôt si
j'avais eu ton adresse. Nous prolongerions volontiers notre séjour ici si des
occupations locatives non encore terminées mais en bonne voie de l'être ne nous
rappelaient au pays. En te souhaitant bon séjour et parfaite santé, nous
t'embrassons bien affectueusement
Reb.
PS : Nous attendons ta prochaine à Metz
SDdV
lettre d'Audiberti à Claire après le 16
août 1935
Chère et très chère,
dans la petite
poésie que je vous ai envoyée de Chambéry, il faut que vous compreniez bien que
"le roi des archanges", que les arbres regardent passer, c'est vous.
Je tremble que vous ne l'ayez pas compris ainsi, o mince roi d'or !
Jusqu'à nouvel ordre,
j'ai dénombré 4 vous (en état de fard)
1°: Telle qu'à
côté de la fenêtre, à Auteuil yeux
grands ouverts et fulgurants, bouche comme ci-contre : exquise. Inouïe
2° De profil.
Penchée. creusée
Combattante " Qui s'en croit ". Moins sympathique
3° Qui rit en
buvant. J'aime mieux ne pas en parler
(ressemble à Georges V)
4° Qui vient vers
vous, mauve, humaine, l'amitié, la tendresse.
Mon cœur pour
celle-là ! (et pour le n° 1 aussi)
SDdV Aa33
(169)
le 17 août
1935, Paula quitte Wetzlar pour retrouver Goll à Sori et elle y reste jusqu'au
4 septembre
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire Challes-les-Eaux du 20
août 35 MST p. 163/164/165
Sori
20 août 1935
Chère petite Suzu,
Il faut
que je te raconte un peu la vie que je mène ici.. Je me porte magnifiquement
bien, pour la première fois depuis longtemps. Aucun souci, ni provisions, ni
cuisine, on me recoud mes boutons ; c'est une existence confiante et amicale..
On se rencontre pour les repas, sur la terrasse ombragée ; il n'y a qu'un plat
: gnocchi ou raviolis ou minestrone, dont on peut se remplir le ventre.
Ensuite, on se cueille soi-même ses figues. Peu d'extras - on est économe et il
ne faut pas dépenser plus de 150 lires par semaine. Avec ça, la famille des
David est la plus riche de tout Düsseldorf, ils ont été élevés dans le plus
grand luxe. Et ils vont pouvoir aussi s'offrir, à leurs propres frais, un
voyage à deux en Russie, bien que l'aller seul coûte 5.000 francs.
David
n'a pas pu travailler, à cause de sa maladie. En outre, il a depuis longtemps
une cantate en chantier, de sorte que le Tscheljuskin n'avance pas.
Par
contre, je travaille sans discontinuer à la traduction de César .J'ai déjà 100
pages.
Deux
parents américains de David habitent ici aussi ; avec eux, nous jouons au tennis
dès huit heures du matin. Vers dix heures on va dans la baie rocheuse, au bord
de la mer, on s'y écorche les pieds et les mains en marchant sur les oursins.
Je suis couvert de plaies, du haut en bas. Mais déjà tout bruni. Je dors mal,
cinq heures, à cause des moustiques, - mais suis néanmoins en très bonne santé.
Le 15
août, il y a eu au village une fête italienne bariolée, procession à neuf
heures du soir, des pétards toute la journée, baraques foraines avec des jeux
de roulettes auxquels j'ai gagné 8 lires. Par contre, j'ai perdu ma belle bague
en me baignant dans une mer très tumultueuse, le même jour. La vague, comme une
femme, la doucement tirée du doigt. Tu sais qu'elle était trop large. Je n'ai
pas été très attristé, car ce n'était pas un témoignage d'affection, une preuve
de sentiment : tout à fait impersonnelle. J'espère qu'on m'en donnera un jour
une autre. Je suis presque content de ne plus la posséder, car elle était un
cadeau bien superflu de Mme Bergner.
Li David
est une femme aimable, gentille, qui se soumet volontiers à ce têtu de David.
Elle joue la petite fille, sur le même ton que Mme Bergner . David aime
beaucoup ça. Douze années déjà. Au fond, elle n'est pas heureuse. Le mariage
raté typique, le manque d'enfants, la prétention à l'éternelle jeunesse... et
certainement, elle ne l'a encore jamais trompé...
Ta
tempête - Audiberti semble avoir été aussi forte que celle de la mer d'Ovado,
en Italie, le même jour. Dommage que toi, l'écrivain, tu déclares que c'est
indescriptible ! C'est justement ta description qui m'aurait intéressé. Je
trouve grotesque la carte qu'il m'a écrite.
Hier, tu
as dû recevoir 400 francs de Zurich. À présent, j'ai déjà écrit à Albin Michel
qu'il veuille bien t'envoyer 1.000 francs. Pour ta note finale. J'espère qu'il
le fera. Sinon, nous nous arrangerons autrement.
J'espère
que tu fais régulièrement la cure du diable ! Et te portes-tu bien ? Tu ne dois
pas t'ennuyer, cette fois. C'est bien. Prends de la vie ce que tu peux. Nous
voulons encore une fois être non des anges, mais des diables.
Ton
Ivan, qui reprend des forces
lettre d'Audiberti à Claire du 22 août 1935
Chère, chère
Claire,
Jacques peigné, rasé et lavé – le
tout en l'honneur de votre fantôme – vous écrit du fond de sa détresse humaine
et de son ratage fatal. Quelques vers péniblement extraits de la lourde éponge
de ma substance corporelle (corporelle bien plus que sentimentale ou cérébrale)
constituent ma seule monnaie. Elle est bien maigre. Vous la dites très haute.
J'aurai au moins eu ça (vos éloges, votre admiration sincère ou charitable, ou
les deux à la fois).
Votre lettre ici arriva peu de temps
après ma propre arrivée, comme si nous avions, elle et moi, voyagé ensemble.
Ainsi, d'ailleurs fîmes-nous. Toutes vos faces derrière ma face, et de votre
odeur, encore sur mes vêtements. J'étais le possédé peut-être possesseur et,
aussi, ce bloc de boue modelable en proie à votre art, ô subtil sculpteur.
Déjà, je ressemble à ce que vous voulez, par la grâce de votre amitié
tutélaire, et je promène l'apparence d'un amant qui, pour être platonique, n'en
est pas moins fier et comblé. Mais, autour de moi, passent les couples
d'heureuse chair. La longue jambe nue des jeunes femmes brille dans les nuits.
La perfection de ma solitude physique, après m'avoir fait pleurer, commence à
me faire rire. Peut-être arriverai-je à me barder tout entier d'une pellicule
divine que ne traverseront plus les prestiges cruels de la beauté muselée,
élancée, balancée. Au loin, ma femme, statue noire et insondable, ne sait pas
que c'est la nuit, car elle est la nuit. Elle ne sait pas que sur moi s'étend
la nuit.
Merci, Claire chérie, pour votre
gentille puissance et sagesse, et pour avoir si bien, et si courageusement, su
ménager mon amour-propre sans compromettre vos devoirs. Nous partageons un
pacte tendre et difficile et cette communauté me déchire autant qu'elle me
console.
Jacques
(6 avenue
Saint-Roch, Antibes)
SDdV Aa34
(172) - 510.299 III
lettre
de Claire Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 22 août 35 MST p. 167/168
Hôtel
du Château
Challes-les-Eaux
(Savoie)
1935
jeudi
Chéri,
Depuis ta carte de
Rapallo, je n'ai reçu aucun signe de vie de toi. Est-ce que réellement tu vis
encore ? Je me fais l'effet d'être si abandonnée, quand tes petits oiseaux
griffonnés sur le papier ne volent plus vers moi. Tous ces jours, j'ai été si
seule. Seul Jacques (*) m'a adressé un grand poème et une lettre démentie. Avec
ça, le livre sur Chaplin trouve des échos dont je m'étonne fort. On m'écrit de
partout. Même Wolfenstein se souvient de mon existence et demande un
exemplaire. Et il est arrivé une longue lettre de Gaston Chéron : " votre livre m'a passionné, etc.".
Aujourd'hui,
enfin, vient une visite, avec voiture, pour trois jours. On pourra peut-être excursionner
jusqu'à Chamonix où le Grand Saint-Bernard.
Souvent
je contemple avec la tendresse la plus profonde tes traits
"photogéniaux". Dans quinze jours, je regarderai ton visage. S'il te
plaît, écris-moi vite s'il sourit, s'il est heureux, afin que je n'ai pas à me
réveiller, la nuit, et à pleurer.
Avec mon
ancienne fidélité, je t'embrasse.
Ta
Suzu
Lundi, je suis invitée, avec Georges Suarès, chez
charmant ménage, dont j'ai fait la connaissance à la salle à manger, des amis
de Dufour. Un peintre extrêmement doué, qui a fait une grande toile pour un
panneau mural du "Normandie".
Et toi ?
Vois-tu des gens gentils, à part les David ? Travailles-tu ? J'adresse un doux
salut aux Davidsbundler.
Tout de
même, je voudrais encore te dire quelque chose sur ces 3 jours avec Audiberti.
Il demandait de l'amour à grands cris, et - tu le sais - je ne puis lui donner
que de l'amitié. Il m'arrive avec lui la même chose qu'avec Frantz Werfel :
j'étais alors une toute jeune fille, et son premier baiser m'a fait reculer
pour toujours devant l'homme qui était en lui. Et quand il m'a dit, plus tard,
à Paris : "maintenant je t'aimerais en mettant en jeu toute ma
personnalité" (à cet instant, il
devait avoir totalement oublié l'Errynie Alma, à l'hôtel Royal Madison), je sus
pourquoi j'avais reculé : son physique me répugnait. D'autant plus
qu'entre-temps, j'avais été gâtée par le corps d'Adonis de mon Ivan. Vis-à-vis
de Jacques, même paralysie. Peut-être le génie n'est-il qu'une maladie des
glandes, et elle défigure le corps (Rilke). En outre, je suis protégée de
Jacques par la nature et par le respect qu'il a pour le poète de "Jean
sans Terre". Tout à coup, j'ai eu mes règles et j'ai dû m'aliter,
naturellement. Il resta assis près de mon lit, balbutiant : " Dannie.!
Dannie ! ". Car pendant ces jours-là, comme toujours, j'étais désespérée.
Tout particulièrement par ta rechute
dans l'ancienne infidélité. Et comme je m'exclamais : " si je pouvais
m'achever.... ", il commença à tout prendre par écrit. Il travailla, toute
la nuit, à un poème : La période, dont je t'envoie quelques vers :
tu
sais, la petite maison se trouve dans les vignobles,
Parmi
l'astre de l'aventure
Devant
les monstres du verger
La
douloureuse créature
Ecoute
son sang la manger ...
Et un peu plus loin : "O Cléopâtre
achève-toi", sur quoi je lui
conseillai d'intituler le poème "La mort de Cléopâtre". Il en écrivit
encore deux autres : "Sémiramis" et "La maison de Dannie".
Je
n'aurais pas supporté cet ouragan plus de trois jours, bien que tu m'aies
habituée aux tempêtes.
Encore
une fois tienne.
Suzu
(*) Audiberti
lettre
de Claire à Challes-les-Eaux à Ivan Goll à Sori 27 août 35 MST p. 165
Hôtel
du Château
Challes-les-Eaux
(Savoie)
1935
jeudi [27 août]
Chéri,
Reçu ce
matin ta lettre, qui m'a un peu surprise. Tu es chez des gens aimables - et non
solitaire comme moi - et tu te plains de ta solitude. Tu justifies ton
invitation de Paula à Sori en disant que, dans la vie, tu n'as jamais été
l'objet de tendresse. Ne pouvais-tu pas motiver tes actions avec plus de
franchise et sans digressions blessantes ? Car, pendant douze ans, je n'ai été,
à ton égard, que tendresse. Peut-être tendresse non sensuelle, non celle dont
tu as besoin, mais néanmoins tendresse. De plus, la manière hypocrite dont
tu interprètes l'union conjugale des D.
me déplaît. Il faut toujours chercher à rester juste quoi qu'on fasse. Paula
est donc auprès de toi.. A cela, je n'ai qu'une chose à ajouter : espèrons que
tu es apaisé et parfaitement heureux. Quand j'arriverai le 4, elle ne sera
certainement déjà plus là, et tu ne m'en voudras donc pas de devoir abréger,
par ma faute, ton bonheur idyllique.
Vous pourrez d'ailleurs vous rencontrer encore, cet hiver, même de manière non
officielle, chez des amis communs.
Pensées
affectueuses.
Suzu
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire Challes-les-Eaux du 28.08.35 MST p. 168/169
Sori,
28 août 1935
Chère petite Suzu,
Foin
de discussion : on ne devrait jamais écrire en partant de la mauvaise humeur
d'une nuit d'insomnie. Pensons tout de suite à l'avenir proche, merveilleux :
la mer fortifiante et sauvage pour toi, des figuiers murs, des terrasses
ensoleillées, le plus profond repos.
À vrai
dire, depuis huit jours, ici, le temps est pluvieux et tempêtueux, et la pauvre
Paula, qui n'a jamais vu la Méditerranée, n'aura guère une idée de ce qu'est le
Midi. Mais les indigènes disent que, dans huit jours, il refera beau.
Tu peux
accomplir le trajet en un jour : je crois que je t'ai indiqué le trajet le plus
agréable ; il est vrai qu' il y a une attente de cinq heures à Turin. Donc,
mercredi 4 septembre.
Mais je
vais te prier, en ami, très énergiquement, - je laisse la galanterie à tes
adorateurs - d'arriver ici en toute simplicité et sans bagages prétentieux.
Tout le monde, ici, très simple. On ne met perpétuellement que des costumes de
bains, des robes de plage, dans lesquels on descend directement sur les rochers
de la baie. Bref, exactement comme à Ischia. Pourtant, ne pas oublier des
vêtements chauds pour la nuit. La pelisse aussi.
Ici, il
ne sera pas question pour toi de travailler. Laisse donc la malle de livres à
Challes, ou expédie la à petite vitesse à la maison. Et si tu voulais renoncer
aussi à la malle-cabine, tu serais tout à fait dans le style d'ici.
Tu
devras, avant ton départ, aller une fois exprès à Chambéry, pour y faire
établir le billet italien " Modane - Gênes - Modane (*) avec une réduction
de 50 %. Il doit coûter environ 120 lires (150 francs) en deuxième classe.
Peut-être un peu plus. Mais je crains que l'enregistrement d'une malle en coûte
tout autant. De Chambéry à Modane, le voyage ne peut pas être cher.
Deux
américains, qui partaient d'ici pour la Grèce, m'ont laissé leurs 2 billets de
retour pour Paris (et même jusqu'à Londres). Ils sont périmés le 10 septembre.
Si tu connaissais quelqu'un qui puisse les utiliser, cela nous rapporterait une
assez grosse somme. Mais cela aussi est très difficile.
J'ai
récemment téléphoné à Lindner - il est à la campagne, avec sa famille, jusqu'à
fin septembre. Cela, le consulat ne voulait pas me le dire.
Ton
télégramme au sujet du Monde Illustré m'a surpris : j'ai mis cet article dans
la boîte aux lettres, le samedi soir qui a précédé notre départ. Ce serait-il
perdu ? Damnation!
En même
temps que ta lettre de mardi, j'ai reçu ta carte de dimanche ; comment se
fait-il que tu ne supportes pas du tout la solitude ?
Mais la
mer emportera bientôt toutes les eaux de Challes, ainsi que tes larmes.
Ton
Ivan
(*) par Vintimille
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire Challes-les-Eaux du 31.08.35 MST p. 170
Sori,
31 août 1935
Chère petite Suzu,
Je me
réjouis beaucoup de ton arrivée, mercredi. J'espère que mon horaire était exact
: renseigne-toi encore une fois.
Clauzel
fait encore parler de lui. Il a écrit trois lettres à Daniel, et là-dessus, je
lui ai envoyé le mot ci-joint, par un bureau de poste français (Nice). Il l'a
alors transmis à Daniel, qui est muet de stupeur !
Alors,
il a fallu que j'explique tout à Metz, en détail. Je n'ai pas voulu te
préoccuper non plus.
Tout le
reste oralement.
Mais il
ne faut pas que tu fasses réexpédier notre courrier directement de Paris à Sori
. Fais- le, comme précédemment, suivre à
Challes, et de là, à Sori : ne donne ton adresse qu'à Challes (ce courrier est
si restreint que c'est kif-kif bourriquot).
Apporte deux ou trois paquets de gauloises bleues et dix
timbres français de 50 centimes.
Ici,
temps magnifique ! mer, figues, raisins, paradis ! Paradis ! On oublie tout.
Je
t'attends vite
Ton
Ivan
Paula part mercredi
lettre
de Claire à Challes à Ivan Goll à
Sori du 31 août
31 ou 35 , n’est pas dans MST
à traduire
Le 4 septembre, Paula
Ludwig repart à Ehrwald où elle va rester jusqu'à la fin de l'année 1935 tandis
que ce même 4 septembre, Claire rejoint Goll à Sori et reviendra seule début
octobre à Paris.
Ivan Goll Nice à Paula Ludwig Ehrwald 9 septembre 1935 ImsL p. 363/364
Nice
9 sep..35
Chère Palu, comme il est déjà
tard dans la soirée de mercredi,, et le train si inhumain, que je m'échappe
vers toi. Tant que je reculais, j'équilibrais le croissant de lune au-dessus de
la mer et je me taillais la gorge par
les nerfs (! ?)
…le télégramme libérateur
arrivait alors vendredi mais samedi je revenais en France par Vintimille.
…je me lamente après toi
Ma
Ivan Goll Sori à Paula Ludwig Ehrwald 13 septembre 1935 ImsL p. 364/365
Sori
13 sep..35
Chère Palu,
Maintenant, je n'ai pas encore trouvé le chemin du retour
auprès des pères, certes pas les saints de Paris, Dieu merci, mais au contraire
auprès d'Adam et David, à l'éternelle belle terre d'Adam et à la musique
bienfaisante de David.
…
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 5 octobre 35 MST p.
170/171/172/173/174 ***
Paris, Jour du Grand Pardon, 5h½
[5 octobre 1935]
[19, rue Raffet]
Chéri,
tu as aujourd'hui une longue journée. Aussi je veux venir vers
toi dès le petit matin, afin que tu ne passes pas ce jour si seul et que tu ne
te frappes pas la poitrine seul. Alors, faisons-le tous les deux, oublions les
vétilles qui parfois nous divisent et entrons ensemble, réconciliés, dans cette nouvelle semaine et dans un monde
nouveau. Car un autre monde s'ouvre : j'ai un appartement ! Au 21 Quai des
Fleurs ! Cela sonne comment ? Cela n'a-t-il pas l'odeur d'une place pleine de
fleurs, de la Seine et d'un rivage plein de pêcheurs dominicaux perdus et des
Tours de Notre-Dame qui se bousculent en même temps qu'un cloître pour entrer
derrière dans la fenêtre de la cuisine et l'immense fenêtre côté sud de la
troisième pièce, baignée toute la journée de soleil ?
Alors
je vais commencer par le début, pas par la fin : je suis bien arrivée à Paris
et rue Raffet . Dès le lendemain, nous sommes allés quai d'Anjou ;
l'appartement était loué! j'étais désespérée, si désespérée que nous avons
aussitôt continué à chercher dans l'île, que D. avait déjà prospectée durant
trois jours dans tous les sens. Nous avions déjà perdu tout espoir lorsque je
vois de l'auto quelques fenêtres sans rideaux au 4e étage d'une maison. Tu sais
que j'ai du flair. D. me dit : "il n'y a pas d'écriteau, donc pas
d'appartement à louer " .Je persiste à vouloir demander et je trouve notre
appartement. Et D.dit qu'il est de beaucoup préférable aux autres, non obtenus,
justement parce qu'il a une pièce orientée au sud ; car aussi bien le Quai
d'Anjou que le Quai des Fleurs donne sur le nord. Sur le quai sud on ne peut
rien trouver du tout. - la maison est en face de l'Hôtel de Ville qui est
entièrement caché par des arbres, ce qu'on ne remarque jamais qu'en passant en
voiture, si bien que de la fenêtre on voit la Seine et la rive opposée plantée
de plusieurs rangées d'arbres ; un peu plus loin est le pont qui mène vers la
place de l'Hôtel de Ville. On n’entend presque pas de bruit alors que dans
l'autre maison, les autobus passaient au ras de la maison qui se trouvait
directement près d’un pont.
Deux
pièces sur le devant et entre ces deux et la pièce de derrière un espace assez
grand dans lequel sera aménagé la salle de bains, car il n'y a ni bain ni
chauffage. D. nous installera les deux à prix coûtant.
Le
propriétaire habite au-dessus de nous, c'est un Monsieur distingué d'un certain
âge, officier de marine en retraite qui nous a plu énormément à l'un et à
l'autre, il voulait 5000 plus de 20 % de charges et à ce pris en soi modéré ne
voulait pas faire faire de travaux d'aucune sorte dans l’appartement. Au bout d'une heure de
discussion toute en souplesse, D. a obtenu tout ce que nous voulions : 5100 sans
charges et il fera faire les plafonds en blanc et repeindre les murs pour que
nous puissions y coller des papiers peints neufs car les anciens sont vieux
comme tout et doivent être enlevés.
Trois
pièces à 5.000 francs au coeur de Paris, sur les quais, donc la situation la plus
convoitée où on ne trouve que rarement quelque chose, dit D. Le chauffage en
plus, environ 1.800 francs de charbon pour tout l'hiver. Mercredi après-midi
(j'ai demandé ce délai pour avoir ta réponse d'ici là) nous avons à nouveau
rendez-vous avec le propriétaire pour mettre le contrat au net.
D. a
obtenu que nous n'ayons pas à nous engager pour trois ou six ans mais que seul
le propriétaire soit lié, mais que nous puissions donner congé tous les trois
mois. Il m’a expliqué ensuite que pour nous cela était important dans les
conditions actuelles. Le propriétaire ne voulait d'abord absolument pas, mais
D. lui dit qu'il n'avait aucune crainte à avoir, que nous ne partirions pas
tout de suite après y avoir engagé plusieurs milliers de Francs de frais et il indiqua 2.000 francs pour l'installation de la salle
de bains et 2.500 francs pour le
chauffage, en présence du propriétaire. Mais il nous le fera pour moins cher.
Dès que le contrat sera signé, je te l'enverrai jeudi ou vendredi et tu le
retourneras aussitôt, je ferai commencer les travaux. Nous pourrons alors
emménager dans quatre ou cinq semaines.
La poésie de la
fenêtre (sans voisins) fera mûrir de beaux poèmes, cela est certain. Sur notre
quai il n'y a guère de circulation car il est directement sur l'île entre
plusieurs ponts. Vers l'arrière nous avons, seulement séparée par quelques rues
cahoteuses qui ne sont certes pas visibles à cause de vieilles maisons, vieilles
mais basses (nos fenêtres arrière sont plus hautes) cette vue ravissante sur Notre-Dame
et l'autre bras de la Seine.
La lettre à Clauzel
est partie hier, sa réponse arrivera sans doute demain.
Il est arrivé une convocation du Juge de Paix
"organisée" par l’Argus pour le 10 octobre. J'ai écrit une lettre recommandée
déclarant que tu étais encore dans le Midi "en train de te soigner"
et que je priais Monsieur le Juge de Paix de vouloir bien reporter la
convocation à novembre. Encore une fois, tu en as fait de belles ! Etait-ce
bien nécessaire ? Pourquoi ne pas payer tout de suite ? Vraiment et sans
tergiversations ?
D'ailleurs dans ton classeur
je n'ai trouvé qu’un reçu de 100 francs versée à l’Argus pour 1935. Ils ont
sûrement raison. Et le dommage, c'est moi qui l'ai car je ne reçois plus aucune
coupure pour Chaplin.
Tu compliques toujours
les choses. D. trouve que dans l'affaire avec Clauzel tu ne t'es pas bien
conduit non plus. Les lettres avec "Juif par-ci, juif par là ", tu
n'aurais pas dû les écrire et qu’auparavant tu l’as aussi irrité inutilement.
Par ailleurs : si un appartement aussi vieux revient à 7000 avec frais de
chauffage, celui-là à 9000 n'était quand même pas exagérément cher. Des frais,
on en a partout.
Dans l'appartement du
Quai d'Anjou qui nous a échappé il fallait aussi installer chauffage et bain.
Bien sûr, la situation y vaut de l'or.
Trois pièces dans une
construction neuve coûtent 8500 m'a déclaré D. Et tout logement à ses avantages
et ses inconvénients. Mais n'en parlons plus. Espérons qu'en revanche tu
t'entendras d'autant mieux avec notre nouveau propriétaire qui est très cultivé
D. lui a dit "
Vous aurez un homme charmant, un célèbre écrivain comme locataire ".
Est-ce que le contrat doit être établi au nom de I. Lang ou I. Goll ou bien aux
deux noms ?
Est-ce que le compteur
à gaz de notre appartement nous appartient ? Peut-on l’emporter ? Là-bas non
nous n'aurons pas non plus à payer l'eau et nous aurons un marchand de légumes
dans la maison juste à côté.
Comment va ton petit doigt ? Le talon d'Achille ? Le
poème des péchés? As-tu du soleil ? As-tu été à Recco nous excuser toi et moi et y a-t-il eu du grabuge ? Mieux vaut que
non. La guerre qui a commencé avant hier semble devoir devenir bien sérieuse.
Je t'envoie aujourd'hui l'Intran et Paris-Soir. Espérons qu'ils te
parviendront.
Une prière : téléphone ou écrit à la (baronne) Mumm pour
avoir l'adresse du café instantané et rapporte-m'en de Gênes et ne mange pas la commission, je serais très
déçue.
En outre
l'adresse privée exacte de Lindner s'il te plaît, tu la trouveras en bas dans
la localité dans l'annuaire téléphonique. Gamboro ou Gambari et quel numéro ?
Aujourd'hui,
nous sommes le 5. Mais nous n'allons qu'à Chartres et nous rentrons le soir.
Jeannine
m'a laissée tomber. Les clefs étaient en bas avec une lettre. Elle ne m'a même
pas fait mon lit ! Mais j'en ai déjà une nouvelle, une amie de Victoire la
jolie vendeuse de bronzes..
Le livre
"Le coeur est éveillé " m'a beaucoup déçue. Un amour littéraire de
bas-bleu, à la manière de Rilke en beaucoup de phrases et un hymne à
l'Allemagne, de sorte qu'on a les yeux pleins de croix gammées de tant de
patriotisme . Je le rendrai à Lindner en même temps que le Jean d'Agrève et le
Conrad .
Et
maintenant salut, j'espère que tu as eu un " god Jomtoff "[jour de
fête : Yan Kippour]. Continue à être heureux sur cette douce colline. D'ailleurs les hommes ne te font
rien. Tu n'entends que les voix des oiseaux, bienheureux paradis. Salue les
Daniel. Je les remercie pour la façon aimable, douce, bonne et fraternelle dont
ils m'ont gâtée, sans penser à eux, et le respect qu'ils m'ont témoigné.
J'aurai
besoin de quelque temps pour me remettre de tout cela, je vais encore mal mais
cela ira mieux bientôt et tout de suite après mon indisposition, mardi ou
mercredi j'irai chez Gerson.
Bien des choses à toi
très affectueusement
ta
Suzu
J'attends une réponse par express 8 heures. Vient
d'arriver la lettre de la N R F. Je te
félicite.
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du
7.10.35 (Jour du Grand Pardon) MST p. 174/175/176
Sori,
7 octobre 1935
Lundi
matin
Jour
du grand pardon
Chère petite Suzu,
Comme
le début de ta lettre était pieux et sain ! c'est ainsi seulement que nous
voulons éprouver le divin. Le temple de Gênes m'a guéri pour toujours de ces
bigoteries collectives. Je ne veux plus m'agenouiller que sous des oliviers.
Et
c'est aujourd'hui, et non samedi, le jour du Grand Pardon .Que l'arrivée de ta
lettre est étrange ! J'avais grand besoin d'elle, car j'ai déjà grand' faim ;
je jeûne et 6 heures du soir est encore loin . Les David sont hors d'eux parce
que je manquerai le repas de midi en revanche, ils achètent un poisson pour ce
soir !
Et
maintenant, aux choses terrestres.
Je suis d'accord pour
l'appartement du Quai aux Fleurs et je te laisse "carte blanche" pour
tout . Fais établir au contrat ou nom
d'Ivan Lang-Goll Envoie-le moi. je le signerai aussitôt
À
vrai dire, l'idée de cette nouvelle demeure ne ne me réjouit pas encore
beaucoup. Pourquoi ? Je me l'explique à peine . Il est difficile de se représenter
cette nouvelle vie . Je me sens géné par la pensée que je ne présiderai pas à
toute cette installation . Oui, je serai un étranger là-bas, malgré tout. Il
n'est certainement pas bon que le propriétaire habite au-dessus de nous, étant
donné les conditions d'existence très bizarres que nous avons maintenant. Mais
cela ne fait rien. Je te le dis, à toi : pourquoi ne pas tout essayer ? Le
monde est grand . L'homme est petit (David, compose justement cela sous ma
chambre)
Sais-tu
aussi pourquoi je ne m'excite pas sur la question d'emménager à bref délai, à
Paris ? parce que je suis de plus en plus préoccupé par l'idée d'une petite
maison sur la côte ligurienne. Je cours en tous sens, tous les jours, et je
sais que toute offre serait une affaire . Mais je n'ai pas encore trouvé juste
ce qu'il faut . néanmoins, je dois trouver cela et le saisir à la volée.
Comme
je déplore que tu n'aies pas mis ici, un seul jour, à ma disposition ta volonté
active et tes " antennes " Nous aurions trouvé . au lieu de cela, tu
remettais sans cesse à plus tard la petite promenade à Recco . A présent, j'ai
été là-bas, Zega m'a montré dix maisons
Ravissant
était le palais rose sur la colline, avec 4.000 m carrés d'oliviers, tout
entouré du bruissement des pins. Il a été vendu, il y a 15 jours, à une dame
qui ne l'a pas vu (elle n'était pas là ) pour 60.000 Je suis aussi triste que tu l'as été de
perdre le Quai d'Anjou !
Maintenant,
je suis quotidiennement en route. J'ai aussi écrit à Nancy, au sujet de mon
intention. Comprends-tu que je préférerais installer ici, pour ma
vieillesse, un chauffage central !
Le
même jour, je suis monté chez les Weils, qui m'ont retenu à dîner. Ils ont
parlé de toi avec enthousiasme. Je leur ai donné tes livres, qui les ont
vraiment enchantés .
Voici
l'adresse des Lindner : 20, via Gambaro. Oui, renvoie-leur, s'il te plaît,
rapidement, tous les livres . j'ai déjà téléphoné, pour remercier.
Tu
ne m'as pas raconté, en somme, si tu as déjà parlé aux Clauzel ? Et quelle
solution a-t-on trouvé ?
Puisqu
tu prévois 4 ou 5 semaines de travaux Quai aux Fleurs, il est bien que je ne
rentre pas plus tôt à Paris . pourvu que la situation politique ne nous joue
pas un tour
Inutile
de t'énerver au sujet de l'Argus . Tu n'as pas non plus besoin d'écrire au Juge
de Paix : j'écris tout de suite à l'Argus pour lui donner mon opinion : toi,
téléphone seulement à l'étude de l'Avoué, de Lavarde, Anjou 30 - 87, que je
m'occupe d'une conciliation avec l'Argus, que je serai à Paris à la fin de ce
mois et que je paierai tout
Merci
pour la lettre NRF.
Je
pense à l'Instant Café
Et
aussi à ton anniversaire, pour lequel je me procurerai le spencer tyrolien.
N'as-tu
pas trouvé, peut-être, parmi les imprimés, la revue japonaise ? cela me
ferait grand plaisir, si tu voulais bien me l'envoyer
Et tu as raison, envoie-moi
régulièrement Paris-Soir, etc. ; cela peut être important.
. Je porte vite cette lettre, avant 10 heures, à la poste.
As-tu reçu ma lettre de samedi avec la recommandation de Gerson ? Vas bientôt là-bas.
Recommence
à bien manger
Aujourd'hui,
je continue à bien jeûner .
Ton
Ivan
lettre d'Audiberti à Claire du 7 octobre
1935
Chère Claire,
J'ai été très
secoué par une histoire idiote : une douleur dans la jambe, un peu au-dessus de
la cheville. Enflure, petites nodosités sous la peau, douleur intolérable. Le
médecin a parlé de synovite, inflammation des gaines sérieuses des tendons. Pas
très grave, mais très gênant, surtout que je ne dors pas et que je m'énerve
beaucoup. On me fait des piqûres de novocaïne dans le tendon pour diminuer la
douleur et me permettre de marcher un peu. Aujourd'hui, j'y suis parvenu un
peu, et à peu près sans souffrir. Je suis venu au PP. Où vous pourrez m'écrire,
si vous le désirez ce qui me fera grand plaisir. J'ai bien reçu votre pneu et
je vous en remercie vivement. Quand nous verrons-nous ? Mercredi ? Jeudi ? Si
vous pouviez venir du côté du PP., au Nègre, par exemple, j'en serais bien
heureux, car je dois, autant que possible, éviter de circuler trop. Bien
entendu, s'il ne vous est pas possible de sortir, ou que ces dates vous
semblent trop rapprochées, je ne vous en voudrais pas. Mes amitiés à Ivan Goll
et croyez que je suis, très affectueusement, votre ami, votre poète.
SDdV Aa35
(177) - 510.299 III
lettre d'Audiberti à Claire du 9 octobre 1935 [mercredi]
Ma bien chère amie,
Je suis très
heureux, très heureux de vous voir dimanche. Il faut que vous sachiez tout de
suite comment les choses se présentent. En fait, il m'arrive d'avoir à moi quelques
heures l'après-midi, mais entrecoupées de téléphonages. En principe,
j'appartiens au Petit Parisien et il m'est impossible de savoir si je passerai
le dimanche au journal, ou, librement à l'extérieur ou à l'extérieur mais en
enquête. Il m'est donc difficile, amèrement difficile, de vous promettre qu'il
me sera possible de circuler tranquillement dimanche après-midi, tandis que je
serais très sûr (dans la mesure où une créature humaine peut être sûre de quoi
que ce soit) de pouvoir dîner dimanche soir et passer la soirée ensuite avec
vous. Je n'ose, naturellement, pas vous proposer que vous vous rendiez, à tout
hasard, vers cinq heures, en quelque Nègre. Si, par extraordinaire, vous deviez
vous y trouver, de toute façon, je serais ravi de courir l'exquise chance de
vous y retrouver l'après-midi ; dans un bistro des environs du PP., Nègre ou
non, j'aurais, d'ailleurs, beaucoup de chance de pouvoir vous rejoindre à cette
heure, assez creuse. Mais je ne voudrais pas vous imposer une attente, ou un
déplacement, qui vous déplût? Donc, belle amie, veuillez me dire :
1° S'il vous est
possible de me consacrer dîner et après-dîner, en sacrifiant l'après-midi
2° si votre
flânerie dominicale vous conduit, l'après-midi, en quelque lieu que je puisse,
à l'occasion, atteindre facilement, sans que vous dussiez m'en vouloir si les
nécessités professionnelles alias "l'abondance des matières", m'en
tiennent éloigné
3° En quel endroit
vous désirez que, vers sept heures ½, nous nous rencontrions ?
Je baise votre main et je
prie le ciel que le monde, dimanche, existe encore
Audiberti
SDdV Aa36
(181) - 510.299 III
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 9 octobre 35 MST p. 176/177
Tu ne m'as pas envoyé l'article pour Cognat.
Je ne peux donc pas y aller.
Paris
, 1935
19,
rue Raffet
mercredi
matin
Chéri,
Merci
pour ta lettre. On l'a apportée 2 fois dans l'après-midi, comme je n'étais pas
là, on l'a remportée. Quand je suis rentrée, à huit heures, j'ai trouvé l'avis
dans la boîte, comme quoi je devais aller chercher cette lettre au bureau de
poste, le lendemain matin. Soudain, à 8 h et quart, en sonne : c'est ce
touchant Bureau 53 qui m'apporte encore une fois ta lettre. Ainsi donc, j'étais
en ta compagnie, hier soir. Si tu m'envoies encore une lettre express,
adresse-la, je te prie à Claire Lang pour que je n'aie pas de difficultés à La
Poste au sujet du passeport. Les Clauzel n'ouvrent pas, et tout reste sur le
palier.
Donc,
ils n'ont pas répondu à une troisième lettre très énergique de D S. Nous avons été hier chez maître Martin, l'Avoué de
D. S., lequel nous a dit qu'on ne peut pas forcer un propriétaire d'immeuble à
reconnaître que son loyer est trop élevé. Mais étant donné que nous n'avons
qu'un contrat moral, tu n'as qu'à provisoirement faire le mort en ce qui
concerne l'argent et le laisser aller jusqu'à la sommation (mise en congé) dont
il m'a menacé. La première partie de la lettre est de Martin j'ai ajouté la
deuxième, je la soumettrai à D; aujourd'hui à midi, et lui demanderai si lui ou
moi doit l'expédier et si c'est sous cette forme (joint : une copie).
Le
Journal japonais n'est pas encore arrivé, malheureusement. Mais j'attends tous
les imprimés, en retour de Challes, aujourd'hui ou demain.
Notre
terrasse serait maintenant très dépréciée, car la nouvelle maison de D. aurait
vue sur elle, de toutes ses fenêtres. Même de mon lit, on voit une haute
muraille.
L'affaire
avec l'Argus est très ennuyeuse. Car Thomas m'a dit qu'il a vu plusieurs
grandes critiques, entre autre une colonne et demie de Daudet, dans Candide.
Ta prise
de position, au sujet d'un nouvel appartement, me paraît un peu étrange. C'est
pourtant important pour toi aussi d'avoir un pied-à-terre à Paris, même en
faisant abstraction de moi. En outre, maître Martin est d'avis que tu ne
devrais plus en aucun cas te montrer rue Raffet cela ne pourrait que provoquer
un malheur. Tu devras donc habiter tout de suite une chambre, 21, quai aux
Fleurs, même pendant les travaux qu'on fera là-bas le propriétaire de la maison
est un homme distingué qui ne s'occupera pas de nous . Avec 6 étages, il aurait
trop à faire.
Reproche
au sujet de la petite maison italienne sont injustes. Tu étais là un mois avant
moi, tu n'avais qu'à chercher - trouver ! Naturellement, pas un immeuble de
rapport à deux étages sur les routes de 100 à mardi à Rita déclaration car nous
ne voulons pas nous tromper nous-mêmes, nous ne voulons pas faire des affaires
de sous-location d'appartement, mais avoir un nature, les arbres, amer en ce
aussi petite que la ouvrit " Casina" ou encore plus modestes. Reste
simplement à Sori jusqu'à ce que tu aies trouvé puisque, tu ne tiens pas à
Paris.
As-tu
maintenant du soleil ? Comment va ton petit doigt ? Et le Tscheljuskin ? Moi,
je vais remarquablement bien, physiquement. L'intestin fonctionne normalement.
Pour combien de temps ? Mais je suis reconnaissante. Je ne souffre plus,
enfin D. pense que cela venait de la
nourriture et du vin, lui-même ne peut pas supporter le vin italien..
Je
pense tendrement à toi et avec amour.
Suzu
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du
9.10.35 MST p. 177/178
Sori, 9
octobre 35
Ma chère Zouzou,
Merci de
ta carte. Elle est si optimiste que je me sens le cœur plus léger. Tous ces
jours-ci, le temps était si gris, si pluvieux, et les soucis m’ennuyaient jour
et nuit.
En ce
qui concerne le Quai aux Fleurs, j’attends la suite de tes nouvelles. Dans les
circonstances actuelles, je ne vois en tout ceci que du provisoire, et je me
demande s’il est bon de fourrer tant de choses dans ce nouvel appartement Mais je m’en remets entièrement à toi . Et
aussi : est-ce que tout va te convenir, en particulier les bruits,
et l’air (n’est-il pas humide au bord de la Seine) etc.
A la
nouvelle que tu devais payer aussi la note d’électricité, je me suis mis
aussitôt à ma table et j’ai tapé, aussi bien que je l’ai pu l’article pour Le
Monde Illustré. Il est composé d’un mélange de réminiscences et de fraude.
Porte-le tout de suite à Cognat et fais-toi remettre les 200 Frs. Tu
expliqueras que ce n’est pas de ma faute et ce texte n’est pas tel qu’il
était ; ce n’est pas de ma faute s’ils ont égaré le manuscrit
primitif Car il doit sûrement leur être
parvenu. A ce moment-là, Cognat * était en vacances. Les photos, à elles seules,
valent plus de 200 Frs. – 4 photos à 50
Frs. Vu me paye 125 Frs. pièce d’autres photos.
Merci aussi pour les journaux – mais pourquoi tant
dépenser pour cela ? Si tu me les envoies sous bande, cela ne coûtera que
10 ou 30 cts.
Ci-inclus aussi, copie de la lettre de l’Argus. Je ne lui
dois que 100 Frs. comme tu pourras le voir. Tu as, entre temps,
téléphoné ?
A part ça, rien de neuf.
Je travaille farouchement.
Et suis souvent près de toi,
I.
* Raymond Cognat,
Rédacteur en Chef du Monde Illustré
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 11 octobre 35 MST p.
178/179/180
19,
rue Raffet, Paris , XVI
vendredi 1935
Chéri,
Merci
pour ta longue et belle lettre. j'espère que tu as beaucoup de soleil, que tu
vas bien et que tu es en harmonie avec toi-même, avec les pins et les oliviers
(et avec moi) et que tu es sur les traces d'une maisonnette . Naturellement, je
rendrai à Lindner ses livres, y compris Jean d'Agrève et Crime en Province,
comme je le lui ai promis.
À sa Lore j'ai envoyé un collier de bulles de savon
Clauzel a enfin répondu à D. mais il n'insiste que sur le
mot "départ ".. Il dit qu'il est volontiers prêt à résilier le bail.
Ma lettre, dont je t'ai expédié une copie, lui sera envoyée bientôt, mais il
faut encore que l'avocat la relise et l'approuve. Ci-joint les deux nouveaux
contrats pour le nouvel appartement ; il faut que tu me les renvoies, signés
(sous pli recommandé à Claire Lang). Ne prends pas ombrage des formules
démodées du contrat, c'est ainsi qu'elles sont dans le Code Civil et Monsieur
Migeon, qui a hérité sa maison de ses grands-parents, imite encore les usages
de ses ancêtres, car sa maison existe depuis 1860 et est aussi vétuste que ses
locataires. Nous sommes les premiers à y introduire une radio, à ce qu'il m'a
dit. Cela te permettra d'évaluer quelles sortes de fossiles sont là, en train
de regarder paisiblement, de leur fenêtre, couler la Seine. Quoi qu'il en soit
: c'est tranquille à l'intérieur, moins à l'extérieur. Mais sur tous les quais,
c'est la même chose. Ce n'est pas mieux chez Lise, et pourtant, tu voulais
l'ile Saint-Louis.
Cependant,
pour que nous soyons plus libres et pour que, selon les circonstances, nous
puissions quitter à nouveau cet appartement sans nul regret, et plus facilement,
j'ai décidé - après quelques réflexions - de ne pas installer de chauffage :
rien qu'un radiateur à gaz dans chaque pièce ; la compagnie du gaz les louent
et les installent à très peu de frais. De la sorte, il ne nous reste à faire
que l'installation de la salle de bains, dans la 4e pièce, qui est sombre, et
que notre propriétaire, dans le contrat, appelle sans vergogne une 4e chambre ;
avec la lumière électrique, on pourra l'utiliser à cela.
Nous
emploierons mes appareils sanitaires, qui seront arrachés de notre salle de
bains actuelle, et cela ne coûtera pas cher. Si tu pouvais, avant d'aller chez
tes parents, venir rapidement ici pour voir l'appartement, j'aimerais
réellement mieux ça que d'en prendre toute la responsabilité. Il faudrait alors
que ce soit dans les prochains jours, car Monsieur Migeon a déjà prié de lui
verser ses premiers 1.200 francs le 15 octobre J'ai dit : " mon mari est en Italie... " . lui : " Ah !
vous avez sûrement ici une aussi petite somme". S'il savait que j'ai encore
145 francs dans mon sac, car j'en ai versé, à l'instant, 48 à ma femme de
ménage... Ci-joint, de plus, deux lettres de banques. Qu'advient-il à présent
des 12.000 prélevés par l'Angleterre ? Ainsi donc, viens, si cela peut se
faire. Sinon, renvoie les contrats. Car enfin, cet appartement est ridiculement
bon marché, de l'avis de D.. Sa situation est ravissante, et il est pratique et
vaste. Et contre le bruit du quai, on se fera poser, comme Lise, des doubles
fenêtres !
Tous mes
voeux pour toi !
En
grande tendresse
Ta
Suzu
Je vais tout à fait bien. L'intestin fonctionne
brillamment de. Ne te fais donc pas le moindre souci. C'est seulement la
nourriture des David, à-bas qui m'a nui.
PS J'ai encore une fois tout à l'heure reparlé à D. Il veut
aller voir encore Monsieur Migeon pour lui faire rogner un demi-terme,
c'est-à-dire que nous n'aurions à payer le loyer qu'à partir du 15 novembre,
donc 600 francs seulement pour 1935, étant donné que les travaux dureront bien
six semaines. À moins que tu veuilles aménager avant le 15, car, au cas
contraire, tu devras attendre à Nancy . Ecris donc par retour : viens-tu de
suite, et en passant, regarder l'appartement ? Quand emménageons-nous ? Dès le
15 novembre ? Il faudra alors que je porte des contrats à cet homme, pour qu'il
y ajoute une phrase concernant le demi-terme, c'est ce que m'a dit D. Il est
inutile de les envoyer avant cette modification.
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du
11.10.35 MST p. 180/181
Sori, 11 oct.
35
Ma chère Sou
Merci
pour ta gentille lettre et pour tout : Paris-Soir, le Japon, etc..
Avant hier, j'ai déjà répondu d'avance à tes demandes
concernant Cogniat et l'Argus.
Tout à fait excellent, le brouillon à Clauzel. En retour,
ci-joint. Il faut que cette lettre soit en sa possession avant le 15 ! je
trouve absolument génial la situation extraite de sa propre lettre du 28 mars.
Et déjà
je m'apprivoise avec l'idée du Quai aux Fleurs.
Ici, il
n'y a toujours pas de soleil - mais du travail et une paix agréable . Tous les
jours, je cherche Tusculum dans à la région. Difficile à trouver. Tu as raison,
naturellement : seulement petit, rien que des oliviers et la mer. On m'offre,
de bien des côtés, du terrain, par exemple près de la propriété du Comte C..
Construire une maison reviendrait à 20.000. Mais...
Et tout
serait encore beau ici pour le moment, si je n'avais pas trouvé par hasard
cette coupure sur Marie Bashkirtcheff ! Quelle peur ! Probablement
l'autrichienne. Je suis malade de désespoir. Que dois-je faire ? Peux-tu
obtenir des renseignements ? Téléphone à Bruckner. Son adresse provisoire, en
été, était chez Jenny Holt, cette petite actrice, tu sais, dont il était aussi
question pour MB. Galvani 78-18, 1, rue Catulle Mendès. Là, tu en apprendras
plus long. Oh ! Aide- moi !
Mon
doigt a été guéri au bout de deux jours.
Je
t'enverrai prochainement deux paragraphes achevés de Tascheljuskin.
Combien
je suis heureux que maintenant, tu te portes bien.
Très
tendrement ton
Ivan
Va aussi chez Alice Cocéa. Une bonne occasion pour la
connaître dans son intérieur, rue Nungesser et Coli. Tu trouveras la maison.
Elle est là, tous les soirs, vers 6 heures, même le dimanche. Demande-lui
d'abord ce qu'elle pense de M.B. ; au cas où sa réponse serait négative,
raconte-lui les histoires Pitoëff - propose lui d'entrer en concurrence avec
elle. Elle a le manuscrit.
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du
12.10.35 *** MST p. 181/182
Sori, 12 oct.
35
cinq heures du
matin
Chère petite
Zou,
Je suis de
nouveau, indiciblement triste, depuis que le monde extérieur, sous la forme
d'une petite coupure de presse, a fait irruption dans mon paisible tête à tête
avec la nature!
Ma destinée
toute entière m'est apparue clairement : rien ne me réussira, rien ne doit me
réussir !
N'ai-je pas de
talent ? n'ai-je pas de zèle ! n'ai-je pas de patience ? Peut-être beaucoup
plus que d'autres. Et cependant, rien ne me réussira !
Marie
Bashkirtcheff en est le meilleur exemple, le dernier peut-être, car maintenant,
je jette le manche après la cognée.
Tout un hiver, avoir étudié le sujet, tout un
printemps avoir écrit la pièce, tout un été, avoir cherché un théâtre et une
actrice ! ceux qui ont lu la pièce en ont fait l'éloge. En vain ! en vain ! le
jour même où la pièce était terminée et où je voulais la donner à Bruckner,
j'apprends qu'un autre auteur a choisi le même sujet et l'a déjà fait
représenter à Vienne !
C'est ainsi
qu'on devient un raté !
J'avais pensé
à Cocéa , à Marie Bell , à Boggaert, à Ozeray - pas à Ludmilla, que j'avais
sous la main - et le destin m'a joué son tour.
C'en est trop
! comment aurais-je à présent le courage d'entreprendre un travail de quelque
importance ?
Un raté, un
déchu, un oublié !
Sori,
ensevelis-moi sous tes oliviers !
Ma place n'est
pas en ce monde.
Et où
est-elle, la maisonnette aux murs délabrés, hantée de lézards, qui me cachera
définitivement à tous ? Aucun travail ne me la procurera. La Bashkirtcheff
devait me la fournir...
Pleure avec
ton
Ivan
Sori, 12 oct.
10 heures du matin
Le désespoir dure.
Je ne supporte plus de rester à
Sori.
Les David ne sont certes pas les gens qui peuvent consoler
quelqu'un. Je ne le leur dirai pas du tout. Croirais-tu que ce pédant [David]
travaille actuellement au "Tscheljuskin"
? Il copie d'abord proprement mon autre texte…Cela l'occupe jour et nuit ;
C'est ainsi qu'il m'a composé deux chansons, "Berceuse pour Karina"
et une autre. Mais ce n'est que du bricolage. Tu sais comment il travaille. Il
faudra des semaines, des mois. Et ils partent le 29. Mais Tscheljuskin n'est pas là. Et qu'arrivera-t-il ensuite, à Moscou ?
Encore un été perdu, un automne...
Le Tscheljuskin est-il mauvais ? Le talent a-t-il manqué,
ou le travail ? ou la patience ?
Le destin ne me fait pas la faveur d'un seul succès !
Il me faudrait si peu pour être heureux.
Jamais
je ne parviendrai à avoir une petite maison !
Hier,
j’ai vu quelque chose de splendide ! à Mulinetti, en face de Becco, sur
une hauteur qui domine tout le golfe, un
palais, 2.000 m² de terrain, la maison magnifiquement conservée, des murs épais
d'un mètre. Au rez-de-chaussée, une salle gigantesque et une autre au premier
étage, au deuxième quatre petites chambres, les escaliers en marbre, une
citerne de grande dimension ; propriétaire : un avocat gênois, ex préfet,
70.000 lires. C'est donné. À Maisons-Laffitte, cela coûterait 800.000 francs.
Qui sait s'il n'y aura pas, un jour, une grande hausse sur cette côte ? 300
arbres fruitiers : citronniers, orangers, pêchers, etc.
Et si, de plus, la lire baisse ?
Incroyable de bon marché !
À
Sori, un terrain seul coûte 35 lires le mètre carré ; cela fait 70.000 lires
pour 2.000 m². Juste celui qui est derrière le Conté, là où il y avait un
écriteau.
Du
coup, j'en oublie presque ma souffrance.
Dieu,
je serais si facile à contenter ! avec un palais !
Ivan
Crois-tu
que l'on peut encore sauver quelque chose pour Marie Bashkirtcheff ? Il le faut
! Ô tourment Je ne supporte plus d'être ici Je voudrais rentrer à la maison la semaine
prochaine, par exemple le jeudi 17. Quelle maison ? Sais-tu où je pourrais
loger à Paris ? Écris-moi vite ce que tu en penses.
En Octobre 1935, David et son épouse partent pour
l’Union Soviétique. Li David-Nolden est engagée au Théâtre National à Engels,
Hans David devient directeur de la chorale allemande de la Volga.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 13 octobre 35 MST p.
183/184
19, rue
Raffet, Paris XVIème
Dimanche
Cher petit Yvan,
Je suis
très attristée par la nouvelle que la Pitoëff veut jouer la Bashkirtcheff. La
malchance, cette fois, est réellement bouleversante, mais vois, mon pauvre
petit garçon, il se peut que la pièce viennoise déplaise, et alors tu pourrais
encore arriver avec la tienne, à moins que tu ne te hâtes et paraisses le
premier : car la Pitoëff semble, en effet, mettre cette pièce à son programme,
mais ne pas avoir l'intention de la jouer en premier lieu. En tout cas, je ne
puis faire grand-chose à cela . Même si je vais voir Alice Cocéa elle te
connaît bien. Éventuellement, elle me jettera dehors parce que je suis une
femme. Avec beaucoup de grâce, sans doute, si tout va bien. Non, il faut ici
que tu voies toi-même ce qu'on peut faire d'autant plus que je crois ta présence
utile pour l'appartement. J'hésite de plus en plus à louer celui du Quai aux
Fleurs . Il y a beaucoup de bruit par devant, même pour toi ! on est obligé de
fermer les fenêtres pour pouvoir causer, à ce que m'a dit imprudemment le
propriétaire lui-même, ces jours-ci . En hiver, la Seine donne des brouillards.
Sans doute, j'ai du soleil par derrière, mais tu vas recommencer à geler. Il y
a aussi que l'installation du gaz est payante, contrairement à ma supposition,
et le chauffage au gaz coûte cher. D'autre part, installer le chauffage central
et les bains dans cette maison vétuste, peut-être pour peu de temps, cela
profiterait ensuite, encore une fois, au propriétaire Bref : j'hésite et je crois devoir attendre
que tu décides (après avoir visité). Certes, il faudrait alors que tu viennes
vite et, en conséquence, prendre quelque temps une chambre d'hôtel quelque
part, tandis que je resterais rue Raffet, et j'incline de plus en plus à
trouver que ce dernier appartement n'est pas trop cher car lorsqu'il faut payer
7000 plus le chauffage pour trois vieilles chambres, plus le déménagement, Dieu
sait combien, l'installation électrique, le tapissier : de nouveaux papiers
muraux, car là-bas il n'existe rien, des rideaux, des placards, l'impôt qui est
de 5000, te non de 2000, etc. .On peut dire que 9000 pour la rue Raffet, ce
n'était guère excessif. Si seulement, on pouvait s'entendre avec Clauzel !
lundi, je lui enverrai la lettre contresignée par l'avoué.
À
présent, on trouve beaucoup de grands appartements, mais rarement de petits.
Je ne sais pas si Cogniat me donnera les 200 francs
vendredi matin (son jour de réception). Le mieux est que tu m'envoies un peu
d'argent. Ici, il fait très froid. As-tu du soleil ? Travailles-tu ? Dans la
Italia Letteraria a paru un grand article sur Chaplin et ma "célébrité internationale
". Et dans le dernier numéro, un superbe article de Carossa sur Rilke
Gemma
Luini, - tu te rappelles cette admiratrice de moi ? - veut écrire un livre sur
moi. J'en suis presque honteuse. Devant de telles manifestations d'admiration,
on se sent toujours si minuscule.
Je
continue à ne porter très bien corporellement et je deviens très gâtée. Aussi,
sois sans aucun souci en ce qui me concerne. Espérons que ton âme est
intérieurement aussi rose que la Casina l'est extérieurement.
En
grande tendresse
Ta
Zouzou
lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du
13.10.35 MST p. 185
Sori, le 13 octobre 1935
Dimanche matin
Petit Zou,
À l'instant même, la lettre express. Elle me ramène à des
pensées plus salubres . Vite la réponse :
Demi-
terme ou pas du tout.
Voici ce
qui plaide en faveur du demi-terme :
1) Si je
viens aussi à Paris, je peux habiter dans un hôtel quelconque. Je connais aussi
un sculpteur à Boulogne, tous près, qui loue 1 ou 2 chambres charmantes.
2)
J'arriverai probablement à la fin de la semaine, en particulier à cause de
Marie Bashkirtcheff. Je dois aussi aller à Nancy. Impossible de préciser
déjà le jour de mon arrivée, vu que je n'ai pas 1 centime, et que Daniel,
avant-hier seulement, m'a demandé 500 lires.
3)
Peut-être, tout de même, un chauffage à l'eau chaude ? Alors, cela durera
longtemps.
a)
Combien coûte l'installation ? 2 500 ?
b) Je
crains, en effet, que le chauffage au gaz soit follement coûteux ! Tes poêles,
le bain, la cuisine, 500 francs par mois, sûrement ! Par contre, le chauffage à
l'eau chaude pourrait servir en même temps le bain et la cuisine. Comment ?
Jadis, Hellessen avait à payer 500 francs de gaz. Non : le chauffage au gaz
est impossible.
Et tu ne
pourrais pas te décider pour un petit poêle à combustion continue, à
l'anthracite ?
Mais peut-être pourra-t-on reculer jusqu'à la
fin de la semaine toutes ces signatures de contrats ? Dis pourtant à Migeon que
je lui verserai volontiers de suite les 500 francs. Quel chiffre agréable !
Je vais
m'arranger pour arriver dans la matinée, et t'enverrai alors un pneu, pour que
nous nous rencontrions.
Je ne
comprends pas ta question au sujet de la banque de Londres : les 12.000 francs
= 180 livres y sont placés. Il faut les laisser
dormir.
Aujourd'hui
je suis plus gai.
Je
voudrais envoyer cette lettre en express mais aucun courrier ne part avant
demain matin. Je vais la porter au chemin de fer et la donnerai à un voyageur
allant à Gênes. Espérons que ça ira.
Comme
c'est magnifique que tu sois si bien portante ! Magnifique.
Et
beaucoup de remerciements pour ton amour.
Ton
Ivan
À l'instant, deux exemplaires Paris-Soir Mais, 1,50 c'est
trop cher. Les David les rapportent toujours à présent de Rapallo, où leurs
parents séjournent.
Merci
encore
Carte
de Claire à Paris à Ivan Goll à Sori 13 octobre 35 MST p. 186
Dimanche 13
Chéri,
Encore
une fois, j'ai passé l'après-midi à parcourir l'île Saint-Louis. Rien que des
appartements a 10, 12 ou 15.000. Finalement, je suis passée, sans être vue par
la concierge, dans la maison du Quai d'Anjou, dont l'appartement nous a
échappé. Les gens déménagent après-demain et ils m'ont fait visiter : deux pièces et demie, tout y est ravissant et
remis à neuf par ces gens. Douche, waters, lavabo, délicieux.
J'avais le coeur très lourd. Pourquoi, à ce moment, ne
m'as-tu pas laissé partir ? Mais ils m'ont dit qu'à cause des déchargements sur
les quais, il y a plus de bruit sur le quai d'Anjou que sur le Quai aux Fleurs.
Là-dessus, j'ai été tourner plusieurs fois autour de notre future demeure. Elle
est joliment située et très appréciable, si seulement elle avait le chauffage
et une salle de bains. Il faut que tu viennes vite : éventuellement, un aller
retour, en troisième classe.
Momentanément je suis au
Napolitain avec Jacques Audiberti. Il me conseille l'appartement, mais
seulement si nous y faisons mettre le chauffage ; car le gaz est trop
malsain et trop coûteux, et sans chauffage, l’appartement est invivable
Tendrement
tienne
Zouzou
Lettre
d'Ivan Goll Sori à Claire 19, rue Raffet, Paris du
15.10.35 MST p. 186/187/188
Sori,
15 octobre, 35
Mardi
matin
Ma chère Zou
Ta carte
et ta lettre de dimanche arrivent à
l'instant, aussi vite que des express. Leur contenu coïncide tout à fait avec
celui de ma lettre de dimanche, que tu as reçue tout aussi rapidement, je
l'espère ? Je m'inquiète un peu, car je l'ai donnée à un inconnu, à la gare, à
dix heures, pour qu'il l'emporte à Gênes, et celui-ci a fait un salut très
fasciste. Il inspirait la confiance.
Dans
cette lettre, je répondais à presque toutes tes questions : nous sommes
d'accord pour trouver qu'il ne peut être question de chauffage au gaz je
comprends aussi ta peur du changement de logis et surtout ta crainte de
l'inconnu. Je redoute également pour toi les froides brumes nocturnes de la
Seine. Et si réellement cela nous donne tant de peine d'installer et
d'organiser quelque chose dont on est persuadé que ce n'est pas "pour la
vie", il y a de quoi s'inquiéter. Je le comprends bien.
Attends
donc jusqu'à mon retour. Je ne puis encore préciser exactement le jour : je
voudrais partir à la fin de la semaine, si l'argent arrive à temps. Dimanche,
je ne peux pas partir, car, - étant donné que le train quitte Gênes vers 4 ou 5
heures, je voudrais consacrer la journée (de 10 heures à 4 heures) à faire
là-bas des achats (Instant-Café, etc. et billets de chemin de fer). Je ne
pourrai donc partir que lundi, mais c'est le dernier délai ; je serais mardi
matin à Paris. Je t'attendrais pas exempt à 10 heures, au Café-Tabac de la
place du Trocadéro.
Ces deux
jours y compris le dimanche n'ont plus beaucoup d'importance. J'avais fait un
grand pas : j'ai commandé à Rapallo, sur les conseils de David, un costume
authentiquement anglais,dans une étoffe qui durera dix ans, tailleur de
première classe, 350 lires, le même qui à Paris me coûterait 1000 . Le tailleur
est un maître, un personnage d'Opéra ; quand je pense à la saleté que j'ai eue
à Paris pour le même prix sur les Boulevards, et que je vais revendre, je
l'aurai jeudi.
Mon
énervement à propos de Marie Bashk s'est quelque peu apaisé. Mais ce malheur a
aussi éteint mon enthousiasme pour une maison. Oui, avec les droits d'auteur
sur la pièce on aurait pu faire tout cela ! Hélas !
Peut-être
peux-tu encore d'ici mon retour regarder autour de toi, à Neuilly, ne serait-ce
que par curiosité. Fais un petit tour à droite et à gauche près,de la Seine, en
arrivant à gauche du Boulevard de Neuilly, on a construit là de magnifiques
maisons neuves .
Rends
donc une fois visite à Ophuls, Maillot 56-59, 10 rue Ernest Deloison, Neuilly .
Ce qui ne veut pas dire que nous abandonnons complètement l'idée du Quai aux
Fleurs . Mais, ne pas se fixer à tout prix.
À oui,
s'il y avait une entente sur la rue Raffet, est-ce que tu préférerais cela ? de
toute façon tu n'es pas à la rue . Nous avons trois mois. N'est-ce pas ?
Que
Gémina Luini ait envie d'écrire 1 livre sur toi, je trouve cela splendide et
plus que largement mérité...
Tu devras absolument l'y encourager. Grandiose !
Je te conseille aussi aller à la N R F : de là, tu
pourras consulter sans frais toutes les coupures de presse sur le
livre-Chaplin.
Et
ensuite, tu achètes les plus intéressants des journaux en question.
As-tu
reçu la lettre de Guttmann ? (*)
Sotte,
tu pourrais aussi bien aller lundi ou mardi chez Cogniat. ! préviens-le par
téléphone : ELY 93-64. Le jeudi seulement, il est à l'imprimerie.
Va
tranquillement voir Cocéa. De ce côté, il n'y a plus grand-chose à perdre, de
toute manière. Je ne crois pas qu'elle jouera cette pièce sinon, j'irai la voir
avec toi, mardi après-midi. Cela t'intéressera et nous n'y retourneront
tout de même jamais plus
La
traduction avance convenablement. Presque page 300. Le plus difficile est fait.
Ici aussi, il continue à pleuvoir. Plus question de la
mer ni du soleil. Mais les pentes sont toutes vertes, pleines de nouvelles
fleurs. Vraiment, un second printemps ! Pour cette terre-ci, l'été était pays
béni !
La
minestra a toujours bon goût. Et cela d'autant plus que je te sais
momentanément bien portante.
Je
te prends dans mes bras
Ivan
(*) Bernard Guttmann, écrivain et journaliste.
Correspondant du Frankfurter Allgemeinen Zeitung à Londres, Berlin et
Paris
Ivan rentre
à Paris le 22 octobre.
de novembre
1935 au 1er janvier 1936, il habitera dans la maison d'un ami sculpteur tout
près de Paris (Boulogne)
Claire habite 19, rue Raffet puis 19, rue
Copernic
lettre d'Audiberti à Claire du 2 novembre
1935
Liebessima Claire !
on me dit que vous
êtes malade. Etes-vous malade - malade ou seulement malade ?
Je veux dire,
est-ce grave, inquiétant, ou seulement - et fâcheusement, bien sûr - une
manifestation de votre coutumière fragilité ? Un mot pour me rassurer, je vous
prie. J'étais étonné de ne plus recevoir de vous quelque bleue petite lettre si
chaude au cœur.
Donnez-moi de vos bonnes nouvelles,
bien chère amie,
et sachez que je pense à
vous
Audiberti
SDdV Aa38 (187) - 510.299 III
lettre d'Audiberti à Claire du 12 novembre 1935 [mardi]
Chère amie,
bien que vous
soyez, à mon égard - non, je ne veux pas dire ce que vous êtes - je vous écrit
deux mots, pour vous dire que j'ai très mal dormi, moi chanteur de la solitude.
Rendez-moi deux services (vous allez dire non, n'est-ce pas ? C'est mon
habitude d'entendre qu'on me dite non). Indiquez-moi, si vous le pouvez, le
dispositif de double vitre dont vous m'avez parlé, et puis, ne montrez pas
cette lettre (je veux dire, celle que j'ai la faiblesse de vous remettre)
Je ne baise pas vos
mains.
Je ne vous dis rien
d'agréable
J
SDdV Aa39 (190) - 510.299 III
1936
1er janvier : Yvan
et Claire louent un logement 37, Quai d'Anjou
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 2
janvier 1936 ImsL p.387/388
Iwan
à traduire
* Ma mère part ce soir
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan à Paris lettre du
2 janvier 1936 IsmL p.388 à 391
à traduire
carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 3 janvier 1936
ImsL p.391
Ton Iwan
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 17
janvier 1936 ImsL p.392/393
Ton Iwan
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 janvier 1936 ImsL p.393
Paris,
Jeudi [23.1.1936]
Ton
Iwan
à traduire
carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 29 janvier 1936
ImsL p.394
Paris,
mercredi
Ton
I.
à traduire
lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 30 janvier 1936 [jeudi]
Cher Ivan Goll,
Je vous parlerai
de ce que vous me dîtes dans votre si belle, si juste lettre, quand bientôt,
j'irai vous voir, berger d'hexagones, ami de la Seine. Je suis bien fatigué par
la bronchite, bien fatigué par un
déménageur (" Nous, c'est moralement que nous déménageons…") Certes,
la révolution n'est pas finie. Elle commence (Quand je parlais de réaction, je
parlais d'un certain formalisme substitué à un certain manque de formalisme,
mais nous reparlerons de ces choses)
J'ai bien reçu les épreuves. Je vous
annonce tout de suite qu'il y a, sans compter la dernière, dont vous me dites
qu'elle est à la composition, encore deux ou trois strophes à rajouter. Je vous
les enverrai insérées à leur place exacte dans le poème.
(Vous pensiez bien, n'est-ce pas ?
qu'il était loin d'être fini)
Bien cordialement
l'amen, cher oiseleur de fumées qui savent où elles vont, o l'auteur de
Thanatos en pleine course, que j'aime tant
Audiberti
SDdV Aa40 (194) - 510.299 III
lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 1er
février 1936 [samedi]
Cher Ivan Goll,
et voici la
catastrophe. Ecoutez, je ne pouvais laisser le poème tel quel…
Ce n'était rien, rien qu'un thème, un
tremplin. Il part, maintenant, il est parti. Il se compose donc de 15 strophes
que voici, plus celle que vous avez entre les mains (ou dans un tiroir ou dans
un vieux soulier). Je me rends bien compte que c'est tout un nouveau travail
pour l'imprimeur, et un retard pour la revue. Mais je ne pouvais pas faire
autrement. Je suis bien certain, d'ailleurs, que vous aimerez beaucoup plus
cette présente version.
Je serais très content d'avoir de nouvelles
épreuves, non pour les chambouler encore, mais dans l'intérêt de Jeune Europe,
de la poésie et du mien.
Je vous serre très cordialement la
main, Ivan Goll, et vous prie de m'excuser mille fois
SDdV Aa41 (194) - 510.299 III
Les Nouvelles littéraires n° 694, 1er Février 1936. Direct. Maurice Martin du Gard.
Ivan Goll : La Chanson de Jean sans Terre
carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 1 février 1936
ImsL p.394
Paris,
samedi soir
Ton
I.
à traduire
Pneumatique de Claire à Ivan Goll à
Paris 3 février 1936 MST p.188/189
Lundi 11h30
[3.2.36,19, rue Copernic]
Chéri
Je me suis rendue libre
pour toi ce soir et je t’attends donc chez moi à 8 heures et demie. S'il te plaît, apporte une grande de faim, et aussi l'autre
coquillage, mais sans Vénus !
Je
voudrais vivre encore une fois la belle indécision d'hier.
La
dernière page de la nouvelle est peut-être terminée ?
Un salut
à la blanche feuille de trèfle, de la part de celle qui t'est tendrement
dévouée,
Suzu
lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 4 février
1936
[ 4.2.36] ?
Cher Ivan Goll,
encore tout charmé de cette heure (plutôt deux
qu'une) au bord de la Seine, je vous
envoie ce petit
souvenir. Si vous avez une gomme, passez la sur le crayon. Merci.
Et bien
cordialement
SDdV Aa40 (198) - 510.299 III
Du 5 février au 25
mars, Yvan vit chez Paula Ludwig à Ehrwald
lettre
d'Ivan Goll, Landeck à Claire 19, rue Copernic Paris du 06.02.1936 MST p.189
Landeck,
6.2.1936
12h
(11h en France)
L. Z.
[Chère Zouzou]
Je
viens à l’instant même d’arriver à la gare de la vallée. Départ retardé :
toute la nuit allongé, endormi. Presque comme un wagon-lit. Peu de passagers. Hier ! une heure
d’arrêt : je le découvre municipal,
bizarre. Et il me vient à l’esprit que
j’ai naturellement oublié le plus important, mon complet de sport
habituel : il est plus important que mon pantalon de Golf : s’il te
plaît, envoie-le moi tout de suite comme échantillon sans valeur. Ce ne fera
pas un paquet volumineux. Je peux me passer de la veste .Envoie-moi aussi s’il
te plaît. les longues chaussettes blanches que tu trouveras dans ma nouvelle
armoire.. Merci.
Je pensais très fort à toi et à tes
grands yeux dans le bleu de la nuit de la pleine lune, mais ils ne doivent pas
pleurer, n’est-ce pas ?
Si
j’en ai encore le temps, je m’occuperai aussi de l’étoffe.
Ivan
Goll Ehrwald/Tyrol à Claire
37, Quai d'Anjou Paris du
08.02.1936 MST p.189/190
Ehrwald,
8.2.1936
Chère
Zou,
Après un jour de neige et de tempête, le soleil le plus
merveilleux rayonne aujourd'hui de toutes parts : nous avons même pu ce matin,
prendre le petit déjeuner sur le balcon. Paula dit que sous ce soleil de
février, on brunit vite, parce qu'en cette saison, les rayons ultraviolets sont
plus actifs ; quel dommage, petite Zuzu, que tu ne puisses prendre ta part de
cet air et de ce soleil, et de cette abondance de lait et de ces montagnes de
beurre : pourquoi faut-il toujours que chacun de nous soit heureux à sa
manière, et n'ait pas le droit de partager avec l'autre, comme il le voudrait,
ses jours de bonheur. Et pourtant, ces
expériences n'existeraient pas, si chacun n'avait justement conquis pour
lui-même et à sa manière d'autres univers humains, d'autres fragments de la
planète.
Ainsi que l'enrichissement et l'achèvement
soient pleinement accordés à chaque partie de notre alliance amicale. C'est là
l'avantage que présente notre philosophie de la liberté, sur la morale
bourgeoise de la persistance, qui, elle aussi, a certains avantages.
Je ne me suis pas encore risqué à
faire du sport. Mais j'essaierai bientôt les skis de Friedl.Nous ferons aussi
de la luge.
Ehrwald est paisiblement enneigé et
abandonné. Ici, personne ne s'occupe de ses semblables. A l'hôtel, il y a
quelques françaises qui sont très courtisées.
J'ai oublié tout ce qui est
important : pour travailler à la maison, ma robe de chambre rouge me manque. Ne
pourrais-tu, s'il-te-plaît, me l'expédier vite ? j'espère que cela ne te
causera pas trop de travail. A part cela, comment vas-tu ? Comment tes visites
se sont-elles passées ?
Tendrement
Mignon
Ivan
Goll Ehrwald à Claire Paris du
10.02.1936 MST p.190/191
10.2.1936
Lundi
soir
Chère
petite Suzu [Ehrwald]
Il faut que je te renseigne plus en
détail sur cette belle existence que je mène à Ehrwald. Hier et avant-hier,
nous avons eu deux magnifiques journées de soleil. Dès 9 heures du matin, le
soleil flambait au-dessus des montagnes neigeuses. Le ciel était d'un mauve
joyeux, jamais vu encore. Et dans les endroits abrités, le soleil était si
chaud qu'on pouvait s'y exposer tout nu. Mais il paraît que de semblables
journées sont rares en février : en mars, par contre, elles sont très
fréquentes. On affirme que je suis déjà bruni.
Et maintenant, j'apprends réellement
à faire du ski. Tout d'abord, j'ai hérité des skis et du costume de skieur de
Friedl. Je t'enverrai bientôt une photo de mon coquet équipement.
Les
guides de montagne et skieurs, Mertl et Lucki, sont les meilleurs compagnons de
beuverie de Paula, pendant ses mois de solitude. Ils restent assis longuement
dans le "Gasthaus in Stern" pour boire un bock. Mertl nous donne
quelques cours de skis : quand j'aurai bien appris dans la colline en pente
douce, je pourrai plus tard faire des tours avec eux. Mais, j'en suis encore
loin. Sur la colline d'essai, il n'y a pas le moindre danger. D'ailleurs, il
faut attendre que la neige soit favorable.
Personne ne devinerait qu'on est si
près de Garmisch. Comme je l'ai déjà dit, personne ne s'occupe de ce qui se
passe là-bas. C'est la vie silencieuse d'un village autrichien, sans la moindre
nuance politique.
Naturellement, Paula m'a reçu tout à
fait solennellement. On avait retardé l'arbre de Noël jusqu'au jour de mon
arrivée (il était plus frais que le nôtre !) Et, nous nous sommes faits des
cadeaux. Ta veste verte a produit une grande impression. Le coquillage rose a
été très bienvenu: nous avons feuilleté
un manuel illustré et nous avons trouvé son image : il s'appelle "oreille
de Diane".
Je suis heureux que tu aies passé
quelques bonnes soirées. Ne te laisse surtout pas envahir par le spleen.
Après quelques journées consacrées à
la joie du ski, je me mettrai à finir la traduction de César.
Comment marche ta Nouvelle ? As-tu
été chez Elie Richard ?
De
temps en temps, tu pourras m'envoyer "Paris-Soir". Ici, le papier est
très apprécié (pour le chauffage). Et les journaux allemands sont mauvais et
coûteux.
Je suis seulement peiné que tu
m'aies expédié le costume de sport complet : si cette lettre n'arrive pas trop
tard, laisse la robe de chambre tranquillement pendue à son cintre. Entre
temps, j'ai su m'organiser.
Avec mon plus tendre souvenir,
Ton
Iwan
Ivan
Goll Ehrwald à Claire 19, rue
Copernic Paris du 13.02.1936 MST p.192
Ehrwald
Jeudi
13.2.1936
Chère petite Suzu
Merci pour cette triste petite
lettre bleue qui me remplit de mélancolie, comme toujours, et pour le reste du
courrier
Il semble que Shermann soit devenu
fou. S'il te plaît, mets dans une boîte aux lettres la missive ci-incluse à son
client. Pour le tranquilliser, je lui ai écrit que tu me représentes à Paris.
Laisse paisiblement déferler sur toi sa correspondance. Satisfais peut-être à
l'une ou l'autre de ses petites demandes. Quand il viendra à Paris, tu pourras
peut-être, tout de même, entreprendre avec lui quelque chose qui rapporte de
l'argent. Mais ne lui révèle surtout pas le nom du journal n qui m'a écrit à
cause de lui : dis que je ne t'en ai rien raconté.
Merveilleux temps ensoleillé.
Aujourd'hui, bain de soleil tout l'après-midi sur l'Alm (1800m). Puis, descente
vertigineuse en ski, non sans peine, il est vrai.
Je lis un livre merveilleux :
"Schau heimwärts Engel" ! de Thomas Wolfe, un jeune américain. Edité
par Rowolt. Si tu peux l'emprunter dans une librairie amie… Toute l'Amérique y
est :psychologie balzacienne, plus le style de Joyce, qui est continuellement
dompté
Je pense tendrement à toi.
Iwan
Ivan
Goll Ehrwald à Claire 37,
Quai d'Anjou Paris du 18.02.1936 MST p.192/193
Ehrwald,
18.2.1936
Chère
Zou,
Aujourd'hui, je t'envoie un nouveau
poème de la Seine [1], pour te
prouver que je ne vis pas seulement à Ehrwald, mais aussi, par instants, à
Paris, Quai d'Anjou, en ta délicate présence. J'ai écrit cette chanson ce matin
au réveil, d'un seul trait, et je crois, à vrai dire, qu'elle est bonne, bien
que je n'aie pas encore le recul nécessaire.
Depuis avant-hier souffle le foehn
et la neige est rapidement devenue mauvaise. Il fait, à nouveau un temps tiède.
Cependant, on attend une nouvelle neige (?). Le costume de sport que tu m'as
envoyé me rend à présent les meilleurs services. Et la robe de chambre est
arrivée à l'instant, en sorte que j'aurai maintenant de confortables matinées
de travail. Merci, merci beaucoup.
N'es-tu pas seule ? pas trop triste
? J'ai vu Dans la National Zeitung ta fameuse histoire de Jeanne. Comme elle
est merveilleusement réussie !
Je t'embrasse
bien tendrement.
Iwan
Ivan Goll Ehrwald
à Claire Paris, Quai d'Anjou du 19.02.1936 MST p.193/194
Ehrwald
19.2.1936
[mercredi]
Chère
petite Zouzou,
Ce matin, la carte postale, si
triste exprimant ton abandon. Et pourtant, que je t'ai écrit de choses ! Et
j'avais l'impression qu'il y avait une déficience dans les communications postales.
Dès samedi, je l'ai senti…
Laisse-moi récapituler :
Le vendredi 14.2. je t'ai expédié
une longue lettre à Copernic, avec une lettre à Daniel et une à un client de
Shermann. Régulièrement, tu aurais du la recevoir dimanche matin.
Samedi 15.2. une carte postale sur
laquelle je te confirmais (également à Copernic) la réception du costume de
sport, ainsi que la lettre du vendredi, qui t'annonçait qu'une lettre du lundi
précédent t'attendait au bureau de poste Victor Hugo.
Mardi 18/2, j'ai envoyé une carte à
Copernic, qui t'annonçait simplement que le même jour :
Mardi 18/2, une lettre épaisse
t'était adressée à Victor Hugo, avec une lettre pour Daniel et un poème : Chanson des pêcheurs et des goujons.
Tu vois donc que je ne t'oubliais
pas, au contraire, j'étais encouragé par ta pensée et passionnément uni à toi.
Redoutant que du courrier se soit réellement perdu, j'adresse cette
lettre Quai d'Anjou.
Elle contient un nouveau poème :
"Chanson des grues", dans laquelle je développe mon expérience au
bord de la seine. Cela formera un cycle avec la "Chanson sur les
Ponts" et d'autres Il s'intitulera
" Chanson de la Seine". Mais je n'ai aucune idée de ce que vaut ce
nouveau poème. Je te l'envoie seulement pour rester en contact chaleureux avec
toi. Pardonne si c'est manqué. Par ailleurs, j'attends que tu me fasses une
critique détaillée, aussi bien de la Chanson d'aujourd'hui que celle d'hier.
En
tout amour
Ton
Iwan
Ivan
Goll Ehrwald à Claire Paris du
20.02.1936 MST p.194/195
Ehrwald
20.2.1936
Chère
petite Zou petite soeur ,
Ta
lettre de mardi a balayé mon inquiétude. A présent, tu ne te plaindras plus de
la rareté de mes lettres. Je t'inonde maintenant, à proprement parler, de ces
feuilles vertes d'hiver. Mais je ne sais toujours pas exactement à laquelle des
3 adresses je ferais le mieux de les envoyer. Tu sembles ne pas aller très
volontiers à la poste Victor Hugo.
Je continue à travailler ferme au
cycle de la Seine. Preuve, ce troisième poème, qui n'est en réalité pas
nouveau, mais une fusion de deux précédents, celui "Sur les Ponts" et
un que tu ne connais pas. Comment te plaira-t-il ? Il y a deux versions.
Laquelle prendre ? Aujourd'hui déjà,
celui d'hier "Les Grues" me semble t'avoir été expédié prématurément.
C'(est certainement le plus faible des trois. Je voulais fusionner en une
vision les 3 concepts "grues" : oiseau, mécanique, putain. Entreprise
peut-être impossible.
Cette histoire de la note
d'électricité m'irrite. J'espère qu'elle n'a pas provoqué la mauvaise humeur de
la concierge ? Tu as bien fait de payer les 20 Frs.
A présent, c'est la note du Gaz qui
arrivera ces jours-ci. Environ 95 Frs. S'il te plaît, paye la de suite avec
l'argent du 1er mars. De plus, je voudrais te prier de donner 10 francs à la
concierge. Cela suffit. Après
que tu auras souscrit de l'argent de mars ta part et le montant du gaz, je te
prie de m'envoyer le reste. Ce sera très maigre. Jusqu'à présent, je continue à
jongler avec les 250 francs que j'ai emportés. Paula fait très bien la cuisine.
Aujourd'hui, il y a un énorme chou-rouge avec du lard, qui suffira pour 2
jours. Le dimanche, nous sommes régulièrement invités chez une amie riche.
J'ai pris très à cœur tes désirs de
tissus.
Magnifique, que tu aies découvert
pour toi la piscine Molitor. Cela te procurera un renouveau de force vitale.
Quand il fait beau, tu devrais t'y rendre à pied.
Ici aussi, tout est devenu
printanier. Ci-joint la première petite fleur qui s'est épanouie sous la neige.
Ton
tendre
Iwan
Ci-inclus,
je t'envoie aussi la déclaration d'impôts. Je n'ai déclaré que ce que nous
gagnons en réalité, afin qu'on nous respecte. Mais il faut que tu te renseignes
auprès de la concierge sur l'adresse de notre nouveau Contrôleur des
Contributions directes de Paris IV.
Cependant,
expédie toi-même la déclaration : elle n'a pas besoin d'y jeter les yeux
Ivan
Goll Ehrwald à Claire Paris du
22.02.1936 MST p.195
Ehrwald
22.2.1936
Chère
petite Zou,
Merci pour ta lettre de jeudi. Comme
je suis heureux que tu déclares valable la "Chanson des goujons". Tu
me donnes du courage. A présent, les autres.
La critique du "Mercure de
France" m'a amusé.
Sur la carte de Flouquet, j'ai
aussitôt rédigé ma réponse à l'enquête : la voici, adressée à Pulings, l'enquêteur.
Mets-la dans une boîte aux lettres. Flouquet sera trop jaloux s'il apprend que
je suis dans le Tyrol. L'autre fois, il s'est fort excité au sujet de mon
voyage en Italie : et je ne puis payer l'édition ?
Ah ! comme cela m'accable, que tu
continues à être si malade !
Va
donc vite, je t'en prie, chez ce médecin allemand qu'on t'a recommandé de
plusieurs côtés : même si tu n'as pas confiance, il faut tout essayer. Et son
influence psychique peut avoir de bons effets. Il paraît que c'est un type si
consolant.
Je pense à toi, plein de douleur et
d'amour.
I.
Ivan
Goll Ehrwald à Claire Paris du
23.02.1936 MST p.196
Ehrwald
23.2.1936
Chère
petite sœur,
Ta
tristesse persistante à laquelle s'ajoute ta faiblesse corporelle me donnent un
grand souci. Je t'entends pleurer dans les nuits. Je voudrais tellement te
venir en aide. Tu es dégoûtée de tous les médecins. Je me demande si peut-être
l'influence de ce sage et bon Jean Boos ne te ferait pas du bien. Ecris-lui que
tu veux le voir. 17, rue Lévis, Paris XVII. Mais sois prudente.
Sassia, qui était autrefois si
généreuse, est devenue très jalouse à la suite de nombreuses désillusions. A
présent, je ne sais pas du tout si elle est encore en voyage : Alger-Le Caire,
etc.... Depuis Noël, je n'ai pas entendu parler d'elle. Mais tu peux écrire à
Boos, que tu as besoin de le voir, en mon nom, à cause de Shermann, auquel il
s'intéresse démesurément. Et comme celui-ci viendra prochainement à Paris, tu
peux lui proposer de les réunir : dis-lui que je suis au Tyrol, etc...
Après les 3 chansons, une pause
subite s'est faite dans mon travail.
Cette nuit, il a beaucoup plu ici et
s'en ai fini momentanément des excursions à ski, etc. Par contre, nous avons eu
quelques soirées de carnaval très animées, comme elles ne sont possibles qu'en
Autriche. Il y a eu, presque tous les 2 jours, un bal masqué, une fois au
"Gasthaus von Stern" [Auberge
de l'Etoile], puis au "Grüner Baum" [
L'Arbre Vert ].
Tu sais que j'ai écrit quelque chose
sur les déguisements et masques tyroliens, si dramatiques. Mes amies ont
l'usage de se déguiser et se masquer ; ensuite elles se cachent et se cherchent
l'une l'autre. J'ai participé à ce jeu. Un soir, j'étais costumé en vieille
femme, avec tous les accessoires : jupon, jupe, châle, jabot de dentelle,
chapeau, sac à main, parapluie, bas, gants : tout m'allait et c'était criant de
vérité. Les gens du village se prêtent les uns aux autres toute leur
garde-robe. Personne ne m'a reconnu. C'était charmant.
Mais à partir du Mercredi des
Cendres, Ehrwald redeviendra un petit trou silencieux et endormi.
J'espère recevoir bientôt de
meilleures nouvelles de toi et je reste
celui qui t'aime toujours
Iwan
Ivan
Goll Ehrwald à Claire Paris du
26.02.1936 MST p.197/198
Ehrwald
26 février 1936
Chère
petite sœur,
Tes lettres sont de plus en plus
tristes et mon cœur de plus en plus battant. Tu ne dois pas t'abandonner à des
pensées si sombres. Tu dois t'adonner aux forces de la confiance. Le printemps
est proche et le Portugal nous fait signe...
As-tu été chez le docteur ? Et as-tu
écrit à Boos ?
En ce moment, je suis dans une bonne
"passe" de travail, comme on dit ici. En dépit du ski et du carnaval.
L'atmosphère poétique est favorable.
Aussi, je continue à écrire des poèmes, même
alors qu'ils ne sont pas toujours réussis. Pourquoi déconseilles-tu les
chansons populaires, alors que sur les 3 chansons, 2 t'ont bien plu ? (il
m'intéresserait, en outre, de savoir pourquoi la 1ère version de
"Pont-Marie" t'a séduite et pas la 2ème. Dans quelle mesure la
première est plus forte ?)
A présent, voici un nouveau chant de
"Jean sans Terre". Je suis absolument incertain de sa valeur. C'est toi
qui décideras. Je crois que toute une série de chants analogues (Jean sans Terre
au Ghetto, etc., etc.) pourrait constituer un bon cycle ? Tu remarqueras que ce
nouveau chant a un rythme beaucoup plus strict que le premier. Je me laisse
maintenant, très volontiers, séduire par la forme, qui n'est, à vrai dire,
qu'une femme coquette, mais qui enflamme fort le poète.
Mais peut-être cette Chanson du
Pont, par laquelle je voudrais en finir avec le motif du pont, n'est-elle bonne
qu'à jeter au fumier ? Je m'y attends.
Merci pour les autres développements
de tes lettres. Mais j'ai dû sourire du trait rouge dont tu as souligné
l'information, qu'une des poésies publiées dans "Les Cahiers du Sud"
portait en dédicace le nom de Thérèse Aubray. Voici l'explication. Tu pourras
lire sur la première page de la revue que Th. A. fait partie du comité de
rédaction. Or, tu sais que, dans le volume, une poésie lui est dédiée *. Elle
m'a prié de lui laisser choisir les textes à reproduire dans la revue. Pourquoi
pas ? elle a choisi justement le poème qui lui était dédié. Sinon, jamais un de
mes poèmes n'aurait paru là-bas, peut-être. C qui, d'ailleurs, ne serait pas un
malheur. Mais...
Plus d'argent pour le port d'un
exemplaire ? Pauvre malheureuse !
Mais à
la fin de cette semaine, arrivera le chèque violet de Nice.
Prends
pour toi, comme je te l'ai dit, ta part, paie le gaz et l'électricité, et
adresse-moi le reste. Donne-au concierge 20 Frs. Car le 15 avril approche.
Je te serre sur mon
cœur,
Yvan
"Le
septuple Tour" : il y a dans le 1. poème :
Il
fait sept fois
Le
tour de la terre
[ Jean
sans Terre sur le Pont ]
*Les
Veuves, 31 ème poème du "Métro de la Mort".
24 février, premier poème de Jean sans
Terre : J.s.T. fait 7 fois le tour de la terre
3 mars : 2 autres dont Dom Juan sans Terre
et sans femme
Ivan
Goll Ehrwald à Claire Paris du
4.03.1936 MST p.198
Ehrwald, 4 mars [1936]
Chère petite Zou,
Tes
lettres se font plus rares. Ta dernière paraissait avoir été retardée, car elle
m'annonçait l'arrivée des fruits confits de Nice, alors que déjà on
s'inquiétait d'eux par télégramme. Comment as-tu pu attendre si longtemps pour
me les annoncer ? Je n'avais pas encore rédigé ma lettre de remerciements, car
je ne pouvais pas non plus supposer que ma mère enverrait déjà l'argent le
lundi 24 ! Sans doute sur tes instances. Et celle qui t'était adressée devait
provoquer une confusion complète ! J'avoue que ce fut le cas aussi dans mon
esprit. Je ne sais plus du tout quand et quoi je dois écrire.
Crois-tu
que la carte d'anniversaire pour le 6 mars aura remis tout en ordre ?
J'espère
que tu as, au moins écrit pour arranger cela.
Voici encore un chant de "Jean
sans Terre".
Sans
doute, tu m'adresses des louanges pour le premier, mais elles ne sont pas très
convaincues. S'il te plaît, dis-moi exactement ce que tu penses des 3 poèmes,
et si je ne m'expose pas, dans ces eaux, à un danger réel. Tu t'exprimes trop
peu, et tu n'es pas assez attentive aux vers. Est-ce qu'ils ne t'intéressent
pas ? Ou désires-tu ne pas me désillusionner ?
J'ai été
très heureux d'apprendre que tu vas mieux, et qu'en outre, tu as été bien
soignée.
Ton état
moral semble aussi être redevenu plus ensoleillé.
Ici le
foehn souffle à travers la maison et le cœur.
Qu'il
porte mon baiser jusqu'à toi.
Yvan
Merci pour Paris-Soir
Ivan
Goll Ehrwald à Claire 19, rue
Copernic, Paris du 06.03.1936 MST p.199/200
Ehrwald,
6 mars [1936]
Chère
petite Zouzou,
Encore aujourd'hui, pas de lettre de
toi.
La communication avec Nice-Nancy est
complètement interrompue. C'est grave. Comme je te l'ai dit, tu ne m'as jamais
fait savoir si les fruits confits étaient arrivés. Aujourd'hui, je ne sais pas
s'ils sont encore dans le Midi ou non. Que dois-je écrire ?
Voici, peu à peu, un nouveau Chant
de "Jean sans Terre". Si je t'ai priée, dans ma dernière lettre, de
discuter ces poèmes avec moi, à fond, c'est parce que j'ai réellement besoin
d'une directive. Tu auras sans doute remarqué que ce thème lyrique se développe
lentement en une œuvre assez grande, dans laquelle je voudrais dire tout ce
qu'on peut dire à un homme d'aujourd'hui. Je reprends et rassemble en un tout
les contenus de centaines de petites poésies éparpillées que je n'ai jamais
achevées, et je cherche à leur donner une forme définitive.
Bizarre, peut-être : la forme rigide
m’est extraordinairement utile et ne me freine à aucun moment, mes idées sont
aussi libres et faciles à exprimer que
précédemment dans le vers libre. Je voudrais apprendre de toi si je ne me
trompe pas. Je t'en prie, donne-toi cette peine et soumets le tout à une
réflexion sérieuse.
Il n'est
pas encore nécessaire de montrer ces Chants à d'autres, tels qu'Audiberti,
etc.. Je te prie de n'en rien faire.
Je continue à travailler.
Finalement, qu'est-ce que ça peut faire, même si je me trompe ? La neige
et le soleil ne me détournent guère de mon chemin.
Tendrement
ton
I.
J'envoie cette lettre rue Copernic,
car il me semble que tu vas maintenant plus rarement Quai d'Anjou.
Tes corrections sont-elles arrivées
de Bruxelles ?
As-tu envoyé ma lettre aux Döblin ?
Je n'ai pas reçu le numéro des
Cahiers du Sud.
N'envoie Paris-Soir que lorsqu'il
s'y trouvera quelque chose d'important, pas régulièrement : le port est si
coûteux.
Reçu les 131 schilling : et avec ça,
je dois tenir pendant 31 jours ! ici ou là !
Je donne à présent des leçons de
français à une dame : à 3 schilling. De quoi payer mes cigarettes.
A l'instant je trouve à la poste la
lettre ci-incluse de Jahr-Salzburg, avec échantillon.
En effet, je ne suis pas passé par
Innsbrück, car je me suis arrêté à Landeck, où le train arrive une heure avant,
et d'où un autobus conduit maintenant à Ehrwald.
Rien que le voyage jusqu'à Innsbrück
coûterait 25 schilling.
Réponds, s'il te plaît, et renvoie
la lettre et l'échantillon.
(Les
boutons ne sont pas encore arrivés à ce jour).
Ivan
Goll Ehrwald à Claire 37,
Quai d'Anjou Paris du 7.03.1936 MST p.200/201
Ehrwald,
7 mars [1936]
Chère
Zou,
Encore une journée sans lettre.
A présent, tu inaugures la lettre
hebdomadaire. Bon. Je me suis seulement énervé à cause de Nancy, et finalement, aujourd'hui, dernier délai, j'ai
rédigé une lettre au petit bonheur. S'il te plaît, lis-la exactement, ce
que tu ne fais pas toujours. Je crois que Daniel commence à être très méfiant,
et si tu trouves une faute quelconque dans cette lettre, ne l'expédie pas.
Mais, fais-moi savoir aussitôt en quel sens je dois écrire.
Malheureuse
: un nouveau Chant de Jean sans
Terre te choit aujourd'hui sur la tête ! Peux-tu te représenter ce
qu’aurait été notre petit univers si depuis vingt ans j’avais fait des poèmes
sous cette forme ? Peut-être alors te serais-tu détournée de moi beaucoup
plus tôt.
Mais ne t'endors pas, ne baille pas. Malgré ce ronron, tu
trouveras, de-ci de-là une pensée bien construite et une strophe pleine de
sens. Heine a bien écrit « Deutschland » de cette manière. Et tous
les autres. Tout dépend de la construction et du sens - de cela, je suis de
plus en plus conscient.
Surtout
ne crains pas que le public s’ennuie : tel est le secret d'œuvres plus secrètes. En outre cela
ne va pas continuer longtemps de la sorte. Il y aura probablement 7 Chants en
tout, sur lesquels tu en possèdes 5. Et je sais dès à présent que certaines des
strophes devront être rayées ou changées ou remplacées, parce qu'on les a
dactylographiées trop tôt.
Je pense
que tu me feras savoir comment tu vas.
Ton
Iwan
Les
boutons d'argent t'ont été expédiés ce matin
Ivan
Goll Ehrwald à Claire 37,
Quai d'Anjou Paris du 11.03.1936 MST p.201/202/203
Ehrwald,
11 mars 36
Chère
petite sœur,
Merci pour tes lettres de vendredi
et de lundi, entre lesquelles il est survenu un si grave événement historique [2].
Il est d'une très grande portée, mais il
ne conduira pas à la guerre! Encore une fois, la réaction des gouvernements
occidentaux sera tiède, bien trop tiède : on le remarque déjà à l'attitude de
l'Angleterre .On écoute Hitler, on pèse ses paroles : on réfléchit ! au lieu
d'ordonner aussitôt, avec une énergie de fer : "Halte-là ! Cette fois, non
! Arrière ou…", Mais devant ce
"ou", tout le monde a peur, et il est pénible de lire que même le
ministre français de la guerre apaise le pays, cherche à expliquer que
l'occupation de quelques forteresses à l'Est était prévue de toute manière.
Encore une fois, ce tour de Hitler paraît presque réussi. Il ne lui arrivera
rien. Il a eu raison !
Ainsi
donc, les choses n'en sont pas encore arrivées assez loin pour qu'on
s'inquiète. Je suis attentivement le déroulement de la situation. on négociera
de nouveau - ce qui était démilitarisé sera remilitarisé. Ça dure ainsi depuis
15 ans - jusqu'à ce que ça explose. Mais sans crier gare. Quand ça lui
plaira. Les démocrates sont bien trop convenables pour pouvoir s'entendre avec
des démons.
Je crois que nous pouvons continuer,
encore un bout de temps, encore un bout de temps à faire des poèmes. Plus très
longtemps. Mais juste assez longtemps pour qu'on ait vidé son cœur. Après nous
le déluge. Tu as tort de croire qu'on n'a pas le droit de se contempler dans un
miroir : qu'y a-t-il de mieux à faire, je te prie ? Je veux dire : de mieux,
qu'écrire des poèmes comme "Jean sans Terre" ? Je te suis très
reconnaissant de ta critique ; mais cette fois, elle ne me persuade pas et,
Dieu merci, ne me décourage pas non plus. Je veux continuer à rimer aussi
longtemps que ça ira : et voir ensuite, après deux mois de rafraîchissement, ce
que vaut le vin. Il me semble malgré tout que la forme me fournit un grand
appui et une économie des moyens de composition. Que reste-t-il alors de toutes
ces choses sans forme que j'ai créées antérieurement, et les années précédentes
? Toujours, j'avais devant les yeux une grande composition poétique compacte,
et toujours tout se dissolvait, parce que je n'avais pas trouvé de forme.
Ne plaisante pas sur ce vers court.
C'est une lame difficile à manier. Autant que je puisse m'en souvenir, cette
strophe brève et rimée a souvent été employée dans les oeuvres classiques
étrangères, comme par exemple le romancero espagnol, et - je te l'ai déjà dit -
dans les longues compositions de Heine. Ou devrais-je peut-être choisir
l'alexandrin ? Jamais !
En admettant que, de ci de la, une
strophe puisse être raturée, par exemple l'espagnole - Et puis après …il subsiste tout de même
quelques valeurs poétiques. Donc je continue, jusqu'à ce que je ne puisse plus.
Et cela pourrait bien arriver assez tôt.
Je sens mes forces m'abandonner.
Mais je ne voudrais pas fixer une date d'avance pour mon départ d'ici.
Il faut aussi qu'à ce moment, la
traduction de César soit terminée. Il y a une chose que tu devrais, tout de
même, me concéder : c'est que j'ai travaillé beaucoup et avec acharnement, et
que ce n'est certainement pas du temps perdu.
Chanson des Goujons et Chanson du
Pont-Marie paraissent déjà prochainement dans un tirage à part des Quatre
Chemins.
Hier, un jour après leur réception,
je t'ai envoyé les feuilles corrigées de "Métro", avec la prière de
les faire suivre aussitôt à Bruxelles. Merci bien. Ainsi, à mon retour, j'aurai
à m'acquitter d'un joli service de
presse.
S'il te plaît, ne prends pas trop au
sérieux la lettre du Dr. Mayer. L'homme et la lettre sont beaucoup plus
inoffensifs que tu ne crois. Mais le "Don Juan sans Terre et sans
Femme" doit t'irriter fortement. Je lui envoie une carte illustrée d'ici
et je lui dis que j'aimerais bien mieux aller bientôt au Portugal qu'à
Boulogne.
Ci-inclus,
une lettre de Shermann, arrivée aujourd'hui. Il sera à Paris vendredi soir,
comme tu peux le voir. Il ne faut pas que je le laisse tomber, il est le seul
espoir qui me reste de gagner quelque argent. S'il te plaît, remplace-moi
sérieusement auprès de lui, jusqu'à mon retour. Tu peux faire cela pour moi.
Sinon, où serait la fraternité ? Je t'en prie, cultive-le soigneusement pendant
quelques jours. Téléphone-lui samedi matin dès 9 heures, et dis-lui que tu veux
le voir en mon nom. Vous pourrez déjeuner ensemble, dimanche. Tu peux lui dire
aussi le nom du journal qui veut entreprendre quelque chose avec nous : c'est Philippe Soupault qui est
maintenant le rédacteur d'Excelsior (Petit Parisien, rue d'Enghien). Téléphone
aussi, samedi matin à Soupault et va ensuite le voir, éventuellement, avec
Shermann. Une conversation avec Soupault t'intéressera certainement, en même
temps.
Par ailleurs, je crois que Shermann,
pour le début, sera un peu ladre, jusqu'à ce qu'il ait repris pied. Si tu ne
lui téléphones pas, il nous échappera. Drach, qui est sans situation en ce
moment, va vouloir le tirer à lui.
Et voici une nouvelle lettre à mes
parents. Quand leur as-tu envoyé la précédente (de samedi) ? Pas trop tard,
j'espère. La chute des rentes de lundi est une belle histoire. Hélas, hélas,
mes prévisions se réalisent …
Comme je me réjouis de ta meilleure
santé corporelle ! De ton Philipp, de tes perce-neige, de tes soirées chez
Deharme et Desnos.
Avant-hier, je suis descendu sur mes
skis de la Stugspitze : excursion divinement belle, diablement fatigante. Tout
s'est bien passé.
Aujourd'hui, c'est de nouveau le
printemps ici, et je t'envoie un petit zéphyr-baiser.
Iwan
J'écris
à Salzbourg. As-tu reçu les boutons, as-tu choisi, et m'as-tu réexpédié le lot
?
Ci-inclus,
les formulaires remplis : porte-les de préférence toi-même au bureau
(renseigne-toi pour savoir où), la concierge n'a pas besoin de jeter un regard
sur notre âge, notre origine, etc.
lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 14 mars
1936 ***
mon cher Ivan Goll,
Vos vers me
paraissent très significatifs de cette maladie que je vous ai communiquée,
celle de la méningite chorégraphique, de l'algèbre mnémotechnique, de la
périodicité du remords, de l'angle droit qui serait une circonférence, de la
circonférence qui, dans le secret d'elle-même, se veut un paraphe tendu vers
l'ailleurs, vers le sud sublime ou le nord le plus grand. Voilà bien des mots
pour essayer de désigner l'aptitude prosodique que le mystérieux murmure des siècles
humains nous confia pour que nous en fassions le meilleur usage. En réalité, il
est bien inutile, sinon dans l'intention évidente de dresser un petit autel du
pur verbiage, de s'embarquer dans un démontage ou une justification de ce
procédé - la prosodie régulière - qui, comme la plupart des créatures de ce
monde, comme toutes, puise sa plus efficace référence, et découvre aussi sa
plus touchante excuse, dans ceci qu'elle existe. Tout ce qui existe est sacré,
n'est-ce pas ? Tout ce qui existe, une punaise, un camembert, une sirène, un
pied, un silence et la peur, renferme, suppose, oblige, annonce et remplace
tout le reste de ce qui existe. Mets-toi devant un arbre, o Goll, et mange-le.
Mange le des yeux. Mange le du cœur. Touche le tant que tu peux. Qu'il t'entre
! Qu'il te possède : son poids supputé… sa couleur percée … son branchage
appris, et, sans doute aimé … ses feuilles comptées, et chacune écoutée …Et
bientôt, son langage et, bientôt, sa chanson, de l'écorce venus par les chemins
du rêve et de la contemplation … Le monde sur le plateau que portent les bras
d'un arbre… Ainsi de la poésie classique …Un thème d'activité sensible, une
déesse, un peu maigre et fade, de l'école, avec son organisme, sa façon
générale, sa place dans l'espace, dans l'histoire. Eh bien ! si ce n'est pas la
seule des déesses, si même ce n'est que la plus humble d'entre elles, si ce
n'est pas la plus auguste des religions, si même ce n'est que le plus modique
des ritualismes, contemplons la, pressurons la, visitons la, faisons la vibrer
à fond, trions en toutes les odeurs de la semence, conférons lui, sur les
ambigus divans des noces, toutes les attitudes possibles de la volupté et de la
terreur et ne la laissons que comblée et vidée, son trésor en nous et le nôtre
en elle, ointe d'humain des pieds à la tête, et nous-mêmes tout rayonnant des
prestiges subli-physiques dont les rapports si poussés nous valurent le
singulier revêtement. Tendons, avec elle, aux plus parfaites épousailles, non
parce qu'elle est elle, mais parce qu'elle est une bête au torse de matière,
aux ailes d'inconnu, et qu'un travail achevé, une passion emplie à ras bord,
une totalité qui se conçoit et s'exprime, cela avance extrêmement l'homme vers
la connaissance, c'est à dire vers le divin, c'est à dire vers la beauté.
Naturellement, on
pourrait nous répondre que d'autres occupations, le billard, la philatélie,
l'alpinisme, comportent les mêmes privilèges d'exaltation subjective, aux yeux
des témoins attentifs qui, dans leurs mains, tiennent la terre, la même vertu
spectaculaire. Rétorquons que la poésie est de race hautement royale et qu'il
existe une hiérarchie dans les maîtresses symboliques qui attendent - et
menacent - l'homme laborieux et créateur.
En ce moment-ci,
je suis étrangement bien portant… Vais-je perdre une inspiration qui semblait
assez liée à ce que de solitude et d'effroi perpétuels engendrait ma fatigue
haletante? Par contre, je m'initie aux ennuis d'argent, sévèrement.
J'ai été chez vous
hier, à dix heures et demie, mais vous n'y étiez pas (vous seriez bien surpris
si je vous annonçais que vous y étiez…) J'ai salué avec sympathie la voiture
d'enfant qui se trouve en-bas, dans le vestibule.
Avez-vous toujours ma jeune fille,
et meiner Baum [ mon arbre ]
Ne les perdez pas.
Merci.
Herzlichst
SDdV Aa43 (200/201/202) - 510.299 III
Ivan Goll Innsbruck
à Paula
Ludwig Ehrwald 24 mars 1936 ImsL
p.395/396
Ma
à traduire
Yvan chez sa
mère à Nancy [ 25 mars 1936 ] à son
oncle (?)
Mes chers,
Vu
tous ces bruits de mobilisation, je viens vous prier de tenir strict silence
sur tout ce qui me concerne et où je me trouve. Si un avis militaire devait
être envoyé à mon adresse, mettez le s.v.p. sous nouvelle enveloppe et
envoyez-le immédiatement ici à l'adresse Daniel Kahn. Je ne sais pas encore ce
que je déciderai et à quand mon retour. Il est sûr qu'une fois à Metz, il me
serait plus facile de retraverser la frontière.
La population ici est très énervée.
En cas de guerre, je ne sais pas encore quelle marche il y aurait à suivre.
Néanmoins tout n'est pas perdu. Nous avons encore tous un peu d'espoir.
Quelques nouvelles de Metz nous feraient bien plaisir, peut-être un conseil
émanant de la famille à mon sujet !
Je vous réitère de ne répondre que
vaguement à toutes les questions sur moi.
Voici un Tischebof qu'on célébrera dans un
état d'âme bien ressemblant à l'histoire. Tachez, sous toutes ces circonstances
de garder le sang froid et une bonne santé. Je voudrais bien être autour de
vous et suis pourtant si heureux d'être auprès de ma chère maman et de Daniel
qui ne sait que faire pour moi.
Je vous embrasse ainsi que toute la
famille bien affectueusement
Mig
/ Détruisez toute notre correspondance aussitôt lue.
SdDV 510311
carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 27 mars 1936 ImsL
p.394
27 mars [1936]
[Paris]
Chère Palu
Iwan
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 29 mars 1936 ImsL
p.394
Paris 29 mars 1936
Chère Palu
Ton passionné Ma
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 4 avril 1936 ImsL
p.399
[Paris le] 4 avril 1936
[ Hôtel Majestic, Av. Kléber]
Chère Palu
Je me réjouis de ton nouvel article.
Ton inondé par la pluie Ma
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 9 avril 1936 ImsL
p.400
Jeudi
vert
[Paris 9 avril 1936]
Chère
Palu
Ton
joyeux excité
Ma
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 10 avril 1936 ImsL
p.401
Vendredi-Saint
[Paris 10 avril 1936]
Chère
Palu
Palu,
comme je t'aime !
Ma
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 20 avril 1936 ImsL
p.402
[Paris le] 20 avril 1936
[
Hôtel Majestic, Av. Kléber]
Chère
Palu
Ton
frémissant (tremblotant ?) Ma
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 24 avril 1936 ImsL
p.402/403
[Paris le] 24 avril 1936
[
Hôtel Majestic, Av. Kléber]
Chère
Palu
Je
t'embrasse Ma
à traduire
29 avril 1936, mort brutale à l'âge de 73 ans, de
Daniel Kahn, beau-père d'Yvan
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 29 avril 1936 ImsL
p.403/404
Paris 29 avril 1936
Chère
Palu,
Mon adresse à Nancy :
Poste Restante, Bureau Saint-Jean,
Nancy, Meurthe-et-Moselle, France
Ton
très abattu-brisé
Iwan
à traduire
lettre d'Ivan Goll Nancy
à Paula
Ludwig Ehrwald 4 mai 1936 ImsL
p.404/405/406
Nancy 4 mai 1936
Chère
Palu,
Ton
tout frémissant
Iwan
à traduire
Ivan
Goll Nancy à Claire 37, Quai
d'Anjou Paris du 4.05.1936 MST p.204
Nancy,
4 mai 36 [lundi]
Chère
petite Zouzou,
Rarement, j'ai éprouvé un sentiment si noir et si étouffant qu'hier après-midi après que tu m'eus laissé derrière toi - pour tout l'avenir me sembla-t-il - dans l'atmosphère grise de cette ville et dans le froid mortel de la maison maternelle.
Pour
me consoler, en quittant la gare, j'ai
voulu boire quelque chose d'intellectuel et j'ai acheté Les Nouvelles Littéraires. Et qu'y ai-je
trouvé ? Mes poèmes sur le Printemps et
la Mort, qui avaient certainement paru
le 1er mai, jour de l'enterrement du
pauvre Daniel (1) alors que je me
trouvais effectivement en face du printemps et de la mort au cimetière de
Préville !
Ce
matin, de nouvelles causes de souci s'abattent sur nous en tempête. Ces
élections à la Chambre ! Je me suis battu comme un lion avec ma mère, qui ne
voulait rien savoir et ne pensait qu'à sa douleur, et j'ai obtenu tout de même
qu'elle m'autorise à placer une somme, comme j'en avais l'idée depuis longtemps.
Dans
ce but, je viendrai demain à Paris. Je pars à 8 h. 48 d'ici, suis à 13 h 18 à
la gare de l'Est, m'acquitte aussitôt de mes affaires et repars à 18 h. pour
Nancy.
Si
tu reçois cette lettre à temps, je te prie d'être au Café Napolitain à 3 H.
Ensuite, je ferai encore un saut au Quai d'Anjou.
L'action
et le mouvement ont secoué l'abattement où je me trouvais.
En
tout amour
Ton
Yvan
(1) beau-père d'Yvan Goll
lettre 7 mai
1936 de Goll, Nancy à la Loyd and
National Provincial, Paris
Nancy 7 mai
1936
Lloyds and National Provincial,
Foreign
Bank Ltd
Agence Paris
Paris
Je vous
envoie ci-inclus :
18
Bons du Trésor 4 ½ % 1934 à 1000 fr
N° 01708813 à 01708820
N° 01317282 à 01317286
N° 01440453 à 01440459
5 Bons du Trésor 4 % 1935 à
1000 fr
N° 00609045 à 00609049
1 Bon du Trésor 4 % 1935 à 5000 fr
N° 00089015
et vous prie de les vendre au mieux
à la Bourse la plus prochaine.
En
outre, je vous prie d'acheter
à la même bourse pour la contre-valeur
du
rendement de ces Bons un chèque en
Livres Sterling
sur Londres ou mieux,
et envoyez-le à mon compte de votre
maison
de
Londres : West End Brand, 72 Kaymarket
à mon crédit
Comme
je suis en voyage, conservez toute la
correspondance à ma disposition à vos
guichets.
Et croyez à mes salutations distinguées
Isaac
Lang
37
Quai d'Anjou
Paris
lettre d'Ivan Goll Nancy
à Paula
Ludwig Ehrwald 8 mai 1936 ImsL
p.406/407
Nancy 8 mai 1936
Chère
Palu,
Ta
fleur printanière
Iwan
à traduire
Ivan
Goll Nancy à Claire Paris, 31
rue Raffet du 8 Mai 1936 MST p.204/205
Nancy,
8 mai 36
Chère
petite Zouzou
Tous mes voeux de santé et d'amour
dans ta nouvelle cellule (°), qui sera ouverte à tous les vents !
Merci beaucoup aussi pour ta carte
de beurre.
Maman est maintenant un peu plus
calme. Il s'est passé toutes sortes de choses que je te raconterai oralement.
Nous partons dimanche matin pour
Metz et je reviendrai probablement à Paris lundi. En conséquence, s'il te plaît,
ne fais plus suivre de courrier
Ton
un peu moins pâle
Yvan
(°)
l'architecte parisien Germain DOREL avait bâti pour moi et m'avait offert un
appartement "duplex", avec terrasse fleurie, ayant vue sur le Bois de
Boulogne. Yvan et moi voulions faire un essai d'existence séparée.
Après cinq mois, [de mai à septembre 1936] nous
retournâmes vivre ensemble.
carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 15 mai 1936 ImsL
p.408
[Paris 15 mai 1936]
Chère
Palu
Iwan
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald
16 mai
1936 ImsL p.408
16 mai 1936 [Paris]
Chère
Palu
avec
mon salut d'oiseau
Iwan
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 23 mai 1936 ImsL
p.409
Paris 23 mai 1936
Chère
Palu,
Ton
Mignon
à traduire
carte d'Ivan Goll Nancy
à Paula
Ludwig Ehrwald 27 mai 1936 ImsL
p.410
Nancy 27 mai 1936
Chère
Palu,
Dans
cette ville, il y a une grande place totalement entourée de grilles et de portails en fer forgé recouverts d'or
que l'on doit à Jean Lamour. Dans laquelle, rêve de toi ton
Jean
sans Terre
Ivan
Goll Metz à Claire
Paris, du 28 Mai 1936 MST p.205
Metz,
28 mai 36
Chère
petite Zouzou,
Partout,
à chaque pas, je redécouvre les chemins, les routes, les rêves de mon enfance.
Metz est vraiment une ville très vivante, et la nature qui l'environne pourrait
bien nourrir et enchanter un cœur de poète. D'ailleurs, je n'ai aucune raison
d'avoir honte de cette ville natale : non seulement Verlaine, mais aussi
Gustave Kahn, le premier des symbolistes, ami de Mallarmé, et à une époque plus
récente, de Ribbentrop et Adrienne Thomas ont passé leur enfance et leur
jeunesse entre ces murs. Tante Gaby a collectionné pour moi ces certitudes
historiques.
J'aurais bien aimé partir dès demain
pour aller te rejoindre - mais Mère désire que je l'accompagne demain, encore
une fois, à Nancy, où elle doit faire beaucoup de commissions pénibles. J'ai
donc décidé de rentrer à Paris dimanche : je prends le train à 12 h 03 et
arrive à 16 h 45 à la gare de l'Est. C'est une heure où tu pourrais très bien
venir me chercher à la gare : alors, nous irions ensemble prendre le thé Quai
d'Anjou.
En ce qui concerne l'argent, ma mère
affirme qu'elle est obligée d'aller le chercher à Nancy : et demain, cela
n'aura plus guère de sens de l'expédier extra : je l'apporterai dimanche avec
moi. Ce jour-là, il me sera d'autant plus facile de partir que Mère sera
emmenée par Edgard en excursion automobile dans le Luxembourg. J'étais invité
aussi, mais tu vois ce que commandent mes sentiments à ton égard.
Je me réjouis beaucoup de te revoir
Yvan
Ivan
Goll Metz à Claire
Paris, du 30 Mai 1936 MST p.206/207
Metz,
30 mai 36
[samedi]
Chère
petite Zuzu,
Je suis obligé de te décevoir
terriblement : je ne peux pas encore revenir demain dimanche ! Crois-moi, c'est
pour moi une plus grande punition que pour toi. ! Mais les affaires règnent sur le monde, tu le sais (peut-être trop
peu) : pour les autres, toute l'année, pour moi, parfois 3 jours à la
Pentecôte.
Comme tu le sais, j'ai été hier,
avec ma mère, à Nancy. Là-bas, nous avons cueilli à la banque les gentils
petits coupons multicolores. Alors, il s'est agi de les réaliser, et dans ce
but, nous avons été, ce matin, jusqu'au poétique Luxembourg, où ces fleurettes
printanières sont cotées plus haut que chez nous.
Mais hélas, que notre déception fut
grande : ce pays-la est si saint, que les bureaux y ferment dès le samedi de la
Pentecôte, tandis que chez nous, et aussi, comme tu le sais, dans toutes les
villes civilisées, ils restent ouverts jusqu'à midi. Résultat : un voyage pour
rien. Il faut que nous y retournions mardi. Tu ne peux pas te représenter
quelle torture a représenté pour moi ce voyage manqué et inutile en compagnie
d'une femme hypernerveuse. J'avais dû me lever à 4 h 1/2 pour prendre le train
de 6 h 50. Et nous étions déjà de retour à 11 h., pour prendre le train de 12 h
15 … et ces dépenses inutiles !
Néanmoins, je ne dois pas me
relâcher. Si elle s'habitue à entreprendre sans moi ce genre de choses, ma
présence perdra plus tard toute valeur à ses yeux.
En outre, pour le placement des
fonds, il faut que je me tienne encore énergiquement derrière elle. Là, il
faut, une bonne fois, dominer sérieusement la fameuse sentimentalité.
A présent, j'aurais voulu t'envoyer
aujourd'hui les 500 fr. en guise de consolation : mais, même en recommandé,,
comme en mandat, ils ne te seraient pas remis un jour férié. C'est pourquoi, je
préfère inclure ici 100 fr., et je te donnerai le reste mardi - car ce jour-là,
je me rendrai directement à Paris.
J'ai été très surpris que tu ne
m'aies pas écrit un seul petit mot de tous ces jours-ci : pas fait
suivre de courrier, pas de nouvelles de Shermann, Deharme, Mozart, ni de ta
santé ! Et le chèque Brody n'est-il pas arrivé ?
J'espère que tu ne passes pas là-bas
une Pentecôte trop triste.
Excuse et comprends l'importance de
ma présence ici, surtout en considération de la semaine Blum, qui menace plus
gravement. Et ne va pas croire que l'excursion automobile dont je te parlais
dans ma dernière lettre me ravit ! L'atmosphère, ici, est telle que je sors de
mes gongs et que j'en ai sérieusement mal au foie. Mais, c'est trop important !
Je
t'embrasse très chaleureusement
Yvan
carte d'Ivan Goll Echternach
à Claire Goll, Paris 2 juin 1936 MST p. 207
Mardi de Pentecôte
[Echternach
2 juin 1936]
Etrange
vision : des dizaines de milliers de pèlerins sautent, au son d'une polka,
trois pas en avant et deux en arrière: symbole de toute notre Europe actuelle
moyenâgeuse.
Cent
baisers
I.
carte d'Ivan Goll Echternach
à Paula
Ludwig Ehrwald 2 juin 1936 ImsL
p.410
Mardi
de Pentecôte
[Echternach
2 juin 1936]
La même vision de la procession
des habitants d'Echternach : des dizaine de milliers de pèlerins sautillants au
son d'une polka, trois pas en avant, deux pas en arrière : exemple de toute
l'Europe d'aujourd'hui. Comme je serais heureux de vivre cette journée avec toi.
Ton
I.
Goll est de
retour à Paris le 4 juin, va à Nancy le 15 juin, retour à Paris où il reste
jusqu'au 30 juillet. C'est le 30 juin que paraît : La Chanson de Jean sans Terre
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 4 juin 1936 ImsL
p.410/411
De
nouveau Paris 19 juin 1936
Chère
Palu,
Ecris
vite à ton triste Ma
à traduire
carte d'Ivan Goll Nancy
à Paula
Ludwig Ehrwald 16 juin 1936 ImsL
p.411
Nancy 16 juin 1936
Chère
Palu,
Mignon
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 20 juin 1936 ImsL
p.412/413***
Paris 20 juin 1936
Chère
Palu,
à traduire
Maintenant, la froidure de mai
dans lequel ton cœur se glaçait est depuis longtemps passée et les ailes de ton
esprit se mettent à frémir comme nos papillons de mars : l'été brûlant est là,
le souffle de l'Etna, les feux de la Saint-Jean et les vers luisants doivent
aussi nimber ta chevelure d'amour. J'espère voir les feux de la Saint-Jean chez
mes chers parents patients ?…
Mais tu ne sais plus maintenant
toi-même à quel saint te vouer. Tes quatre strophes de Jean sans Terre sont
aussi sévères que lui-même. Et je deviens triste quand j'y pense comme si la
mort pouvait anéantir notre été
à traduire
La critique du Frankfurter est
très correcte et très soignée. Je te l'envoie à part. Ci-joint 20 sh. pour les nouveaux flirts que tu dois rapprocher de
moi.
M.
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 7 juillet 1936
ImsL p.413/414**
Paris 7.7.36
Chère
Palu,
à traduire
carte d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 17 juillet 1936
ImsL p.415 Paris 17.7. [1936]
Chère
Palu,
I.
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 19 juillet 1936
ImsL p.415/416**
Paris 7.7.36
Généreuse
Palu,
à traduire
Je te raconterai la prochaine
aventure de Jean sans Terre et de ton persécuté
Ma.
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 26 juillet 1936
ImsL p.417/418**
Paris Dimanche 26 juillet. 36
Chère
Palu,
Je
pense à toi : je suis encore à Paris, et j'ai ta lettre de Saint-Jean qui m'est
parvenue ici. Quel bonheur ! Je reviens ce matin de Nancy et j'étais très
triste de n'avoir rien reçu là-bas.
Comme tu vois, c'est une affaire grave
de retourner une expédition. Mais je reste encore quelques jours à Nancy; après
l'adresse de ma mère ne sera plus valable, car elle s'installe à Metz. Les deux
villes sont seulement à une heure de trajet. S'il te plaît, écris-moi ta
prochaine lettre à Metz, Poste Restante (France). Cela suffit.
"L'Enfant au Village"
m'a diverti pendant quelques jours.
à traduire
Ivan
Goll Nancy à Claire
Paris, du 31 juillet 1936 MST p.207/208/209
Nancy, 31 juillet 1936 [vendredi]
Chère
petite Susu,
Tout couvert et tout gris de la
poussière des plâtres et du fatras d'un demi-siècle de désordre bourgeois,
rongé de vert-de-gris et de rouille, je ne jette même plus un regard au-dehors,
tant que tout n'est pas accompli ici. On
ne peut pas se représenter ce qu'une économie ménagère conduite par des êtres
primitifs et moyenâgeux peut engendrer de stupidités désespérantes, de crasse
inhumaine - la description du tiroir dans Le
Microbe de l'Or, est encore un conte de fées, à côté de la réalité que je
trouve dans la demeure de ma mère.
Par là-dessus, la pluie lorraine,
cinq jours de pluie continuelle : grise et automnale, comme il n'en existe que
dans ces régions. Mais elle m'a fait du bien, elle m'a lavé un peu, et purifié.
Qu'aurait-ce été, s'il avait brillé un beau soleil du sud !
Cependant, hélas, il brille ce
vendredi matin et il me rend tout triste. Non seulement à cause de mon âme de
mineur, mais encore parce que c'est demain l'ouverture des Jeux Olympiques et
que le monde entier va crier à nouveau : C'est un temps pour Hitler ! Pendant
six semaines, un ciel endeuillé s'est étendu sur l'Europe, mais à chaque date
de triomphe nazi, Dieu sourit sur l'Allemagne. Il y a déjà trois ans que cela
dure. N'est-on pas obligé d'y apercevoir réellement quelque chose de fatal ?
Et, dans le monde, cela poursuit son
cours ! Toujours plus mal, toujours plus dangereusement pour nous ! Est-ce
qu'en Espagne maintenant, ne se forme pas un troisième front fasciste contre la
France et contre la liberté ? Bientôt, nous serons pris comme des souris dans
ce beau silo à blé.
Comme je te l'ai déjà annoncé, nous
irons demain et dimanche à Metz, 5 rue Dupont des Loges : mais je n'ai pas
encore reçu, ici, que ta lettre d'hier, avec le maigre courrier. Merci.
Tranquillise-toi d'ailleurs : le jour précédant mon départ, j'avais déjà
expédié l'argent, - l'Argus, ta lettre est donc superflue.
Le mardi, aura lieu le vrai
déménagement. Tu sais ce que cela signifie.
Je suis heureux que l'édition de
Candide t'ait plu. Lis et deviens sage, apprends là, comment Voltaire, avec une
simplicité grandiose, parfois presque naïve, traite des vérités des plus
profondes, valable pour tous les temps. Candide reste pour moi le chef-d'œuvre
de la littérature française.
Une montagne de littérature
classique s'est abattue ici sur moi. Je suis rompu. J'ai lu cette nuit, Boileau
et Lamartine, en vrac : cela reste de la toile raide. Et pourtant, je veux
m'occuper davantage à présent de l'étude des vieux maîtres : je connais bien
trop peu Rabelais, Chamfort, Vigny.
Une petite partie de la bibliothèque
de Daniel pourrait être vendue. Un jeune professeur boira avidement à la source
des précurseurs. Pour nous, ce n'était que du verbiage grammatical. Mais j'en
traînerai une grande partie jusqu'à la maison.
Hier, nous avons empaqueté le linge
de maman - quelles magnifiques toiles anciennes, par instants : beaucoup de
pièces qui n'ont jamais été touchées ni lavées depuis cinquante ans.
Elle nous donnera tous les draps,
torchons, etc. Ainsi que la célèbre théière. Et de la vaisselle.
Comment vas-tu au point de vue santé
? Dans ta haute tour, si près du ciel, tu respires l'air de la campagne. N'aie
pas trop vite la nostalgie de venir ici : tu tomberais dans une atmosphère
affreuse.
Je pense beaucoup à toi et j'aimerais,
bien plus encore que les années précédentes, parcourir avec toi un paysage
italien : mais la mort et le destin m'enchaînent sans condition à cette région
sans âme.
Mon âme ne s'en révolte que plus
fort et voltige vers toi
Yvan
lettre d'Ivan Goll Metz
à Paula
Ludwig Ehrwald 1er août 1936 ImsL
p.418/419***
Metz 1 août 36
Chère
Palu,
Ma.
à traduire
Claire Paris à Ivan Goll Nancy du 2
août 1936 MST p.209
[
Paris, 2 août 1936 ]
Laisse-moi
venir à Nancy, je t'en prie; Je vais devenir folle ici .
Je
t’en supplie, ne fais pas venir maintenant Paula . Tu le feras dans deux
mois quand je me serai habituée au Quai Bourbon. Je ne peux plus, je ne peux
plus vivre pour l’instant rue Raffet, Je préfère encore mourir. Je me cache
toute la journée. Dès 5 H. je ferme les rideaux et les volets pour que l’on ne
voie aucune lumière. Là je suis délivrée d’elle et je ne veux plus
désormais la voir. Plus tard mais pas maintenant. Je t’en supplie encore une fois. :
Tu as maintenant une bonne excuse : Renvoie-la chez elle ! J’en ai
beaucoup supporté toute une année, mes nerfs sont à bout et il va y avoir un
malheur. Je ne peux pas vivre au Quai Bourbon à cause du poêle défaillant et
parce qu’il n’est pas encore là. Séparons-nous, ensuite tu seras libre.. Mais
délivre-moi d’ici.. J’ai jusqu’à présent tout fait par amour pour toi, fais
maintenant le nécessaire à mon égard. Je suis très mal en point, je cherche
maintenant la force qui me manque pour subsister
Suzu
Fais-moi
venir vite !
Demander
son avis à Nicole, s’agit-il d’un homme ou de Paula ?
Claire Paris à Ivan Goll Nancy du 2
août 1936 MST p.209
[
Paris, 2 août 1936 ]
Laisse-moi venir à Nancy, je t'en prie; Je vais devenir
folle ici .
Je
t’en supplie, ne fais pas venir maintenant Paula . Tu devais partir
dans deux mois quand j’aurais été habituée au Quai Bourbon. Je n’en peux plus,
je ne peux plus momentanément vivre rue Raffet, Je ne peux plus qu’y mourir. Je
me cache toute la journée. Dès 5 H. je ferme les rideaux et les persiennes pour
que il ne voit pas la lumière. Ici, je lui suis livrée et je ne veux pas le
voir maintenant. Plus tard
mais pas maintenant. Je t’en supplie encore une fois. : tu as maintenant
un bon prétexte : Renvoie Paula chez elle ! J’en ai trop supporté pendant
une année, mes nerfs sont à bout : il arrivera un malheur. Et je ne peux
pas vivre Quai Bourbon à cause du poêle manquant et parce qu’il n’y a encore
rien là-bas. Déménageons-nous, ensuite tu seras libre.. Mais fais-moi partir
d’ici. Car enfin,j’ai fait à cause de toi, fais maintenant le nécessaire à mon
égard. Je suis tombée trop bas, je n’ai plus la force de continuer à vivre
Suzu
Fais-moi
venir vite !
Ivan
Goll Nancy à Claire Paris du 4 août 1936 MST p.210
Nancy,
4 août 36 [mardi]
Chère
petite Souzou
Merci
beaucoup pour ta lettre d'un dimanche de pluie. Je suis heureux que tu
supportes si bien la solitude. Ton commerce avec Chateaubriand est précieux.
Peut-être travailles-tu aussi ?
Les
grands d'aujourd'hui ne sont nullement aussi petits que tu le dis. Nous
manquons de recul pour apprécier leur grandeur. Je parie qu'un Montherlant est
égal à Chateaubriand puisque nous parlons de celui-ci. Peut-être même un
Cocteau. Lis-tu, depuis trois jours son reportage : Tour du Monde en 80 jours
dans Paris-Soir ? C'est tout aussi beau, si ce n'est même plus poétique que
"L'itinéraire de Paris à Jérusalem".
Avant-hier, sa vision d'Athènes
était un poème inimitable. Il a également senti remarquablement Rouen. J'ai
gardé ses articles, si tu ne les as pas ?
Je
ne veux rien te dire de ma situation ici : je suis moralement si brisé, je me
sens si abaissé, humilié par toute cette atmosphère, qu'il m'est impossible de
reprendre un peu de gaieté. La douleur, au lieu de rendre ma mère plus sage,
l'a rendue encore plus "rapiate", encore plus impitoyable, encore
plus nerveuse que naguère. Le ton des paroles, le train de vie, chaque parole,
chaque geste, sont pour moi des gifles. Je ne puis me risquer à te faire venir
ici : tu aurais à subir d'indicibles tourments. Je préfère revenir à Paris la
semaine prochaine, je te propose un séjour de vacances, le 15 si le temps ne
veut pas redevenir beau. D'ailleurs, le 15 tombe un samedi. On le remarquera à
peine. Puis nous ferons des projets pour la suite.
Demain,
transfert définitif à Metz, 5 rue Dupont des Loges. Adieu, Nancy, prison dorée - porte Stanislas.
Il s'en ouvre une plus noire à ton
Yvan
Ivan Goll Metz à Claire Paris du 6 août
1936 MST p.211/212
Metz, 6 août 36 [vendredi]
O petit cœur,
L'averse
de tes larmes a ébranlé ce matin, en une heure étrange, les fondements et les
caves de cette maison natale dans laquelle j'ai de nouveau dormi en qualité de
fils, pour la première fois depuis trente ans : ta lettre, féconde et lourde
d'un amour contenu depuis vingt ans, a touché ma vie même, juste comme je
dressais un bilan mélancolique.
Après
les jours noirs que je viens de vivre - noire comme le Tischo Beav - ton amour
s'est ardemment rappelé à moi : une grande porte claire née de ma sombre
jeunesse. Et rappelle-toi avec quelle force et quelle ferveur, avec quelle ruse
et quel désespoir j'ai combattu pour toi. C'est pourquoi, on n'a qu'un seul
grand amour dans sa vie : parce que l'énergie humaine ne peut parvenir deux
fois à cette intensité.
Par
toi, j'ai appris à connaître les parfums des fleurs, le nom des oiseaux, la
puérilité des femmes, les Lieder de Schumann, tels que les a sanglotés une
gorge tremblante… Par toi, j'ai été délivré de la cécité de notre temps et de
la malédiction du sang qui naguère a abreuvé toute la terre …
Vois
donc, mon petit cœur ! ne pleure pas des larmes si insensées. Nous nous
appartenons l'un à l'autre jusqu'à la mort, qui en aucun cas n'est plus
lointaine, dût-elle se faire attendre encore quarante ans ! Car dans une
existence humaine, il n'y a pas autant d'expériences à faire qu'on le croit.
Seule la première est grande !: toute répétition a perdu la force lumineuse et
la robuste foi de la première.
Si
tu demandes si je suis heureux - en un temps où tu es loin, loin de moi, et si
triste - je ne puis malheureusement pas nier, pas complètement, que je le suis.
Mais cela ne provient pas du fait que je ne peux plus t'accorder ma protection
aimante, ou que je pourrais en aimer d'autres mieux, - la cause en est toujours
restée une grande énigme pour toi. "Je solliciterais vainement d'être
introduite devant tes yeux … " écris-tu. "Toujours, on s'égare avec
toi et on ne sait où on va ".
Ne
pourrais-tu écrire la même chose des yeux d'un chat (que nous avons si souvent
loués, presque enviés ?).
J'ai
toujours été un solitaire, sauf avec toi. Toute ma jeunesse, je me suis assis à
une table familiale où l'on criait et se querellait ; j'ai dû m'évader, et j'ai construit en moi
les collines d'Arcadie artificielles.
C'est
ainsi que je suis devenu un isolé. Aujourd'hui, précisément, je comprends à
quel point ce masque était et demeure nécessaire.
Auprès de
toi, j'ai vécu simplement et avec des yeux chaleureux, brûlants. ici, ils
redeviennent de verre.
Mais combien
je suis heureux, quand je puis à nouveau rêver dans la prairie, sans me
cuirasser, sans me boucher les oreilles. De là, mon être, qui n'est pas double,
mais qui a un visage et un masque.
C'est par
la dureté que je suis devenu solitaire. Ah ! quand je n'ai plus besoin de
l'être, quand je peux me blottir dans la chaleur infinie de la Femme, quelle
molle tendresse apparaît dans mes yeux ! Comme je me donne volontiers, moi qui
étais si réservé.
Mais,
prends garde à la nuance : "me donner" est autre chose que
"donner".
De quoi
parlons-nous ? Si je suis heureux ? peut-être oui, parce que tu es toujours
debout à l'arrière plan de ma vie, parce que tu m'éclaires, tu brilles sur moi
:. Si tu n'étais pas en ce monde, j'y serais certainement l'Errant sans appui,
qui depuis longtemps me guette au fond de moi. Tu es ma bouée, et tu n'as pas
le droit de l'oublier jamais. C'est pourquoi tu n'as jamais à douter de notre
amour,
qui est
aussi mouvant, mais aussi éternel que la mer
Ton
Yvan
Ivan
Goll Metz à Claire Paris du 8 août 1936 MST p.212/213
Metz,
8 août 36 [samedi]
Chère
petite Souzou,
Cela va déjà mieux moralement.
Tes lettres bleues s'ouvrent devant
moi, comme au milieu des nuages ces lambeaux de ciel nouveau qui font présager
un temps meilleur.
Nous allons voir un peu ce qui
serait possible comme séjour à la campagne. En tout cas, pour ce qui est du 15,
jour férié universel, où tous, du bourgeois à l'ouvrier, se donnent pour tâche
d'aller se faire refuser par les hôtels bondés, nous le passerons
tranquillement sur notre quai paisible. Ne m'as-tu pas dit déjà que, pour toi
aussi, c'est un "jour rouge" ?
J'ai écrit une nouvelle ballade, ce
matin, de bonne heure. Regarde si elle vaut quelque chose.
Ci-joint, mes deux derniers coupons,
avant une attaque éventuelle au moment du départ.
Ma mère est quelque peu apprivoisée.
Et je suis un peu plus
calme
et plein
d'amour pour toi
Ton
Yvan
lettre de Rebecca Metz à Claire Paris 9 août 1936
Metz le 9 août 1936 [dimanche]
Ma
chère Claire,
Merci d'abord, de votre si charmante
lettre qui m'a fait un immense plaisir et si je ne l'ai pas fait plus tôt, ce
sont les travaux de tous genres qui m'ont absorbée constamment. Je veux aussi
vous dire combien mon cher Ivan m'a été d'un grand secours, car il m'eût été
impossible d'entreprendre une pareille besogne sans aide. Grâce à Dieu, le
ménage est ici maintenant, mais il y a encore beaucoup à faire, mais,ayant
l'existence pour cela, je prendrai mon temps, puisqu'aujourd'hui, je suis
absolument seule et pour longtemps peut-être. J'apprends avec peine que
votre fragile santé est toujours très précaire, mais je sais que vous luttez
avec tout le courage nécessaire, contre le mal si tenace qui vous accable.
Prenez courage et soignez vous de votre mieux puisque pour vos travaux
littéraires et de l'esprit il faut aussi être d'aplomb. Je vous renverrai Ivan
avant la fin de la semaine, à mon très grand regret, comme bien vous le pensez.
Recevez, chère Claire, mes baisers les meilleurs,
R.
carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald
10 août
1936 ImsL p.419
Metz 10 août 36
Chère
Palu,
J'espère que tu as reçu mes envois
jusqu'à aujourd'hui sans retard.
Aujourd'hui seulement ce mot pour
te dire qu'après-demain je retourne pour dix jours à Paris, pour y régler
quelques affaires pour ma mère
Ensuite, je reviens en Lorraine et
ensuite …
Donc, s'il te plaît, tout courrier
chez mes parents
Saluts radieux à vous deux et à
tous Iwan
carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald
12 août
1936 ImsL p.420
Metz 10 août 36
Chère Palu,
I.
à traduire
Le 15 août Goll revient à Paris et il repart à Metz
fin août pour emmener sa mère dans le sud de la France
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 19 août 1936 ImsL
p.420/421/422**
Paris 19 août. 36
Chère petite Paula [ Paulchen]
I.
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris
à Paula
Ludwig Ehrwald 25 août 1936 ImsL
p.422/23/24/25***
Paris 25 août. 36
Chère Palu
I.
à traduire
carte d'Ivan Goll Ile de Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 28 août 1936 ImsL 425 [Ile de Port-Cros, Var] 28.8.36
Chère Palu,
I.
à traduire
Ivan Goll Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 4 sept. 1936 ImsL 425/426 Port-Cros 4 septembre 36
Chère Palu,
Ma.
Ile de Port-Cros (Var)
Hostellerie Provençale
à traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Ile de Port-Cros 7 septembre 1936 ImsL 426/427/428*** 7. Sept. 36
Cher Ma -
Ton impatiente
Palu
à traduire
Ivan Goll Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 7 sept. 1936 ImsL 429 Port-Cros 7 septembre 36
Chère Palu,
Ma.
à traduire
carte d'Ivan Goll Port-Cros à Paula Ludwig Ehrwald 12 sept 1936 ImsL 425 Ile de Port-Cros, 12.9. 36
Chère Palu,
Ton I.
à traduire
Ivan
Goll, 37 Quai d'Anjou à Claire 31, rue
Raffet du 16 sept. 1936 MST p.213/214
mardi
matin 4H [ 37 Quai d'Anjou ]
Chère petite Suzu,
Quatre heures : ton
réveil était inutile. Ton destin m'empêche de dormir. Je pars avec un coeur
déchiré, dans ces jours de fête.
Mais bientôt, tout ira
bien de nouveau.
J'ai réfléchi que je pourrai te consacrer toutes mes
soirées, même pendant que Paula sera là, de 7 à 10 . Je dînerai avec toi et je
te mettrai tous les soirs au lit. À elle, je dirai que j'ai un service dans une
rédaction, de 7 à 10. Cela ne lui fera rien : elle sait qu'un homme ne peut pas
et ne doit pas être toujours là.
Puisque
tu seras ma voisine, quai Bourbon, tout cela sera facile et splendide. Le matin
aussi, je ferai un saut chez toi, et t'apporterai ton déjeuner. Je ferai
simplement les provisions en double.
Ainsi
donc, installe-toi bientôt quai Bourbon! Alors, tout sera immédiatement
arrangé. Dès la semaine prochaine.
Ne
serait-ce pas mieux pourtant que nous achetions tout de suite au moins
les tapis et les rideaux, avant que le prince Bibesco revienne et s'en avise
lui-même ? 150 francs est un prix ridicule. La tenture rouge, à elle seule,
vaut davantage. Peut-être téléphoneras-tu ce matin pour dire à Richer qu'il
écrive tout de même à Bibesco, comme déjà dit, dans le sens où nous en étions
convenus hier. (Mais ne montre pas ta hâte au téléphone !) Dis-le, comme ça,
incidemment : et en ce qui concerne les meubles, nous nous entendrions sûrement
avec le Prince. Mais il faudrait que tu aies un contrat ferme au sujet de la
moquette, car tu désires déjà tout de suite faire poser les papiers peints,
longtemps avant octobre, avant l'arrivée de Bibesco. Et il est nécessaire que
ces papiers muraux soient harmonisés avec les tapis et les rideaux. À présent,
au moment où Bibesco apprendra qu'on lui verse tout de suite 7000 comptant, il
donnera les choses à bas prix.
Ensuite,
qui sait ?
Ce
soir je prie pour toi
Ivan
Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald 19 septembre 1936 ImsL p.430/431
Metz 19 sep. 36
Chère Palu,
Ton impatient I.
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 septembre 1936 ImsL p.431/432
Paris 23 sept. 36
Chère Palu
I.
à traduire
28 septembre Paula vient à Paris et habite 37, Quai
d'Anjou ; elle va y rester jusqu'au 4 novembre
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zurich 29 septembre 1936 ImsL p.431/432
Paris mardi soir
[29.9.36]
Chère Palu
Ton
I.
à traduire
Ivan
Goll, 37 Quai d'Anjou à Claire
31, rue Raffet 8 octobre 1936 MST p.214/215
Jeudi soir
Dix heures [ 8
octobre1936 ]
Chère petite Suzu,
À
l'instant, il y a 10 minutes, j'ai reçu le télégramme ci-inclus, qui bien entendu
m'inquiète fort
Je pars
demain matin à 7 heures pour Metz. Je ne crois guère que la maladie soit très
grave, car avant hier soir, ma mère m(a encore écrit une longue lettre où il
ressortait qu'elle était très gaie.
Paula reste pour l'instant dans mon appartement.
Je crois qu'en tout cas, il vaut mieux que vous deux,
vous ne vous rencontriez pas.
Si je devais être retenu trop longtemps à Metz, elle
retournerait simplement à Zurich et à Ehrwald.
Mais il est possible que tu sois obligée de venir à Metz
! Je t'écrirai demain, aussitôt, avec précision.
Aujourd'hui, j'ai appelé au téléphone à midi moins le
quart et à 8 h et quart : chaque fois, tu étais sortie "depuis quelques
minutes " Dommage que je n'ai pas
pu te parler. Je voudrais savoir comment tu vas.
Dans l'inquiétude et l'amour
Ton
Ivan
Le poêle est arrivé aujourd'hui et il brûle
magnifiquement.
du 9 octobre au 12 Goll vient auprès de sa mère à Metz
Claire 31, rue Raffet
à Ivan
Goll, Metz 9 octobre 1936 MST p.215
vendredi
9.10.36 [Paris ]
Chéri,
A
l'instant, ton pneumatique. Verte espérance. Merci pour le chapitre et pour ton
amour. J'espère que la maladie de ta mère n'est pas grave. Je t'en prie, ne
prends pas froid toi-même dans sa demeure glaciale ! Dois-je écrire tout de
suite quelques lignes à ta mère? Rédige-les, je t'en prie, à cause des gaffes.
Ici, les
jours s'écoulent amers et noirs comme le Styx. J'ai déjà un pied dans ce
fleuve... Et l'autre dans la Seine, Quai Bourbon, espérant le printemps.
N'as-tu pas oublié de donner congé ? Fais-le, en
recommandé. Tu peux d'autant mieux le faire, que je conserverai toujours cet
appartement, ici. Car tu connais la loi : plus l'un des 2 est froid et
lointain, plus l'autre le désire. Ainsi en est-il maintenant ici : seulement,
l'autre ne désire, comme déjà dit, qu'une ombre du Léthé.
Je suis
toujours avec toi, réchauffe-moi de tes yeux.
En
tout amour
Ta
Zouzou
Ivan
Goll, Metz à Claire Paris 9 octobre 1936 MST p.216
Metz.
9 octobre 36
Chère petite
Souzou,
Fausse
alerte ! Dieu merci ! J'arrive ce matin à 10 heures à Metz : ma mère est folle
de joie de me voir. Jamais encore elle n'avait eu si bonne mine . Les lèvres
rouges, une langue tout à fait saine, elle n'avait qu'un refroidissement intestinal,
le médecin lui avait prescrit quelques pilules, et lui avait demandé si elle ne
voulait pas aller dans une clinique, étant donné qu'elle est seule et sans son
soins. "Non, mon fils peut très bien me soigner, il fait excellemment la
cuisine fermer ", et le télégramme est parti. Ce voyage était absolument
inutile, Gaby en a convenu elle même. Une autre fois, je téléphonerai d'abord,
avant de partir.
Dimanche,
je reviendrai en toute hâte j'espère que tu ne coules plus des jours aussi
sombres. Pour les éclairer, voici 1 livre = 104 francs changeables n'importe
où.
Travailles-tu
?
(Peut-être
partirai-je dès demain soir : alors je pourrai cuisiner pour toi, dimanche à
midi ?) je téléphonerai dimanche matin, si...
Un
baiser aimant
Ivan
lettre d'Audiberti à Claire du 25 octobre
1936
Très chère
J'ai tardé à vous
écrire, occupé que j'étais à mettre au point ce poème que je ne trouvais pas
très réussi
Je baise vos mains trop belles
Audiberti
A bientôt ? Tout mon
cœur …
J
SDdV Aa37 (204) - 510.299 III
lettre de Goll Paris 3 novembre 1936 à Paulo Duarte, lui disant son intention de reporter son voyage au
Brésil, pour mettre en ordre ses affaires, Claire l'accompagnera, voir article
de Pierre Rivas dans Europe : Goll codirigerait le Département du patrimoine
historique et artistique du Musée de Saõ Paulo et Claire en deviendrait la
Secrétaire Générale.
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 5 novembre 1936 ImsL p.433
Paris 5 Nov. [1936]
Chère Palu
Ton solitaire
Ma
à traduire
Carte d’Ivan Schlettstadt à Claire Paris du 8 novembre 1936 MST p.213
Schlettstadt
1. septembre 36
Cher
Ange céleste,
Mon père te remercie pour ton cœur
aimant et il t’envoie , en échange ces fleurs,
Eternellement
tien, Ivan
carte d'Ivan Goll
Colmar à
Paula Ludwig Ehrwald 9 nov. 1936 ImsL
434
Colmar, 9 nov. [1936]
Chère Palu,
Ton Ma
à traduire
carte
d'Ivan Goll
Colmar à
Claire, Paris 9 novembre 1936 MST p.217
Colmar,
9 novembre [dimanche]
Chère
Zou,
Je me
suis agenouillé dans l'éclat du soleil devant le tombeau de mon père et tout de
suite après, sous la voûte conventuelle, devant la résurrection de cet esprit
immortel (Isenheimer Altar). Un jour saint.
L'Alsace
m'a accueilli de façon touchante, par du beau temps, après une nuit reposante, pendant laquelle j'ai beaucoup et bien
pensé à toi. J'espère revenir vendredi et je te rapporterai de Schlettstadt un
rameau de lierre.
Ton
Yvan
Ivan Goll Zurich à Paula Ludwig Ehrwald 10 novembre 1936 ImsL p.434/435
10 Nov. 36
[ Zurich, Select Bar, Limmatquai, 16]
Chère Palu
Ton
Ma
à traduire
Ivan
Goll, Metz à Claire Paris 12 novembre 1936 MST p.217/218
Metz le 12
novembre 1936
Chère petite Zouzou,
Pluie et
jours inactifs. Un monde sombre et sans âme, ce Metz tout en pierre
Il est
loin derrière moi, ce jour traversé d'éclairs de soleil, au-dessus de de l'Alsace : des éclairs qui faisaient
éclater les tombeaux et libéraient le Sauveur.
Ici,
parmi les vivants, on ne fréquente que la mort grise et les hommes nombreux..
Ma mère s'agrippe à sa douleur personnelle et ne lui laisse aucune relâche.
Et
pourtant, je ne peux pas encore partir demain : je dois l'accompagner à Nancy
chez le notaire. En sorte que je ne reviendrai à la maison que samedi soir, et
pourrai alors de préparer un dimanche hospitalier au quai d'Anjou.
Depuis
mon départ, je suis en très bonne santé, peut-être grâce à ta prière bleue du
soir.
Voici 50
francs pour les jours supplémentaires, et la chaleur de mon coeur.
Ivan
carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald
13
novembre 1936 ImsL p.435/436
Metz 13 Nov. [1936]
Chère Palu,
Ma
à traduire
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Paris 19 novembre 1936 ImsL 436/437*** Ehrwald 19 Nov. 36
37, Quai d'Anjou !
Paulalu
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 23 novembre 1936 ImsL p.438/439/440***
37, Quai d'Anjou
23 Nov. 36
Palu,
Je crois à ta souffrance.
Je la comprends.
Mais, je veux t'aider
Iwan
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24 novembre 1936 ImsL p.438/439/441/442*** *******
37, Quai d'Anjou
24 Nov. 36
Chère Palu,
Iwan
à traduire
[ deuxième lettre 24.11.36] ImsL p.442/443
Ton Iwan
Paula Ludwig Ehrwald à Ivan Goll Paris
29
novembre 1936 ImsL 443/444/445/446/447***
********************************** 29 Nov. 36
[Ehrwald]
Cher Yvan
Mon Ma - Ma colombe noire
J'ai écrit si longuement et si intensément à Yvan -
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 2 décembre 1936 ImsL p.447/448/449
Paris 2. Décembre 36
Palu !
Iwan
à traduire
Claire, 31, rue Raffet
à Ivan Goll, 37 Quai d'Anjou 12 décembre 1936 MST p.218
samedi
[12.12.36 - Paris, 31, rue Raffet]
Chéri,
J'y ai encore
attentivement réfléchi : je ne veux pas entrer lundi dans un appartement où
tout n'est qu'à moitié prêt, j'en ai assez des ouvriers
C'est pourquoi j'ai
téléphoné à Dumur et, sur ma demande énergique de remettre la date au même
prix, nous sommes tombés d'accord pour jeudi à deux heures. Ainsi l’électricité
pourra être installée, le W-C et le placard à linge mis en place . Celui-ci ne
sera pas dans le coin , mais au milieu du mur, et son côté ouvert sera fermé
par une planche faite par le menuisier
En conséquence de
quoi, je viendrai chez toi pour déjeuner, dimanche vers midi.
En tout amour
Ta
Zou
Et s'il te plaît, range un peu, c'est-à-dire ne laisse
traîner ni la broche d'Andrée ni la chemise de nuit de Gaby et surtout pas les
balbutiements d'amour de ta nouvelle épouse morganatique, la fille de Georges
Feydeau.
L'ordre économise et les souffrances.
Quand
tu viens chez moi, tu ne vois pas non plus la moindre cravate de D.
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 21 décembre 1936 ImsL p.449/450/451
Paris 21 Décembre 36
Chère Palu
Iwan
à traduire
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 24/25 décembre 1936 ImsL p.451/452/453
Nuit de Noël 1936 [Paris]
Manyana
I.
à traduire
Carte d’Ivan
Goll, Metz à Claire Paris 1936 MST p.219
Metz.
29 décembre 36
Chère petite Zouzou,
Voici un petit
échantillon d'art lorrain ancien.
Il fait ici terriblement
froid et brumeux ; tu y aurais passé des journées bien tristes. Quelle chance
que je ne t'ai pas emmenée.
Ma mère était
justement malade à nouveau, quand je suis arrivé, et elle a été très heureuse
que je puisse l'aider.
Nous ne chauffons qu'à
1/4 le fameux poêle à combustion continue, et il n'y a pour le dîner qu'un oeuf
et du fromage de Munster.
Je rentrerai jeudi à 4
heures et me rendrai tout de suite au quai Bourbon pour en rendre l'appartement
plus hospitalier. Arrive vers six heures. Le soir, nous sortirons peut-être
pour réveillonner.
J'apporte des rideaux,
de la vaisselle et beaucoup d'amour.
Ivan
Ci-joint 50 fr.
Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Ehrwald
30
décembre 1936 ImsL p.453/454
Metz
30 Déc.. [1936]
O Paulchen, Paula, Palu,
Ma
à traduire
lettre de la maman d'Yvan (non datée) est-elle de 1936 ou de
1939 à replacer
Jeudi soir,
Cher
Mig
Ta
lettre reçue ce matin m'a complètement atterrée en la lisant : Que l'on te
faisait une proposition, tu m'en avais touché un mot ces temps derniers, mais à
laquelle je n'ajoutais aucune importance.
Aujourd'hui,
tu sembles emballé, cette nouvelle et ton emballement m'ont atterrée à tel
point que j'ai cru sentir la terre s'entrouvrir et m'engloutir : Songes donc
que je n'ai que toi et ne vis que pour toi. Je suis sortie de cette stupeur
toute anéantie, ne pouvant plus ni causer ni respirer c'est à dire que j'ai
ressenti une syncope. Est-ce possible que je devrai survivre à cette nouvelle
catastrophe, moi qui ne vis que de ta présence, lorsque tu me quittes, je
supporte le temps jusqu'au moment de te revoir et je ne vis que dans cet
espoir: te revoir. Enfin s'il m'est donné de supporter une nouvelle épreuve
Dieu seul sait si j'aurai le courage d'aller jusqu'au bout sans fléchir. Ce
traître de Daniel m'a déjà tuée à moitié, je ne suis plus que l'ombre de ce que
j'étais et j'aurai à supporter l'autre moitié : en suis-je capable ?
On fait miroiter à tes yeux les 3000 Francs
mensuels mais la moitié ne t'est-elle pas assurée et plus ici, sans compter les
surplus* ? c'est cela qui t'enchante. Mais je suppose que tu vas réfléchir et
songes aussi que depuis quelque temps ta santé laisse à désirer. Claire de même
est souvent patraque as-tu aussi réfléchi si le climat vous sera favorable ? au
pays déjà vous n'êtes costauds qu'à demi, que sera-ce au Brésil ? Si vous êtes
malades, les 3000 Francs seront vite volatilisés et là-bas je ne vous viendrais
pas en aide et qu'est-ce cette somme pour s'expatrier ? Quant aux 4000 F
envoyés, ce n'est même pas suffisant pour la traversée à deux.
Enfin, réfléchissez bien, et
donnez-moi vite un mot qui me sorte de l'angoisse, qui me rassure et qui me
confirme que c'est à tort que tu t'es emballé.
Ta mère qui n'a que toi et qui t'embrasse de tout son
cœur
Rifka
* Rebecca versait 1500
Francs mensuellement à Goll et faisait face aux imprévus
Saint-Dié 510.340
1937
Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 janvier 1937 ImsL p.455/456 ***
carte d'Henri de Montherlant à Claire Goll
du 5 janvier 1937
Nice
5.1.37
Chère Madame
Les "Dieux", comme vous
dites, sont actuellement enfouis dans leur propre création et ne sauraient plus
distraire sans péril grave, celui de perdre l'unité de leur pensée et de leur
mouvement. Oh ! mon Dieu ! Perdre son unité, ce serait horrible ! Mais quand
nous serons redescendu des sommets, nous lirons avec plaisir, l'histoire de
l'enfant abandonné après vous avoir fait un signe de nos sourcils.
Montherlant
Yvan est à Nice,
avec sa mère depuis le 7 février 1937
Lettre d'Audiberti à Yvan Goll du 11
février 1937 ***
En réponse à une lettre d'Yvan (Nice) accompagnée du poème JsT épouse la lune soumis à l'avis critique de Jacques A. qui sera en mai 38 dans le deuxième livre de JsT.
Mon bien cher
Ami,
J'ai
reçu avec la plus grande joie, partagée par ma petite Marie-Louise, la gentille
et douce boîte de fruits confits. Je
vous remercie de ne pas oublier votre camarade métrique.
Jacqueline, la
pauvre, n'a pas pu participer au repas sucré de votre amitié. Elle est couchée
depuis quinze jours, non plus à cause del' rhume, mais elle nous fait quelque
chose comme une dysenterie amibienne. Hier, une consultation a eu lieu ici.
Aujourd'hui, je dois porter dans un laboratoire ses déjections, pour que l'on
sache exactement quelle médication lui
appliquer.
Pardonnez-moi de
ne pas vous avoir écrit plus tôt. Je suis soumis à de fortes peines.
Le quatrain hélium péplum, n'est pas évidemment, dans le
jaillissement de ce que j'eusse moi-même écrit, non plus que "insouciantes
tètent", mais là n'est pas la question. Personnellement, je n'aime pas
énormément nous drape un péplum. Nous tisse un péplum est mieux (Ici, c'est le
mystère de la voix personnelle, et je suis moi-même trop lié à une certaine
forme d'expression pour que mon jugement soit tout à fait valable).
La strophe : le
blême liquide ... m'enchante.
Mon bon ami, ne
m'en veuillez pas d'être si bref. Je dois partir au laboratoire.
La vie est
exigeante... dure parfois. Ce que vous dites de Nice m'enchante. Tout cela est
si juste. Ce faux soleil, ces cadavres debout mais il y a la vieille ville, la
patrie nissarde. Allez la saluer, place Saint-François, ou bien au coin de la rue
Colonna d’Istria et de la rue de la Préfecture. La mer et la montagne
forniquent là dans l’ordure. Le Dialecte y célèbre le Scepticisme et la
Famille. Et les pigeons prennent de beaux virages ramés. Allez, avec votre
maman, manger "Da Bouttan", place du marché aux herbes, à huit pas de
Santa Reparata. Montez au premier étage. C’est chiqué, littéraire, mais tout de
même, il y a des vestiges, des
allusions authentiques. Le patron a l'accent marseillais, mais le garçon parle un
bon niçard.
Nice ... Tout y
est faux, mais la mer, même sous les pilotis de la Jetée-Promenade, a cette
voix profonde et régulière
A bientôt ? Et merci, et pardon
J
SDdV Aa45
(257) - 510.299 III
Lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Lastra - Florence) 12 février 1937 MST p.219/220
Nice
12.2.37
Chère petite Suzu
Aujourd'hui vendredi matin, rien d'autre à la Poste que
ton télégramme qui m'attriste, car je t'avais envoyé une longue lettre mardi et
je suis désolé que ce soit aussi long pour arriver. Tu l'as maintenant
certainement en sécurité entre les mains.
Hier, ta lettre a coloré en bleu toute ma
journée, bien qu'il ait plu et que je me sois montré sur la Promenade des
Anglais avec mon beau costume, comme tous les snobs. L'atmosphère ici est
toujours répugnante. D'ailleurs, du matin au soir il fait très frais et humide
si bien que beaucoup de gens ont pris froid. Je ne regrette plus autant
maintenant ton départ. Et quand le
soleil luit sur tes bosquets d'oliviers, ce doit être là-bas complètement
magnifique, à Lastra. En outre, le soleil brouille complètement le vide babil à
côté de moi. Je suis immatériel et intérieurement encore je n'ai jamais baigné
dans un tel gris et un tel néant comme actuellement. Impossible de penser à
autre chose qu'à cette idée; Qu'allons-nous manger maintenant ? Combien ça va
coûter ? Et à cause d'un bruyant désespoir j'ai fumé toute la semaine comme un
malotru si bien que je me sens maintenant complètement mal. Je me laisse aller,
je ne fais plus aucune culture physique, ne lisais rien : - pourtant, hier
matin, j'éprouvais un tel dégoût que je pris une grande résolution ! Voulais-je
réellement devenir déjà un vieillard grisonnant ? Je mangeais un kilo d'oranges
et je décidais de ne plus jamais fumer !
Aujourd'hui, ça
va déjà mieux.
Dis à Kurt Wolf que je le
remercie de sa lettre et que je verse aujourd'hui 500 frs. sur la Banque de
Barclay. Combien te compte-t-il la pension ? Sinon, pas de courrier que
l'invitation Eliat. Ecris-lui une petite carte,
et
salue tous les loups [Wölffe]
pour
ton mouton
Yvan
lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Lastra - Florence) 17 février 1937 MST p.220/221
Chère petite Suzu,
Ta lettre
de vendredi dernier a enrichi de ton sourire ma journée d'hier. Et j'en avais
amèrement besoin. Si je ne t'ai pas écrit tout de suite, c'est que j'allais
assez mal. Trois maux se sont abattus sur moi. Le rhume du début ne s'améliore
pas dans cet air humide. Il souffle un mauvais vent ; mais le soleil brille
dangereusement et cela vous induit toujours en erreur. C'est ainsi que j'ai
pris un coup de soleil et de forts maux de tête. Troisièmement, voici que
fleurit à mon cou un gentil furoncle, proprement attisé par le mauvais régime
du Prix-fixe : c'est ainsi que déambule sur la promenade des Anglais ma
silhouette mélancolique, bandée et frissonnante … Ma mère me fait des
pansements … et le fameux Midi me malmène.
C'est une
chance que tu aies fui ce rivage. Et je suis heureux que tu te trouves si bien
chez les Wolff, et que tes petits amandiers soient plus poétiques que ceux
d'ici. Le froid de Florence est certainement plus sain que la chaleur niçoise.
Ici, tout
est faux même le soleil.
Ma mère
reste jusqu'à la fin du mois : cela ne fait plus bien longtemps. J'espère qu'à
ce moment-là, ma furonculose sera guérie. Je n'ai pas encore décidé si j'irai
alors te rejoindre : je n'en ai pas grande envie. Je suis bien trop désireux de
me remettre à faire confortablement ma cuisine, car je suis sursaturé des
nourritures d'hôtel.
Absolument
aucun courrier intéressant : rien que cette coupure de La Revue Doloriste avec
ton très intéressant article. Je déplore cependant que tu cherches trop à y
faire preuve de savoir et ne parles pas assez de ta propre douleur. Quand,
quand te laisseras-tu aller entièrement
dans tes écrits, quand y seras-tu toi-même ? Se donner tout simplement, tout
humainement, avec moins de style ? Entièrement femme ? Entièrement Mansfield ?
Comme je
te l'ai dit, 500 lires ont été versées chez Barclay pour Kurt Wolff. 500 autres
lires suivront dans quelques jours.
Salue
tout le monde, y compris Hasenclever, dont, si bizarrement, tu ne dis rien.
En
tout amour, ton
Yvan
lettre d'Yvan (Nice) à Claire (Lastra - Florence) 19 février 1937 MST p.221/222
Nice,
19.2.37
Chère petite Suzu
Comme
tes trois violettes sentent bon : plus
enivrantes que les buissons de mimosa et d'oeillets du marché niçois ! C'est
par un matin ensoleillé que tu m'as fait fleurir ce don, et je suis à nouveau
riche d'espoir.
De mes
trois maux il ne me reste guère que le bouton de furonculose, sur lequel je
pose une des trois violettes : d'ailleurs, il se guérit déjà grâce à un sérum,
qui stoppe toute propagation du mal.
Le ciel
est doux, et mon cœur aussi.
Comme je
me réjouis que tu te portes bien. Mais pour que non seulement ton petit corps,
mais aussi ton âme engraissent, je te l'annonce tout de suite : je viens !
Ma mère
part d'ici le 28. Moi le 1er mars, je partirai pour Gênes, Lastra et Santa
Clara.
Ce seront
alors les jours où se répandra sur les collines florentines le plus rose délire
des amandiers.
Oui, les
petites maisons avec leurs oliveraies, ou même sans, me séduisent beaucoup, et
aussi leur prix. Nous examinerons tout cela tranquillement.
Pas de
courrier. Pas de travail. Rien que des fleurs et du soleil.
Mais
prends en considération ma dernière critique : n'écris qu'avec abandon !
Tendrement
à toi
Yvan
lettre
d'Yvan (Nice) à Claire (Florence) 23
février 1937 MST p.222/223
Nice,
23.2.37
Chère petite Suzu,
J'ai reçu
tout à l'heure, ensemble ta lettre de samedi et ta carte de dimanche (mais le
télégramme hier matin).
Tu me
plonges dans la perplexité. Avant toutes choses, tu devrais dire aux Wolff que
je peux rester, tout au plus, de 8 à 10 jours. Notre billet échoit le 12 mars,
Et pour d'autres raisons encore, nous devons rentrer à Paris.
Est-ce
bien la peine que les Wolff bouleversent tous leurs projets pour si peu de
temps ? Est-ce la peine de s'installer dans un appartement avec cuisine, pour une semaine ? Juste le temps que
je fasse connaissance avec les casseroles ? que j'ai appris à faire le marché ?
D'un
autre côté, l'invitation à Rapallo est aussi très séduisante.
Mais
puisqu'il ne s'agit que de toi, puisque je ne vais en Italie que pour toi, je
te laisse choisir le lieu où nous pouvons passer ces dix journées de mars.
Télégraphie-moi ta décision.
J'ai
versé aujourd'hui, de nouveau, 500 lires à la Banque de Barclay pour K. W. Fais
donc les comptes avec lui. Si je ne viens pas, j'en verserai encore autant,
afin qu'il puisse te transmettre un peu d'argent de poche.
Ci-inclus,
des cartes postales de Nice.
Je suis
de nouveau, tout à fait bien portant et je fais de splendides excursions, seul
à Cagnes, à Eze, etc.
A la
roulette, j'ai gagné 400 Fr. en 20 minutes, mais le jour suivant j'en ai
reperdu la moitié.
Mes
meilleurs saluts à tous. A toi, beaucoup d'amour
Yvan
lettre
d'Yvan (Nice) à Claire (Florence) Mardi
Gras 2/3/16/23/30 vérifier mars MST p.223/224
Nice, Mardi-Gras 1937
Ma chère Zouzou,
Avant-hier, en causant avec un Italien venant de Bologne,
qui m'apprit qu'il y pleuvait depuis trois jours, je ne pus retenir un de ces
cris rauques, coutumiers à mes ancêtres les hiboux. Je rageai une fois de plus
de t'avoir laissée partir de ce paradis, où il fait du soleil tous les jours,
où douze douzaines d'oeillets gros comme le poing coûtent 10 frs., où tu
n'aurais eu qu'à te laisser vivre, par exemple dans un hôtel de Cimiez à 15m.
du centre de Nice en bus....
Au lieu de cela, tu es allée te jeter sous les averses de
Florence, dans les hôtels désuets et dans la gueule des loups....
Certes, il y a ma mère, mais pas aussi encombrante qu'on
eût pu le croire. L'Hôtel Félix Faure est ma foi, très confortable, situé juste
à côté du Grand Hôtel que nous avons vu de loin, de la place Masséna, te
rappelles-tu ? Et nous mangeons dans des restaurants qui valent bien Le Rallye.
J'ai trouvé la cavalcade vraiment intéressante. Les têtes
sont modelées par de vrais artistes, et elles ont souvent cette force de
comique ou de tragique que nous recherchons dans les masques des primitifs
La bataille aux confettis
de plâtre, qui tombent de certains chars ou lancés sur le public avec des
pelles et avec la force de mitrailleuses, est exubérante et déchaîne des
tonnerres de rire et d'effroi, car ils font mal, et le public est forcé de se
munir de véritables masques défensifs; le roi Gustave V lui-même l'a porté.
Pour le
reste, évidemment, il est entendu que Nice n'est qu'un cimetière où les vivants
plus que morts mènent une sarabande effrayante. Tous les vieillards d'Europe
gâteux et galetteux se sont donné rendez-vous devant le Ruhl sur la promenade
des Anglais. On frissonne en les voyant, lorsque, quelques minutes auparavant,
on a lu un discours du sud ou du nord. Ici, on assiste vraiment à la fin d'un
monde. Et tous ces spectres ingurgitent paisiblement leurs menus à prix fixe.
J'attends
avec anxiété de tes nouvelles. Es-tu contente, ou regrettes-tu ton départ?
C'est de cela que dépend la couleur des jours prochains
de
ton éternel amant
Yvan
lettre en français **
Claire
(Florence) à Yvan, 49 Quai de Bourbon à Paris (IV ème) 28 mars 1937 MST p.224
A
Jean sans Cœur
Mon Chéri,
J'aime ta
présence et ton absence, car tu es davantage présent quand tu es absent. Je me
réjouis dès le matin de te revoir le soir après une absence douloureuse et pleine
de dangers inconnus. Et le soir, je m'endors en attendant le matin pour te
revoir pour la première fois. Innombrable et étrange, je te rencontre partout
et tu ne me reconnais jamais. Seule, mon écriture - témoigne de ma main droite
et de mon cœur plus que gauche - est pour toi une preuve certaine que j'existe
malgré moi et surtout quand tu m'admets dans tes rêves en voyant ma signature.
Claire
Sans Lune
(A
la veille de l'anniversaire de "Jean sans Terre")
carte-lettre
d'Ivan (Metz) à Claire (Haybes s/Meuse) 14 avril 1937 MST p.224
Metz
6h. du soir
Chérie,
Quelle chance tu as dans ton château!: ici l'appartement
n'est pas chauffé. Vers le soir maman a essayé d'allumer le poêle, mais elle
n'a réussi qu'a remplir toutes les pièces de fumée.
Il est
vrai qu'il y a du bon pot-au-feu et des carpes farcies.
Pendant
tout le voyage, je ne pensais qu'à toi et je t'aimais davantage à chaque
kilomètre.
Sois
patiente et écoute le chant du pluvier, mon frère
Ton
Ivan
Ecris-moi encore, s'il-te-plaît poste restante
Carte-lettre
d'Ivan (Metz) à Claire (Haybes s/Meuse) 15 avril 1937 MST p.225
Chérie,
Je pense à toi avec de la peine au cœur : il fait si
froid. S'il te plaît, dis à la Baronne [Catoir] que tu es disposée à payer du
bois en supplément, comme à Lastra [chez Kurt Wolf] : qu'on t'en donne beaucoup
!
En
tout amour,
Ivan
Dédicace d'Audiberti à Yvan et Claire Goll
du 3 juin 1937 ***
à Ivan et à Claire
au bord de la Seine, qui, déjà,
roule nos cadavres, mais vers
quelle éternité ? Je n'ai, une
fois encore, à donner que mon
cœur lourd de mots... Mais je
voudrais, mais je veux que, parmi
ces mots, germe, lève et fleurisse,
sans cesse, la perle de mon
amitié et de ma pure tendresse
pour Jean - Sans - Terre (qui m'a
attendu sur la route et pour
Claire qui se méfie de Dieu .
Audiberti
3 juin
1937
lettre
d'Yvan (Metz) à Claire (49, Quai de Bourbon) 30 juin 1937 MST p.225/226
Metz
30 juin [37]
Chère
petite Suzu,
Ta lettre bleue a apporté un peu de ciel dans cette
demeure grise. Tu sais que ma faculté de souffrir est inouïe et que le froid de
cet été m'atteint durement. Je recommence à devenir de plus en plus jaune.
Si le
temps était beau, j'aurais nagé dans la Moselle, j'aurais fait l'ascension du
Mont St-Quentin, la montagne de mon enfance.
Mais il
me reste peu de temps pour cela. Hier, j'ai téléphoné au notaire, à Nancy, qui
nous a fait savoir qu'il a enfin la réponse des parents, mais que celle-ci est
en partie négative en ce qui concerne les prétentions de ma mère. Pour mettre
cela au clair, nous devons aller demain à Nancy, et je ne lâcherai pas prise,
jusqu'à ce que toutes les questions soient éclaircies jusque dans le détail.
Cela peut durer des
heures.
Mais les
récents événements de Paris indiquent toujours plus nettement qu'il faut
résoudre, le plus vite possible, toutes les questions en suspens. C'est encore
un nouveau glissement vers l'abîme.
Dans ces
conditions, je ne rentrerai à Paris que vendredi; et probablement tard dans la
nuit. Je ne veux pas t'indiquer d'heure précise, car tout est encore dans le
vague.
Espérons
que l'après-midi d'aujourd'hui, chez Grasset, t'a donné pleine satisfaction. Le
succès de ton livre dépend de ton charme, pas seulement de ta coiffure.
L'emploi de tes soirées est fixé : hier, Audiberti,
aujourd'hui Beye, demain Grabinoulor, et après-demain je serai de retour.
Je suis
très content de l'article de Maxence.
Et
surtout de te retrouver
Ton
Y.
Yvan avait préparé la fuite de Paula de l'Autriche
en raison de l'aggravation de la situation politique et il avait loué dès le 10 juillet 1937 un
petit logement pour Paula dans la rue Saint-Louis-en-l'Ile. Quand Paula viendra
quelques jours à Paris à la mi-avril 1938, sans que Claire en soit informée,
elle ne s'installera pas dans l'île Saint-Louis mais prendra une chambre rue
d'Assas dans le VIème arrondissement
carte-lettre
d'Yvan (Metz) à Claire (Paris) 20 septembre 1937 MST p.226
Metz
20 septembre 37
Chère
petite Zouzou,
Ma mère
se réjouit fort de mon arrivée. C'est réellement pour elle un jour férié.
Depuis ce matin, nous nous occupons de choses sérieuses. Je ne peux pas
aujourd'hui pousser à aller à la Banque et pense t'envoyer les 100 frs. demain
matin. Pourvu que tu te remettes bien et que tu sois de nouveau calme et gaie.
Ton
Vani
Je me
suis régalé de tes magnifiques sandwichs
lettre
d'Yvan (Metz) à Claire (Paris) mardi 21 septembre 1937 MST p.226/227
Metz
21 septembre 37
Chère
Zouzou,
A peine
suis-je depuis une heure à Metz, que la vie y reprend son cours comme si,
depuis 30 ans, je n'avais jamais quitté cette ville. Ni les gens ni leurs
affaires ne semblent avoir changé, et on en éprouve une sorte d'horreur de
soi-même.
Demain,
mercredi, ma mère et moi partirons pour Nancy, et nous espérons y mettre fin à
cette histoire d'héritage. Mais il n'est pas certain que tout ira sur des
roulettes. Si oui, nous nous rendrons jeudi au Luxembourg, en sorte que je ne
pourrai sûrement pas quitter Metz avant vendredi matin : j'arriverai alors à
Paris à midi et je serai dès 1h½ au Quai Bourbon, où un repas frais et pur, à
la Bircher Benner voudra bien m'attendre. Ici, je recommence à manger beaucoup
de viande.
Les deux
abcès sont apparemment guéris : celui du bras est tout-à-fait fermé, et celui
du cou est en régression.
Comment
vas-tu ? Comment te réussit la solitude ?
Tu
devrais peut-être un matin, chercher encore dans les quartiers du Luxembourg et
de Grenelle, s'il n'y aurait pas un appartement intéressant. La guerre se
rapproche toujours, vue d'ici, et 13.000 Frs. paraît être un chiffre trop
pesant. Se retirer à la campagne serait le plus sage, en gardant un tout petit
pied-à-terre à Paris.
Voici 100
frs. que je t'ai promis, pour les dépenses d'intérieur.
Salutations
de Rifka
et
de ton vieil
I.
carte-lettre
d'Yvan (Luxembourg) à Claire (Paris) jeudi 24 septembre 1937 MST p. 227
Luxembourg 24 septembre
37
Chère
Zou,
nous sommes arrivés ici de grand
matin. Levés à 5h. pour être à 8h. à la Poste. Mais le temps est devenu
magnifique et la Banque offre un bon accueil. Malheureusement, je ne peux pas
t'envoyer d'ici le billet que je t'ai promis : étranger. Ce soir, au retour au
pays, je te l'envoie dans une enveloppe.
Peut-être que je trouverai une autre lettre de toi à Metz,
avec des nouvelles de toi et de Doralies ?
Bons baisers de ma part Rifka
carte-lettre
d'Yvan (Metz) à Claire (Paris) 9 novembre 1937 MST p. 228
Chère petite Suzu,
Merci pour ta lettre bleue
papillonnante. Je reviens après-demain vendredi. . Je pars d’ici après-midi et
serai vers 20 heures à la Gare de l’Est
Ton I.
Beaucoup de tendresses de ma
mère chérie
(et de
l'autre côté de la carte, en français)
Ma chère Claire,
Inutile de vous décrire le plaisir que j'ai éprouvé en ouvrant la porte d'y trouver mon cher Mig qui est venu combler un moment ma solitude journalière. Je vous remercie également de la gentille missive que vous m'avez adressée, elle m'a procuré une vive joie ;
Recevez ici les meilleures tendresses de ma part Rifka
lettre d'Yvan
(Metz) à Claire Vendredi 17 décembre 1937
MST p. 228/229
Metz 18 décembre
37
Cher petit
cœur,
Jamais on ne verrait à Paris une
journée aussi grise, aussi inhospitalière, qu'ici à Metz. Les jours diminuent
encore (jusqu'au 24), ils sont de plus en plus privés d'âme, et c'est à peine
si l'on sent la vie qui s'en va, et à quel point on disparaît soi-même, déjà
apparenté au néant.
J'ai lu dans le train quelques
chapitres de "Espoir" de Malraux : Tolède, où les hommes rejettent
leur peau et leur haut idéal, comme un vieux manteau : les Espagnols et les
Chinois se laissent écraser à mort comme des fourmis, et le monde fait comme
s'il ne se passait rien : en fait, il ne s'est rien passé.
Et je me sens parfois, maintenant,
dans cette froidure, que mon cœur s'arrêtera, une fois - et rien ne se sera passé...
Il n'y aura eu que ton chaud
sentiment et ton angoisse douloureuse à mon sujet, et les larmes auront animé
des fleurs éphémères - il ne faut sans doute rien demander de plus.
Enveloppons-nous pour la nuit dans
ce manteau glacé de la lucidité et soyons bons et aimants l'un envers l'autre.
Yvan
lettre d'Yvan
(Metz) à Claire Samedi 18 décembre 1937 MST p. 229
Cher petit
cœur,
Pourquoi me sens-je aujourd'hui pareil à un
vieillard ? Tous les membres las, abandonné par tous les esprits vitaux et le
cerveau tout glacé. Aucun hiver n'est aussi froid, aussi désespéré que celui
d'une belle petite ville de l'Est, d'une rue aussi hermétiquement close, d'une
demeure comme celle-ci, dont une seule pièce est chauffée par des boulets que
l'on compte un à un.
Mon âme
est frissonnante et vieille : lentement, la mort me devient familière.
J'ai bien
dormi, avec une bouillotte dans mon lit, apportée par ma mère. Mais mes
engelures m'ont réveillé dans la nuit, et je n'osais pas ouvrir la fenêtre, et
alors, les pensées inquiètes, à ton sujet, m'ont assailli.
Je suis
très angoissé de rester si longtemps loin de Paris. Ton "non" à ma
question, de savoir si tu ne commençais pas à prendre de mauvaises habitudes,
était si faible et si incertain. Mon absence et l'appartement vide vont te
pousser à sortir : vois-tu, tu as besoin d'un nouveau présent, et moi qui suis
ici, dans le chaud appui maternel, je ne peux pas compter sur toi, quand je ne
suis pas là pour te tenir - cela est tout à fait la même chose que si je
t'étais infidèle, comme tu appelles ça.
Ou alors
voudrais-tu m'écrire bientôt une lettre souriante ?
Ton
triste
Yvan
lettre d'Yvan (Metz) à Claire Lundi 20
décembre 1937 MST p. 230
Metz,
lundi 20.12.37
Cher petit
cœur,
Ta lettre claire et bleue de samedi voltigea
comme un papillon dans ce monde hivernal, si froid. J'ai eu du remords pour ma
lettre amère qui t'est tombée dans la main, au même moment, mais qui te
confirmait en même temps mon complet dévouement (oh ! quel mot !). Jamais plus
je ne m'éloignerai de toi pour si longtemps, au plus pour trois ou quatre
jours, jamais plus pour sept.
Je passe
à présent mes journées à taper activement les Brigands. Peut-être
téléphoneras-tu à Charles pour le lui faire savoir. Je voudrais suivre de loin
ton emploi du temps : demain Frensky et Grabinoulor, et pour le soir de Noël,
je me réjouis d'aller avec toi à Saint-Etienne du Mont.
Je porte
à présent des sous-vêtements et ne souffre plus autant du froid. Ma mère a fait
rôtir aujourd'hui une belle cuisse d'oie.
Je me
porte bien de nouveau,
et
je te caresse tendrement
Yvan
1938
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 3 janvier 1938 ImsL p.483
à traduire
Le 20 janvier 1938, Yvan Goll signe un bail de
location pour un appartement, 14 rue de Condé dans le VIème arrondissement de
Paris. Il déménage et s'y installe du 28
au 31 mars 1938.
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald 22 janvier 1938 ImsL p.484
à traduire
Le 22 janvier Yvan avait invité Paula à venir à Nice, où il serait avec sa mère, mais Paula n'avait pu accepter à cause
de la situation politique.
Du 26 janvier au 3 mars Yvan, sa mère et
Claire sont à Nice, Saint-Paul de Vence et Cannes.
daté
du 24 Janvier 1938, se trouve aux
mêmes archives, le double d’un virement d’honoraires de 350 roubles pour Tscheljuskin à « Mr. Ivan Goll,
Paris/France, 49, Quai de Bourbon » Sous le titre Tscheljuskin. Auszüge
aus einer Kantate l’oeuvre de Goll fut publiée en Février
1938 dans Das Wort
(« These », « Der Reporter », « Das Lied vom Genossen
Schiff », « Der Reporter », « Das Lied vom gefährlichen
Leben », « Der Reporter », « Ballade der 104 »)
100.
Carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ehrwald mercredi
26 janvier 1938 ImsL p.483
à traduire
Le 13 mars, les troupes d'Hitler occupent l'Autriche.
Paula fuit par Zurich ; elle viendra à Paris autour du 10 avril. vérifier car
Yvan lui écrit encore le 12 à Zurich
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 17 mars 1938 ImsL
p.485/486
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 22 mars 1938 ImsL
p.487/488
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 30 mars 1938 ImsL
p.488/489
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 8 avril 1938 ImsL p.489/490
à traduire
Yvan se rend du 11 au 17 avril à Metz puis à
Luxembourg pour y régler des affaires d'argent.
lettre d'Ivan Goll Metz
à Paula Ludwig Zürich 12 avril 1938 ImsL
p.490/491
à traduire
lettre d'Yvan
(Metz) à Claire (14, rue de Condé Paris) 12 avril 1938 MST p. 231
Metz 12 avril
Chère
petite Zouzou,
Ta lettre
de dimanche soir vient d'arriver mais
elle contient encore assez de tension et ta carte du 11, lundi matin, arrvera
ici aujourd'hui ou demain.
à traduire
O si seulement il faisait aussi chaud dans ton âme que dans ta maison
C'est
ce que je te souhaite
Ton
Yvan
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Zürich 14 avril 1938 ImsL p.491
à traduire
Paula Ludwig à Paris à Ivan à Metz :
lettre du 14 avril 1938 *** IsmL p.492/493
(lettre douloureuse à
traduire)
elle n'a plus d'argent, plus de papier pour écrire, plus de
timbre-poste
Par hasard se produit une rencontre entre Claire et Paula
dans le VIème arrdt. le 17/18 avril
qui permet une explication entre elles.
Télégramme Ivan Goll Zürich à Paula Ludwig Paris 21 avril 1938 - 12h30 ImsL p.493
à traduire
lettre d'Audiberti à
Claire du 19 mai 1938
Très chère amie,
Je sais mes torts, mais ne
m'accablez pas.
Mon père … Ma femme absente toute la
journée, et les deux enfants,
parfois, à
garder un peu. Et cette roue des
jours qui
est à la fois si rapide, si pesante.
Je ne sais pas trop si je mérite votre
affectueuse fidélité. En tout cas,
je vous
remercie de me la conserver, malgré
tout.
Herslichst
J
A
vendredi, 10 heures, bistrot Odéon
SDdV Aa50 (218) - 510.299 III
pneumatique d'Audiberti à Claire et Yvan du 3 juin 1938
Au moment
où l'Académie Mallarmé vient de consacrer tant de kilomètres de solitude, ma
pensée affectueuse et fidèle va vers vous qui toujours m'avez aidé et soutenu.
Toutes mes tendresses et pour Yvan, ma chaude amitié.
Jacques
lettre d'Audiberti à Claire du 6
juin 1938
Chère
Claire,
Je suis honteux de ne pouvoir venir
demain, "Vendredi" me demande un grand article
et je dois le
livrer mardi à midi. Il faut que je livre mardi et que je l'écrive. Je crois
que c'est important n'est-ce pas ? Mercredi, si vous voulez bien, même endroit,
même heure.
Regrets et
affectueuses
amitiés
Jacques
SDdV
Aa52 (285) - 510.299 III
Lettre d'Yvan à sa
mère du 6 juin 1938, de retour à Paris
Chère
petite maman,
Je tiens à te rendre
compte immédiatement des résultats de ma journée d'hier qui s'est passée
exactement selon le programme établi. Le voyage en Pullman s'est effectué comme
dans un rêve : juste le temps de me raser dans une cabine magnifique, et la
moitié du parcours était déjà fait. Arrivé vers 1 heure ¼, je suis allé manger
un morceau.
Comme j'ai eu raison
de prendre le premier train, car j'ai été retenu jusqu'à 4h½, courant d'un
guichet à l'autre, et voulant mettre un ordre définitif dans toutes les
questions.
Eh bien, tout est
fait.
Tous les coupons sont
mis à l'encaissement, je tiens le bordereau à ta disposition.
J'ai déposé au compte
les 10000 frs. billets et les 15 Bons ainsi que les 14 Crédit National.
Le reste est allé au
coffre, soigneusement trié et inscrit.
Enfin, j'ai donné
l'ordre d'acheter ce que nous avions décidé. Et rien ne se vend pour le moment.
Je pense que nous
pouvons être contents tous les deux de cette journée, malgré la fatigue
encourue.
Finalement, j'ai dû courir à pied à la gare, dans la
pluie, ne trouvant pas de tramway, et n'ayant même pas le temps d'acheter des
cigarettes. J'ai sauté dans le train, deux minutes avant le départ. Mais, à
22h50, j'étais rendu en gare, et Claire me reçut avec joie, m'ayant attendu sans
grand espoir.
A bientôt tous les détails.
Bon dimanche et mille
baisers
Mig
SDdV
510.311 III Rés 780 2)
Lettre d'Yvan
Paris à sa mère du 10 juin 1938
Ma
chère maman,
Sans nouvelles de ta part, je pense
néanmoins que tu te portes toujours bien et que tu arranges tranquillement ta
petite vie.
Aujourd'hui, je tiens à joindre à
mes dernières explications des pièces justificatives qui te montreront ce qui a
été fait lors de mon dernier voyage.
Nous avons à notre crédit :
10000 frs. en espèces
8000 frs. de Bons de la Défense au 7 juin
5000 frs. de Bons de la Défense au 6 octobre
10000 frs. de Bons de la Défense au 20 octobre
33000 frs.
pour lesquels j'ai acheté ou
commandé diverses devises. Dès que leur acquisition me sera confirmée, je t'en
aviserai.
Le coupon du Crédit National se
détache le 15, et c'est seulement après que je le ferai vendre.
Pour les 2000 autres Bons de la
Défense, j'ai également acheté des Livres.
Claire me charge de t'envoyer ses
bons baisers
Je
reste ton très affectionné
Mig
SDdV
510.311 III Rés 780 3)
Du 20 au 23 juin, Yvan et Claire vont à
Metz puis à Luxembourg
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 20 juin 1938 ImsL p.494
à traduire
Carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21
juin 1938 ImsL p.494
poème à traduire
lettre I d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 juin 1938 ImsL p.495/496
lettre II d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 juin 1938 ImsL p.496/497
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 22 juin 1938 ImsL p.497/498
à traduire ***
Le 23 juin, Ivan et Claire rentrent ensemble à Paris
le 29 juin ils
s'embarquent à Southampton.
lettre d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 30 juin 1938 ImsL
p.499/500
à traduire ***
lettre d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 1 juillet 1938
ImsL p.501
à traduire **
Carte d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 4 juillet 1938
ImsL p.501
à traduire **
Du 4 au 9 juillet Ivan et Claire sont à Londres
lettre d'Ivan Goll Londres à Paula Ludwig Paris 6 juillet 1938
ImsL p.502/503/504
à traduire **
lettre d'Ivan Goll Londres à Paula Ludwig Paris 9 juillet 1938
ImsL p.504/505
à traduire **
Le 9 Ivan et Claire reviennent à Southampton
Le 13 juillet Ivan et Claire quittent
Southampton pour Paris où ils arrivent le 14 juillet.
Le 21 juillet, Claire fait seule un voyage surprise à Metz
et revient le 22 au soir à Paris
Lettre de Claire à
Ivan du 23 juillet 1938 MST p. 232
23 juillet 1938
9 h du soir [Paris, 14 rue de Condé]
Mon
Iwan,
Tu
as écrit un jour :
Pour
qu’un jour dans notre vieillesse
Nous
nous contemplions l’un l’autre
et voici que mon rêve de
vieillir ensemble avec toi tombe en poussière. Car on m’a changé mon Iwan
d’autrefois. Et, en ce moment, où je dois rendre des comptes, je sens plus fortement que jamais à quel
point je n’ai pas du tout changé, et
t’aime encore du bel amour de notre bon vieux temps, quand tu répondais à mon sentiment avec le
sérieux d’une vraie et rare parenté d’âme. Sans égards, une troisième a plongé un dard dans ce
sentiment et m’a, ce faisant, poussée dans la mort. Et s’il est vrai
que, dans ces minutes, je pardonne tout, je t’adresse cependant une prière sacrée
: ne vis pas avec Paula L. Tu ne peux
pas jouir de l’existence avec l’être humain qui me l’a volée, et qui, depuis bien des mois, connaissait
l’approche du dénouement inéluctable. Une mauvaise magie s’est abattue sur nous
depuis neuf ans, tu me dois une
pénitence pour ces tourments d’une si longue durée que je n’ai plus la force de
supporter et qui m’arrachèrent des cris furieux, au lieu de mots d’amour. Mon chéri, derrière les cris, le vieil amour pleurait, 'enfantin, vindicatif, buté) au point d’en rendre l’âme. Cette âme veillera sur toi, l’avenir appartient au remords, qui n’a pas assez prié. Je construirai autour
de toi une prière forte comme une tour. Là-dedans, elle te trouvera, la vraie : la jeune fille qui te donnera l’enfant dont tu as la nostalgie. Sois
béni, Aimé, pour tes longues années de bonté. Et sois remercié
pour tout l’indicible. Ne sois pas triste, mon grand enfant! Pense à ton
art, peut-être fera-t-il ton deuil plus
profond et plus grand.
Sois
doux envers ta mère, ne la laisse plus
si souvent seule. Elle est une brave femme, je le sais maintenant, dans
l’instant où l’on sait tout. Embrasse-la pour moi ; une lettre t’attend là-bas
chez elle. Et sois paternel pour ma pauvre Doralie.
Je
vais penser à toi avec une tendresse transcendante, aussi longtemps que je pourrai penser, et je baise avec dévotion tes chères mains.
Dans
toute l’éternité
Ta
Zouzou
Sur l’original de cette
lettre (en allemand) donc à Marbach, Claire a écrit en 1966, ce qui
suit :
Ce soir-là, je pris du véronal, car Iwan m’avait dit adieu pour toujours.
Deux jours avant, il était
"parti" avec une grande malle et m’avait fait croire qu’il quittait
Paris avec Paula Ludwig. En réalité, il
avait été rejoindre une jeune fille pour laquelle il louait, depuis plusieurs mois, un petit appartement dans la rue Saint-Louis-en-l’Isle, à Paris. Le 24 juillet, de bon matin, quand il vint prendre en cachette, son courrier chez notre concierge, celle-ci lui dit qu’elle était inquiète, que, la veille au soir, j’étais complètement bouleversée. Il se
précipita avec elle à l’étage, et ils me
trouvèrent.”
Jean Sans Terre veille une Morte
Ivan à
Claire (Hôpital Cochin) 24 juillet 1938 MST
p. 233
Dimanche
après-midi
Chère petite
Zouzou,
Enfin
tu te réveilles à la vie, dans le milieu doré de l'été.
Je
voudrais bien rester à ton chevet, mais on me le défend.
J'aurais
préféré te confier à une clinique privée, mais je n'avais pas le choix. Affolé,
j'appelais Police-Secours et
l'ambulance t'amena aussitôt à l'hôpital Cochin.
Quelques
heures de patience et je tiendrai tes mains, de nouveau.
Ton
Ivan
Ivan (14, rue de
Condé Paris) à Claire (Hôpital Cochin) 25 juillet 1938 MST p. 233
Madame Claire Goll
Pavillon
Cornil
Lundi matin 9 h [le 25 juillet]
Chérie,
On ne me permet pas d'aller te voir ce matin
mais on me dit que tu as passé une bonne nuit.
A 1 heure, je serai admis à te voir
A la visite du docteur, entre 10 et 11h tu
apprendras si tu peux quitter l'hôpital aujourd'hui.
Je t'apporterai à 1 h une valise avec une
robe etc.
A
tantôt, bonne patience
Yvan
pneumatique d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 28 juillet 1938
ImsL p.505
à traduire **
Yvan arrive chez sa mère à Metz entre le 5 et 7 août ?
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 10 août 1938 ImsL p.505/506
Metz
10 juillet
[exact 10 août]
Ma chère Palu,
Ici depuis quelques jours - mais
tout est passablement détraqué. Ma mère, qui ne m'avait pas prévenu dans sa
lettre, m'accueillit avec une fureur glaciale. En dépit de la calamité
suivante, la trahison de Claire avait lentement porté ses fruits : la tromperie
de Nice et toutes les histoires de couple du fils ne pouvaient laisser intact
un cerveau aussi bourgeois.
Elle est amèrement déçue et je
peux à peine lui en vouloir pour cela. J'ai perdu sa confiance pour toujours,
si bien que la vie quotidienne, avec repas et excursions se poursuivent en
silence. Il faudra beaucoup de patience et de temps pour cicatriser les
blessures sans qu'elles soient effacées.
Mais toi, comment vas-tu ?
Je souhaiterais bien t'entendre et
savoir si tu as bien reçu celuici et mes précédents envois.
En amour, Ton
Yvan
vérifier ma traduction
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 14 août 1938 ImsL p.506/507 à traduire
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 18 août 1938 ImsL p.507 à traduire
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 26 août 1938 ImsL p.508/509 à traduire
Le 28 août Claire et
Yvan vont ensemble à Chambéry pour la cure de Claire à Challes-les-Eaux, où ils
occupent 2 chambres dans la "Villa Eugène" qui dépend de
l'hôtel du Château
Carte d'Ivan Goll Chambéry à Paula Ludwig Paris 1 septembre 1938
ImsL p.509
lettre
d'Ivan Goll Challes-les-Eaux à sa maman à Paris du 1/9/1938
Chère maman,
J'ai bien reçu ta lettre du 30, qui
ne contenait hélas, pas de nouvelles de toi, mais une missive de Strasbourg,
avec un article sur moi que je joins à celle-ci, et que je te prie de me
retourner. On me dit m'avoir envoyé 2 exemplaires de la "Revue du
Rhin" : si tu as reçu ces "imprimés", je te prie de me les faire
également suivre, en biffant simplement l'adresse de Metz, et en inscrivant à
côté celle de Challes, et en la portant à la poste, sans supplément
d'affranchissement.
J'ai également reçu déjà la réponse
de Zurich que le surplus du paiement des coupons Reichsb. A été effectué le 20
juillet :
d'une part 50 et d'autre part 27
coupons.
On devrait toucher 11,90 à 8 %
et les sommes sont réalisées à 18
francs Suisse pour 100 Marks. Il n'y avait sans doute pas plus à en tirer.
Nous t'avons écrit lundi soir pour
t'annoncer notre agréable installation ici. Pendant 3 jours, il a fait froid et
pluvieux, mais ce matin, un soleil radieux éclate sur les montagnes qui nous
environnent. Je me prépare à faire un grand tour en vélo, tandis que Claire se
rendra à l'établissement thermal
Nous t'embrassons affectueusement
Mig
SDdV
510.311 III Rés 780 1)
lettre d'Ivan Goll Chambéry à Paula Ludwig Paris 2 septembre 1938
ImsL p.509/510
à traduire ***
Le 11 septembre Yvan va seul chez sa mère à Metz et de là
le 12 à Luxembourg puis à Bruxelles, avant de revenir à Paris le 20 septembre
Carte d'Ivan Goll Luxembourg à Paula Ludwig Paris 12 septembre 1938
ImsL p.511
à traduire ***
Claire revient à Paris le 13 septembre
lettre
d'Ivan Goll à Bruxelles à Claire Paris 13 septembre 1938 MST
p.234/235
[Bruxelles
13.9.38]
Chère petite Zouzou,
13
septembre,
Hitler
a parlé !
La bombe siffle — et ne tombe
pas !
Sentiment intolérable. Les gens
continuent à se rendre gaiement à leurs affaires. A Bruxelles, c'est comme si
rien ne se passait.
Et
hier, il y a eu dans mon âme une telle alarme. L'excitation du grand voyage
d'adieu de ma mère. Mon départ à 2 h pour le Lux. Là-bas, réglé beaucoup de
choses. Pris à 7h le train pour Bruxelles. Arrivé à 11h à Bruxelles-Nord, et je
me rends tout de suite à notre vieil hôtel qui en est proche : Hôtel Splendid,
14, rue des Croisades, chambre à 30 Frs. Puis, redescendu : dans les rues on
diffuse le discours d'Hitler, qui me déplaît beaucoup et qui fait présager le
pire. Mauvaise nuit, et la décision prise d'aller, ce matin, interroger une
agence de voyages.
Mais,
vers midi, tout demeure paisible, je sonde les journaux, qui recommencent déjà
à tout déguiser sous des formules d'optimisme démocratique, à tout alléger.
D'ailleurs, j'ai maintenant un
plan : si les choses se gâtent, un bateau part d'Anvers tous les vendredis en
direction de Göteborg (Göteborg, Centervall) et Oslo : il arrive le dimanche
là-bas, traversée directe sans escale, relativement pas chère, et pour
l'instant sans visa.
De là, il y a des bateaux
directs pour New-York. Voilà dons une voie, pour le plus pressé.
Sinon, il faut sans doute de
longs préparatifs et toutes sortes de paperasses, — pour le Brésil.
Mais à présent, que faire si les
choses traînent encore en longueur ? Dois-je revenir à Paris ?
De
toutes manières, il me semble prématuré pour toi de te rendre à Bruxelles avec
tout ton bagage et attirail d'hibernation, pour que nous y restions dans
l'attente et l'indécision. Je pense recevoir demain matin une lettre de toi.
Peut-être par la poste aérienne. Il n'est, en fin de compte, pas grave que
j'attende ici pendant 1 ou 2 jours.
Je suis tout seul, je
reste seul. Cela je te le jure. Personne ne doit savoir que je suis ici,
et je n'irai pas voir non plus Flouquet, etc..
La
situation est sérieuse, crois-moi sur parole !
Mais
mettre en branle tout ton dispositif de voyage, alors que tu franchirais
toujours la frontière... pas encore.
Peut-être
aussi reviendrai-je déjà demain ou après-demain
J'attends ton conseil.
S'il
nous reste du temps, nous nous attaquerons au problème difficultueux du Brésil.
Un
temps terriblement superbe. Quel dommage !
Raconte-moi
en détail ton voyage de retour et ce qu'a fait ma mère ce matin.
En
tout amour, ton
Yvan
télégramme
de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 13 septembre 1938 /18h40 MST p.236
MAMAN PAS ARRIVEE TA LETTRE VIDE
QUE FAIRE [ Claire ]
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 13 septembre 1938 MST p.235
Bien-aimé,
Enfin
ton télégramme. Tu es là-bas ! A présent, je pourrai retrouver le sommeil, que
j'avais perdu depuis 2 nuits. Ah ! Promène-toi au soleil et repose-toi, mon
cœur ! Comme j'ai souffert à cause de toi ! Mon cœur battait tumultueusement !
Le rein, enflammé, a des élancements, la tête me battait. Depuis que tu es
parti, je n’ai rien mangé, je n’ai que les souvenirs de nos repas... Ce matin,
36 de température seulement au lieu de 38 hier., Comme tu l'avais télégraphié, ta
mère qui devait arriver à 10h37, n’y était pas ,. Une erreur de toi, ou
peut-être de la poste ? Et dans ta lettre, il n'y avait qu'une feuille de
papier blanc. Je te demande de m'envoyer au plus vite un mot.
A
présent, il est deux heures et Maman n'est pas encore là. Suis très inquiète.
Quand y aura-t-il à nouveau du soleil et quand serai-je près de toi ? Je gèle
de fièvre.
Avec
un amour bien trop grand, t'embrasse
Ta
Zouzou
lettre
d'Ivan Goll à Bruxelles à Claire Paris 14 septembre 1938 MST
p.236/237
Bruxelles,
mercredi 14 septembre 1938
10h.¼
Bien-aimée,
A
l'instant, je reçois ta lettre bleue d'hier : quelle peur !
Dans ma lettre de Metz, il n'y
avait qu'une feuille de papier blanc ? Comment est-ce possible ? je t'avais
écrit 2 longues pages sur ma mère et mes projets : elle devait quitter Metz,
mardi à 7h. par la Micheline et arriver à Paris à 10h.37 à la gare de l'Est.
(Peut-être aussi ai-je perdu la tête à Metz ; j'ai écrit l'adresse à la gare).
De plus, nous étions accompagnés par tante Justine et oncle Alphonse. Ma mère
devait repartir à midi de la Gare Montparnasse en direction de Dinard et elle
portait tous ses trésors sur elle.
Tu
peux te représenter combien je suis inquiet.
Et surtout du fait que tu as
trouvé une feuille blanche dans mon enveloppe. Qui en a extrait la lettre ?
Je t'y écrivais au sujet de mon
voyage ici et de mes projets concernant notre déplacement vers l'Angleterre ou
la Suède. Je t'ai récrit tout cela dans ma lettre d'hier soir, que tu devrais
avoir reçue aujourd'hui mercredi matin.
En
outre, je t'ai expédié ce matin à 9h. une lettre par avion, avec un billet de
1000 Frs. car j'avais interprété ton télégramme "lettre vide" comme
s'il signifiait que la lettre ne contenait pas d'argent. Par contre, dans ma
lettre de Metz, je t'avais fait savoir que ma mère te remettrait 1000 fr. en
mains propres lors de son passage à Paris. Tu vois, j'avais pensé à tout.
En
ce moment, le valet de l'hôtel frappe à ma porte et m'apporte ton télégramme de
9h.44. Il est 10h.35.
Donc,
tu as reçu ma lettre d'hier. Bon. Vers midi, tu devrais recevoir le billet de
1000 fr. dans la lettre par avion : malheureusement, je n'ai pu recommander
cette lettre, il était trop tard. Elle est partie à 9h. Télégraphie-moi de
suite un accusé de réception.
A
l'instant, on affiche des télégrammes très inquiétants. Chute de la Bourse.
Graves événements à Prague. Midi.
Apporte-moi
encore les deux carnets de chèques pour les banques anglaises : un grand noir à
reliure dure, et un qui est dans une enveloppe de lettre recommandée, ainsi que
le carnet d'adresses. Tout cela, je te le demandais déjà dans ma lettre de
Metz, et j'avais confié la clef à ma mère : car tout cela se trouve dans mon
tiroir de droite, ou peut-être de gauche. force-les : ce n'est pas difficile.
Prends aussi avec toi les lettres de Duarte, qui s'y trouvent et sont faciles à
découvrir dans leurs enveloppes.
Ensuite,
mon pardessus d'hiver, 2 manteaux gris, les chemises et pyjamas qui sont bons,
le complet bleu-lavande, quelques "Chansons Malaises" et "Poèmes
d'Amour"
Ecris
aussi souvent et aussi vite que possible.
En
tout amour
Ton
Yvan
Apporte aussi la Radio.
4h. Si Prague accepte le
plébiscite, tout se calmera. Attends, pour venir ici, que je t'appelle. Ne te
mets pas en voyage avant d'avoir reçu un télégramme de moi.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 15 septembre 1938 MST p.237/238/239
15.9.38 [jeudi]
Mon cher petit Yvan,
Merci
pour la lettre et l'argent, qui m'ont délivrée de multiples soucis. Mais le
plus important, plus important que le sommeil, la nourriture et la lumière, ce
sont les mots que tu m'adresses. Si seulement, ils venaient plus souvent, si tu
prenais un peu plus de temps pour m'écrire ! Alors, hier, devant cette feuille blanche et vide, je n'aurais pas été
prise de panique et je n'aurais pas déjà cru voir ta mère assassinée dans son
lit ! Car, lorsque tu télégraphies : "train et chercher Maman", qui
penserait à une Micheline et un train de correspondance ? Je pensais qu'elle
habiterait chez moi, avais préparé un repas de fête, que finalement j'ai jeté à
la poubelle sans y avoir touché, et naturellement j'ai couru chez Henri avec ce
feuillet blanc et, malheureusement, ils sont au courant. Mais je leur ai expliqué aujourd'hui que j'ai reçu maintenant
ton explication : tu étais troublé. Ta mère, souffrante a conduit son frère
très âgé à Dinard, étant donné que les vieillards doivent être évacués de Metz
et elle t'a prié de chercher quelque chose à Bruxelles pour elle et pour moi. A
l'avenir, soyons très précis et complets quand nous nous écrivons ou
télégraphions.
Oui,
et maintenant, la situation semble se prolonger ou s'éclairer. C'est que les
guerres, maintenant, on les fait à la manière de Hitler, ce suranimal. Et le
Français, plus humain succombera, comme toujours, au muscle. Que l'univers tout entier parle jour et nuit
d'un homme avec lequel aucun homme intelligent ne voudrait converser cinq
minutes car il est tellement médiocre. Et un Chamberlain qui s'enfuit à
Canossa, ô honte ! Mais Holopherne aussi a trouvé une Judith !
Comment
passes-tu ta journée en Belgique, mon chéri ? Et, la nuit ? Ecris plus souvent,
toi aussi, nous en avons malheureusement le temps.
Comme
toujours il fait beau, pour aggraver la torture d'être seule et la lune allonge
les nuits blanches.
J'aspire
douloureusement l'odeur de ta chambre et quand je veux manger, cela me reste
dans la gorge. Mais avant tout, tu es enfermé dans la chambre secrète et
spéciale de mon cœur et nul chirurgien ne pourra plus t'en déloger. Une maladie
honteuse, cet amour immémorial.
Sois
gai, tu vis et tu es un poète rare, que veux-tu de plus ?
Je crois en toi, en la vérité du
sentiment et l'éternité de la bonté, mais je ne crois pas à la guerre et à la
destruction.
En
toute tendresse
Ta
Zouzou
En tous cas, vois un peu à
Bruxelles et dans les environs s'il y a possibilités d'habitation, car nous
devrons peut-être partir d'ici tôt ou tard.
2ème
de Claire à Paris à Ivan Goll à Bruxelles 15 septembre 1938 MST p.239/240
15.9.38 [jeudi]
Mon tout doux,
Je
n'ai reçu qu'hier soir ta lettre par avion, à 9H., et il était trop tard pour te répondre.
Vers
6 H. j'ai aussi reçu un télégramme de ta mère, avec réponse payée de Dinard :
"Où envoyer billet
baisers Réb." Sans indication
d'adresse, en sorte que je n'ai pu lui répondre, bien que j'aie passé 36 heures
dans une affreuse angoisse à cause d'elle, la voyant assassinée dans sa
demeure, et que je lui aie télégraphié à Metz et que le télégramme me soit
revenu, car là-bas non plus, elle n'a pas laissé d'adresse. Quel dommage, que
vous perdiez ainsi la tête tous les deux, en un moment où il est nécessaire
d'être aussi précis que possible et où l'on devrait prendre son temps quand on
écrit une lettre ! C'est ainsi, par exemple, que je ne trouve pas ton livre sur
Alexandre, car tu ne m'indiques pas où il est rangé. Tu n'écris pas si tu veux
ton smoking, une chemise blanche, des chemises de couleur neuves, un pyjama
etc. Car, cette fois, il s'agit de renoncer à tout ce qui reste dans la maison.
Avec Manchez (*) on ne plaisante pas. Je pense aussi à mes livres, à mes
articles dans le B.T., à toutes nos critiques, à toutes tes oeuvres, etc.: ne
devrais-je pas, dès maintenant, en expédier un certain nombre d'exemplaires, en
petite vitesse, au Splendid ? Qu'en penses-tu ?
En
outre, je ne crois pas que mes vêtements d'hiver et les tiens tiennent dans le
CG et dans la malle-cabine, il faudrait une malle plate assez grande, d'autant
plus que la mienne est détériorée. Comme nous avons manqué de prévoyance !
Tu
n'écris pas non plus s'il faut mettre Goll ou Lang - tu me l'écris seulement
dans ta lettre par avion. Et tu réponds trop tard à mes deux télégrammes, au
lieu de rentrer souvent à ton hôtel, où il peut toujours arriver un mot
important de moi. Fort heureusement, cette fois, le billet était inclus dans ta
lettre, mais je crois que l'on n'a pas le droit d'inclure quoi que ce soit dans
les lettres. Et maintenant, chéri, ton intention de te rendre en Angleterre ?
On peut bien faire annuler ou un dépôt par écrit. Ou est-ce que tu veux te
rendre compte un peu à Londres, qui sera immédiatement bombardée, de la
négligence que tu as eue ici ? Quand on est déjà dans un pays neutre, à quoi
bon se transporter dans un pays belligérant !
Fais-toi, éventuellement verser
une très grosse somme, mais :
1°) l'Angleterre est riche, elle
ne fera pas banqueroute
2°) dès le début des hostilités,
les banques dirigeront certainement les biens de leurs clients vers l'intérieur
du pays. C'est ce qui aura lieu en Suisse aussi, espérons-le puisque nous y
avons tout laissé en plan.
Bruxelles,
cette fois-ci me paraît à l'abri de tout danger. D'abord, parce que la
princesse héritière d'Italie (alliée d'Hitler) est une Belge. Tout au plus les
vivres peuvent-ils s'amoindrir, mais
qu'est-ce que cela nous fait ? Mais si tu veux aller en Angleterre, le mieux
sera que nous y allions ensemble. Je ne peux pas, moi non plus, attendre la
dernière minute, car avec mes nombreux bagages, je ne trouverai plus de taxi
(ils seront aussitôt réquisitionnés) et les gares, les trains ne seraient
presque plus accessibles qu'aux militaires. Déjà, avant-hier, quand j'ai voulu
aller chercher ta mère, la gare de l'Est était partiellement barrée à cause des
réservistes. On ne distribuait plus du tout de billets de quai. En plus de toutes
ces courses et empaquetages, j'ai été indisposée la nuit dernière, en sorte que
je me sens fort misérable sans ta proximité.
Mais
à présent, il ne s'agit pas de gémir, mais de ne pas manquer le moment décisif.
Réponds de suite, si tu crois
devoir encore aller à Londres. Mais
comment pourrons-nous ensuite en ressortir avec les mines tout autour, ou y
rester ? Non.dans notre cas particulier.
J'enverrai cette lettre par
avion, si c'est faisable.
En
amour
Ta
Zouzou
(*) notre propriétaire, ami
intime du Ministre Flandin, qui était pro-Hitler
Carte d'Ivan Goll Bruxelles à Paula Ludwig Paris 15 septembre 1938
ImsL p.512
à traduire ***
Le 20 septembre Goll
était de retour à Paris; Le 24 septembre, il envoyait 10 exemplaires de leurs
livres à Dinard ainsi que différents objets de valeur. Le 25 septembre Yvan
part en train pour Bruxelles et Ostende et va à Londres pour réaliser des
ordres bancaires, il revient le 28 septembre à Bruxelles avant de rentrer à
Paris le 1er Octobre.
Carte d'Ivan Goll Bruxelles à Paula Ludwig Paris 25 septembre 1938
ImsL p.512
Paula Ludwig part
début octobre à Ascona pour y passer quelques semaines avec son amie Nina
Engelhardt ; après son départs Goll loge dans sa chambre, rue d'Assas ; Paula
ne reviendra à Paris que début décembre
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 7 octobre 1938
ImsL p.513
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 14 octobre 1938
ImsL p.514/515
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 15 octobre 1938
ImsL p.515/516/517
à traduire
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 4 novembre 1938
ImsL p.517/518
lettre
d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 8 novembre 1938 MST
p.240/241/242
Metz 8 novembre 1938
Aimée,
La
journée d'hier lundi a été bien remplie, riche en expériences très diverses, et
elle s'est achevée par un splendide clair de lune. Cela commença par la grande
aurore à Bâle, après un intéressant parcours nocturne, avec le grand Suisse
auquel tu m'avais confié; Il m'a pris sous sa protection virile, comme c'est
son habitude professionnelle, car il est un célèbre guide de montagne des Alpes
bernoises. Un merveilleux enfant de la nature. Chose touchante, il venait de
passer deux jours à paris avec son jeune ami, et tous deux avaient parcouru la
ville à pied : de la Tour Eiffel au Sacré Cœur. Ce qui l'a le plus étonné,
c'est qu'il n'a pas été accosté par une seule femme, et que, par conséquent,
Paris n'est pas la Babylone du péché comme il l'avait cru : comment avait-il pu se l'imaginer ?
Ensuite, il m'a raconté pendant des heures des histoires de ses montagnes, avec
un tel amour pour la nature alpestre, pour les secrets des glaciers - jusqu'à
26 ans, il était pâtre, sur un pâturage élevé, à trois heures de la plus proche
habitation. Il n'était "descendu" qu'une fois, pour son service
militaire. Ensuite, il devint un guide recherché et héroïque. Cet été, il a
fait 59 fois l'ascension du Pic Palu, 41 fois une autre, etc.; et il a gagné
3.000 francs suisses. Mais à Paris, il a dépensé 20 frs. suisses en tout et
pour tout. Quelle âme pure. Cette chasteté - il a 46 ans, n'est pas marié,
parce que son métier est trop dangereux. Son père et ses trois frères se sont
tués en montagne. il sait que cela lui arrivera un jour - mais il accepte la
mort avec beaucoup de simplicité. Le plus bel être humain que j'ai rencontré de
ma vie. Et, comme il parlait des fleurs, des levers de soleil ou du pain !
Ensuite, à Zurich, j'ai
rapidement réglé mes affaires. L'employé que je connais, à la banque, s'est
réjoui de me voir, et a été très content que je lui offre "Jean sans
Terre", - une idée de toi. Je suis reparti l'après-midi et j'ai eu assez
de temps d'attente à Bâle - à cause de la différence entre l'heure de l'Europe
centrale et celle de l'Ouest - pour aller au Musée, où j'ai fait intimement
connaissance avec Konrad Witz, Holbein et Urs Graf.
Lors du voyage de retour
(Bâle-Strasbourg-Metz-Luxembourg) on passe par Schlettstadt : peut-on passer
ainsi tout simplement, à toute vitesse, devant le tombeau de son père ? Je
résolus de descendre, bien qu'il fût déjà 7 h. du soir, pour rendre une visite
nocturne à ce cimetière de légende. Il faut marcher environ ¾ d'heure à travers
des champs et des vignobles. Au ciel étincelait la plus pleine de toutes les
lunes. J'étais parcouru par des frissons de peur, mon ombre m'effrayait. Loin,
à l'horizon, les Vosges argentées. Mais plus j'approchais du cimetière, plus
j'étais épouvanté. Enfin, le grand et vieux mur. Devant, la maison du gardien.
Trois chiens aboyaient, trois êtres humains tout noirs passèrent la tête à
travers la grille. Moi, je me dissimulai derrière des buissons, trouvai
entrouverte la porte qui mène aux tombes, ce qui est étrange, et bondis en
plein mystère.
Je
trouvai sans peine la pierre tombale de mon père, un peu oblique, toute
habillée de lierre, et je restai longtemps à genoux… mais le gardien, ses
chiens et sa famille ne reposaient pas - tandis que je dialoguais
convulsivement avec les étoiles et avec le mort.
Finalement,
ils me trouvèrent et poussèrent de grands cris, dont j'eus honte en présence de
ces ossements. On me traita comme un profanateur de cadavres, comme un
criminel, et le silence ne se rétablit que lorsque je mis un billet de 50 fr.
dans la main de l'homme.
Le
gardien m'avoua que, de toute sa carrière, rien de semblable ne lui était
jamais arrivé. S'il raconte cette histoire à ma famille, on en déduira que je
suis mûr pour l'asile d'aliénés.
Sur
le chemin du retour, la lune commença lentement à pourrir, comme une pomme dans
laquelle on mord, et qui s'oxyde. Des ombres bondissaient sur la vaste plaine.
Une nouvelle forme de peur m'assaillit.
Mais bientôt je perçus le signe
accueillant que me faisait le clocher de Schlettstadt, petite ville typiquement
alsacienne. A vrai dire, c'est d'abord une haute tour carrée qui me reçut, - on
l'appelle la Tour des Sorcières. En bas, se trouve un restaurant. Les repas
d'enterrement y sont quelque chose de particulier, qui réconcilie l'homme avec
la terre. Je commandai un menu fabuleux avec poularde et vin pétillant d'Alsace,
le vin même que mon père aimait tant et dont il avait dans sa cave de pleins
tonneaux, ce qui me remplit d'admiration posthume à son égard. Posséder un
tonneau et descendre, tous les soirs, à sa cave, quel sentiment de richesse
cela doit inspirer !
Pendant
le dîner, la tragédie lunaire était arrivée à son dénouement.
Un
seul hôte était assis près de moi, un authentique Alsacien, avec lorgnons et
redingote ; il mangeait un brochet au bleu. Comme tout cela évoquait ma patrie
!
Vers
10h., l'express doré fila avec un bruit de tonnerre à travers la nuit - passant
devant le cimetière et effarouchant les spectres.
Comme
une journée de 24 heures peut être remplie à éclater, de vivants et de morts,
d'aventures alpines, de frayeurs lunaires, de danses macabres d'Holbein et de
paysages féériques !
Et
seul un solitaire peut vivre aussi pleinement !
Mais
à présent, grâce à cette lettre, toi aussi tu prendras part à tout ceci.
Ton
Yvan
Carte d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 9 novembre 1938
ImsL p.518
Carte d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 10 novembre 1938
ImsL p.519
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Ascona 14 novembre 1938
ImsL p.517/518
à traduire
Paula Ludwig
rentre à Paris début décembre
1939
Claire, Yvan et Paula envisagent de partir au Brésil
mais Claire ne souhaite pas prendre le même bateau que Paula Ludwig
Le 16 mai 1939 Ivan et Claire obtiennent un visa
provisoire de la Préfecture de Police de Paris valable jusqu'au 16 novembre 1939 pour se rendre au Brésil à compléter
*** p.522
Télégramme
d'Yvan rue de Vaugirard, Paris à
Claire Paris 6 10/1/1939 12h40 MST p.243
Metz 6661 - 11 heures 55
Les rythmes de la "Dichterliebe" d'hier me
projetèrent passionnément vers les "Sources de Claire " Ivan
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 10/1/1939 MST p.243/244
Paris, mardi
10 - 1.39
Mon petit coeur douloureux,
Ton
télégramme bleu a mis fin, vers une heure, à cette matinée grise et inquiète.
Il m'a communiqué du sang, du courage et de l'appétit, et je crois donc que je
survivrai tout de même à cette semaine.
Mais
lorsque, ce matin, je t'entendis courir enrhumé, dans ton épais pardessus, vers
le métro (la rue de Condé m'en renvoyait l'écho), je prévoyais naturellement
déjà toutes les formes d'une congestion pulmonaire et je passais les heures à
aller et venir dans le quartier, le visage à l'envers, car il ne fallait pas
songer à travailler.
À
présent, cela va beaucoup, beaucoup mieux, bien que chaque passage à travers ta
chambre nécessite encore toujours toutes sortes de stratégies ; car cela fait
mal, de se voir rappeler un poète par des feuilles de papier vert-espérance,
couvertes de "petits oiseaux ", et par un carnet d'autobus abandonné,
le méchant homme dans le coeur est si bon.
Mais,
Dieu merci, le train est bien arrivé et je n'ai plus qu'à espérer maintenant
que ta mère te gave bien et que tu y contribue activement en mangeant des
gâteaux .
Demain
matin, j'espère taper beaucoup, grâce à ton aide.
Quand tu
iras te promener, ne choisis pas des régions trop solitaires, il y a tant de
racaille, et prends une carne. Et habille -toi chaudement, surtout sur les
épaules, - que je caresse tendrement.
Le merle
était là tout à l'heure et il m'a rajeunie. Bientôt, tu recevras le nouveau
complet marron, qui rajeunira aussi tes yeux bruns et de la sorte, le printemps
finira peut-être par arriver.
Je baise tes
chères mains.
Ta
Suzu
lettre
d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 11 janvier 1939 MST
p.244/245
Metz,
11.1 - 39
Mercredi
soir
Coeur douloureux, toi !
C'est à
toi que revient ce nom, et il faut que tu le gardes, tandis que l'abrupt
Iv ou If me convient plutôt ! Toute la journée déjà, je
voulais écrire cette lettre, mais j'étais comme paralysé et ne parvenait pas à
m'y mettre. Une sorte de grippe me privait complètement de volonté et
d'activité. Après une mauvaise nuit dans la glaciale pièce d'à côté,
j'éprouvais une telle peur de me lever... Seule la salle à manger est chauffée,
et presque trop, en sorte que c'est une entreprise follement téméraire d'en
sortir, pour passer soit dans la cuisine, soit dans les chambres à coucher. On
ne bouge plus de l'endroit où l'on est . Alors, le corps et l'esprit sont
entièrement rouillés. De plus, on est tout abruti par le poêle.
Voilà
que ma pauvre mère s'est imaginée qu'on doive vivre inconfortablement. Mais ces
privations ne sont plus sans lui laisser, à elle aussi, leurs marques : elle a
beaucoup vieilli. Son organisme semble s'épuiser Elle ne dort que trois heures, ses mains
tremblent par instants, elle éprouve souvent un point au coeur - cet hiver l'a
fortement éprouvée. Mais remarque la différence avec ta mère : pas un mot de
plainte, pas une tentative pour améliorer sa situation ; on sera forcé de l'y
contraindre ! Je ne puis la laisser plus longtemps seule pendant ces dures
semaines, pendant lesquelles elle continue à monter elle même, de sa cave
obscure, les seaux de charbon.
Elle
s'est persuadée qu'elle ne peut pas partir, à cause des conduites d'eau gelée
et éclatée : elle se fait l'esclave de ses maisons. En outre, la peur
l'assaille quelquefois dans cet appartement vide. Elle se relève, la nuit, pour
aller voir si tout est bien verrouillé. Dieu merci, la locataire du deuxième
étage va bientôt déménager, à ce qu'elle a écrit.
Malgré
toutes les mesures de prudence, ma mère avait encore une grande inondation dans
son propre appartement. Le soir, à huit heures, l'eau a jailli dans la cuisine.
Elle était tranquillement devant sa radio, et n'a rien entendu. Au bout d'une
demi-heure, le corridor, le salon, et même la chambre où elle se tenait,
étaient inondés, et elle ne s'en apercevait toujours pas. Dieu merci, les
locataires du 3e étage attirèrent son attention en sonnant ; ensuite, elle a
épongé le l'eau jusqu'à onze heures du soir et et de tout cela, elle ne nous
a pas écrit un seul mot !
J'ai de
grands soucis à son sujet. Il faut que je la persuade de venir à Paris le plus
tôt possible. Le climat est épouvantable et elle sort 10 fois pour avoir un
quart de litre de lait.
Cet
après-midi, je l'ai emmenée voir le fils de "Katia ", avec Danielle
Darieux, et elle m'en a été très reconnaissante. Mais, toute seule, elle ne
peut pas y aller ! D'ailleurs, le film est extrêmement mauvais - le principal
interprète est John Loder (l'empereur Alexandre II), un idiot parfait, qui ne
sait même pas parler le français, une bûche avec un beau visage. Après demain,
on donnera " Pension d'artistes ".
Ta
lettre était indiciblement tendre et touchante. Elle m'a donné la force de
recommencer à embrasser plus tendrement ma mère, et de t'aimer. Il faut que je
redevienne fort, pour te venir en aide, et aussi être plus gai.
Demain,
nous allons au Luxembourg, et par ce temps sombre, cela sera passablement
fatigant pour la petite mère.
Nous
t'enverrons une carte de là-bas.
Je te
prends tendrement dans mes bras.
If
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 11/1/1939 MST p.245/246
[Paris, 11. 1. 1939]
Chéri,
Reçu à l'instant ta
petite carte, sur laquelle tu ne parles plus de rhume. Le climat du Luxembourg
va, je l'espère, te rétablir complètement. En revanche, je vais moins bien, du
côté du coeur, je dois continuellement prendre des gouttes, pour pouvoir tenir.
Une nouvelle magnifique : "Marcel Mihalovici termine
actuellement une cantate pour baryton, choeur de femmes, la Genèse, sur un
texte d'Ivan Goll" - authentique entrefilet de presse. La "Corneille" hivernale est arrivée
encore une fois de et m'a apporté la fiche ci-incluse avec la menace de fermer
le gaz dans cinq jours. Je suis inquiète ; ne m'as-tu pas raconté qu'il était
payé ?
Le temps
qu'il fait t'est favorable. Je me réjouis de cette température modérée, en
songeant à ton séjour dans votre maison glacée.
Hier, je
ne suis pas allée à la conférence, j'étais trop malade.
Le livre
de Carrell est d'une grande envergure, n'est-ce pas ? On en oublie les petits
soucis du monde environnant.
Aime-moi
; je le sens très bien quand tu oublies de m'aimer. Pendant ton voyage, j'ai
reçu par deux fois une véritable gifle électrique, - par deux fois, mes
oreilles ont bourdonné follement, c'est ainsi que j'ai perçu le courant de ta
tendresse. Le soleil brille, je dois rester étendue, et ne puis travailler à
rien, j'espère que ça ira à peu près bien, à cinq heures, quand Paolo viendra,
et que je pourrai sortir avec lui.
Je
me jette dans tes bras en fermant les yeux.
Ta
Suzu
lettre
d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 12 janvier 1939 MST
p.246/247
Metz 12
janvier 39
Mon coeur de souffrance,
Ta
lettre de ce matin m'a consumé le coeur. Oh toi, délicate aile de papillon, qui
frémit au moindre souffle ! Plus fragile que la graine du Bouton-d'or : comme
je veux être bon pour toi, te choyer, caresser et aimer...
Ne
crains donc rien, sois vaillante à nouveau, et interdis à ton coeurde te jouer
des tours si lamentables.
Puisque
le tréfonds de ton coeur peut être si fort et si courageux, si virilement
circonspect et pensant, le visage de ton oeuvre semble ressembler tout au plus
à ta tête, mais jamais à ta poitrine.
Je pense
perpétuellement à toi, et tu devrais le sentir, être très tranquille.
Ce
matin, levé à cinq heures, afin de partir à six heures au Luxembourg.
Après
une bonne nuit, ma mère est tout à fait rétablie, tout à fait redevenue ce
qu'elle était, - une femme qui décourage toute pitié.
À
Luxembourg, il y avait tant à faire que nous ne trouvâmes pas une minute pour
t'écrire une carte, et ma mère ne voulait en aucun cas rester jusqu'à midi et
déjeuner là-bas. Le train partait à 11 heures 31. Nous avons parcouru la ville,
au pas de course, jusqu'à la gare.
Comme tu
le penses bien, la magnifique nouvelle au sujet de Mihalovici m'a
profondément réjoui. Mais dans un
journal était-elle ?
Je
quitterai donc Metz samedi à 15 heures 30 et arriverai à 20 heures 15 à la gare
de l'Est.
Pour
Werfel, c'est tout à fait bien. Si tu es fatiguée, ne viens pas à la gare : je
serai près de toi à 20h. 40 , me chargerai de vêtements en cinq minutes, et
alors...
Petite
mère te salue, et ne veut pas encore nous laisser fixer une date pour son
voyage à Paris.
Je
t'effleure, te caresse et t'aime.
Ivan
lettre
d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 3 avril 1939 ImsL p.521 date
à vérifier
....En amour ton
Ivan
à traduire ***
lettre d'Audiberti à Yvan et Claire Goll du
3 avril 1939 ***
Chers amis,
ces
temps derniers, je suis allé deux fois chez vous, vous laissant, dans la
serrure un petit mot. Peut-être n'étiez-vous pas à Paris. Je vous donnais
rendez-vous, et vous n'êtes pas venus. Aujourd'hui, je reçois ce Jean sans
Terre qui aura beaucoup de gloire, qui a beaucoup de grandeur, et qui
m'enchante, car je suis un peu à l'origine, cher Yvan, de cette révolution
prosodique qui s'est accomplie chez toi. Il y a, dans ce "Jean", des
pièces de la plus grande beauté. La première poésie, et ce dernier vers qu'elle
a, "la force de ma religion" me ravissent. "Le mal de
Terre", "Ci-gît Jean s T" sont bouleversants.
Il y a là un ton
particulier, une cadence de fièvre apaisée. Le violoneux juif se mêle à la
ronde villageoise, mais un peu de l'oreille velue ou du pied fourchu dépasse —
mais, c'est peut-être de la corne dorée du luth de David.
Maintenant, une
petite réserve. Les trois premières strophes de J s T veille une morte sont
admirables. Mais je déplore que tu aies écrit : «Hier déesse immortelle / Dont
je fus sacrifié/ Ton cœur et ta cervelle / S'écoulent liquéfiés ». Cela sonne
mal, et les deux premières lignes sont embarrassées. Non ?
Donnez-moi de vos nouvelles.
Pourquoi ne pas se voir mercredi à
midi aux Deux Magots, Yvan ou Claire ou vous deux ?
Bien affectueusement
Audiberti
SDdV Aa57
(237) - 510.299 III
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 4 avril 1939 MST p.247/248
Chéri,
Ta lettre m'a donné
une grande joie : ce qui était entre les lignes et entre les feuillets.
Quelle réception superbe ! On se demande seulement
combien de temps devra durer le poulet. Peut-être la semaine, et la carcasse sera encore servie
samedi en bouillon. Je te vois nettement à la table de fête, louchant sur le poulet et dévorant en pensée
ailes et cuisses ; Ainsi vous vous
faites mutuellement plaisir : l'un offre le rôti et l'autre n'en mange rien.
Plus il en reste, plus tu es rassasié, ô Jean sans chair !
Hier, je
suis allée avec Irma au restaurant chinois de la place de la Sorbonne. La,
c'était superbe.. Près de nous, il y avait Kurt Seligmann avec sa femme et un
intéressant peintre japonais, que tu connais aussi. Ensuite, Kurt Seligmann
nous invita au d'Harcourt et nous fit des récits du monde entier, et Irma fut
enchantée de lui et de sa soirée.
Ci-joint
une lettre : "Mesure et Valeur".
Invite
cet homme chez nous pour samedi ou dimanche soir. Non, pas dimanche, car Adèle
ne vient pas ce jour-là, et l'appartement n'est pas fait.
Quel
temps ! Le Saint-Quentin est sûrement entouré de Niagara !
J'ai
hérité de ton rhume, un rhume méchant et perfide, et comme ça, je ne suis pas
seule.
Ne
m'oublie pas au sujet de Fassnidge !
J'espère
que tu as chaud.
Le
Triolet, son article n'est pas très artistique. Mais j'ai le temps, j'attends
ton retour pour ajouter certaines choses à mon essai sur Rilke. J'y ai déjà
introduit Valéry et ce que Rilke m'a dit de lui.. Je peux encore prendre, dans
une lettre, un passage sur Gide.
Mais n'y
mettre rien de personnel, ça rapetisse tellement tout.
En
toute tendresse,
Ta
Zouzou
lettre
d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 5 avril 1939 MST p.248/249
Ma chère
Zouzou,
J'ai mangé les herbes amères,
j'ai bu le vin rouge et chaud accoudé sur le côté gauche, j'ai chanté la chanson
du cabri poursuivi par le boucher — et la poularde de trois livres, ainsi que
le brochet vert furent excellents. Jamais Maman ne fut plus alerte et plus
heureuse. Je profite de ces quelques journées pour lui consacrer une présence
gaie et chaleureuse, sans lui dire un mot de nos ennuis.
Ta lettre de ce matin m'a fait
grand plais et la soirée Ychou-Séligmann a du être bien attrayante. En ce
moment tu es peut-être avec Audiberti et tu n'oublies pas de lui parler de son
article de la NRF.
Voici encore
100 fr. pour la réception des Fassnidge vendredi. Je pense rentrer, comme
convenu, samedi soir à 20h15 où tu devrais venir me prendre à la gare.
J'invite Lion
pour dimanche soir à dîner : es-tu d'accord ?
La soleil
enchante la vallée de la Moselle et je m'apprête à monter au St Quentin, d'où
je t'envoie une branche de cerisier fleuri
ton
Yvan
lettre de Rebecca à Yvan 20 avril 1939
Metz le 30 avril 1939,
Mes
bien Chers,,
J'ai bien reçu ce
matin vos bons souhaits de fête et ainsi que le superbe sac que vous m'avez
adressé ; grand merci mais vous avez fait trop bien les choses. Le sac est trop
beau ! je serai fière de m'en servir. Oui, comme le disait ma lettre d'hier
j'ai cru revenir au reçu du télégramme et je demande à Dieu de n'avoir pas à
regretter cette résolution. Ce matin j'ai fait comme je te l'avais dit un
nouveau ballot, que je pense expédier à Dinard, il contient duvet, couvertures,
manteau de fourrure, et quatre draps... qu'en penses-tu ? Ici on est perplexe,
et on se demande s'il faut quitter son chez soi où on est si bien ? Espérons
que d'autres nouvelles nous permettront de ne plus vivre dans une anxiété
perpétuelle afin d'être plus tranquilles et de jouir du beau printemps que nous
avons par ici. Encore une fois grand merci pour vos bonnes intentions et
recevez tous les deux mes tendres baisers
Rifka
P.S.: Gaby sort d'ici elle vous envoie
ses compliments
Lettre de Rebecca à Ivan 23 avril 1939
Metz
le 23 avril 1939,
Mon
Cher Mig,
Tu seras peut-être
quelque peu surpris de recevoir la présente mais ayant quelques détails
financiers à te faire savoir, je n'attends pas à te les communiquer de suite :
il se trouve dans le paquet que tu sais, deux obligations Arbed à cinq et quart
n° 7783 - 1190 de 150 dollars qui d'après la rubrique du journal que je te
joins à la présente sont remboursables entre le 20 et le 30 avril donc
incessamment . Veux-tu donc faire faire le nécessaire afin que ce remboursement
ne soit pas périmé, le délai de présentation étant si court.
J'ai omis
dans ma dernière de répondre à ta question au sujet de 6.000 francs , il est
inutile de les déposer au Crédit Lyonnais à mon compte. Conservez-les, ce sera
une provision pour les prochains mois.
Ne voulant pas te
gâter la joie que tu éprouvais à m'offrir un si joli sac, je n'ai pas cru
devoir te dire dans ma dernière qu'à l'intérieur de ce bel objet, le fermoir
intérieur de la poche de moire était tombé au fond de cette pochette : comme
c'est un objet de prix, passe à la maison d'où il vient et préviens-les de ce
défaut. À l'occasion, tu le reprendras pour qu'ils en fassent la réparation.
Je
regrette de te procurer cet ennui mais le sac est tellement beau, il serait
regrettable que déjà la pochette ne puisse se fermer.
J'aime à croire que
Claire et toi vous vous portez bien , ici le calme est relatif et on espère
toujours. Faites-en autant de votre part et en attendant vos bonnes lignes,
recevez tous les deux mes affections bien tendres
Rifka
P.S. j'ai reçu hier la réponse que tu as écrite au sujet
des Modderfenten, elle se compose d'un chèque de L 1.4.10 me revenant
Arbed : le bilan qui sera présenté à l'assemblée 28
courant fait ressortir un bénéfice de 40 millions luxembourgeois contre 93
millions dont 5 % soit 2 millions contre 4 millions seront affectés à la
réserve légale 40 millions contre 80 millions à la répartition aux dividendes à
160 francs luxembourgeois contre 320 brut et 4000 contre 9000 aux allocations
statutaires (anciennes gratifications)
La société rachètera toutes les obligations de l'emprunt
dollars US à 5 1/4 % 1927 encore en circulation et qui lui seront présentés du
20 au 30 avril prochain : inclus coupon n° 26 attaché échéance juillet 1939 aux
conditions suivantes : par obligation de 600 dollars il sera payé net 23.000
francs luxembourgeois ou 28.750 francs belges et par obligation de 150 dollars
il sera payé net 5.750 francs luxembourgeois ou 7.187,50 francs belges.
Lettre de Rebecca à Yvan 5 mai 1939
Metz le 5 mai 1939,
Mon
bien cher Mig,
à copier
lettre de Rebecca à Yvan 5 mai 1939
Metz le 5 mai 1939,
Mon
bien cher Mig,
à copier
Le 16 mai 1939, Yvan et Claire Goll obtenaient des titres d'identité et
de Voyages de la préfecture de Police de
Paris valables jusqu'au 30 novembre 1939 pour se rendre au Brésil.
lettre de Rebecca à Yvan 19 mai 1939
Mon
bien cher Mig,
Ton épître est
toujours reçue avec un nouveau plaisir ; ainsi que le fragment du journal que
tu y as joint.. Tous mes compliments pour la rédaction de ton article, qui
cette fois, est de beaucoup supérieure aux précédents, et j'ai éprouvé une
grande surprise en jugeant des progrès qu'avec le temps tu acquiers : continue
. Inutile de te dire que je serai à l'écoute le 30, et je me réjouis de pouvoir
t'applaudir, même d'ici. Je puis t'annoncer la nouvelle que Gaby a loué son
appartement, ce n'est pas d'elle que je le tiens ; voilà quinze jours que je
n'ai vu le bout de son nez c'est au café qu'on le raconte et qu'ils quittent
Metz complètement pour rejoindre Vichy où ils vont fin du mois, pour habiter
Paris. Le temps est jusqu'alors très défavorable, il a encore plu ce matin à
torrents, l'après-midi semble vouloir être sec ; avec cette humidité il fait
très frais, presque froid. Ce n'est guère le temps de schevouoth qui se
célébrera mardi soir. J'espère aller au temple comme de coutume d'ailleurs,
espérant
que Claire et toi vous portez bien, recevez ici mes baisers les plus affectueux
Rifka
lettre de Rebecca à Yvan 26 mai 1939
Metz le 26 mai 1939
Mon
bien cher Mig,
Les fêtes terminées je m'empresse de te donner de mes
nouvelles, elles se sont déroulées comme de coutume, je suis allée au Temple où
l'office ne s'est terminé qu'à 11 heures 50, c'est dire si les matinées étaient
occupées, les deux. L'après-midi je suis donc allée à Montigny ; Alphonse est
souffrant, garde le lit j; e veux espérer que cela se dissipera comme c'est
venu, tout à fait subitement : les premiers symptômes m'ont beaucoup allarmée,
mais il semble que cela ne se reproduise ( il a vomi du sang) hier il était
beaucoup mieux. Je ne doute pas que tu sois très occupé à la veille de la
présentation de ta pièce. Inutile de te souhaiter bonne chance. Avec toi je
serai heureuse de venir passer un moment parmi vous. Je comblerai ainsi ma
solitude, entourée de vos gentillesses. Je vous suppose Claire et toi en bonne
santé et très pris. Chez moi grâce à Dieu je me porte bien
Recevez
tous les deux mes bons baisers
Rifka
Le 30 mai 1939 diffusion de Georg Kaiser : Du matin à minuit (adaptation radiophonique en 7 tableaux d'Ivan Goll sur Radio Paris (Yvan Goll), présentation de Pierre Descaves)
Le
texte de cette adaptation, 77 pages, l'exemplaire de Jacques Baumer qui jouait
le rôle principal, est à la Bibliothèque
de l'Arsenal référence: 4- YA 2734 Rad. Du matin à minuit.
lettre de la maman d'Yvan (non datée) est-elle de 1936 ou de
1939 ?
Jeudi soir,
Cher
Mig
Ta
lettre reçue ce matin m'a complètement atterrée en la lisant : Que l'on te
faisait une proposition, tu m'en avais touché un mot ces temps derniers, mais à
laquelle je n'ajoutais aucune importance;
Aujourd'hui,
tu sembles emballé, cette nouvelle et ton emballement m'ont atterrée à tel
point que j'ai cru sentir la terre s'entrouvrir et m'engloutir : Songes donc
que je n'ai que toi et ne vis que pour toi. Je suis sortie de cette stupeur
toute anéantie, ne pouvant plus ni causer ni respirer c'est à dire que j'ai
ressenti une syncope. Est-ce possible que je devrai survivre à cette nouvelle
catastrophe, moi qui ne vis que de ta présence, lorsque tu me quittes, je supporte
le temps jusqu'au moment de te revoir et je ne vis que dans cet espoir: te
revoir. Enfin s'il m'est donné de supporter une nouvelle épreuve Dieu seul sait
si j'aurai le courage d'aller jusqu'au bout sans fléchir. Ce traître de Daniel
m'a déjà tuée à moitié, je ne suis plus que l'ombre de ce que j'étais et
j'aurai à supporter l'autre moitié : en
suis-je capable ?
On fait miroiter à tes yeux les 3000 Francs
mensuels mais la moitié ne t'est-elle pas assurée et plus ici, sans compter les
surplus* ? c'est cela qui t'enchante. Mais je suppose que tu vas réfléchir et
songes aussi que depuis quelque temps ta santé laisse à désirer. Claire de même
est souvent patraque as-tu aussi réfléchi si le climat vous sera favorable ? au
pays déjà vous n'êtes costauds qu'à demi, que sera-ce au Brésil ? Si vous êtes
malades, les 3000 Francs seront vite volatilisés et là-bas je ne vous viendrais
pas en aide et qu'est-ce cette somme pour s'expatrier ? Quant aux 4000 F
envoyés, ce n'est même pas suffisant pour la traversée à deux.
Enfin, réfléchissez bien, et
donnez-moi vite un mot qui me sorte de l'angoisse, qui me rassure et qui me
confirme que c'est à tort que tu t'es emballé.
Ta mère qui n'a que toi et qui t'embrasse de tout son
cœur
Rifka
* Rebecca versait 1500 Francs
mensuellement à Goll et faisait face aux imprévus
Saint-Dié 510.340
Rebecca est venue à
Paris chez les Goll du 7 au 30 juin 1939
lettre de Rebecca à Yvan 4 juillet 1939
Metz le 4 juillet 1939,
Mon
cher Mig,
Tu seras
peut-être surpris de recevoir la présente mais dans notre région règne le
pessimisme en plein,. Je viens te demander si je ne devrais pas préparer ce
que j'ai de plus précieux et songer à aller vers à climat moins frontières
? Justine m'engage fermement à partir avec eux. La date de leur départ d'ici
est fixée au 13 juillet. Il quitteraient Metz à 12 heures 08 pour arriver à
Paris à cinq heures ,coucheraient àParis et partiraient vendredi quatorze à 12
h gare Montparnasse pour être le soir à Dinard. Dis-moi ce que tu penses à ce
sujet. Je suis perplexe, certes je pensais rester chez moi et ne partir qu'à la
rigueur, mais m'entêter n'est peut-être pas intelligent ? Ici la vie continue.
Les fraises coûtent 2 francs 50 au
détail, 2 francs par panier et la salade trois têtes pour 1 franc, les légumes
en général très abordables. J'ai bien retrouvé mon couteau dans mon sac noir. À
l'occasion je te remettrai le tien, utile pour éplucher les légumes. Comment
vous portez-vous chère Claire ? Votre malaise est-il disparu avec le régime
sévère? Chacun était heureux de me revoir et j'ai retrouvé mon clan au complet.
J'espère avoir le plaisir de te lire bientôt. Dans cette attente recevez tous
les deux mais baisers bien affectueux
Rifka
lettre de Rebecca à Yvan 10 juillet 1939
Metz le 10 juillet 1939,
Mon
cher Mig,
Très
surprise de ne pas avoir eu de réponse à la lettre que je t'adressais au reçu
de la tienne. Je suppose que la présente se croisera avec la tienne et que
malgré ce silence, rien de fâcheux ne s'est produit parmi vous . Je viens de
relire ta lettre : oui , je suis d'avis de vendre tous les Reichsbank et ne pas
racheter de valeurs allemandes ; car comme tu le dis bien, on ne peut compter
sur cette sorte de citoyens qui n'ont aucune parole. Quant au réemploi, je
supposais se vous voir arriver bientôt et de vive voix on en aurait causé.
Avez-vous décidé votre voyage ? Est-ce celui de Challes qui sera le premier ou
celui de Metz ? Autant de demandes de ma part. Chez moi grâce à Dieu, la santé
se maintient. Justine m'engage beaucoup à les accompagner à Dinard, moi, si
tout reste au calme je préférerais rester ici. Certes s'il le fallait je
n'hésiterais pas à quitter mais la situation n'est ni meilleure ni moins tendue
: j'attends. Espérant te dire et recevoir quelques réponses à mes demandes,
recevez tous les deux, Claire et toi, mes baisers les meilleurs
Rifka
lettre de Rebecca à Yvan 18 juillet 1939
Metz
le 18 juillet 1939,
Mes chers Claire et Mig,
J'ai été
quelque peu surprise en recevant ta missive hier, en lisant, que votre voyage
ici n'était pas encore décidé. Je veux supposer cependant que ce ne sont pas
des raisons de santé qui vous obligent à ne rien préciser encore chère Claire.
Inutile de vous dire que je serai très heureuse de vous posséder ici et que le
changement de climat ne pourra, je crois que vous être favorable à tous les
deux, la température est plutôt douce en ce moment
T'ai-je
dit, cher Mig, Edgar est venu m'inviter
à la,Brasonila, mais pour raisons de santé, elle n'a pas eu lieu . Pour être
agréable à Gaby, j'ai été samedi faire ma visite officielle. Elle est donc
repartie ce matin pour Vichy, où elle attend tout son monde là-bas J'espère que si toutefois vous ajournez votre
séjour ici à courant fin juillet ou août, vous m'en prèviendrez aussitôt que
vous-mêmes en serez fixés, ce qui je suppose ne tardera pas.
A bientôt
donc chère Claire et Mig, recevez en attendant mes baisers bien affectueux
Rifka
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 1 août 1939 ImsL
p.522/523
lettre d'Ivan Goll Paris à Paula Ludwig Paris 2 août 1939 ImsL
p.523/524/525
lettre de Rebecca à Yvan vendredi 4 août 1939
Vendredi 4 août 1939
Mes bien Chers
Votre mot
reçu hier m'annonçant votre arrivée prochaine pour lundi 7 m'a fait le plus grand plaisir et je me réjouis de
vous revoir surtout Claire en meilleure santé s'il plaît à Dieu. Vous n'avez
rien à regretter de ne pas être à Challes , jusqu'alors le temps des plus
variables (il pleut si souvent) ne vous procurerait qu'une villégiature relativement
agréable. Espérons que ces jours prochains vous nous apporterez le beau temps, c'est-à-dire le temps de la saison.
Donc, convenu votre arrivée pour 12 heures 05 gare de Metz , je crois ? En cas
de contre-ordre, un petit mot s'il vous plaît ce que je n'espère pas. À bientôt
donc
en
attendant, recevez mes bien affectueux baisers R
Rifka
P.S. : l'épaule de mouton est à 9 francs ici, donc cher Mig, ne t'en embarrasse pas. Quant
aux questions Reichsbank , je crois que verbalement on décidera plus facilement
lettre de Rebecca à Yvan dimanche 6 août 1939
Metz, le 6
août 1939
Mon cher Mig,
Je viens
de recevoir ton mot m'annonçant un retard de quelques jours pour votre voyage
en Lorraine. Je conçois fort bien que chère Claire hésite à quitter son home si
sa santé est encore chancelante, car malgré le confort que l'on peut trouver
dehors, on n'est pas chez soi. À dire vrai j'ai eu une petite déception parce
que, votre arrivée était annoncée pour lundi et comme les magasins sont fermés
à-demi, j'avais dû songer à quelques achats, qu'à cela ne tienne. Mais je tiens
à te faire remarquer que le délai du 15 août expire la possibilité de
l'arrangement Reichsbank, donc en conséquence renseigne-toi au reçu de la
présente chez les banquiers allemands, d'abord à Zurich ensuite à Luxembourg
pour connaître le prix de la liquidation des 22 restants.. Car sache que la
première vente a été très déficitaire mais je crois que tu ne vois pas de même
que moi à ce sujet. Donc entendu, écris de suite aux maisons citées plus haut
afin que notre revente n'arrive pas après coup.
Bons baisers en attendant de vous revoir ,Rifka
P.S. : Donc agis de suite
À te faire remarquer à partir du 12 les Bourses sont
fermées.
Je suis très désireuse de faire le
transfert entre question le plus vite possible
Yvan et Claire
auraient dû arriver à Metz lundi 7 août à 12h05 mais voyage reporté
Le 8 août un télégramme de Metz annonce à Yvan une fracture du fémur sa
mère. Goll arrive par le train de nuit.
lettre
d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 9 août 1939 en français MST p.250/251
Metz 9 août
1939
[mercredi]
Mon cher Ange,
Ce que j'ai vu
ce matin en arrivant brise ma vie. Maman s'est brisé le col du fémur. Je crois
que c'est très grave. Non point douloureux, ni dangereux en soi, mais
incollable, il me semble.
Le médecin que
je suis allé voir dès 9h. que la première et la seule chose, à peu près à faire
: est de rester immobile !
Rester
immobile, pour ma mère, qui avait le sang d'un salamandre, toujours vive,
toujours active. Ne plus courir pour elle va être la plus pénible des épreuves.
Clinique : le
médecin, elle y avait pensé ! Le médecin m'a dit que le vrai danger de ces
cassures fréquentes chez les vieilles femmes, c'était le brusque changement de
vie active et trépidante en immobilité forcée. Ça doit être insupportable. Elle
qui courait comme une belette pour une chopine de lait ! Il y a danger de
pneumonie après quelques semaines, pour des poumons qui ne s'essoufflent plus,
qui ne travaillent plus.
Voilà comment
c'est arrivé, le plus bêtement du monde: lundi, déjà à 2h., elle est tombée
dans sa chambre devant son armoire à glace. Et que fit-elle ? Elle n'appela au
secours, mit un quart d'heure pour se relever, puis se traîna, devine où, au
lit ? Non, au Café Excelsior ! Ses amies la ramenèrent en taxi et appelèrent le
médecin, qui ne se prononça pas sur le champ, mais il l'a fit radiographier
hier matin, là se révéla la cassure.
Eh bien non, la
clinique est une formule trop commode. La mettre entre des mains étrangères.
Alors qu'aucun soin, aucun médicament ne sont applicables ! Simplement
immobilité. La solitude là-bas aurait pour elle un effet désastreux : sans
appétit, sans consolation. Alors qu'un fils est là et n'a rien à faire qu'à
aller se promener à Challes.
Donc j'ai
décidé de rester auprès d'elle, secondé par une femme de ménage. Dans ces
conditions, que vas-tu faire ? Ton séjour dans cette maison sens dessus-dessous
va être des plus misérables.
Si tu allais
seule à Challes, au Château, tant pis. Je ne vois d'ailleurs pas d'autre
solution : plus question pour moi de m'y rendre.
Enfin,
réfléchis, réfléchissons.
Je commence
déjà à expier mes années insouciantes, pourtant pas tellement gaies : voici
d'abord les maladies des proches, puis suivront les miennes.
Je suis sur
l'autre pente.
J'agite vers
toi mon mouchoir en descendant ton
Yvan
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 9 août 1939 ImsL
p.523/524/525
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 9 août 1939 MST p.251
9
août 1939
Chéri,
Je
suis très bouleversée. La pauvre maman ! Elle qui était toujours si
alerte. ! Une des fractures les plus
graves ; comment guérira-t-elle, et quand ? Un bon médecin l'a-t-il
radiographié ? Est-elle dans le plâtre ? S'il te plaît, dis-lui qu'après sa
guérison, il faudra absolument qu'elle vienne vivre avec nous. Nous ne la
laisserons plus seule dans cette maison sombre. Sans doute, pour l'instant,
elle devra rester étendue de longs mois. Mais, rue Dupont des Loges, il manque
les conditions d'hygiène élémentaires pour un bon traitement. Elle serait
beaucoup mieux dans une clinique. Quel souci pour nous tous, mon pauvre petit
garçon !
J'ai
reçu ton télégramme alors que je revenais de l'ambassade américaine; le
vice-consul m'avait priée par lettre de venir avec les passeports. Il
m'expliqua aimablement que, le jour où nous apporterions les billets, nous
obtiendrions les visas. Certainement, mais aussi les formulaires blancs; il
faudra tout recommencer depuis le début. Enfin, cette question de notre destinée
est maintenant totalement résolue.
J'espère
recevoir bientôt des nouvelles détaillées de toi et de l'accident.
J'ai
voyagé avec toi, sans sommeil, toute la nuit. Mon petit garçon aimé, je te
prends tendrement dans mes bras et je vous embrasse tous les deux, bien des
fois.
Zouzou
Paula Ludwig à
Paris à
Ivan à Metz : lettre du 10 août 1939
*** IsmL p.526/527/528
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 10 août 1939 MST
p.251/252/253
Jeudi
[Paris
10. 8. 39]
Bien-aimé,
Tu
ne peux pas t'imaginer de quelle pitié profonde me remplissent ces nouvelles de
ta mère. Je remarque à présent aux sentiments que j'éprouve, qu'elle m'est
(malgré tout) beaucoup plus proche que je ne le pensais. Et je voudrais que
tout soit fait pour lui alléger cette longue épreuve.
Naturellement,
tu resteras près d'elle, et je devrai donc me rendre seule à Challes.
Néanmoins, j'aimerais auparavant lui faire une visite. Cela me paraît
inévitable, et ce ne sera pas de ma part, un geste conventionnel, mais un geste
parti du cœur; il est inutile que ce soit un long séjour, mais je suis certaine
que, si pareille chose m'arrivait, elle viendrait me voir. Mais, veux-tu
réellement la laisser étendue pendant des mois dans sa sombre chambre, comme au
Moyen-Age ? Tu peux prévenir la congestion pulmonaire dont elle est menacée, en
l'installant dans une maison de santé, avec jardin. En outre, une fracture ne
peut guérir que lorsqu'elle a été réduite par un chirurgien, car sinon, à
chaque mouvement (même inconscient pendant le sommeil), les muscles en jeu
déplacent les parties osseuses en contact. Voir le Larousse Médical :
"Dans certaines fractures, celles de la cuisse notamment, pour lutter
contre l'action des muscles fléchisseurs qui tendent à faire chevaucher les
fragments, on pratique l'extension avec certains appareils dont les plus usités
sont les appareils de Hennequin, de Heitz-Boyer et de Tillaux. Dans certains cas, il est nécessaire de
recourir à l'anesthésie pour permettre la réduction exacte des fragments."
Cependant, notre Larousse est de l'année 1912, et de nos jours, un grand
chirurgien s'y prend sans doute d'une autre manière. C'est ton devoir d'en
consulter un immédiatement et de lui faire examiner Maman. Car chaque fois
qu'elle urine, etc....les fragments d'os se déplacent. Comment cela pourrait-il guérir sans être
artificiellement immobilisé ? En outre : il faut qu'elle soit frictionnée,
massée tous les jours, pour éviter une atrophie des autres organes. Agis
donc conformément à ton époque et non à la sienne ! Si tu la laisses
ainsi couchée, elle mourra prochainement. Lorsqu'elle sera dans le plâtre ou
dans un appareil, on pourra l'emmener de Metz en ambulance (mais naturellement
pas, telle qu'elle est maintenant). Car enfin, tu ne peux pas la laisser périr
sous les balles de Hitler.
Pense à la femme de Lindner, qui
fut, elle aussi, après sa fracture de la hanche, si abîmée par un charlatan
gênois, parce qu'elle alla trop tard chez Sauerbruch. Dans ces cas-là, il faut
agir dès les premiers jours. Si son passage à l'Excelsior n'était pas aussi
triste, on serait forcé d'en rire.
Ne te plains pas. Némésis, dans
la mythologie, ne poursuivait pas seulement les parjures. Ne m'as-tu pas juré,
l'an dernier (comme il y a une semaine), sur la vie de ta mère, de ne plus voir
P. L. ? Ta santé et la sienne dépendaient de tes actes. Pourquoi restes-tu ici
? Le démon de P. L. nous a apporté en un
an, beaucoup de malheur. Ma maladie de cœur, les passeports, l'épuisement de ta
mère. L'ombre de cette femme est très noire. Que Dieu lui pardonne !
Je suis toujours avec toi, je
t'embrasse ainsi que Maman.
Zouzou
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 11 août 1939 ImsL
p.529/530
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 11 août 1939 MST p.253
[Paris
vendredi 11. 8. 39]
Cher coeur,
Un triste
matinée : pas de lettre de toi, temps gris,
mauvaises nouvelles. Avant-hier chez Chardonne, Delamain aussi bien que Müller
ont refusé à cause de la forme épistolaire du roman *. Il m'a conseillé de
l'offrir à Plon, qui pourrait plus facilement l'imprimer à frais d'auteur,
puisqu' il a sa propre imprimerie., Poupet, qui part ce soir, me reçoit le
matin à 11 h. Suis complètement découragés et sans force. Mon coeur s'arrête.
Voici un
formulaire de la Société des Auteurs, qui est à remplir.
Toutes
les personnes à qui je raconte l'accident de ta mère sont d'avis qu'avec une véritable
fracture, on ne peut pas faire trois pas, encore moins aller jusqu'à
l'Excelsior. Il faut que le médecin 'ait "monté un bateau", dit
Monsieur Henry. Et sa femme m'a raconté que son grand-père, s'étant brisé le
fémur à quatre-vingts ans, ne put plus faire aucun mouvement, fut tout de suite
mis dans le plâtre, et survécut encore huit ans, après que la fracture eût été
guérie en six mois. Il ne peut donc s'agir chez Maman que d'une fêlure ou de
quelque chose d'autre.
Consulte
donc un chirurgien ! Envoie-moi les petits oiseaux de ton écriture ; si demain
matin je ne les trouve pas sous la porte, je pourrai difficilement vivre tout
le jour.
En
tout amour.
Ta
Zouzou
* Il s'agit du roman "La passion selon Jean" , écrit et
dactylographié entre janvier 38 et juillet 39 qui sera publié à New York aux
Editions de la Maison Française en 1941 sous le titre "Le Tombeau des
amants inconnus".
lettre de Claire à
Paris à Ivan Goll à Metz 11 août 1939 MST p.254
[Paris
11. 8. 39]
Petit
coeur,
Trouvé à l'instant ta lettre, comme je revenais de chez
Plon. Le meilleur remède pour mon coeur malade. Tout de suite, ça va mieux. Je
ne pourrais sans doute plus tenir longtemps dans l'appartement. Le mieux serait
que j’aille vous rejoindre. Peut-être dimanche, ou lundi ? Que conseilles-tu ?
Ne cherche pas querelle au destin !
Maman aurait pu se blesser encore bien plus gravement. L'essentiel, c'est
qu'elle ne souffre pas physiquement. Déjà une grande faveur. N'a-t-on toujours
pas consulté un chirurgien ?
Ai téléphoné tout à l'heure à
Mihalovici, mais il n'était pas là. J'essaierai plus tard
Poupet ne voulut
rien savoir du compte d'auteur. Il dit que Plon ne le fait jamais et que
j'aurais ainsi encore moins de chances d'acceptation. Réponse à la rentrée.
Par contre, Chastel, à qui j'ai
téléphoné, a été ravi des imprimés offerts aux frais de l'auteur. Dès que le
comité de lecture se réunira (début septembre), il fera lire le manuscrit en
premier lieu et me fixera alors, cinquante manuscrits attendent déjà ce comité
de lecture. En encourageant !
Je tourne de-ci de-là, et je te vois
surgir dans tous les coins, "le Lorrain volant", "Jean sans
Terre", et je suis triste comme un petit chien qui a perdu son maître. Je
me tiens debout dans ces coins, attends, écoute à la porte si tu ne viens pas :
un peu égaré et mouillé de pluie. Je n'ai pas encore appris, depuis vingt ans,
à manger sans toi, à rire et à vivre sans toi. Il est maintenant trop tard pour
l'apprendre. L'école fermera bientôt.
Je t'aime,
que Dieu me vienne en aide, je ne puis faire autrement.
Ta Zouzou
lettre
d'Ivan Goll à Metz à Claire Paris 12 août 1939 en français MST p.254/255
Metz 12 août
1939
10H.
du matin
Mon Angelette,
Ta
lettre m'a fait beaucoup de peine ce matin. Cet échec chez Stock est bien
pénible. Et tes autres démarches me laissent rêveur..
Aussi ne prolonge pas
inutilement en séjour à Paris. Tu vas devenir tout à fait neurasthénique. Fais
immédiatement et mâle et pars.
Si tu te décides de Metz, c'est demain à 13 heures 35
mais réfléchis encore : tu vas de nouveau perdre ici des journées précieuses.
Et quelles fatigues : déballer, remballer.
Quand partiras-tu pour Challes ? tu sais que vers le
vingt-quatre, tes journées rouges reviennent.
Il faut
que tu y sois avant. Sans cela, ce serait le 1 septembre, bien tard.
Puisque tu descendras au Château, autant y aller tout de
suite. Tes préparatifs sont les mêmes. Ensuite tu reviendrais par Metz. Maman
ne t'en voudra pas.
Avec
cette tension politique, ne vaut-il pas mieux en finir immédiatement avec
Challes ? Le 28 août, les nuages recommenceront à s'amonceler.
Voici
encore 150 francs pour ton voyage. Ton train pour Chambéry part à 7 heures 30
de la Gare de Lyon, et arrive à 15 heures 40
Prends
un billet aller et retour valable quarante jours, en 2 ème cela doit coûter 350
francs.
Peut-être,
lorsque tu auras fini ta cure, Maman ira mieux, et nous pourrons songer à faire
ensemble un grand voyage.
Prends
courage, je sais qu'il est difficile de partir seule, mais il le faut cette
fois. Il en serait de même dans huit jours, si tu devais partir d'ici.
Pas de
sentimentalité. Inutile de faire une visite de convenance à Maman, elle t'en
dispense.
C'est
d'ailleurs moi qui aurai eu le plus à souffrir de ton absence, je ne peux pas
bouger de la maison, de peur qu'on sonne : le médecin ou une visite... Tantôt,
c'est le vase de nuit qu'elle demande, tantôt du café...
Dans ces
conditions, tu partirais donc lundi matin.
J’espère
que cette lettre te parviendra encore ce soir +, je la porte à la gare pour le
train de midi
Mais
enfin à une tu décideras toi même.
Télégraphie-moi
ta décision.
Je
t'embrasse
Ivan
+ Non, elle ne peut en aucun cas te parvenir ce soir ;
c'est pour cela que j'envoie le télégramme de 11 heures 30, afin que tu fasses
tes préparatifs.
.
lettre
de Claire à Paris à Ivan Goll à Metz 12 août 1939 MST p.254
[Paris
samedi 12. 8. 39]
Très cher,
Reçu ta lettre ce matin et ton
télégramme vers 1 H. La visite du second médecin est très rassurante, bien que
je ne crois pas non plus que quatre semaines d'immobilité suffisent, pour
guérir une fracture à cet âge là.
L'argent
me fait grand plaisir, car je vais encore aujourd'hui chez le coiffeur (toute
ébouriffée comme je le suis de nouveau), et j'ai aussi acheté un costume de
bain, étant donné que j'ai l'intention de partir lundi pour venir vous rejoindre.
Challes
est maintenant impossible. Jusqu'au 25 août, toutes les mansardes du Château
sont retenues à des prix élevés. Je sais cela d'expérience. Et aussi, je hais
l'animation. Il s'agit donc d'attendre un peu. Si je ne télégraphie plus,
je serai partie lundi à 1h.35; viens alors me chercher à la gare.
Aujourd'hui
est arrivée La Revue du Rhin avec la critique et avec ton poème "La
Cathédrale de Strasbourg", si beau qu'il m'a arraché des larmes.
Quelle
grandeur digne de Villon dans la tristesse, et cette fin :
Et
je réclame
Ton
doux baiser
Grande
Madame
Pour m’apaiser
Quel grand poète tu es ! et
comment ne t'aimerais-je pas !
Ton
éternelle élève t'embrasse avec fierté et admiration
Zouzou
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 14 août 1939 ImsL
p.530
lettre d'Ivan Goll Metz à Paula Ludwig Paris 21 août 1939 ImsL
p.531/532
lettre d'Ivan Goll à Paula Ludwig Paris 25 août 1939 ImsL
p.533/534
Télégramme d’Ivan à sa mère 25 août 1939
Madame Kahn
Clinique
l’Espèrance
Rempart
Thiebaut
Metz
Espoir attends un jour pour évacuation Patrons hélas
Adieu
Mignon
Ivan à sa mère, à bord du Veendam 25 août 1939
Veendam
En
rade à Southampton
Ma chère Rifka,
J’ai été arraché à cette terre lorsque le bateau partir du port d’Europe.
Que
va-t-il advenir à cette merveilleuse France ? Et je pense à toi, chère
maman, qui peut-être aujourd’hui samedi, as fait un voyage infernal pour te
plonger dans la paix d’un autre havre ?
Je pense à toi, je pleure, je suis
si triste – et je voudrais déjà tant pouvoir revenir !
Vers toi , dans tes bras !
Dans 4 semaines, s’il n’y a pas la
guerre .
Il faut l’espérer, des journaux le
disent encore ce matin . et mon cœur le crie.
Je t’embrasse bien fort !
Je t’aime, maman !
Excuse mon départ, il le fallait.
Puisqu’il me fût possible !
Bonne santé ! Grand courage !
A bientôt
Ton chéri
Mig
Et Claire t’embrasse en
pleurant
SDdV
510.311 F
25 août 1939 : Ivan et Claire Goll
quittent la France depuis le port de Boulogne à bord du Veendam, bateau
Hollandais qui les mène à New-York le 6
septembre 1939.
Paula Ludwig devait partir fin août au Brésil où
vivait sa sœur Martha et Nina Engekhardt
lettre d'Ivan Goll Southampton à Paula Ludwig Paris 26 août 1939 ImsL
p.534/535
à traduire **
lettre d'Ivan Goll New-York à Paula Ludwig Paris 13 novembre 1939
ImsL p.535/536
à traduire **
Du 13 au
16 novembre Yvan et Claire essayèrent d'obtenir leur changement de visa auprès
du Consulat Général de France à New-York mais ils restèrent ensuite sans
à préciser après traduction
lettre d'Audiberti à Claire Goll
datée 11/12/1939 [à vérifier]
Chère, chère amie,
J'arrive de Marseille, je repars
pour Marseille, mais; entre temps, je trouve votre télégramme, et je connais
toute ma honte et tout mon remords. Pardonnez-moi, Claire, de ne plus pouvoir
aimer, comme ils le méritent, et comme je le mérite, mes amis. La vie, de plus
en plus, m'apparaît atroce.
Comment jamais
plus pourrons-nous tirer quelque joie de nous-mêmes et de ceux que nous aimons
quand des créatures à notre ressemblance, avec un corps comme le nôtre,
souffrent ce qu'on souffert les incendiés de Marseille et les malheureux de
Berlin et de toute l'Allemagne. Je suis si faible et si petit. Je ne puis rien.
Je ne puis qu'augmenter, par ma propre détresse, le niveau de l'émotivité
générale, l'aptitude du monde humain à la souffrance.
Je sais votre tendresse, Claire, et
combien mes silences, mes absences ont pu vous sembler peu amicales. Je suis
pris, déchiré, tenaillé - par les besognes, la famille, ce terrible sommeil
toujours insatisfait, ce poids d'organes et de grippe. Mais rien ne saurait me
faire oublier mon amie, ma très grande amie Claire
Jacques
SDdV Aa54
(232) - 510.299 III
[1] Chanson des Pêcheurs et des Goujons
[2] 7 mars, plébiscite : 99 % des allemands approuve la politique d'Hitler, le jour-même où le
Führer, dénonçant le pacte de Locarno, fait pénétrer les troupes de la
Wehrmacht dans la zone démilitarisée de la Rhénanie.